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jeudi 24 octobre 2013

"Honte à qui peut chanter pendant que Rome brûle" ou "le festin des mercenaires"?


Je ne sais pas si, en la circonstance et compte tenu de la suite, vous préférez Néron ou Salammbô. Le choix du titre ne dépend que de vous, mais la consternante réalité des faits reste la même. Sortez vos mouchoirs et préparez les Kleenex, car le week-end du 30 novembre 2013 vous risquez d'être privé du spectacle du championnat de France de football, trompeusement dénommé désormais, selon le modèle commun, (mais seule l'étiquette a changé) Ligue 1 et Ligue 2, ces termes ayant remplacé les anciennes et infamantes dénominations de première et deuxième divisions qui avaient au moins le mérite de ne pas attenter à la langue française ;  on y usait en effet de l'ordinal, seul possible en pareil cas. On ne peut toutefois demander aux "gros pardessus" officiels du foot de connaître le français ; ils ont déjà bien du mal avec le foot !

La moustache de Monsieur le Président de la Ligue de Football Professionnel est encore toute frémissante d'indignation ; cette menace de grève, en réponse à la mesure qu'on annonce sur les oeuvres vives financières du foot, n'est pas vaine dans sa bouche. Le président Hollande, qu'on dit amateur de football, risque donc se résigner à la prendre en considération, sans pour autant choisir la vraie bonne décision en la matière.

À dire le vrai, cette qualité même d'amateur de football devrait le conduire, non seulement à maintenir le prélèvement fiscal de 75% sur les revenus annuels d'un million d'euros et donc à accepter par là le principe de cette grève, mais, éventuellement, il pourrait même faire en sorte de la prolonger. En effet, désormais, tous les vrais amateurs et connaisseurs de ce sport peuvent satisfaire leurs appétits de vrais spectacles sportifs en regardant, grâce à la télévision, les championnats anglais espagnols et italiens (par ordre de mérite, les épreuves françaises n'ayant évidemment aucun titre à figurer dans un tel palmarès).

Car les "représentants" du football français, officiels ou dirigeants de clubs professionnels, n'ont pas la moindre vergogne à se comporter comme ils le font, dans la situation que connaît l'immense majorité des Français et à venir inviter cette misérable population à verser des torrents de larmes sur les pauvres travailleurs du protège tibia (j'hésite à use du terme de "sportifs" au vu des prestations de ces joueurs et du discours de leurs représentants) qui devront payer 75 % d'impôts si leur revenu annuel dépasse le million d'euros. Les pauvres !

Indépendamment de toutes ces considérations, le sport professionnel, puisqu'il attire ainsi l'attention sur ses maux financiers, devrait être l'objet d'attentions infiniment plus vigilantes de la part des services fiscaux et douaniers compétents en la matière, car il me paraît clair que, tant pour les transferts que pour les salaires, le sport français et, d'une façon plus générale, le sport international est une immense et permanente blanchisserie où viennent retrouver leur virginité les milliards issus de tous les trafics du monde. N'oublions pas que l'un des premiers et des plus actifs promoteurs du blanchiment d'argent sale dans le football a été, à la fin des années 70, le grand Pablo Escobar qui a failli amener ainsi la Colombie sur la plus haute marche du championnat du monde de football.

Quelques chiffres car, bien entendu, on ne les trouve guère dans le discours officiel et on ne risque guère de les imaginer, si l'on a le malheur, de temps en temps, de suivre ne serait-ce qu'une dizaine de minutes d'un match de championnat de France de football.

En France, il y a en effet (et ce total ne prend pas en compte Monaco qui n'est pas en France comme vous le savez !) cinquante trois joueurs dont le salaire annuel est supérieur à 1 million d'euros, sans compter les multiples embrouilles de fraudes fiscales qui font que des primes et/ou des compléments de salaires sont versés, ici ou là, dans des paradis fiscaux, comme tout le monde le sait sans que personne ne le dise. Ne parlons même du fait que ce sont les EMPLOYEURS qui payent les impôts !
Il est certain qu'à regarder le spectacle qui est donné sur nos stades dans les épreuves de ce championnat, on peut guère imaginer que l'équivalent de cinq équipes de football complètes sont sur les terrains chaque semaine et que ces gens-là sont payés au moins 1 million d'euros par an. C'est évidemment consternant mais le problème n'est pas là.

On pourrait dire d'ailleurs que le fol accroissement des salaires des joueurs (alors qu'il y de moins en moins de spectateurs présents) a été inversement proportionnel à la qualité du jeu des équipes. On se demande comment des spectateurs vont jusqu'à payer de 30 à 90 € pour aller voir ses sinistres guignolades tandis que près de 90 % des Français sondés jugent que les joueurs de l'équipe de France sont trop payés. C'est encore pire pour tous les joueurs qui opèrent dans notre championnat.

Je ne crois pas un instant que ni les dirigeants de la fédération ni les principaux dirigeants de clubs se soucient le moins du monde ni des joueurs eux-mêmes ni des spectateurs, et encore bien moins s'il est possible, des seconds que des premiers. Ils ont d'ailleurs parfaitement raison, puisque l'on continue à les applaudir dans les stades au lieu de les accabler, à chacune de leurs apparitions, de tomates et d'oeufs punais. Tout ce milieu est parfaitement nauséabond er quand on voit jouer, par exemple l'Olympique Lyonnais, on a peine à imaginer que treize joueurs de cette équipe gagnent plus d'un million d'euros par an, comme d'ailleurs 13 autres des Girondins de Bordeaux ou du LOSC, sans parler des 17 que compte l'Olympique de Marseille et des 21 qui portent le maillot du Paris-Saint-Germain. Tout cela ne sert pas grand-chose d'ailleurs quand on voit qu'une équipe comme Monaco, qui doit compter une bonne quinzaine de millionnaires arrive péniblement à faire match nul avec Sochaux, avant dernier de notre pitoyable classement de Ligue 1.

Tout cela est scandaleusement nul au plan sportif et sans doute fiscal, mais, après tout, les gens qui, comme moi, ne regardent jamais les matchs des clubs français n'ont pas de raison de s'en plaindre. Côté FFF ou LFP, s'ils ont entendu parler de ça, ils vont faire à notre président le coup du "panem et circenses" mais le pain est rassis depuis des mois et les lions édentés depuis des années ! Reste le "lien social" mais la ficelle est à sens unique !

En revanche, côté gouvernement, les propos du ministre spécialisé sont bien timides et font craindre le pire ; elle allègue simplement que "la population ne comprendrait pas que le football professionnel ne participe pas à l'effort collectif". Foutaises ! La seule réponse serait le passage pour cette catégorie de sportifs de 75 % à 90 % d'impôts (car en plus ils ne les payent même pas !), taux avait été choisi pour les plus hauts revenus par le président Roosevelt au moment de la grande crise américaine. Peut-être le président François Hollande passerait-il alors dans les sondages  de 23 % à 86 % de satisfaits, ce qui est justement le pourcentage des Français qui considèrent que les revenus de ces footballeurs sont scandaleux ! Le tout devrait être assorti bien sûr de contrôles impitoyables des services fiscaux et de la TRACFIN (Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits Financiers clandestins) qui feraient sûrement un carton !

mardi 22 octobre 2013

Pour en finir avec l'affaire Leonarda.



J'avais songé, au départ, à une solution que je n'ai pas exposée dans mes blogs sur le sujet pour ne pas susciter des commentaires à l'infini (voire des injures) ; quoique raisonnable et généreuse, elle aurait sans doute suscité les passions, vu la personnalité très singulière du père de famille et l'amour de l'école qu'on prétendait trouver alors chez la jeune Leonarda. J'aurais suggéré, en effet, que notre Président de la République ajoutât à sa décision que le retour en France de la jeune fille était accompagné d'une offre de prise en charge par la France, pour la durée de sa scolarité, de son admission, à titre exceptionnel, à la Maison de la Légion d'honneur de Saint-Denis. La suite a montré que cette solution n'était sans doute pas bonne car Leonarda est bien loin d'être l'élève modèle à tous égards qu'on nous dépeignait.

Naturellement mes deux billets sur le sujet ont suscité des commentaires en particulier chez quelques âmes généreuses, de gauche et féminines pour la plupart, mais assez mal informées, ce qui rend nécessaire de ma part cette ultime mise au point.

On m'a objecté, dans MDP et Agoravox, que les mensonges du père n'étaient que des peccadilles puisque ils sont coutumiers dans les dossiers de demandes d'asile. C'est hélas parfaitement exact, puisque il faut, à la fois, venir d'un pays où l'on est exposé, d'une façon ou d'une autre, à des brimades, des menaces, des vexations ou, hélas, le plus souvent, bien pire encore, et donner sur la réalité de sa condition antérieure des informations exactes et vérifiables.

