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samedi 30 juillet 2011

Les nababs de la pauvreté . Exemple et suite.

Par hasard, j'ai lu, dans le quotidien haïtien, le Nouvelliste, un article de Carl-Henry Cadet qui fait un rapprochement, inattendu mais pertinent, entre Haïti et le Cambodge . Cet article fait suite à la projection publique à la FOKAL du film « Inside job » de la journaliste-cinéaste américaine d'origine cambodgienne Kalyanee Mam, Oscar 2011 du meilleur documentaire. qui avait été invitée à Port-au-Prince par l'ICFJ (International Center for Journalists).

"Haïti et Cambodge : un triste tableau

Haïti et Cambodge sont très distants sur le plan géographique, mais ils sont très proches sur le plan socio-politico-économique. Les deux pays, sous protectorat voilé ou ouvert de la communauté internationale, deviennent des terres fertiles pour le développement des ONG.

[...]

Le débarquement de l'ONU a ouvert la porte aux ONG qui sont aujourd'hui les vrais maîtres du Cambodge [il y en aurait un millier en Haïti]. Elles sont, selon la journaliste, plus de 3 000 au pays dont la population est aujourd'hui évaluée à 14 millions d'habitants. « Fuite de la main-d'oeuvre qualifiée, effondrement de l'industrie, dégradation du système éducatif, généralisation de la corruption... » sont parmi les maux ayant frappé le pays après 1991.

Avant l'arrivée de l'ONU, la pandémie du sida était presque méconnue au Cambodge. « Pas plus de 6 000 personnes malades du sida ont été recensées à travers tout le pays avant 1991, a indiqué Kalyanee. Ce chiffre est passé à 20 000 en 1992 pour atteindre entre 50 000 à 90 000 en 1995. » « L'ONU a apporté le sida au Cambodge et le choléra en Haïti », a souligné un participant à l'atelier [il est désormais avéré que sont en cause, pour Haïti et le choléra, non pas les ONG, mais des troupes asiatiques de la MINUSTAH dont le contenu des latriners a été déversé dans l'Artibonite par une société haïtienne chargée de leur traitement].

Dans les années 50 et 60, le Cambodge était considéré pour son attractivité touristique et son industrie florissante comme « La Perle de l'Orient ». Aujourd'hui, avec un revenu per capita inférieur à 800 dollars américains, les Cambodgiens vivent de l'assistanat.

Les meilleurs emplois du pays, offerts par les ONG, sont octroyés aux ressortissants des pays étrangers. Comme c'est le cas en Haïti, les Cambodgiens se contentent des postes de subalternes ou de seconde zone. Menant un train de vie supérieur à celui de la majorité des Cambodgiens, les expatriés font grimper le prix des loyers et des produits alimentaires. Et l'anglais tend à s'imposer comme la langue officielle du pays au détriment de la langue maternelle, le cambodgien, qu'on enseigne de moins en moins à l'école".

Cet article rappelle sur bien des points les propos de l'auteur des Nababs de la pauvreté!

Dans un même registre, scène comique au journal de 13 heures de jeudi 28 juillet 2011, sur France 2 où officie un des supplétifs estivaux d'Elise Lucet. Au fait que diable font ces deuxièmes, troisièmes ou quatrièmes couteaux - car chaque "journaliste" habituel en a deux ou trois - durant le reste de l'année, quand ceux et celles dont ils sont les doublures ne sont pas en vacances? Bref, la doublure du jour reçoit Rony Brauman à propos de la famine dans la Corne de l'Afrique. D'emblée, Brauman le douche en rejetant avec force le chiffre de 12 millions de personnes menacées par la famine que tout le monde avance, le disant très exagéré et surtout mettant en avant tous les autres problèmes de la Somalie (structurels, militaires, tribaux, politiques, etc.). La doublure essaye de protester, mais Brauman, qui connaît la situation du pays infiniment mieux que l'autre qui ne saurait sans doute pas situer exactement la Somalie sur une carte du monde, tient bon et, par là, tend à modérer l'enthousiasme caritatif des éventuels donateurs que l'autre veut précisément taper. Ce dernier choisit donc d'écourter l'entretien et de faire taire son invité pour pouvoir conclure sur les données fausses et le couplet qu'il avait préparé.

Un classique de nos informations télévisées!

jeudi 28 juillet 2011

Connaissez-vous les "PIGS"?

Les débats actuels autour de la situation économique financière et monétaire de l'Europe m'ont remis en mémoire un débat que j'avais suivi, dans les années 90, d'une oreille et d'un oeil également distraits, à propos de l'instauration en Europe d'une monnaie commune ou unique. Il opposait surtout les économistes, les uns plaidant pour une monnaie unique, les autres recommandant plutôt une monnaie commune ; ce point technique ne devait guère intéresser dans la mesure où, faute d'y réfléchir et les deux adjectifs étant regardés comme plus ou moins synonymes, on ne faisait pas trop la différence.

Elle éclate pourtant désormais aux yeux de tous et nous ne sommes pas au terme des problèmes qui ont découlé d'un choix aveugle et absurde que nos crétins d'hommes politiques (dont beaucoup sont toujours en scène) nous ont imposé. Nous sommes, en effet, dans une situation inextricable qu'ont créée tant le statut politique européen que le choix stupide de la monnaie unique.

Durant les années 90, le débat s'est instauré sur cette question du choix entre monnaie commune et monnaie unique, mais il est clair que la tendance dominante était en faveur de la seconde pour des raisons politiciennes puisqu'on pensait que cette monnaie unique conduirait à l'unité culturelle politique et sociale de l'Europe, ce qui est évidemment absurde et la suite l'a bien montré, sans que nous soyons hélas au terme du processus et des malheurs qui en découlent.

