Messages les plus consultés

dimanche 13 avril 2014

Pour bien réussir dans la politique...

Je ne vous referai pas le coup de la chansonnette « Pour bien réussir dans la chaussure … », j’en rappelle simplement le début : « Pour bien réussir dans la chaussure, / Il suffit simplement d'un corsage dont l'échancrure/  laisse voir des trésors charmants… ». Je ne peux pas dire non plus que cela ne marche pas de temps en temps ; on a dit autrefois que c'était là ce qui avait suffi à Édith Cresson pour se voir proposer le poste de Premier Ministre par Tonton mais nous n'en sommes plus tout à fait là, quoique…. En fait, il y a désormais deux méthodes plus sûres et apparemment fort différentes l'une de l'autre ; les récents remaniements politiques nous montrent qu'elles sont toutes deux susceptibles de réussir.
La première est la plus délicate, car elle suppose des éléments qui ne sont guère totalement maîtrisables. Elle consiste, dans un premier temps, pour l'intéressé à occuper un emploi clairement destiné à un autre, dans lequel on aura eu néanmoins l'imprudence, l’inadvertance ou la sottise de l’installer. C'est ce qui s'était passé récemment pour l'ex-secrétaire général de l'Élysée  (dont le seul boulot, bref et sporadique, est de lire des papiers sur le perron élyséen !) qui est apparu d’emblée comme un exemplaire de cette espèce d'individus totalement insignifiants, arrivé là Dieu seul et le Président savent pourquoi. J’aurais pu tout aussi bien prendre comme exemple d’un tel cas notre ex-Premier Ministre qui, taillé sur le même modèle, a connu la même aventure finale. Comme on ne peut pas nommer d’emblée comme SG celui qu’on voulait en fait, mais dont la trahison était trop récente encore, il faut mettre en place comme bouche trou un pantin insignifiant, sorti on ne sait d’où, qui ne fera pas d’histoire quand on le virera au profit du copain enfin pardonné ! Il la bouclera d’autant plus que son éviction sera largement compensée, sur tous les plans, par sa nouvelle nomination. Il fallait un financier, ce fut un préfet qui l’obtint !
L'ex-Premier Secrétaire du parti socialiste constitue un cas en apparence un peu analogue, mais néanmoins très différent dans les faits. Sa première nomination en 2012 fut déjà tout un poème ! Sa nullité reconnue, loin d'être un obstacle à sa nomination le servit. La batterie de cuisine qu’il trimbalait à ses trousses était propre à le rendre docile. Ses erreurs de jeunesse, à une malheureuse époque où il devait faire payer ses costumes favoris par l'association dont il était l’icône afro et chevelue (il a bien changé sur tous les plans) et qui, hélas sans emploi précis (en dépit d’une licence de philosophie à l’ancienneté !), devait se contenter d'emplois fictifs lointains mais peu astreignants. Tout cela avait finit par entraîner des condamnations, dont fort heureusement plus personne ne se souvient et surtout pas le Président de la République, qui s'était pourtant engagé à ne jamais avoir dans son entourage des personnes ayant été condamnées par la justice. Sa force, cachée, était de savoir à la fois qu'il était totalement incapable de remplir la fonction visée alors que cette position était convoitée par une autre figure du parti socialiste, éminente celle-ci, aussi peu vierge que lui sur le plan judiciaire ( à croire qu’il faut ça dans le CV de Premier Secrétaire) mais qui s'emploierait à coup sûr, dans la suite, une fois son incurie avérée, à l’aider à changer d'emploi.
L'astuce toutefois, en pareille circonstance, consiste à occuper un emploi qui se cumule avec la copieuse indemnité d’eurodéputé (pas fou le bougre !) dont on ne peut pas être viré ad nutum (comme disaient les Gracques qu’on verra apparaître plus loin !) et qui exige même un Congrès du PS pour tout changement de titulaire. Dans la mesure où les circonstances empêchent d'en réunir un sur le pouce du jour au lendemain, il est évident qu'on est totalement invirable, sauf démission, et qu'on peut dès lors se faire facilement attribuer, simplement en refusant de céder sa chaise, sinon un ministère plein, du moins un strapontin de Secrétaire d'État. 