Mentir sur son origine nationale réelle et détruire ses papiers est le premier conseil des associations spécialisées pour prétendre à un asile auquel on n'a pas droit ; c'est ce qu'a fait d'emblée R. Dibrani qui vivait depuis dix sept ans en Italie. ! Le droit d'asile (légitime ou non) est devenu une filière très fréquentée de l'immigration naguère clandestine. Le nombre de dossiers de demande d'asile a explosé et donc, de ce fait même, il y a de moins en moins de cas d'acceptation. Un dossier sur dix est actuellement accepté contre neuf sur dix naguère encore, car il y a de plus en plus de faux dossiers, même s'il y en a hélas beaucoup de fondés. De ce fait, ces falsifications sont très loin d'être innocentes et sans gravité, car d'habiles dossiers mensongers conduisent fatalement à écarter des dossiers légitimes et honnêtes..

Pour m'être rendu, dans les vingt cinq années qui viennent de s'écouler, dans nombre de pays du Sud (dans toute l'Afrique, comme aux Comores à Madagascar ou en Haïti) je puis avancer d'expérience que la misère en Europe et la pénibilité de certaines situations (pour les Roms par exemple), si regrettables qu'elles soient, ne sont en rien comparables à celles qu'ont peut trouver dans le Sud où s'ajoutent, en outre, dans nombre de pays, aux famines et à la plus extrême misère, d'atroces guerres civiles, religieuses et ethniques souvent, qui dépassent tout entendement.

On nous a récemment montré, à propos des Roms, des documentaires sur leurs conditions de vie en Roumanie ou au Kosovo, mais je ne connais pas de Comoriens, d'Haïtiens, de Congolais ou de Somaliens (du peuple bien entendu) qui ne soient prêts à changer immédiatement la condition et la vie qu'ils connaissent dans leur propre pays contre celles qui leur seraient faites dans l'un ou l'autre de ces Etats européens. Il est inutile pour cela d'évoquer ici les milliers de noyés de l'Atlantique ou de la Méditerranée.

Les mensonges de Resat Dibrani, ne sont donc pas des peccadilles comme certaines veulent nous le faire croire (en les comparant sottement aux mensonges que font ceux qui circulent avec de faux permis de conduire ou font des déclarations d'impôts inexactes) ; ces mensonges et ces faux sont au contraire gravissimes car ils conduisent à écarter, au bénéfice d'un profiteur malhonnête, qui n'a jamais rien fait de toute sa vie et qui n'a quitté l'Italie, selon ses propres termes, que parce qu'il jugeait la France plus propre à mieux l'entretenir dans sa paresse, des dossiers sincères infiniment plus dramatiques et plus dignes d'être pris en considération au titre du droit d'asile. De tels comportements pour le défendre dans les blogs ne visent guère qu'à prendre des poses avantageuses, tout en ignorant les réalités du monde et en particulier celle du Sud.

Pire encore! Puisque Monsieur Resat Dibrani conduit à mettre sur le tapis la question du Kosovo, on peut donner, à cet égard, quelques détails significatifs que j'ai entendus ce matin même vers 8 heures, sur France Culture, de la bouche de Caroline Fourest, grande experte en la matière. Le nombre des demandes d'asile en provenance du Kosovo a, en effet, littéralement explosé ces dernières années ; multiplié par 2,80 il a donc pratiquement triplé. Bien entendu, cela correspond peut-être à une forme d'aggravation de tensions sociales au Kosovo dont on n'a pourtant guère parlé, mais, à mon sens, cela signifie bien plutôt et surtout que s'y sont mises en place des filières d'immigration vers l'ouest (comme ailleurs) et vers la France surtout. Tout cela profite sans doute surtout à un certain nombre de mafiosi kosovars, car il y a dans cette zone une grande activité mafieuse qu'on constate à bon nombre d'autres signes.

Nous avons sur ce point comme sur beaucoup d'autres une administration si pesante que, non seulement elle fonctionne avec d'une lenteur extrême, mais elle offre en outre des possibilités infinies d'en ralentir, voire dans bloquer l'application. Le cas Dibrani, dont la demande d'asile, refusée d'emblée, a été rejetée quatre fois en appel (d'où la durée insolite de la procédure) illustre ce point ! Toutes les décisions, prises à propos du droit d'asile, peuvent certes être contestées devant une Commission d'appel, mais je comprends mal comment cette contestation, dans le cas de Monsieur Dibrani, a pu être faite quatre fois de suite et cela d'autant qu'il était manifeste que les documents qu'il présentait étaient des faux ; il aurait suffi d'interroger sa famille dans la langue locale du Kosovo (albanais ?) pour s'apercevoir de la supercherie! Les sciences du langage peuvent servir parfois quelque chose, même en matière de droit d'asile et d'immigration.

Vouloir traiter, comme certaines intervenantes le font, l'accumulation des mensonges et des falsifications de Monsieur Dibrani comme des espiègleries sans conséquences témoigne non seulement d'une totale méconnaissance de la misère du monde, mais en outre d'une ignorance égale des réalités des procédures du droit d'asile. Quiconque s'arroge indûment une place en ce domaine la prend fatalement à un autre vrai malheureux qui la mériterait, lui !

Au moment où j'allais souvent en Afrique, j'avais projet (mais je n'ai jamais eu le temps de le faire ni le réellement l'envie), je voulais, par blague, m'offrir pour 5000 Fr. CFA auprès d'un agent administratif d'un État africain, un certificat attestant que j'avais, dans le pays en cause, deux ou trois enfants naturels. Ce papier m'aurait permis de me présenter aux allocations familiales françaises pour y percevoir les allocations correspondantes à cette petite famille. Je n'aurais eu aucune difficulté à le faire (peut-être pour 10 000 Fr. CFA et non 5000 ! ) et j'aurais été parfaitement fondé à percevoir les allocations familiales correspondantes. En outre, j'aurais pu, pour le même prix, prolonger d'un an par enfant naturel, le nombre de mes années d'exercice avant le départ à la retraite. J'ai connu un éminent professeur parisien, spécialiste d'histoire religieuse, qui s'était livré à cet exercice, avec de vrais enfants en ce qui le concerne, du moins je l'espère pour sa mémoire !

lundi 21 octobre 2013

CDS, titrisation, "Pissotière à roulettes" et Roms (Seconde partie du texte du 17 octobre 2013)


Rendons d'abord à César ce qui est à César et ce qui lui revient à Michel Feher, philosophe de son état et président de "Cette France-là", association créée en décembre 2007, qui se propose de "documenter [sic] le traitement réservé aux étrangers qui, selon les autorités françaises, auraient vocation à être « éloignés »". En l'occurrence, il s'agit de l'idée, fort ingénieuse à mon sens mais vous en jugerez vous-même dans la suite, de comparer à la "titrisation" financière évoquée dans un précédent billet, le traitement des Roms par les autorités françaises (cf. M. Feher "La Titrisation de la Politique Gouvernementale" , Vacarme 01, 23 juin 2010 ; dois-je préciser que les absurdes majuscules anglo-saxonnes de ce titre ne sont pas de moi ?).

Avant d'aborder la question du jour, un simple petit mot sur les Roms eux-mêmes, quoiqu'on nous rebatte les oreilles à leur sujet depuis des mois. Ayant eu moi-même l'occasion d'aller dans l'Est européen, et en particulier en Bulgarie, j'ai pu y constater quel était l'état général et l'image locale de ces populations qui ont là-bas la réputation de vivre en marge de la société "normale", essentiellement de rapines et de larcins. Ayant vécu quelques années à Marseille, j'ai pu y noter que si nombre de Roms y séjournent aux carrefours pour vous salir votre pare-brise en faisant mine de le nettoyer, les autres trimbalent leur récolte du jour dans d'énormes et somptueuses poussettes, de toute évidence "trouvées" dans les corridors d'immeubles ! Je ne reviens donc pas sur tout ce qui a été dit à ce sujet, y compris sur les dizaines de milliards gaspillés par l'UE pour leur intégration et dont ils n'ont jamais vu la couleur, en France comme dans les PECO.

 

En revanche, détail peu mentionné, on doit se souvenir ou plutôt savoir que les Roms ont été ESCLAVES en Roumanie jusqu'au milieu du XIXe siècle (1856 ou 1858 selon les sources) ; c'est assez dire par là quel a pu être leur sort dans le passé ; il est probable que cette condition servile d'autrefois n'est pas sans incidence sur celle qui leur est faite aujourd'hui. Après tout et au fond, leur sort n'a jamais été meilleur que sous le régime communiste..

 

Revenons à notre propos immédiat. J'ai brièvement évoqué, dans un post précédent, la "titrisation", dont le plus bel exemple a sans doute été donné par le traitement de la situation économique de la Grèce, cas magistralement expliqué par Gaël Giraud aux admirables et intelligibles travaux duquel je ne puis que renvoyer. L'idée ingénieuse de Michel Feher, en la circonstance, a été de voir comment le cas des Rom peut illustrer les nouvelles technologies de manipulation de l'information qui reposent sur une double base en quelque sorte. Elle fait que nos hommes politiques (et on le voit assez dans l'affaire du cumul des mandats) ne souhaitent rien d'autre que être reconduits, dans l'ensemble de leurs fonctions, nationales et locales, toute leur vie durant, car cette dualité de pouvoir leur permet de manipuler, au mieux de leurs intérêts électoraux personnels, l'information et, par là même, l'électorat, plutôt que de tenter de réaliser ou même d'entreprendre les actions généralement chimériques, qu'ils ont annoncées voire promises dans leurs programmes électoraux.

 

Si l'on se place dans la perspective de Michel Féher et si j'ai bien compris la métaphore de la "titrisation", les électeurs sont, en quelque sorte, les actionnaires qu'on va tromper par des discours fallacieux ; on les manipule à travers des opérations qui ne visent qu'à orienter le marché électoral, sous le déguisement d'une gestion apparemment efficace et méditée de flux migratoires jugés intempestifs, plutôt que par une réelle action en faveur d'objectifs déterminés.

 

La métaphore de la "titrisation" des Roms, comme toutes les métaphores, souffre toutefois d'une volonté, excessive mais inévitable, de la prolonger jusque dans des détails qui finissent par la rendre absurde. Je n'irai donc pas jusqu'à dire, selon l'analyse du néolibéralisme que fait Michel Féher, que les 20.000, 25.000 ou 30.000 Roms séjournant en France constituent une "bulle spéculative" comme ont pu l'être, naguère, les "subprimes". En fait après avoir admiré et loué l'ingéniosité de la métaphore, je n'en retiendrai qu'un aspect un peu élémentaire qui peut s'expliquer de la façon la plus simple.

 

En réalité, dans le jeu politicien français, les camps de Roms sont devenus un outil électoral qu'on manipule de la façon la plus rudimentaire mais la plus efficace. Supposons un camp de Roms de 500 personnes qui se trouve dans une ville ou dans une zone A. L'astuce politicienne de base consiste, après l'avoir laissé s'installer ce camp dans la zone A, ce qui vous attire fatalement la fureur des indigènes du coin vu la croissance forte des cambriolages et vols de toutes sortes, vous gagnera, en revanche, la reconnaissance pré-électorale de ces mêmes électeurs de la zone A, le jour où vous allez les débarrasser de cette plaie en  faisant passer le camp dans une zone B. Il va très vite y susciter une animosité et une colère des électeurs que l'on changera, au bout d'un délai raisonnable, en reconnaissance et en capital électoral, en faisant passer, cette fois-ci, ce même camp de Roms de la zone B dans une zone C, et ainsi de suite…

 

Comme disait le bon peuple, "ça ne mange pas de pain" et les seuls qui sont vraiment gênés et définitivement mécontents sont les pauvres Roms qu'on contraint de déménager à des périodes régulières car eux ne votent pas ! Ces déplacements ont toutefois l'avantage d'ouvrir de nouveaux champs d'action à leurs larcins et à leurs rapines. Cette stratégie permet aussi, au plan médiatique, de belles opportunités à d'autres acteurs. D'abord aux belles âmes du coin, le plus souvent peu enclines dans les faits à sédentariser quelques Roms par un accueil dans leurs propres demeures ou dans leurs jardins, mais qui ne dédaignent pas de porter leur coeur en écharpe devant micros et caméras. Aux politiciens ensuite (j'use ici, à dessein, de ce terme, péjoratif en français) qui, par là, peuvent augmenter leur clientèle et donc leur capital électoral, quel que soit, par ailleurs, leur bord politique, ce qui est une singularité rare et par là même riche de sens, puisque ces expulsions de Roms, comme on a pu le constater, sont le fait, aussi bien des municipalités de gauche que de celles de droite.

 

Ce qui favorise aussi cette forme de titrisation des Roms est naturellement leur habitat, le plus souvent mobile, qui permet de les obliger facilement et rapidement à se déplacer, ce qui serait beaucoup plus compliqué s'il s'agissait de paysans du Larzac par exemple, qui ont été longtemps le fonds de commerce de Monsieur Bové, avant qu'il décroche les 15.000 euros mensuels de sa sinécure européenne. Ajoutons que nos paysans seraient sans doute plus prompts à prendre la fourche, voire à décrocher le fusil!

 

Et "la pissotière à roulettes" ?

 

Que vient-elle faire dans cette affaire car je vous sens déjà anxieuse et impatient (parité oblige) de savoir comment je vais en justifier l'étrange présence dans le titre de ce post.

 

Petit rappel littéraire et historique.

 

L'inventeur de ce concept audacieux, modernisation hardie de la trouvaille bien connue de l'empereur Vespasien qui démontra, du même coup, à son sceptique de fils, que "l'argent n'a pas d'odeur ", est Marcel Pagnol. Il a use de ce terme nouveau dans une scène fameuse de Topaze avant que le "concept" soit repris, sous une forme un peu différente mais dans le même esprit, dans Clochemerle.

Il me faudrait pouvoir ici reproduire l'accent de Fernandel s'adressant au "politicien local" qu'il vient de dépouiller à son tour, car nous retrouvons ici la politique et les "mandats" (à tous les sens du terme) :

"Voyez-vous, mon cher Régis, je vous ai vu à l'oeuvre et je me suis permis de vous juger. Vous n'êtes pas intéressant. Vous êtes un escroc, oui, je vous l'accorde, mais de petite race. Quinze balayeuses, trente plaques d'égout, six douzaines de crachoirs émaillés...Peuh...Le jeu n'en vaut pas la chandelle. Quant aux spéculations comme celles de la pissotière à roulettes, ça, mon cher, ce ne sont pas des affaires : c'est de la poésie toute pure. Non, vous n'êtes qu'un bricoleur, ne sortez pas de la politique'.

Comme les Roms eux-mêmes, la pissotière de Topaze est "à roulettes"! Cet édicule, dont personne ne veut, même si chacun est heureux de trouver de temps en temps sur sa route et si d'aucuns s'y donnent même des rendez-vous qu'on hésite à qualifier de galants, est en effet déplaçable ! Une pissotière à roulettes, comme les Roms, peut-être déplacée quand sa présence est devenue trop intolérable dans le lieu où on l'avait d'abord installée. Ce déplacement s'achète alors ! Des espèces sonnantes et trébuchantes dans un cas, des voix dans une élection, où est la différence ?

 

Le déplacement des camps de Roms, ce n'est certes pas de la poésie, selon le mot de Topaze, mais ce peut être de la stratégie électorale, quelle que soit l'épithète dont on la décore ou dont on la masque.

 

dimanche 20 octobre 2013

François Hollande : « Oignez vilain, il vous poindra ! ». Le piège


François Hollande, qui a pris tout le temps de la réflexion avant de faire connaître sa position sur l'affaire Leonarda qui a occupé toute la fin de semaine, aurait dû mettre à profit ce délai pour relire Gargantua (XXXII ,1546) pour y retrouver le dicton fameux qu'il connaît certainement : "Oignez vilain, il vous poindra ; poignez vilain, il vous oindra ! ". Cet adage est plus convenable qu'un autre, bien plus ancien et donc bien plus rude dans sa forme : "Oigniez a mastin le cul, il vous chiera en la paume ".

Ces deux proverbes se sont avérés tout à fait adaptés dans le cas de Monsieur Resat Dibrani qui, devant la proposition de notre Président de la République, non seulement a regimbé mais formulé des menaces à l'égard de François Hollande et de la France, en affirmant si le retour "n'est pas possible gentiment, alors il se fera de force". Voilà un homme qui sait parler et je m'étonne qu'il n'ait pas demandé la jouissance de la Lanterne et quelques millions d'euros au titre du préjudice moral voire une mobilisation générale au Kosovo !

Il faut reconnaître que, pour diverses raisons qui, généralement, ne sont guère avouées, les positions des intervenants sur cette affaire sont extrêmement curieuses, en particulier par la dissimulation systématique des faits, tout particulièrement pour ce qui touche ce redoutable Monsieur Resat. Ses antécédents, soigneusement gazés dans la presse de gauche (et en particulier comme on le verra dans Mediapart, si sourcilleux sur la morale de tous ses adversaires), le sont jusqu'au ridicule dans l'article de Carine Fouteau du 19 octobre 2013. Par manque de chance ces "informations" (j'hésite ici à user de ce terme) sont réfutées aujourd'hui même par celle de la presse italienne. Elle a fini par donner son point de vue sur l'affaire, puisque la famille Dibrani a vécu en Italie durant longtemps et est en réalité italienne, ce qui lui interdit évidemment tout recours au droit d'asile en France.

Si les accusations portées contre le père en matière de falsification de documents d'identité et de violences familiales ne sont pas très nouvelles, puisque on les a signalées également en France, on apprend que ses deux grandes filles, dans leur enfance, ont été contraintes à la mendicité, délit qui manquait jusqu'à présent au palmarès de Monsieur Dibrani qui ne comprenait guère que la destruction de ses pèces d'identité, les fausses déclarations, la production de faux documents achetés sur place, les violences familiales, et, on l'apprend désormais aussi, une implication dans une affaire de cambriolage. Tout cela est donc un peu loin de l'image idyllique qu'on a voulu et que certains cherchent toujours à en donner, comme on va le voir.

L'article de Carine Fouteau, à la une de MDP, est une merveille de présentation fallacieuse des données fâcheuses sur le personnage qu'il faut bien citer, en passant bien sûr et surtout tout en tentant de les minorer systématiquement par une rhétorique de la litote qu'on juge habile et propre à tromper les lecteurs de MDP dont elle semble avoir une piètre opinion!

Je n'en citerai que deux ou trois brefs exemples, car il faudrait tout citer en un tel texte : toute la présentation des faits y est biaisée, ce qui me conduit à reprendre pour un instant mon ancien métier pour en faire une explication de texte très partielle mais significative. Je cite en numérotant les points que concernent mes remarques :

« L'éclairage médiatique a été ainsi placé sur Resat Dibrani [1]. Ses « mensonges » et autres contradictions [2] ont eu tôt fait de le discréditer, alors que les arrangements avec la vérité [3] sont relativement fréquents [4] dans ce type de procédure qui représente une question de survie pour les personnes qui les engagent. [...] .Ce père de 47 ans a été présenté comme peu fiable, violent et irascible [5] . Il aurait [6] commis « quelques larcins » [7] et frappé sa femme et deux de ses filles [8] ».

On devrait, dans les classes, faire étudier un tel texte pour y voir un exemple parfait et systématique de mauvaise foi et de présentation fallacieuse de données.

N° 1. Les guillemets qui encadrent "mensonges" tendent à donner à penser que ces prétendus "mensonges" n'en sont pas et que les "autres contradictions" n'en sont pas davantage. Innocent Resat. qui a même été assez sot pour préciser le prix d'achat de ses faux documents d'identité.

N° 2 et 3. Ces "prétendus" mensonges ne sont, modestement, que des « arrangements avec la vérité ». On passe de la litote à la comédie. Monsieur Resat Jourdain dans le Kosovar gentilhomme ! . Ces "arrangements", "relativement fréquents dans ce type de procédure" » sont des "outrages à magistrats". Pour C. Fouteau ce ne sont là qu'espiègleries !

N°4. Pourquoi M. Dibrani aurait-il un traitement spécial alors qu'il accumule les motifs légitimes et fondés de refus à ses demandes répétées d'asile politique (bien entendu mensonger aussi) ? Est-ce que le nombre des mensonges comme la fréquence des accusations diverses sont des justification à ses actes?

N°5 "Ce père de 47 ans a été présenté comme violent " . Faut-il insister sur l'usage de ce verbe "présenter" qui donne à penser qu'il s'agit simplement d'une présentation mensongère alors qu'il a été l'objet de plainte pour violences familiales sur sa femme et ses filles de la part de son épouse, et que confirment ces violences familiales tous les témoignages recueillis!

N°6. "Il aurait commis" ; je ne commente même pas l'usage suspicieux du conditionnel

N° 7."Quelques larcins". Je ne sais pas comment Carine Fouteau qui aime tant les clichés a pu éviter ici l'adjonction de l'épithète "menus" qui est habituelle en pareils cas ?

Le portrait du père est achevé et il se trouve désormais confirmé par d'autres témoignages, dont les plus récents qui viennent d'Italie et le confortent en tous points.
La présentation des circonstances de l'interception de la jeune fille est un point essentiel. L'article de C. Fouteau précise et je cite 
"La jeune fille a été appelée sur son téléphone portable alors qu’elle se rendait avec sa classe à l’usine Peugeot de Sochaux pour une sortie scolaire. Si la décision d’éloigner la famille est « justifiée en droit » car « aucun des recours (…) n’a été jugé recevable par la justice administrative ni par la justice judiciaire », en revanche, les forces de police, en allant chercher Leonarda dans le bus, « n’ont pas fait preuve du discernement nécessaire », indique l'IGA.
« Essentiellement focalisée sur l’objectif de parvenir à regrouper la famille et de ramener la jeune fille auprès de sa mère, l’attention des forces de l’ordre n’a pas été éveillée par le fait que Leonarda Dibrani se trouve dans un bus dans le cadre d’une sortie scolaire. Elles n’ont pas pris la mesure des enjeux que représenterait une intervention pour interrompre cette sortie. Elles n’ont pas considéré être dans le cadre des instructions interdisant toute interpellation dans des établissements scolaires ou à proximité de ceux-ci », regrettent les deux inspecteurs, qui tentent d’expliquer le geste des agents de police en affirmant que des personnes soutenant la famille avaient donné leur accord." C. Fouteau, 19/10/2013

J'ai mis en gras le point essentiel, naturellement, quasi omis. Je n'insiste pas sur la sottise de ces "deux inspecteurs" qui "tentent d'expliquer le geste des agents de police" ; en vain bien entendu car il est inexplicable et injustifiable ! Se pose néanmoins la vraie et seule question qu'on essaye d'éviter. Qui a bien pu pu donner le numéro de téléphone portable de Leonarda à la police?

C'est là qu'interviennent "les personnes soutenant la famille", c'est à dire en fait les "associations de soutien" qui, depuis près de cinq ans, ont organisé les recours successifs contre un refus d'asile politique tout a fait fondé. Ce sont ces PERSONNES elles-mêmes qui ont adressé ou permis cet appel téléphonique à la jeune fille pour lui apprendre que le reste de la famille allait partir. Ce sont ces seules "PERSONNES" et non les policiers qui pouvaient connaître le numéro de téléphone portable de Leonarda qui n'avait pas dormi chez elle la nuit d'avant, par hasard bien entendu !

Tout cela est évidemment caché ou mentionné volontairement de façon si lointaine qu'on peut se demander s'il n'y a pas eu là une organisation d'un piège tendu à la police qui est tombée dans le panneau ! Peut-on, en tout cas, montrer plus de mauvaise foi dans la description d'une situation, quelle que soit l'opinion qu'on ait de la chose, quand on se prétend "journaliste" et surtout dans un organe de presse où l'on ne cesse d'invoquer le droit à l'information et la déontologie de cette profession.

Cerise sur un gâteau déjà bien chargé, un commentaire de cet article, au ton décalé par rapport à la ligne de MDP et qui a miraculeusement échappé à la censure (à cause du week-end sans doute:) :
"La description de Leonarda comme une lycéenne modèle, studieuse a l'école, relève également de la fable. "Selon les données recueillies par la mission, les absences de Leonarda au collège sont de 66 demi-journées en 6e, 31 en 5e, 78 en 4e et 21 1/2 depuis le début de l'année scolaire actuelle." Il est aussi précisé que "la jeune fille découchait régulièrement" (page 9), souvent pour aller chez son copain à Pontarlier."

vendredi 18 octobre 2013

Leonarda : "le grand n'importe quoi !"


"Assurons-nous bien du fait, avant que de nous inquiéter de la cause. Il est vrai que cette méthode est bien lente pour la plupart des gens, qui courent naturellement à la cause, et passent par-dessus la vérité du fait, mais enfin nous éviterons le ridicule d'avoir trouvé la cause de ce qui n'est point.". Cette réflexion de Fontenelle dans son Histoire des oracles est assurément plus vraie encore dans notre société, où les médias, en perpétuelle concurrence et engagés dans une frénétique course au scoop, n'hésitent jamais à dire n'importe quoi dans l'espoir permanent de devancer leurs concurrents.

Depuis deux jours, il n'est bruit dans nos médias que de Leonarda et encore hier des milliers de jeunes lycéens qui, sans doute, pour la plupart situent le Kosovo en Afrique, manifestaient dans les rues de Paris en faveur de cette fameuse Leonarda renvoyée dans son Kosovo natal pour y rejoindre le reste de sa famille qui y avait été expédié quelque jours auparavant.

Rappelons, parmi nos souvenirs de collège, l'histoire de la dent d'or de Fontenelle dont j'ai cité ci dessus l'introduction.
"En 1593, le bruit courut que les dents étant tombées à un enfant de Silésie, âgé de sept ans, il lui en était venu une d'or, à la place d'une de ses grosses dents. Horstius, professeur en médecine dans l’Université de Helmstad, écrivit en 1595 l'histoire de cette dent, et prétendit qu'elle était en partie naturelle, en partie miraculeuse, et qu'elle avait été envoyée de Dieu à cet enfant pour consoler les Chrétiens affligés par les Turcs. Figurez-vous quelle consolation, et quel rapport de cette dent aux Chrétiens, ni aux Turcs. En la même année, afin que cette dent d'or ne manquât pas d'historiens, Rullandus en écrit encore l'histoire. Deux ans après, Ingolsteterus, autre savant, écrit contre le sentiment que Rullandus avait de la dent d'or, et Rullandus fait aussitôt une belle et docte réplique".

Je vous épargne la suite car les choses ne vont pas au même train à cette époque que dans la nôtre. Fontenelle conclut son récit, avec un bon sens qu'on aurait pu croire mieux partagé selon Monsieur Descartes : "Il ne manquait autre chose à tant de beaux ouvrages, sinon qu'il fût vrai que la dent était d'or. Quand un orfèvre l'eut examinée, il se trouva que c'était une feuille d'or appliquée à la dent avec beaucoup d'adresse; mais on commença par faire des livres, et puis on consulta l'orfèvre.".

Il en est de même pour l'affaire Leonarda et il ne me manque pour vous la narrer que le talent de Fontenelle !

On s'indigne, on débat, on manifeste, on exige la démission du ministre voire du gouvernement ou même, pourquoi pas, de Président de la République et ensuite on s'informe un peu sur la réalité des choses.

On découvre ainsi que le père de famille, Resat Dibrani a eu quelques problèmes avec la justice. Début 2013, sa femme a déposé une plainte contre lui pour violences sur ses filles Leonarda, 15 ans, et Maria, 17 ans. Le parquet de Besançon a estimé qu'il n'y avait pas assez de charges pour engager des poursuites mais Leonarda et sa sœur ont été néanmoins placées en foyer pendant deux semaines. Monsieur G. Guinot, "porte-parole du comité de soutien aux sans-papiers du secteur de Pontarlier" explique ces comportements par des spécificités culturelles du Kosovo : «Au Kosovo, le chef de famille a tous les droits, on a essayé de lui dire que ce n'était pas une façon de faire, qu'en France on n'avait pas le droit de frapper ses enfants» ; une voisine confirme aussi que ce père de famille battait souvent ses enfants et sa femme.

Monsieur Dibrani, que l'on présentait comme blanc comme neige, apparaît toutefois comme fort différent. En effet, si Monsieur Dibrani est bien kosovar, sa femme est italienne et ses enfants sont nés en Italie. Il a lui-même, comme souvent, menti  et, par précaution, détruit les papiers de sa famille, sachant que s'il se déclarait italien, il serait renvoyé dans ce pays. Il a fait le choix du Kosovo où l'on peut invoquer les persécutions dont les Roms sont victimes. Il a même ajouté qu'il s'était offert, en France même, pour 50 €, de faux papiers.

On a ainsi appris que ce père de famille, présenté comme exemplaire, qui, disait-on, avait un travail ou du moins en recherchait un, n'a, en réalité, jamais travaillé depuis quatre ans et ne semble guère préoccupé par la recherche d'un emploi, du moins à en croire les témoignages qui ont pu être recueillis.

Ajoutons enfin, car il est évidemment étonnant pour ne pas dire scandaleux, qu'il soit, depuis plus de quatre ans, en attente d'une décision sur sa demande d'asile, que comme beaucoup d'autres, il a bénéficié des conseils juridiques de l'assistance et du soutien aux sans-papiers du secteur de Pontarlier. Selon Michèle Tribalat, spécialiste de l'immigration, ces délais prolongés ne tiennent qu'aux appels successifs de M. Dibrani contre les décisions de rejet dont ses quatre précédentes demandes successives ont déjà fait l'objet, procédures que personne n'évoque naturellement. On pense ici à ces fameux séjours prolongés dans les couloirs de la mort des États-Unis qu'on attribuait souvent à une forme de sadisme de la justice américaine, alors qu'ils ne tenaient qu'aux appels successifs des condamnés qui naturellement étaient toujours suspensifs de l'exécution de la sentence.

Indépendamment de l'opinion qu'on peut avoir sur cette affaire comme sans doute sur beaucoup d'autres, il est très fâcheux que notre information soit d'une telle médiocrité voire d'une pareille inexactitude et que la recherche forcenée du scoop et de la primauté dans la diffusion de quelque information que ce soit, l'emporte, partout et toujours, dans notre presse, sur la vérité des faits qui devrait pourtant être l'exigence première et majeure.

jeudi 17 octobre 2013

CDS, titrisation, "Pissotière à roulettes" et Roms


Première partie : CDS : "Voulez-vous jouer avec moa?"

"Voulez-vous jouer avec moa?" Ce titre est celui d'une pièce de Marcel Achard (1923 me semble-t-il?) qui n'a rien à voir avec mon propos, quoique je mette en jeu pour le vainqueur, dans cette affaire, la fameuse tringle à rideaux du regretté Coluche. Venons-en au fait et au jeu !

Savez-vous ce que veut dire CDS ?

"Il rings the bell" ? Dans notre dialecte ordinaire, on dit plutôt "ça vous dit quelque chose!" Non ? Je vous vois déjà vous précipiter, d'un geste plein d'espoir, sur Google et Wikipedia pour y lire, non sans étonnement, que le CDS (pour Centre des Démocrates Sociaux) est "un parti politique français du centre droit, de conviction démocrate-chrétienne, fondé au congrès de Rennes, par la fusion du Centre démocrate de Jean Lecanuet et du Centre Démocratie et Progrès de Jacques Duhamel" In cauda venenum ! Vous vous voyez déjà en possession de la tringle à rideaux quand vous lisez la suite  : " Le CDS fusionne, dans la suite, avec le PSD et devient "Force démocrate" en novembre 1995, sous l'impulsion de François Bayrou".  L'évocation de ce dernier nom vous donne à croire que vous brûlez, mais pas du tout vous êtes au pôle (... avant la fonte des glaces !). Paix à toutes ces belles âmes mais vous n'êtes pas dans le coup et même fort loin du but !

Car "CDS" n'est pas du français mais forme l'acronyme, moderne lui, de "Credit Default Swaps", car la perfide Albion est le temple majeur et incontesté de la finance ; à ce titre, elle attire désormais le tiers de nos polytechniciens ; en revanche, la France, elle, demeure la pépinière des Médailles Fields (le Nobel des mathématiques) dont le plus pittoresque titulaire est sans aucun doute le dernier, que caractérisent, non sans pittoresque, son génie mathématique, son amour des lavallières et sa passion des araignées!

Venons en donc aux CDS en laissant de côté la tringle à rideaux qui restera inaccessible !
Les CDS, qu'on nomme poétiquement en français "couvertures de défaillance"[""" ou, plus joliment, "dérivés sur événement de crédit" ou même plus mystérieusement "permutations de l'impayé" constituent des "contrats de protection financière entre acheteurs et vendeurs", qui, dit-on, furent imaginés au sein de la banque John Pierpont Morgan. En France, cette pratique appelée "titrisation" (en anglais securitization ) a été introduite par la loi du 23 décembre 1988. Sous l'impulsion de P. Beregovoy, elle visait, en principe, à faciliter le développement du crédit immobilier en permettant aux banques de sortir les créances de leurs bilans et d'améliorer leur ratio « Cooke ».

Attachez vos ceintures car nous entrons à la fois dans une zone (ô combien turbulente, souvenons-nous des "subprimes") et surtout dans une "terra incognita", où se trouvent, non pas les innocents "ursi vel leones" des régions blanches et inexplorées des cartes d'antan, mais des ogres de phynances infiniment plus avides et plus redoutables. Je ai mis ici un peu de latin pour vous préparer à celui de la suite qui n'a rien d'ecclésiastique comme vous allez le constater :

"L'acheteur de protection verse une prime ex ante annuelle calculée sur le montant notionnel de l'actif à couvrir, souvent dit de référence ou sous-jacent (ce montant étant également appelé encours notionnel du CDS), au vendeur de protection qui promet de compenser ex post les pertes de l'actif de référence en cas d'événement de crédit précisé dans le contrat. Il s'agit donc, sur le plan des flux financiers, de l'équivalent d'un contrat d'assurance".

Poursuivons dans Wikipedia : "Il s'agit d'une transaction non-financée : sans obligation de mettre de côté des fonds pour garantir la transaction, le vendeur de protection reçoit des primes périodiques et augmente ses avoirs sans nul investissement en capital si aucun événement de crédit n'a lieu jusqu'à maturité (la fin) du contrat. Dans le cas contraire, événement plus ou moins probable mais très coûteux, il est contraint de faire un paiement contingent, donc de fournir des fonds ex post. Il s'agit donc d'une exposition hors-bilan.

Les CDS ont été largement incriminés dans la responsabilité de la crise financière de 2007-2010 puis la crise de la dette dans la zone euro de 2011".

Tu m'étonnes!  On dit que le marché des CDS représente plus de 90% de tous les dérivés de crédit, les trois-quarts de ce marché étant entre les mains d'une dizaines de "dealers". Mieux encore, en 2008, le marché des CDS dépassait de dix fois le montant total des créances sous-jacentes et même le PIB mondial !

En somme, X achète à Y, par exemple, un CDS sur une créance-bidon (des obligations d'Etat grecques pour prendre un cas célèbre), sans être lui-même en rien un créancier de la Grèce; il le fait sur une base de prix qu'on nomme, dans le langage fleuri des traders, "le montant notionnel de l'actif à couvrir" (j'adore le "notionnel" qui veut simplement dire que ce montant est théorique et équivaut souvent à plusieurs fois le montant de la créance elle-même !) ; l'acheteur (celui qui par là s'assure en quelque sorte), ne paye pas le vendeur, en réalité, sauf en lui versant "des primes périodiques", le seul intérêt du "vendeur" (l'assureur) étant "d'augmenter ses avoirs [purement théoriques puisque c'est de la monnaie de singe en général] sans nul investissement en capital".

Il ne reste plus au "vendeur de protection" (l'assureur) qu'à prier pour que ne se produise pas un "événement de crédit" [toujours ce bel art de litote, puisqu'il s'agit là de la faillite de la Grèce par défaut de paiement] et à "l'acheteur de protection" qu'à prier, à l'inverse, pour que se produise le même fâcheux "événement de crédit" qui lui permettra de toucher l'assurance. 

Si vous comprenez quelque chose à ce système, dites-le moi et surtout expliquez-moi comment on peut être assez stupide pour marcher dans pareille combine, sauf si le vendeur et l'acheteur de CDS sont une seule et même personne ou institution et si l'on trompe sciemment le gogo acheteur !

Pour y comprendre un peu quelque chose, faites comme moi, lisez Gaël Giraud sj, notre génial trader devenu jésuite

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lundi 14 octobre 2013

Gérontocratie européenne


Grande fiesta européenne pour les Journées de Bruxelles organisées, ce jeudi 10 octobre 2013, par le Nouvel Observateur avec comme animateur Laurent Mouchard dit Laurent Joffrin, qui aurait été mieux inspiré dans ce rôle en révélant un peu aux spectateurs, souvent jeunes semble-t-il, le dessous des cartes.

 À la télé (car vous l'aurez deviné, je n'étais pas à Bruxelles), le spectacle avait des allures de musée Grévin, car il s'ouvrait par la présentation des deux vedettes de la soirée. Le premier arrivant était Valéry Giscard d'Estaing, 87 ans aux prunes, quasi momifié, qui était chargé d'ouvrir le spectacle ; son concurrent direct, qui le suivait de près, était Jacques Delors, son aîné d'une année (88 ans). Il manquait hélas à cette petite fête, Monsieur Martens, hélas ravi à l'affection de l'Europe quelques jours auparavant, à 77 ans, frappé en pleine jeunesse par un inexorable destin.

Ce qui est admirable dans toute cette affaire, c'est que l'un et l'autre, car je n'ai guère entendu que des fragments des discours de ces deux vedettes, semblent parfaitement satisfaits quand ils se retournent, dans la mesure où leurs articulations le leur permettent encore, pour examiner leur œuvre et leur bilan européens.

Giscard, déçu dans ses perspectives de réélection à une seconde présidence de la République en France, n'a cessé de rêver en vain, en ses lieu et place, à une présidence de l'Europe ! Dans toute cette affaire, sa responsabilité est toutefois bien moindre que celle de Jacques Delors.

Ce dernier, au fond, à parcouru un chemin onirique un peu inverse. Après avoir rêvé d'être Premier Ministre (en 1981), déçu d'abord dans cet espoir par le choix de Mauroy puis viré du gouvernement Fabius, il est entré, en 1985, dans la galère européenne et y est resté à la barre jusqu'en 1995, pour notre malheur.

Il a été, en effet, alors un des pères de la "grande" Europe au moment de la fin de l'URSS et du racolage frénétique des PECO (1993) qui n'avaient rien à y faire. Faire nombre était la grande idée de Delors ; pour faire une Union européenne, qui se voulait celle de l'industrie et du commerce, on y a fait entrer, sans la moindre réflexion, une série de clampins de tout poil. Delors y avait fait entrer l'Espagne et le Portugal (1986) et mis en œuvre la fameuse intégration européenne de la Grèce dont on a vu les résultats(acquise depuis 1981) ; tout le monde savait qu'elle était frauduleuse, puisque ses comptes, vendus à prix d'or par Goldman-Sachs, étaient totalement falsifiés. Le folklore grec a immortalisé le nom même de Jacques Delors par la tradition des "paquets Delors" (le «  paquet Delors I  » de février 1988 visait, à l'origine, à financer les mesures d’accompagnement du marché unique) ; les milliards donnés par l'Europe, qui arrivaient en Grèce, en repartaient aussitôt pour les paradis fiscaux, la Suisse en particulier 

Bref, Jacques Delors, entre 1985 et fin 1994, a été l'initiateur et le propagandiste de l'incessant élargissement, démentiel et irréfléchi, de l'Europe dont nous payons toutes les conséquences aujourd'hui dans l'Est (avec les PECO ou les Etats baltes) comme dans le Sud (avec les pitreries de l'intégration européenne de Chypre ou de Malte ! On attend encore avec impatience celle du Vatican qui ne serait pas la pire). Notre malheur n'est sans doute pas fini puisque la grande négociation actuelle, on le sait, est celle de l'entrée de l'Ukraine qui a donné toutes les garanties du côté de la démocratie qu'on exigeait préalablement d'elle, avec l'affaire Timochenko! Le problème n'est d'ailleurs pas seulement là, car l'Ukraine n'est pas Malte et ses 46 millions d'habitants nous préparent des lendemains qui chantent et les Ukrainiens  vont sans doute, pour partie, venir s'ajouter au déferlement oriental. Nous sommes d'autant moins sortis de l'auberge européenne que c'est aussi à ce bon Monsieur Delors que nous devons l'espace Schengen dont nous subissons aujourd'hui toutes les conséquences.

Sur un autre plan, l'Europe, de façon plus ou moins directe, est devenue une sorte de maison de retraite spirituelle pour ceux qui rêvent, comme Giscard et Delors bien entendu au premier chef, de la gloire des Jean Monnet et Robert Schuman ; ils songent même désormais au Panthéon, même s'il est trop tard pour eux de songer à changer de sexe pour passer devant les autres ! L'Europe est une sinécure pour certains autres, beaucoup plus jeunes et assez malins qui pour s'en faire une, comme ce brave Romano Prodi, grand apôtre actuel de l'intégration de l'Ukraine mais qui, il faut bien le dire, est un bambin à côté des deux autres avec ses 75 ans. C'est sans doute ce qui lui permet de jouer à la fois la carte du Sahel (avec l'ONU) et celle de l'Ukraine (du côté de l'UE).

Le plus remarquable de tout cela est que ces bons vieillards semblent vivre davantage dans le passé que dans le présent et moins encore dans l'avenir, ce que l'on comprend ; le principal mérite de l'UE aux yeux de Giscard est qu'elle « a rétabli la paix sur notre continent », ce qui est, pour le moins, faire bon marché de feue la Yougoslavie ; quand on lui fait observer que les Européens "n'aiment pas l'Europe", ce qui est bien normal après tout puisqu'elle apparaît sans cesse comme un cerbère sourcilleux et tatillon, plus préoccupé de l'épaisseur des tranches de mortadelle ou du pourcentage de cacao dans le chocolat que de l'harmonisation des régimes fiscaux ou sociaux des Etats membres, il n'en croit rien, car il n'en retire, lui, que des bienfaits, des invitations et des honneurs ! Il persiste donc à croire, contre toutes les évidences, que la majorité des Européens est aussi optimiste que lui.

Quant à Jacques Delors (ce syndicaliste de gauche farouche qui mettait sa petite Martine à l'école au « Collège privé Notre-Dame-des-Oiseaux », rue Michel Ange), il persiste dans ses contradictions et ses utopies, mais je pense que ses économies comme ses retraites, diverses et multiples, le mettent à l'abri des calamités financières qui frappent la majorité des pauvres Européens. En tout cas, il est clair qu'il n'a aucune conscience des sottises qu'il a pu commettre et du caractère fâcheux de leurs conséquences que nous subissons chaque jour.

Apparemment à Bruxelles, on leur a épargné les tomates et les oeufs punais qu'on pouvait craindre et qu'ils méritaient. Ils ont pu, une dernière fois peut-être, jouir avec délices de tous les honneurs, descendre de leur limousine, se faire tirer le portrait (on prépare les "nécros"), signer des autographes et serrer des louches. Heureux vieillards !
 Les choses seront sans doute moins gaies pour ces nonagénaires, grands admirateurs d'une Europe dont ils se jugent les pères fondateurs, alors que les élections qui se profilent pour le printemps amèneront sans doute au parlement de Strasbourg une majorité d'anti-européens ; la chose leur pend au nez mais ils ne le voient pas, car ils ne sont pas plus clairvoyants aujourd'hui qu'ils ne l'ont été dans le passé.

jeudi 10 octobre 2013

De l'arrière-cuisine au cœur du réacteur : le sparadrap de la refondation de l'école


Avant d'en venir à mon sujet principal qui est la "refondation de l'école", objectif majeur de notre nouveau ministre de l'éducation nationale avec le mercredi, l'instruction civique (même sous la torture je ne dirai pas "citoyenne") et quelques autres, je me permettrai de signaler au responsable de la première page de Mediapart qu'il serait bien inspiré de se montrer un peu plus vigilant dans la composition de cette page d'accueil.  Y voisinent, en effet, comme aujourd'hui en tête de gondole, une formule en latin de cuisine ou même d'arrière-cuisine (ce qui montre la nécessité soit de rétablir l'enseignement du latin, soit d'en interdire l'usage) et un article sur "le cœur du réacteur", ce qui n'est guère vrai (comme on le verra) ni surtout du meilleur goût métaphorique, après la catastrophe de Fukushima. En lisant un peu à travers les lignes, je crois toutefois deviner que C. Lelièvre est un peu en service commandé vu les réactions que suscitent actuellement diverses mesures du Ministre et la proximité de C. Lelièvre avec le pouvoir actuel puisqu'il a pris part à l'élaboration de son programme éducatif. Il lui est donc difficile de se dérober dans les affrontements actuels. Encore ne faut-il pas trop en faire malgré tout !

L'article de Monsieur Claude Lelièvre, professeur émérite d'histoire de l'éducation à l'université de Paris V, qui s'intitule de cette façon que je juge quelque peu inopportune « Le cœur du réacteur » a été publié pour la première fois le 9 octobre 2013, avant d'être repris le lendemain et, comme on peut le craindre, il le sera sans doute dans les jours qui viennent ; il me paraît discutable sur plusieurs points. J'hésite évidemment à affronter un spécialiste si éminent d'une question dans laquelle je suis relativement peu informé, en dépit d'un séjour d'une bonne quarantaine d'années à différents niveaux et dans différentes fonctions au sein de l'école. J'ai toutefois été encouragé à le faire par les premières réactions que j'ai lues à propos de ce texte dont je ne cite que la première qui émane de Catherine Chabrun et que sa sage brièveté même m'encourage à reproduire : « Je suis inquiète… Peut-on vraiment transformer la nature des programmes et dépasser les intérêts particuliers des disciplines ? ». Cette remarque me paraît pleine de bon sens et rejoint, pour partie, certaine de mes réactions

Le premier point qui m'a un peu étonné dans l'article de Claude Lelièvre est de le voir prétendre que le Conseil supérieur des programmes (désormais CSP) est "historiquement tout à fait inédit" ; un peu plus loin, il rappelle cette formule en l'aggravant encore : "Ce dispositif est complètement inédit en France où il y a jamais eu de tentatives sérieuses en ce sens, (même si feu le Conseil national des programmes institué par la loi d'orientation de 1989, puis supprimé celle de 2005, avait tenté quelque peu d'aller au-delà des questions strictement programmatiques). Et le Haut conseil de l'éducation (institué par la loi d'orientation de 2005 et supprimé par celle de 2013) n'a eu aucune vocation précise en ce sens".

Comme disait nos sages anciens "Faire et défaire c'est toujours travailler !". Ce fameux CSP nouveau est donc "historiquement" "complètement inédit" à ce détail près que, dans le dernier quart de siècle (entre 1989 et 2013), il en y en a déjà eu deux autres, d'intitulés et de vocations quasi identiques : Le Conseil national des programmes (CNP) de 1989 à 2005 et le Haut Conseil de l'éducation (que Luc Ferry a présidé avant d'être ministre) à partir de 2005. C. Lelièvre oublie toutefois, en outre, le Haut Conseil de l'évaluation de l'école qui a cessé d'exister en novembre 2005

J'ajoute que le Conseil national des programmes ou le Haut Conseil de l'éducation avaient, grosso modo, les mêmes fonctions que le présent CSP ("le coeur du réacteur") ; en fait ils n'ont pas fait grand chose car l'administration centrale, l'Inspection générale (qui régnait seule sur les programmes jusqu'en 1989) et les lobbys disciplinaires gardaient l'essentiel du vrai pouvoir de décision . Qu'en sera-t-il pour le CSP ?

En outre à lire les textes qui ont mis en place ces conseils, je ne vois guère de différences, pour les objectifs et les fonctions du moins, entre ses précédents conseils et le nouveau conseil mis en place par la loi de 2013. J'observe d'ailleurs qu'il ne s'occupera pas réellement lui-même des programmes, puisque ces questions sont confiées à des groupes d'experts qui viennent alourdir encore un peu plus le système déjà fort pesant et entre lesquels les arbitrages ne seront pas simples, chaque discipline considérant toujours que la réforme, c'est pour les autres!

Ce qui m'amène, pour ne pas être trop long, à deux remarques, un peu moins sérieuses dans leur formulation, dont j'espère que Monsieur le professeur Lelièvre de se formalisera pas.

La première est que le vrai caractère, inédit et novateur, de ce CSP tient, comme C. Lelièvre le note avec force, à sa composition . Il est " composé de neuf femmes et neuf hommes, selon une stricte parité : un gage aussi de nouveauté en l'occurrence". On a tout prévu ; en effet, le dernier Haut Conseil de l'Education comprenait neuf membres, ce qui rendait difficile la mise en pratique d'une stricte parité ... sauf à recruter un neuvième membre hermaphrodite.

Même si l'on ne l'enseigne plus guère, le latin est décidément à la mode, au moins dans Mediapart, puisqu'on y fait même des gros titres de première page, en latin de cuisine il est vrai. J'observe aussi que, dans le texte assez court de Claude Lelièvre, on ne trouve pas moins de trois fois l'expression "ad hoc". Je sais bien que cette expression est quelque peu à la mode. Monsieur Lelièvre étant de formation philosophique, n'est en aucune façon latiniste et on ne peut donc l'accuser de favoriser sa discipline. La récurrence excessive de cette expression "ad hoc" me fait donc ici penser plutôt, dans un tout autre registre, au fameux sparadrap du capitaine Ad Hoc dont il ne peut se débarrasser!

mercredi 9 octobre 2013

Éric Juppé et Alain Woerth : fusible ou lampiste ?


La décision finale des juges de Bordeaux a un peu étonné tout le monde, même si elle n'aurait pas dû surprendre, alors qu'elle est tout à fait dans la logique de notre système et d'une justice qui, selon le mot de Figaro, est toujours indulgente aux grands et dure aux petits, encore que, dans la circonstance, il ne s'agisse ni de l'un ni des autres. Comprenne qui voudra.

A ce propos, pour celles et ceux qui jugeraient étrange la distinction entre "étonner" et "surprendre" qu'on confond désormais si volontiers, je rappellerai une anecdote dont le héros est Emile Littré, l'auteur du dictionnaire. Trouvé au lit avec la bonne par Madame Littré revenue au logis inopinément et comme elle s'exclamait, "Monsieur, je suis surprise de...", elle fut interrompue dans son indignation par la remarque toute professionnelle de son lexicographe de mari ; "Non, Madame, vous êtes étonnée et nous sommes surpris!".

Mais cette mise au point lexicale faite, revenons à notre affaire.

À lire les extraits de la décision de Bordeaux (267 pages si je me souviens bien, car nos magistrats ont la plume facile, même s'ils écrivent de conserve !), il n'est fait aucune allusion claire et précise au point principal des réponses de Nicolas Sarkozy sur le nombre de visites qui a rendues à Madame Bettencourt. Il a toujours affirmé, en effet, contre vents et marées, n'en avoir fait qu'une seule, alors que plusieurs témoignages en signalent au moins deux. Mieux, on dispose de photographies où on le voit entrer chez elle vêtue de façons différentes. Même un Fregoli de la politique change moins vite de costume que d'opinions et il ne saurait le faire dans de telles conditions.

On s'étonne naturellement qu'au terme de considérations sur les comportements de Nicolas Sarkozy qui ont toute l'allure d'un réquisitoire, aussi sévère que fondé, les deux magistrats concluent par l'abandon des poursuites, alors qu'elles sont maintenues contre ce pauvre Éric Woerth qui était pourtant apparemment dans une position subalterne, puisque, s'il allait solliciter de l'argent chez l'héritière de L'Oréal, c'était évidemment pour le financement de la campagne de son candidat et donc avec l'accord de ce dernier, sinon sur ses instructions.

Tout donne donc à penser que pour des raisons qui demeureront inconnues, (Sarkozy a été ministre de l'intérieur et nul ne quitte la Place Beauvau sans emporter quelques dossiers sur ses ennemis ... et ses amis), on a cherché une solution qui ménageât à la fois les juges, en leur permettant de sauver la face puisqu'en cas de poursuite, ils auraient pu éventuellement, vu la teneur de leurs conclusions, atténuées au regard des faits, voir le prévenu relaxé, ce qui leur aurait fait perdre professionnellement la face, et Nicolas Sarkozy lui-même, qui s'il est épargné dans cette affaire, voit son image quelque peu ternie et les poursuites engagées contre son comparse.

On ne peut que songer à la totale similitude qu'il y a, dans cette situation, avec celle qui fut naguère celle du tandem Chirac-Juppé et qui se termina par la condamnation de ce pauvre Juppé, contraint d'aller porter le chapeau ou plutôt la chapka dans les arpents de neige canadiens. En sera-t-il de même pour ce pauvre Monsieur Woerth ? Je lui suggérerais plutôt l'édénique île seychelloise d'Arros. C'est assez probable à moins qu'on ne se contente, pour finir, du menu fretin (en dépit des sommes en jeu) que constituent Messieurs Bannier et de Maistre.

Pauvre Monsieur Woerth ! C'est la dure loi du métier politique en cas de coup dur ; elle vous condamne souvent à des choix douloureux, même en matière de métaphores, entre les inévitables mais nécessaires fonctions de fusible ou de lampiste!

mardi 8 octobre 2013

La prétendue réforme de France Université Numérique (FUN)



Avant même d'être consterné par la lecture de la présentation qui est faite de ce projet (exposé le 2 octobre 2013 par Mme G. Fioraso), qu'on trouve, dans le site officiel du gouvernement français, sous "France Université Numérique (avec tous les jeux de mots anglo-américains que recèle cet acronyme et dont je me demande ce que peuvent en penser nos amis québécois), je dois dire que je suis horripilé, encore un peu plus que d'habitude, par l'anglomanie stupide des rédacteurs d'un tel texte ; je n'en citerai qu'une phrase comme exemple : "Aujourd'hui les étudiants sont de la génération Y, couramment appelés « digital natives ». Ultra connectés, jonglant avec l'information, ils ont massivement contribué à introduire les nouvelles technologies dans l'enseignement supérieur"(2 octobre 2013)

Si l'on admet, comme la plupart des auteurs que la "génération Y" est née à la fin des années 70, elle est formée de gens dont on ne peut guère dire "ils ont massivement contribué à introduire les nouvelles technologies dans l'enseignement supérieur" puisque, dans une totale contradiction, ce même projet vise, au contraire, à donner enfin à ces technologies au sein de notre enseignement supérieur la place qu'elles n'y ont pas.