La politique commune se détermine souvent au gré des ambitions personnelles des uns ou des autres, seule la totale irresponsabilité étant commune à tous. Les palinodies sur cette question ont en outre été nombreuses ; je me souviens en particulier de celle d'Édouard Balladur qui, en 1992, s'affirmait, arguments et livre à l'appui, un partisan résolu de la monnaie "commune", avant de devenir, en 1995, un apôtre de la monnaie "unique". Ses propres projets politiques avaient entre-temps évolué et briguant la présidence de la république, il cherchait par là le soutien des milieux financiers propres à financer sa campagne.

Si j'ai bien compris (et que d'éventuels lecteurs économistes n'hésitent pas à me corriger si je trompe), une monnaie commune aurait permis à chacun des Etats de conserver sa monnaie nationale mais, en revanche, des parités auraient été fixées, de façon permanente voire définitive, par rapport à cette monnaie commune qui aurait parfaitement pu être l'euro lui-même, mais sans que, pour autant, nous ayons des pièces et des billets dans cette monnaie, même si la chose aurait pu être aussi envisagée. Vers la fin des années 90, nous avons donc tous été endoctrinés par nos dirigeants en faveur de la monnaie unique et seuls quelques économistes (probablement distingués) ont continué à soutenir qu'il eût été préférable d'opter pour une monnaie commune.

Quinze ans plus tard, relisons les questions que se posait alors Jean-Michel Naulot :
" Les peuples sont-ils parvenus à un degré de solidarité tel qu'aux quatre coins de l'Europe on soit prêt à faire les sacrifices nécessaires pour aider son voisin ? Si tous les peuples de l'Union ne sont pas capables de répondre "oui", sans aucune arrière pensée, le risque d'une crise majeure est grand, dès le début de tout ralentissement du cycle économique". Quel prophète!

En 1999, date du début de l'euro, on avait déjà oublié depuis longtemps la thèse défendue par J.M. Keynes qui, lors de Bretton Woods, avait " proposé le principe d'une monnaie internationale commune - complémentaire donc des monnaies nationales - qui ne circulerait qu'entre Etats et non au sein des Etats. Elle ne se substituerait donc pas aux monnaies nationales qui, dans chaque pays, correspondent à des territoires de production et de politique économique."

Les premières années de l'euro ont semblé donner raison à ce choix de monnaie unique et pour les plus mauvaises raisons qui soient. Tous ceux qui voyageaient en Europe ont été évidemment ravis de pouvoir avoir la même monnaie en lieu et place des monnaies nationales. En revanche, dix ans d'expérience ont montré que cette monnaie unique n'a en rien changé la culture et les habitudes européennes. L'Europe sociale, économique et politique n'a pas progressé d'un pouce suite à l'existence de l'euro.

Il est bien évident aujourd'hui que ce choix de monnaie unique a été, somme toute, stupide et funeste ; nous en payons désormais les conséquences et l'addition est bien loin d'être close, sans que pour autant nul ne songe à demander des comptes aux décideurs politiques qui nous ont engagés dans cette voie sans issue autre que fatale et qui pérorent toujours sur les mérites de l'euro

En effet une monnaie commune nous aurait épargné la plupart des ennuis que nous connaissons aujourd'hui et dont nous n'avons pas fini d'épuiser les charmes, en particulier avec les pays du Sud de l'Europe. En conservant une monnaie nationale dans le cadre d'une monnaie commune, les Etats auraient pu faire face plus facilement à leurs problèmes spécifiques et surtout conserver des politiques économiques et sociales différentes, quitte à changer, en cas de nécessité absolue, les parités au sein de la monnaie commune. De tels changements n'auraient en rien mis en cause ni menacé cette monnaie commune qui aurait permis, en revanche, d'avoir face au dollar et au yen un espace monétaire européen cohérent, même si, en son sein, le cours de la peseta ou de la drachme par rapport à cette monnaie commune venait à changer.

Mais qui dit monnaie unique dit inévitablement compromis entre des intérêts économiques et des moeurs sociales et politiques qui peuvent être très différents voire opposés. Or, lors du passage à l'euro, certains Allemands, qui n'apprécient les rives septentrionales de la Méditerranée que pour leurs clubs de vacances, avaient déjà clairement prévenu qu'ils n'accepteraient pas de payer pour les pays qu'ils appelaient les " PIGS" ( = Portugal, Italy, Greece,Spain).

Ils sont sans doute bien plus nombreux aujourd'hui qu'en 1999!

mercredi 27 juillet 2011

La nouvelle règle d'or : "le perdant gagnant".

Je ne vous apprendrai sans doute pas grand-chose en vous disant que nous vivons désormais sous le règne de la communication. Le pire de la chose, me semble-t-il, est que la communication, du moins telle que nous la vivons, est la fille de la publicité.

Je m'explique. Je ne connais pas fort heureusement les spécialistes de la communication et en particulier les conseillers en communication de notre gouvernement. Toutefois, je constate que, depuis 30 ans, la communication gouvernementale est plus ou moins passée en totalité dans les mains des publicitaires ; l'incarnation historique, désormais un peu passée, de cette mutation est naturellement Jacques Séguéla.

Les publicitaires ont cette particularité qu'ils se croient, tous, plus malins que tout le monde, surtout une fois qu'ils se sont bourrés le pif, ce qui semble être leur état permanent. Dès lors, ils s'imaginent tous que toutes leurs pauvres idées sont géniales et qu'ils vont tromper la terre entière. On le constate, tous les jours, dans les programmes publicitaires, de plus en plus ineptes, que nous infligent, en permanence, les radios et les télévisions. En fait, leurs ficelles sont des cordes et leurs gros sabots font trop de bruit pour qu'ils puissent passer inaperçus, même quand ils avancent sur la pointe de leurs grands pieds.