L’emploi de député européen, fort rémunérateur, était de toute façon perdu d’avance, vu la concurrence féroce au sein du PS et le poids des has beens ! Quant à l’intérêt pour les affaires européennes, tout indique, de la part de cet eurodéputé une compétence rare qu’ont marquée une absence quasi permanente (place très honorable de 752ème selon Votewatch dans la queue des députés les plus présents au Parlement) et une activité en commission quasi nulle (un seul rapport en cinq ans) !
Tout cela est très banal, mais il existe une autre voie d'accès à un portefeuille de ministre ou, au pire, un maroquin de Secrétaire d'État. Elle est illustrée par le nouveau Secrétaire d'État au budget, Monsieur Christian Eckert qui, jusqu'à cette nomination, était « rapporteur général de la commission des finances de l'économie générale et du contrôle budgétaire » de l'Assemblée nationale (on a supposé qu’il savait compter puisqu’il est professeur de mathématiques, ce qui est d’ailleurs une erreur car, pour les calculs, mieux vaut avoir recours aux physiciens !).
Cette méthode est plus originale car, contrairement à ce que l'on pense et aux comportements de certaines autres ambitions, elle consiste, non pas à faire du léchage systématique des bottes des autorités en place, mais au contraire à les emmerder au maximum, jusqu'au moment où l’on vous évacue par le haut pour se débarrasser enfin de vous.
Monsieur Eckert a beaucoup d'avantages dans cette fonction et dans ce type de stratégie. Dès la naissance peut-on dire car il est né à Algrange, ville dont le nom, à la finale typiquement mosellane, rappelle Gandrange, devenu symbolique. Algrange est l’une des Mecque de la Gauche, ville qui se rendit célèbre pour avoir eu, dès 1923, un maire communiste et fut ensuite un centre des luttes syndicales de 1936 en raison des mines qui s'y trouvaient.
À ce passé glorieux, auquel à vrai dire qu'il ne doit pas grand-chose, Christian Eckert a ajouté des mérites et des choix personnels ; il a été un des rédacteurs du livre paru en 1983, Pour réussir à gauche, dont l’une des corédactrices était M.N. Lienemann, ce qui suffit à montrer la couleur des propositions qui y étaient formulées.
L’amusant de la chose est que ce livre, d’inspiration rocardienne, fut publié sous le pseudonyme des « Gracques », ce qui était à la fois hardi et imprudent puisque si les frères Gracchus (Tiberius et Caius), issus de la nobilitas plébéienne de Rome,  ont tenté, sans y parvenir, de réformer le système social romain cette entreprise ne leur a guère réussi puisqu’ils y ont laissé l’un et l’autre leur peau ! On ne peut pas toutefois reprocher aux politiques socialistes de mal connaître l'histoire romaine, même s'ils essayent de se parer, Dieu seul sait pourquoi, de quelques-uns de ses oripeaux.
Christian Eckert, comme rapporteur général de la commission des finances et dans ses diverses interventions à l'Assemblée nationale, n’a jamais manqué d'avoir une présence constante et très marquée à gauche au sein de la représentation nationale. Un emmerdeur en somme ! Faute de pouvoir le faire taire vu sa position et son passé, il a semblé plus de simple et plus efficace au socialisme libéral, désormais assumé, de l'évacuer par le haut, ce qui sera sûrement tout à fait efficace.

Les voies du pouvoir, comme celles du Seigneur, sont décidément impénétrables ! Feront-elles revenir aux urnes les électeurs ? J’en doute un peu ! On cite souvent comme une formule de Péguy la phrase « Autrefois on mourrait pour la République, maintenant on en vit ». Ce n’est pas tout à fait ce qu’il a écrit dans Notre jeunesse ! Le texte exact est « « La mystique républicaine, c’était quand on mourait pour la République ; la politique républicaine, c’est à présent qu’on en vit.». Au fait songera-t-on à célébrer le centenaire de sa mort au front, en septembre ?

Aucun commentaire: