Il y a deux ans, j’ai déjà eu le mauvais goût de rappeler, au beau milieu du concert de déplorations suscité par le sort d’Ingrid Betancourt, qu’il y avait bien d’autres otages, en Colombie comme ailleurs dans le monde, vers lesquels nous aurions pu porter nos lamentations et nos démarches. En effet, lors de son enlèvement, non seulement elle avait témoigné la plus grande imprudence, faisant fi de tous les conseils qu’on lui donnait de ne pas se risquer dans cette région, mais on avait même pu se demander si elle n’avait pas cherché à provoquer cet événement, en sous-estimant le risque ou en l’inscrivant même peut-être dans une stratégie politique et électorale.
Je n’y reviens donc pas, cet aspect de l’affaire pouvant être regardé comme clos. La libération d’Ingrid Betancourt a gardé toutefois une part de mystère. Il tient d’abord à son apparence et à son état physique (que les examens médicaux ont révélé tout à fait normal alors qu’on pouvait le penser désastreux). Celle qu’on nous avait montrée sous le jour le plus sinistre, malade, amaigrie et dépressive (on a même prétendu un moment qu’elle était morte) est apparue soudain, passant en 24 heures de son long enchaînement dans la jungle aux feux des projecteurs, en pleine forme physique et morale. Sont-ce les soins attentifs de son compagnon d’infortune (l’infirmier auquel elle a rendu hommage) ou l’effet d’un miracle, puisqu’elle voit en Dieu le premier de ses libérateurs (va-t-elle lui faire un procès et lui demander quelques millions de dollards ou d’euros ?) et qu’elle se signe à tout propos, comme un footballeur brésilien ? Je me garderai de me prononcer.
En tout cas, Ingrid est une bête de cour comme de scène.
A sa libération, elle était en cour aussi bien auprès du Président Uribe, qui a démontré grâce à elle ses choix stratégiques (le bâton plutôt que la carotte) qu’auprès du Président Bush, puisque les trois otages américains ont été inclus dans la même fournée libératrice, mais surtout auprès du Président Sarkozy. Tout le monde a été servi puisqu’il y avait, outre Ingrid, trois Américains et onze Colombiens. Espérons toutefois que nous-autres Français n’avons pas été alors les seuls à mettre la main à la poche (les avions spéciaux, plus une rançon que seule évoque la vilaine presse suisse). On aurait pu au moins partager les frais, mais la France, quoique fauchée, est, comme toujours, grande et généreuse. En tout cas, il est probable que les histoires d’« infiltration » des FARC sont une vaste blague et que ce sont des membres des FARC qui ont trahi contre espèces sonnantes et trébuchantes, la fable de l’infiltration permettant de les « couvrir ».
Ironie du dieu des otages ! Une des membres du comité d’accueil d’Ingrid a été Florence Aubenas, autre ex-otage, dont la libération avait tenu, elle aussi du mystère et du miracle. Dans ce dernier cas, il était surtout ophtalmologique, car tous les médecins spécialisés s’étaient étonnés de voir cette journaliste affronter sans problème la lumière du soleil, après avoir passé plus de cinq mois dans l’obscurité d’une cave.
Mais Ingrid est aussi une bête de scène, trouvant toujours le bon geste au bon moment, même si parfois elle tend à « charger » un peu, en prenant par exemple par la main le petit Nicolas (remake de la fameuse photo Mitterrand-Kohl ). Elle avait réponse à tout, refaisant sans cesse les mêmes gestes et répétant les mêmes mots tout en assurant à chaque média que c’était la l’exclusivité ou le scoop du siècle.
Je disais il y a un an que nous n’allions pas tarder à regretter égoïstement la libération d’Ingrid Betancourt, si, comme on pouvait le craindre, en cet étiage estival de l’information comme de la popularité présidentielle, Ingrid B. continuait à encombrer nos médias et nos écrans. Et nous découvrons que ça n’est pas fini, car Ingrid ne se laisse arrêter par rien ni personne, sautant à pieds joints de Dieu au Président Sarkozy avant de lancer inopinément des offensives juridiques contre ses libérateurs pour en tirer des indemnités !
L'an dernier, à peine libérée, elle évoquait déjà l’exploitation médiatique future de tout ça (il ne faut pas laisser retomber le soufflé et son agent est sans doute depuis resté sur la brèche), avec des récits de sa captivité (Roman ou pièce de théâtre ? Pourquoi pas les deux ?), un film (« Ingrid et le seigneur de la jungle » ou « Bienvenue chez les FARC »). On n’est pas sorti de l’auberge et les demandes d'indemnités avortées avaient peut-être comme finalité de financer une superproduction de l'Ingrid World Company !
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