Un exemple d'actualité avec « la règle d'or » qui est la dernière combine dont ils essayent d'user dans le contexte difficile de l'élection de 2012.

Comme d'hab., les choses marchent d'autant mieux que nos journalistes audiovisuels surtout sont, comme toujours, totalement serviles et qu'on peut envoyer devant les micros et les caméras, les ministres, même les moins habiles, affronter des interlocuteurs qui, pour la plupart, ne sont pas très vindicatifs, c'est le moins qu'on puisse dire. Ainsi ce matin étaient en mission de communication, Valérie Pécresse sur France Info et Jean Leonetti sur RMC. Pas la peine d'aller ailleurs, les instructions de communication et l'argumentaire sont les mêmes pour tous.

Il s'agissait, en apparence du moins, de vendre "la règle d'or" que le Parti Socialiste semble vouloir de pas voter, ce qui correspond tout à fait, me semble-t-il, au plan de com'. et à la stratégie du gouvernement.

Il ne vous a pas échappé (comment pourrait-il en être autrement!) que ladite "règle d'or" consisterait à « graver dans le marbre » de la Constitution l'obligation de ne pas dépasser 3 % dans les impasses budgétaires (sur la note de service pour les ministres est clairement mentionnée l'obligation d'user de cette métaphore ; pour les multiples références au Président de la république, pas besoin de préciser leur nombre, le concours interministériel est ouvert).

Je n'ai entendu aucun journaliste rappeler aux porte-parole du gouvernement (officiel ou autre) que cette "règle d'or" s'imposait déjà à tous les Etats de l'Union européenne depuis le 7 février 1992, date du traité de Maastricht, et que nul ne l'avait pourtant respectée... sauf le Luxembourg et la Finlande.

Il est vrai que nos journalistes sont en seulement serviles mais également et surtout ignorants. Ne l'auraient-ils pas été qu'ils auraient pu ajouter que, depuis près de 20 ans, chacun sait que tous les différents gouvernements successifs ont maquillé les comptes nationaux pour masquer les déficits budgétaires, ou du moins les réduire, même s’ils l'ont fait de façon plus discrète et habile que les Grecs dont les impasses budgétaires étaient des boulevards qu'on pouvait difficilement dissimuler au regard, même avec l'aide, très onéreuse, de Goldman-Sachs.

En réalité, tout donne à penser que cette proposition de "règle d'or" dans le contexte électoral actuel est une illustration d'un nouveau principe de gouvernement qui est le "perdant gagnant". En effet dans la mesure où Nicolas Sarkozy semble espérer être réélu (et le seul qui pourrait l'en empêcher est Jean-Louis Borloo qui sans doute n'ira pas, volens nolens, au bout de ses rodomontades électorales), il n'a pas intérêt à s'imposer à lui-même, dans son prochain quinquennat, une "règle d'or" dont il sait bien qu'il ne pourra pas la respecter.

Le but est donc clair. Il s'agit de proposer l'inscription dans la Constitution de cette fameuse "règle d'or", en sachant très bien qu'il ne réunira pas la majorité des trois-cinquièmes du Congrès qui seule permettrait de faire passer un tel texte. La cerise sur le gâteau est, comble de l'hypocrisie du "perdant gagnant", l'astuce d'écrire, personnellement, à chaque membre du Congrès ; ça ne coûte que le prix du timbre et seule compte l'ostentation du geste dont on sait et dont on espère fermement qu'il sera vain.

Le principe du "perdant gagnant" est donc très clair et très évident ; en perdant volontairement et avec préméditation, la bataille de la modification constitutionnelle, Nicolas Sarlozy se donne le beau rôle de celui qui a tout fait pour mettre de l'ordre dans nos finances, ce que le parti socialiste l'a empêché de faire ; s'il est élu, comme il l'espère, il pourra donc, cinq ans durant, faire danser l'anse du panier tout à sa guise, en chantonnant, comme l'autre, "après moi le déluge"!

Bravo l'artiste !

Cela dit, si le PS avait deux sous de jugeote et de bon sens, il se précipiterait à Versailles pour voter, comme un seul homme, la "règle d'or". Tel serait alors pris qui croyait prendre.

mardi 26 juillet 2011

Les nababs de la pauvreté (2)

Dans la mesure où j'ai souvent emprunté, dans mon texte d'hier comme dans d'autres qui l'ont précédé ici ou là, le titre français du livre de Graham Hancock, Les nababs de la pauvreté (je me suis permis de retirer les majuscules du titre français de cet ouvrage qui étaient une reproduction servile de la pratique orthographique anglaise qui fait un usage immodéré de la majuscule), il me semble normal de dire quelques mots de cet excellent livre, sans doute un peu oublié aujourd'hui, bien à tort d'ailleurs.

Graham Hancock, né en 1950 à Edinburgh, a passé une partie de son enfance en Inde où son père était chirurgien avant de revenir pour ses études en Grande Bretagne. Comme journaliste, il a passé deux ans (1981-1983) en Afrique orientale et c'est sans doute de ces expériences qu'il a nourri son analyse critique du "charity business". Toutefois ce livre est unique dans sa bibliographie car son intérêt et ses travaux se sont portés de façon centrale et quasi unique sur des problèmes archéologiques où il a, le plus souvent, des vues très hétérodoxes ; ainsi conteste-t-il les datations admises pour les pyramides de Gizeh et le Sphinx auxquels il accorde de 12.000 à 10.000 ans d'âge alors que la plupart des archéologues considèrent qu'ils datent du 3ème millénaire avant J.- C..