Il faudrait tout de même savoir !

Je ne vous parlerai même pas ici des MOOCs, (Massive Open On Line) ces "plateformes interactives d'information sur les filières universitaires" qui pourraient tout aussi bien, et plus clairement, être des PIFU... mais MOOCs est tellement plus "in" et "fashion" ! Je ne comprends pas que la Délégation générale à la langue française et aux langues de France, comme nos multiples commissions de terminologie et le ministère de l'enseignement supérieur et la recherche acceptent pareilles entorses à l'utilisation du vocabulaire administratif français officiel qui, rappelons-le au passage, impose pour les messages électroniques le mot "courriel" et interdit l'usage d'"e-mail", qui est un attentat à la phonétique du français, comme le sont, à son lexique, les emplois constants, avec les sens fautifs qu'on leur donne, de "renseigner" (pour remplir), "initier" (pour commencer) ou "errement" (pour erreur).

Mais laissons ces aspects lexicaux pour le fond du problème dont ces abominations révèlent d'ailleurs certains aspects.

Il est en effet désormais clair pour moi que le projet FUN de Madame Fioraso (dans lequel elle n'est sans doute pour rien) fait clairement fausse route, ce que prouve la référence exclusive au modèle étasunien que le MRES connaît très mal, à moins que, par perversité (ce que supposent certains de mes commentateurs), on ne s'en serve comme d'un masque. 

Ma première remarque (mais je l'ai déjà faite hier et je passe donc rapidement, est qu'on nous présente comme une innovation révolutionnaire, une stratégie de diffusion de l'information et de la formation que les Américains utilisent depuis près de 15 ans (sans parler de l'Australie ou du Canada) comme je l'ai montré à propos de l'exemple du MIT . Tout cela existe d'ailleurs en France, ici ou là, depuis longtemps ; j'ai moi-même avec quelques collègues, dont L.-J. Calvet, mis en place, il y a quinze ans, un "cybercours" - (terme que le préfère à MOOC), pour un DESS de "coopération linguistique et éducative".

Dans mon précédent post sur cette question, j'ai fait apparaître surtout que cette mise en ligne de tous leurs cours par de nombreuses universités américaines était, en réalité, (ce qui échappe totalement au MRES) une forme simple, efficace et peu coûteuse de PUBLICITE. Ce type d'action ouvre, au mieux, sur une vague forme de certifications, mais, en aucun cas, ne permet d'accéder aux diplômes délivrés par l''université, sans avoir auparavant "acheté" une inscription qui, aux États-Unis, coûte aux alentours de 25 000 à 30 000 € dans les grandes universités dont il est question.

Le modèle américain est donc pervers, si l'on y voit autre chose qu'un outil pratique, peu coûteux et efficace, de la culture scientifique au sens le plus large. A imiter servilement les MOOC américains, on ne prépare nullement une "université numérique", comme on le donne à croire, mais une sorte de France Culture universitaire, dont je ne conteste pas l'intérêt mais qui existe en partie déjà dans certaines disciplines ; je pense ici aux cours de philosophie de Michel Onfray ou à certaines émissions de Finkielkraut et de quelques autres mais ce ne sont là, en rien, de VRAIES filières universitaires ouvrant sur des DIPLOMES qui dans le système français seraient QUASI GRATUITS !

J'aurais pu faire avant ce que je n'ai fait qu'hier. Je suis allé, en effet, consulter le site de ce France Université Numérique et je suis consterné par ce que j'y ai lu, comme je l'ai déjà dit à propos de l'anglomanie. Je ne parle même pas du style abondamment métaphorique, avec, dès l'abord; une phrase comme « utiliser le numérique comme un véritable levier de transformation », comme si un levier pouvait servir à transformer quoi que ce soit ou la mention d'une "feuille de route [le sésame administratif universel] ambitieuse sur le numérique" alors que, manifestement, la réflexion, qui a présidé à tout cela, est des plus courtes, sinon nulle.

Le projet ne concerne quasiment en rien les ETUDIANTS et les DIPLOMES, eux, ne sont même pas mentionnés. On peut le prouver ici par la simple mention d'une rubrique majeure du site qui s'intitule "En quoi ça me concerne" . Les quatre articles dont je reproduis le texte jusque dans sa typographie :

1. JE VEUX SUIVRE

UNE FORMATION

mieux m'orienter avant d'entrer dans le supérieur,, améliorer la réussite de mes études ou accéder à la formation continue, valider les acquis et les compétences."

Les points     2  JE SUIS UNE UNIVERSITE

                    3  JE SUIS UNE ENTREPRISE*

                    4  JE SUIS UN(E) ENSEIGNANT(E).

ne concernent pas la question des étudiants dont nous traitons. On constate que ne figurent pas ici les termes attendus "INSCRIPTIONS", "EXAMENS" et "DIPLOMES". Nous sommes donc bien dans le registre France Culture Universitaire et non pas dans une "université numérique".

En réalité, les étudiants sont, dans cette affaire, la cinquième roue de la charrette du FUN. Les éléments de "programmes" le confirment, s'il en est besoin. En fait, au lieu de mettre à disposition un "cyber enseignement cohérent avec des filières précises sanctionnées, suite à des inscriptions réelles, mais quasi gratuites, par un examen et un diplôme", on fait, de bric et de broc, une espèce de salade composée culturelle où chacun, établissement ou individu, vient faire sa publicité, de l'université Joseph Fourier de Grenoble au CNAM de Paris qui, chacun le sait n'est d'ailleurs pas une université. L'attraction principale de cette prétendue université numérique sera, semble-t-il, Cédric Villani, une de nos médaillé Fields, grand amateur de spectacle scientifique, qui viendra probablement donner ses enseignements au centre d'une araignée !

Tout cela a son intérêt voire son mérite, mais ce France Culture universitaire n,'est en rien le projet universitaire démocratique et non mercantile (comme aux USA) qu'aurait pu imaginer un gouvernement de gauche.

Je constate d'ailleurs que, dans la première "action" (pour ne pas chercher plus loin), intitulée Dieu sait pourquoi "QuidQuam [avec un gros barbarisme mais on n'y initie pas au latin!]? Eurêka !", destiné à la "vulgarisation scientifique" et aux lycéens qui, refusés dans les classes préparatoires scientifiques, iront peupler les premières années de SSM et de SNV, le responsable est un certain Daniel Hennequin " chercheur au CNRS" (où, me semble-t-il, on enseigne guère !) et Maxime Beaugeois, "docteur en physique" (ce qui ne marque pas la moindre qualification à l'enseignement). De tels choix d'"enseignants" suscitent de ma part une interrogation : les universités ne sont-elles donc pas concernées par cette prétendue "université numérique" ?.

Tout cela a donc l'apparence d'un verbiage inconsistant autour d'un projet inadapté dans lequel une bonne vingtaine de personnes dont les binettes nous sont proposées ont déjà fait leur lit ou trouvé leur fromage.

L'énoncé des "axes majeurs de transformation" sont à eux seuls suffisants pour juger de la pertinence de cette entreprise.

Le premier "axe" consiste à "utiliser le numérique pour faciliter toutes les étapes du parcours de réussite de l'étudiant" dont, rappelons-le, on ne sait pas à quoi il mène. On attendrait ici de véritables de "cyber enseignements" spécialisés sur des domaines et sanctionnés par des diplômes.

Le second axe (qui est non pas un "second" mais un "deuxième", puisqu'il en a un "troisième", mais on ne peut exiger une connaissance minimale de la langue française de la part d'auteurs qui se meuvent si joliment parmi les MOOCs) consiste à faire "du numérique un levier de rénovation pédagogique". Le rédacteur de ces textes est manifestement un admirateur d'Archimède, mais il est aussi peu familier du français que la physique, car on voit mal comment le "numérique" peut être en même temps un "axe" et un "levier" !

"Le troisième axe vise à faire du numérique un outil au service de l'ouverture et de l'attractivité de l'université" ; on ne comprend pas bien pourquoi d'ailleurs, puisque précisément si cette entreprise réussissait vraiment en tant qu'université numérique, elle contribuerait plutôt à retirer des étudiants physiquement présents à l'université qu'à lui en ajouter.

Naturellement on ne saurait échapper à l'écologie et, sur la fin, on évoque, avec gourmandise, "l'écosystème de l'enseignement supérieur", expression dont le sens m'échappe un peu mais qui est assurément susceptible de faire briller les l'équipes de rédaction pour qui le numérique, qui était déjà un "levier", un "axe" et un "outil", devient en outre, "l'accélérateur de la démocratisation et de la réussite étudiante en France en Europe et dans le monde".

Puisqu'ils ont fini de rédiger leur projet de FUN (décidément de plus en plus "funny"), il faut de toute urgence affecter ces savants à ces grands projets de recherche industrielle innovante et en particulier à la conception du véhicule de demain dont rêve notre président !