Paru en 1989, The Lords of Poverty fait surtout référence à l'aide au développement des années 80, mais il faut bien reconnaître que les choses n'ont guère changé comme la situation actuelle en Haïti ou dans la Corne de l'Afrique le confirme chaque jour. Combien de vies auraient pu être sauvées en Ethiopie par les sommes qui ont été engagées pour tenir, ce lundi 24 juillet 2011, à Rome, la réunion dite d’urgence de l'ONU qui a rassemblé (mais à quel prix et avec quels résultats ?) les ministres et dirigeants des 191 pays membres de la FAO ainsi que les représentants d'autres agences des Nations Unies comme les responsables d'organisations internationales et d'ONG. En tout cas, nombreuse magnifique assemblée que nous avons pu admirer à la télévision!

Pour revenir à lui, cet ouvrage faisait surtout référence à l'inadaptation de nombreuses entreprises d'aide au développement (éléphants blancs ou éléphants roses) et stigmatisait moins qu'on a pu le faire par la suite les prélèvements immodérés (jusqu'à 80%) que peuvent opérer certaines O.N.G. sur les dons qui leur sont faits par le public. D'autres affaires survenues depuis sont bien connues et me dispensent de faire référence à ces étranges modes de fonctionnement.

La cible principale de ce livre est constituée par les agents des grandes organisations, pour l'essentiel internationales : Programme des Nations unies pour le développement, FAO, Programme alimentaire mondial, Organisation mondiale de la santé (OMS), UNICEF, FMI, Banque mondiale (je cite dans le désordre ce qui en l'occurrence importe peu). L'auteur dénonçait, à juste titre, le train de vie des représentants de ces organisations qui souvent n'ont, en fait, que peu de contacts avec les pays qu'ils sont censés visités, passant du salon VIP de l'aéroport au Sheraton ou au Hyatt de la capitale, avec éventuellement, en voiture climatisée quelques visites au ministère compétent (dont les bureaux sont également climatisés) comme aux bons restaurants du coin, s'il en existe. Tous leurs séjours se passent, au mieux dans les réceptions, les cocktails et les dîners, ou, au pire, dans quelques lieux où les nobles étrangers sont censés se rendre pour les besoins de leur mission : écoles, hôpitaux, ou autres endroits du même acabit où ils ne font que de brefs séjours en vue desquels on leur a, en général, préparé les décors adéquats et réuni les témoins propres à satisfaire leurs attentes.

Faut-il ajouter que souvent, alors qu'ils sont à peu près totalement pris en charge par le pays qui les accueille, ces séjours sont générateurs de per diem fastueux, surtout si on les rapporte au salaire moyen annuel d'un travailleur dans les pays visités.

Si je me limite ici aux problèmes de l'éducation qui sont ceux que je connais le mieux, les rapports qui sont soit produits au terme de ces visites, soit rédigés, sur commande expresse, par des "experts", auxquels on a confié, à prix d'or, la rédaction de tels textes, témoignent d'une ignorance à peu près totale et parfois confondante des réalités qu'ils visent pourtant à décrire et à analyser. Prenons, car il est exemplaire, le cas du grand rapport sur l'éducation en Afrique subsaharienne produit par la Banque Mondiale en 1988 et qui est, à ma connaissance, le dernier grand livre sur ces questions. Il a précédé la série des Forums mondiaux de l'éducation, réunis par l'UNESCO à grands frais en 1990 (Jomtien) et de Dakar (2000), (simple détail : un seul de ces forums représente le coût de la construction de 100.000 écoles au Mali!) et qui a depuis tourné court après le fiasco de Dakar (on attend toujours le Forum de 2010!). Or ce texte de 192 pages consacre une page et demie à la question du médium éducatif dans l'école africaine qui est pourtant, de toute évidence, la question majeure et centrale.

En revanche, les agents ou les experts des organismes du style de la Banque Mondiale s'attachent avec passion aux rapports qu'on pourrait établir entre les résultats des élèves et le matériau de construction des écoles (béton, briques, bois, banco, etc.). Une question qui préoccupe beaucoup est celle du rapport entre les résultats des élèves et le "genre" des enseignant(e)s. La question est amusante surtout dans sa formulation. Les experts, pudibonds, n'osent pas user du mot "sexe" (le terme leur semble choquant). Cette question est naturellement absurde, puisque les deux mots ne sont absolument pas synonymes saufs pour des experts internationaux de la Banque Mondiale et des organismes internationaux, trop ignorants pour le savoir et qui naturellement, entre deux expertises, n'ont jamais eu le temps de lire le grand livre d'Ivan Illitch sur le genre vernaculaire!

Il est clair que c'est surtout dans ces organisations qu'on trouve les vrais nababs de la pauvreté plus que dans les O.N.G., où il y a incontestablement nombre d'agents, souvent bénévoles, qui pensent sincèrement pouvoir oeuvrer au développement des pays dans lesquels ils sont envoyés.

Je ne veux pas tomber toutefois dans un angélisme excessif ; une petite expérience que j'ai vécue à Ouagadougou en 2004 au moment du Sommet de la francophonie (je précise que ma condition est beaucoup trop modeste pour que j'aie été invité dans ce cadre) me conduit toutefois à modérer ici mes appréciations positives sur les O.N.G. En cette circonstance, comme la réunion à laquelle je participais se tenait en un lieu assez éloigné du centre d'Ouagadougou où je logeais et que je commençais à m'ennuyer un peu, j'ai décidé avec un collègue de prendre un taxi pour rentrer en ville. Il y en avait évidemment aucun et nous avons donc essayé de trouver un autre moyen de transport. À cette fin, nous avons longé de longues files de véhicules qui étaient garés là, sans doute par des participants qui avaient eu, eux, la patience de rester en séance. Nous avons pu constater alors que l'immense majorité de ces véhicules étaient des 4x4 de luxe, tous flambant neufs, climatisés et portant, à peu près tous, le sigle de l'O.N.G. qui en était propriétaire. À force de patience nous avons fini par trouver un taxi, sans avoir pu faire l'expérience d'un transport dans l'un de ces somptueux véhicules.

Il y a donc sans doute aussi dans les O.N.G. quelques nababs de la pauvreté !

lundi 25 juillet 2011

Famine dans la Corne de l'Afrique ; les nababs de la pauvreté

J'ai déjà souvent abordé le problème de l'aide au développement, généralement dans une perspective critique, pour y avoir été maintes fois confronté sur le terrain.

J'ai écrit, il y a quelques années, un texte que j'avais intitulé, d'une façon pas forcément très claire "Des éléphants blancs aux éléphants roses". Par ce rapprochement singulier entre divers genres de proboscidés, je voulais faire allusion à certains projets de développement ; les uns sont, par l'étrangeté et l’inadaptation de l'idée sur laquelle ils reposent dans les contextes où on les met en place, ce que l'on appelle « des éléphants blancs ». Je rangerai par exemple dans cette catégorie un projet de développement d'implantation d'élevage industriel de porcs en Israël ou, mieux encore, en Arabie Saoudite. Quant aux éléphants roses, ce sont des rêves si étranges qu'on ne peut guère les comparer qu'à ces créatures roses qui, dit-on, hantent l'imagination des malades atteints de delirium tremens.

Quelques textes que j'ai rédigés depuis le séisme survenu en Haïti le 12 janvier 2010 traitent de ce problème. On n'y a, là bas, que l'embarras du choix puisque, paraît-il, il y aurait un bon millier d'ONG qui y interviennent. De ce fait, il doit y avoir, par la force des choses, un certain nombre d'éléphants blancs et sans doute aussi quelques éléphants roses. Entre, à mon sens, dans cette catégorie, l'idée (française) d'y faire intervenir pour traiter les Haïtiens traumatisés par la catastrophe, des psychologues français, espèce surabondante dans un pays qui forme, chaque année à lui seul, autant de psychologues que les 26 autres pays de la communauté européenne. Cette circonstance explique que, désormais, le moindre incident survenu en France suscite illico la mise en place d'une "cellule psychologique", ce qui ne suffit apparemment pas toutefois à donner de l'emploi aux hordes de psychologues dont nous disposons. C'est sans doute ce qui a conduit, un moment, à imaginer d'en envoyer quelques dizaines en Haïti, sans évidemment prendre conscience que ces spécialistes francophones (mais Haïti n'est-il pas aussi un pays "francophone" ?) seraient dans l'impossibilité de communiquer avec leurs patients haïtiens qui, dans leur totalité, sont exclusivement créolophones et monolingues.

Ce problème de l'aide au développement est revenu brutalement dans l'actualité, l'affaire DSK commençant à perdre de son intérêt avant que, ce matin même, les propos inattendus de Mme Diallo ne la relance. Le sujet du jour était la famine dans la Corne de l'Afrique qui avait suscité, pour ce lundi 25 juillet, une réunion exceptionnelle de la FAO (« Food and Alimentation Organisation ») à Rome puisque c'est dans cette ville que siège cette honorable institution de l’ONU. On a donc réuni, dans la ville éternelle, une cohorte de ce que Graham Hancock appelle si heureusement "The Lords of Poverty".

Face à ce genre et à ce thème de réunion, je suis toujours stupéfait de voir que nul participant ou commentateur n'ait jamais eu l'idée, pourtant bien simple, dans la réflexion sur une catastrophe de cette ampleur et de cette nature, de suggérer que les participants à une telle réunion internationale renoncent, pour une fois, à titre symbolique, aux per diem et aux indemnités reçus pour y prendre part. Les sommes perçues, en la circonstance par chaque participant pour un jour équivalent en effet à des DECENNIES du revenu des malheureux dont les participants sont censés s'occuper. Vu le train de vie de ces institutions et le coût de telles réunions, cela ne réglerait sans doute pas le problème de la famine en Somalie, mais cela constituerait un petit point de départ, hautement symbolique, pour les centaines de millions qu'on aura sans doute à y investir. Cela démontrerait surtout que ces fonctionnaires ou "experts" internationaux peuvent, pour une fois, faire un petit geste en direction des causes qu'ils prétendent défendre et qui les font vivre sur un si grand pied.

Je suis trop long. La suite demain.

samedi 23 juillet 2011

Etre Premier Ministre en Haïti!

En Haïti, depuis deux mois, Michel Martelly ("Sweet Micky" ou encore, en créole, "Tet kale") le nouveau président brillamment élu (deux tiers des votants!), n'a toujours pas pu se doter d'un Premier Ministre et donc d'un gouvernement. Les affaires courantes sont réglées par l'ancien Premier Ministre Jean-Max Bellerive démissionnaire. La chose n'a rien d'étonnant puisque le nouveau président ne dispose, au sein de l'Assemblée que constitue la centaine de députés et de sénateurs qui doivent approuver le choix d'un nouveau chef de gouvernement, que de trois partisans avérés!

Ce jeudi encore, le chef de l'Etat n'était pas parvenu à une entente avec le groupe des 16 sénateurs qui s'opposent à la désignation de Bernard Gousse, le second candidat proposé par Michel Martelly, le premier n'ayant même pas pu entamer le parcours du combattant qu'on va voir. La veille du dépôt des pièces de B. Gousse, les deux parties ont encore passé sept heures (comme Merkel et Sarkozy à Berlin! Fatalitas!) à discuter en vue d'une solution à la crise.

Le processus de ratification du choix de Bernard Gousse est toutefois enclenché mais il faut dire qu'il n'est pas simple.

B. Gousse, ancien ministre de la Justice, a soumis à la commission compétente "son acte de naissance et ceux de sa mère, de son père, de sa grand-mère, et de son grand-père", ainsi que "son certificat de nationalité, quatre passeports haïtiens, son matricule fiscal, sa carte d'identification nationale, un certificat de la police judiciaire, une attestation de résidence, un certificat de décharge". "Entre autres..." ajoute l'article qui rend compte de la chose, ce qui donne à penser que ces quatorze pièces ne seront sans doute pas suffisantes!

"Mais c'est pas tout! Mais c'est pas tout!" comme chantait Bourvil dans la "Tactique du gendarme".

Il faut en effet que ces pièces soient authentifiées "au plan technique" par une commission spéciale de neuf membres qui, pour gagner du temps, travaillera en sous-commissions a précisé le sénateur Jean William Jeanty. Toutefois, dans la mesure où cinq des neuf membres de Commission spéciale font clairement partie du groupe des seize sénateurs anti-Gousse et y détiennent donc la majorité, on peut craindre qu'elle ne soit pas très favorable au candidat proposé comme le donnent à penser certains propos de ce même sénateur : « Un certain nombre de pièces a été déposé en fonction de l'article 157 de la Constitution. Nous allons les analyser. Si nous avons besoin d'autres, nous allons les lui demander. On ne peut pas dire d'avance que les documents sont complets... ». Tout cela prend du temps car il faut vérifier l'authenticité de chaque document auprès de chacune des institutions qui les a délivrés. Normal, après tout, Monsieur Gousse est un ancien ministre de la justice !

La candidature de B. Gousse, même acceptée par la commission spéciale, aura toutefois à affronter alors le vote de l'Assemblée dont tout donne à penser qu'il sera négatif.

La démocratie, poussée à ce point, n'a sans doute pas que de bons côtés, surtout face aux urgences de la situation actuelle d'Haïti!

vendredi 22 juillet 2011

L'ardoise grecque : « Dans sept ans, on rasera gratis »

Dans le salon de coiffure de Figaro, on se souvient qu'on lisait sur une pancarte cette formule prometteuse mais, inévitablement, jamais mise en oeuvre : « Demain on rasera gratis ». À Bruxelles, à propos du remboursement de la dette grecque, on vient d'adopter une variante de cette promesse en allongeant de sept ans le délai de remboursement de la dette de la Grèce dont tout indique qu'il ne surviendra jamais. Aurais-je été consulté que j'aurais suggéré d'éviter, en la matière, le chiffre de sept ans, traditionnellement associé au malheur dans les cas où l'on brise un miroir. Toutefois, ce n'est évidemment pas très grave puisque, à l'échéance, il est clair que M. Sarkozy et Mme Merkel ne seront plus aux affaires et que nul n'aura l'idée saugrenue de leur demander des comptes. L'essentiel pour eux est donc de laisser cette ardoise en forme de patate chaude à leurs successeurs. De toute façon, avec sept ans de plus, la patate sera considérablement refroidie et de l'eau aura coulé sous le pont de l'Europe.

Haro sur les Grecs ! C'est la formule dont tout le monde use désormais pour dénoncer les turpitudes financières hellènes, en oubliant simplement deux détails pourtant essentiels.

Le premier est que, exception faite du Luxembourg, aucun État européen n'a appliqué les dispositions du plan de stabilité qui interdisait de dépasser le seuil d'impasse budgétaire qui avait été fixé et voté en commun. La seule différence entre les Grecs et les autres et que les Grecs ont payé, en plus, et fort cher, une banque américaine (Goldman Sachs) pour trafiquer leurs comptes budgétaires. Nous l'avons fait nous-mêmes, de façon plus discrète mais sans la moindre hésitation ; comme, de toute façon, lorsqu'il a été question de vérifier ces comptes nationaux, la France comme l'Allemagne s'y sont opposés; nous ne risquions donc pas grand-chose et cela d'autant que tout le monde le savait.

Ajoutons, et c'est le second point, que l'argent que les Grecs empruntaient à tout-va, leur permettait, en particulier, de s'armer de façon démentielle contre les Turcs, en particulier en achetant des armes en France et en Allemagne, ce qui arrangeait bien les industries d'armement des uns comme des autres.

Tous ceux et toutes celles qui ont vécu en Grèce et qui, de ce fait connaissent bien, de l'intérieur et par expérience directe, les moeurs de ce pays sont actuellement morts de rire en regardant les reportages qu'on fait sur ce pays et où l'on découvre des caractéristiques helléniques qu'ils ont constatées depuis longtemps.

Absence de cadastre (sauf dans les lieux qui, comme Corfou, furent un moment vénitiens) ; il en résulte naturellement que la plupart des maisons sont construites sans l'équivalent de ce que nous appellerions un permis de construire. Il n'est donc pas question de systématiser un impôt foncier ; quant à ceux qui sont suffisamment peu grecs et par là relativement soucieux des règlements pour demander l'autorisation de construire une maison, ils sont aussi assez grecs, et par là même retors, pour ne pas, à quelques détails près, l'achever totalement, ce qui dispense de la voir soumise à l'impôt puisqu'elle reste par là considérée comme étant "en état d'achèvement futur".

L'usage des chèques ou des cartes de crédit est à peu près inconnu dans ce pays, ce qui naturellement conduit à ce que la plupart des transactions se font en argent liquide, sans facture et donc sans payer la TVA. Ce détail explique que on peut s'interroger sur la pertinence des hausses actuelles de TVA qui viennent d'intervenir dans le plan d'austérité mises en place par Athènes. Faire passer la TVA dans la restauration de 13% à 23 % n'a donc guère de sens si personne ne la paye...sauf les étrangers ! Le système fiscal existe à peine là-bas et on estime en gros que seuls 13 % des citoyens grecs payent des impôts.

On connaît la fameuse niche fiscale des armateurs qui sont dispensés d'impôt parce que l'on considère que l'armement maritime est, avec le tourisme, la principale richesse de la Grèce. Il est exact que l'armement maritime grec est l'un des premiers du monde mais cela n'a guère d'intérêt pour le ministère du budget puisque cela ne lui rapporte rien du tout, sur ce plan, en matière fiscale. On comprend la logique théorique de cette mesure qui vise à rendre ce secteur particulièrement compétitif dans le monde ; il aurait l'avantage de créer des emplois si les dits armateurs employaient des équipages grecs, ce dont je doute fort. On comprend moins cette démarche de recherche de compétitivité marchande quand cette exemption fiscale s'applique aussi à l'église orthodoxe qui est portant le premier propriétaire foncier de l'État.

Le plan d'austérité mis en place en Grèce est si drastique (du grec "drao"!) qu'on se demande même si des pans entiers n'en seront pas totalement abandonnés ou ne seront mis en oeuvre que de façon totalement illusoire. Chacun sait en Grèce comment se sont évaporés bien des milliards des aides européennes ; on les appelait là-bas « les paquets Delors » car les fonds ont été acheminés en paquets entiers de coupures (toujours de culte de la liquidité...depuis Héraclite et son "panta rhei" ) vers des paradis fiscaux par les hommes politiques en place à l'époque (des socialistes!). Il est donc à craindre que les milliards qu'on va déverser sur la Grèce ne suivent, pour partie, le même chemin, à moins qu'on ne contrôle, de façon très stricte, qu'ils sont effectivement utilisés pour le remboursement de la dette.

Dans sept ans on rasera gratis tandis que la Grèce soldera sa dette, avec l'argent qu'on lui aura prêté si, entre temps, elle ne l'a pas mis aux Iles Caïman.

Au fait, le "Tonneau des Danaïdes" c'est bien aussi un truc grec?

jeudi 21 juillet 2011

Au loup !



Le retour des loups désole les éleveurs et réjouit les écologistes, même si Gro Eva Joly ne s'est pas fait entendre sur la question, préférant diriger ses traits sur le défilé militaire du 14 juillet. Sans doute était-elle secrètement satisfaite mais moins toutefois qu'une corporation qui non seulement est oubliée mais dont l'existence même est probablement ignorée de beaucoup. Je ne mettrai pas ici au concours (avec pour premier prix la traditionnelle tringle à rideaux chère à Coluche) la réponse à cette énigme. Cher lecteur, chère lectrice, donnez-vous votre langue au chat, à défaut de la donner au loup (c'est tout de même moins dangereux!) ?

Ce sont les lieutenants de louveterie! Ne levez-pas un sourcil dubitatif qui ne m'a pas échappé. Je le tiens, ce matin même, de la bouche du ministre compétent Madame NKM. Elle nous appris, en effet, et c'était sur RMC le scoop du jour (avec le remplaçant de Bourdin qui, entre nous, est bien meilleur que le titulaire, sans espoir toutefois de lui succéder puisque ce dernier, par prudence, a donné son nom à l'émission elle-même). Les méchants loups, si leur condamnation à mort est prononcée (et ce ne sera pas simple, quels que soient leurs ravages), ne pourront être abattus que par les gardes-chasse ou, mieux encore, par les "lieutenants de louveterie"!

Voilà qui devrait ravir Gro Eva Joly!

Comme notre école, la louveterie a été créée, chez nous,en 804, par Charlemagne avec ses "luparii" ; le terme de "louvetier" n'apparaît que bien plus tard (1308) et les louvetiers peuvent alors percevoir un impôt dans les lieux qu'ils débarrassent d'un loup! La fonction sera supprimée, par souci d'économie, peu avant la révolution. Le service sera rétabli par Napoléon et, comme bien d'autres institutions, nous l'avons toujours, quoique les loups aient disparu en France vers 1930 alors qu'un siècle auparavant on en tuait chaque année des milliers!

En 1992, des loups, protégés désormais par la convention de Berne, ont réapparu, dans le parc du Mercantour, venant d'Italie par la montagne. Fort heureusement, le corps des lieutenants de louveterie, lui, existe toujours, même si ses missions ont été modifiées en 1971 par le législateur français "dans sa grande sagesse". Faute de loups, les lieutenants de louveterie (le titre lui n'a pas changé!) sont aujourd’hui chargés des "battues administratives par arrêté préfectoral et des battues municipales", de la "police de la chasse" et de "missions spéciales : reprise de daim" (????)"

Ouf, on respire! Au cas où vous aspireriez à entrer dans ce noble corps, quelques détails :
"Les lieutenants de louveterie sont des agents de l'État bénévoles assermentés, nommés par le préfet sur proposition du Directeur départemental de l'agriculture et de la forêt et sur avis du président de la Fédération départementale des chasseurs pour une durée de cinq années renouvelable.
Ils doivent être de nationalité française et jouir de leurs droits civiques, être âgés de 75 ans au plus, avoir un permis de chasse depuis au moins cinq ans, posséder la compétence cynégétique nécessaire pour remplir correctement leurs fonctions, résider dans le département où ils sont nommés (ou un canton limitrophe), ne pas avoir fait l'objet de condamnation pénale en matière de chasse, de pêche et de protection de la nature".

Dans l'exercice de leurs fonctions, les louvetiers doivent être porteurs d'un insigne (voir ci-dessus) représentant "une tête de loup dorée avec en exergue une courroie de chasse émaillée bleue portant l'inscription « lieutenant de louveterie » en doré". Ils s'engagent par écrit à entretenir, à leurs frais, soit un minimum de quatre chiens courants réservés exclusivement à la chasse du sanglier ou du renard soit au moins deux "chiens de déterrage".

Mesdames, ne soyez pas désespérées, la fonction vous est ouverte et en 2005, il y avait douze femmes lieutenants de louveterie en France.

mercredi 20 juillet 2011

Adolphe et Dominique : DSK for president?

On croyait la question résolue et l'hypothèse hors de propos mais voici que les choses sont relancées, sous une forme aussi nouvelle qu'inattendue.

La plainte déposée par Tristane Banon semblait une circonstance de plus, s'il en était besoin, pour écarter DSK d'une éventuelle candidature en 2012, mais voici que Madame Anne Mansouret, sa mère, a en effet déclaré aux policiers qu'elle avait eu auparavant une relation sexuelle avec DSK dans les bureaux de l'OCDE ! Elle aurait été unique mais, précise-t-elle "brutale", ce qui explique peut-être qu'elle ne se soit pas renouvelée, à ses dires du moins. On comprend mieux dès lors qu'elle ait dissuadé sa fille de porter plainte, sans toutefois faire mention auprès d'elle du caractère intime de sa relation avec DSK.

Cette information, au-delà de l'anecdote, dont la presse people ne manquera pas de faire ses choux gras, présente toutefois un double intérêt.

Le moindre est que DSK semble affectionner, dans les relations sexuelles, la "férocité" plutôt que la "douceur", dans le diptyque érotique traditionnel par lequel, autrefois, les prostituées de la rue tentaient d'allécher leurs clients. "Tous les égouts sont la nature" comme aurait pu dire Coluche! Cette confidence de Madame Mansouret ne manque pas toutefois de me faire penser aux remarques de la "Madam" new-yorkaise qui avait dû interrompre ses services auprès de DSK, deux de ses filles s'étant plaintes de sa brutalité. Le "séducteur" délicat et attentionné qu’on nous dépeint à loisir rue de Solferino apparaît plus amateur de la culbute que du baisemain à en croire diverses de ses partenaires qu’on ne peut guère soupçonner de s'être entendues sur ce point. Contrairement à ce qu'affirment les avocats de DSK, il pourrait y avoir là une explication aux constats médicaux qui ont été faits, en particulier sur les parties intimes de Madame Diallo dont le collant aurait été déchiré. Ils pourront toujours alléguer que, vu les goûts de leur client, cette mise en scène était également tarifée et le remboursement du collant déchiré prévu !

Mais pourquoi un titre si étrange à ce post puisque tout cela paraît éloigner encore DSK de la présidence? Je n'aurais pas la cruauté de poser cette question à la pauvre Gro Eva Joly et de lui reprocher ensuite son ignorance de notre belle histoire de France!

Instruisons donc un peu le bon peuple, si oublieux de son histoire. Tout indique en effet qu'en devenant président de la République DSK reprendrait une tradition gauloise qui fut créée par le premier président de la Troisième République, Adolphe Thiers dont la vie amoureuse était aussi des plus riches, quoique dans un genre différent et surtout sans défrayer la chronique judiciaire. Ne pouvant épouser sa maîtresse Madame Dosne, qui était déjà mariée à un riche agent de change, et ne pouvant se résoudre à la perdre (il est vrai qu'elle se prénommait Eurydice!), il en épousa, en 1833, la fille aînée Eulalie Eloïse Dosne, âgée de 15 ans, tout en continuant à "voir" sa mère. Mieux encore, il put poursuivre discrètement cette liaison dans le bel hôtel particulier parisien qu'Elise lui avait apporté en dot! Les mauvaises langues de l'époque (il y en avait déjà) prétendirent qu'il avait fait sa deuxième maîtresse d'Elise, sa belle-sœur. Ce détail familial permit aux beaux esprits de l'époque de faire des chansons (apparemment, en ces heureux temps, on ne risquait pas la diffamation!) et de s'amuser des "trois moitiés de Monsieur Thiers".

Comme Monsieur Thiers, DSK apprécie autant les femmes mûres que les fruits verts (Madame Mansouret à quatre ans de plus que DSK!) et il serait passé, sans encombre et même volontiers, de la mère à la fille. Ne serait-ce pas une belle fin à toute cette histoire que DSK, reprenant la tradition créée par Thiers, finisse par être élu président de la République et que Tristane née Banon devienne la quatrième Madame DSK sans s'éloigner trop pour autant de sa chère maman!

Au fait, Tristane n'aurait-elle pas une sœur, petite ou grande ?

mardi 19 juillet 2011

En revenant de la revue..



"Je suis l'chef d'une joyeuse famille,
Depuis longtemps j'avais fait l'projet
D'emmener ma femme, ma soeur, ma fille
Voir la revue du quatorze juillet.
Après avoir cassé la croûte,
En choeur nous nous sommes mis en route
Les femmes avaient pris le devant,
Moi j'donnais le bras à belle-maman.
Chacun devait emporter
De quoi pouvoir boulotter,
D'abord moi je portais les pruneaux,
Ma femme portait deux jambonneaux,
Ma belle-mère comme fricot,
Avait une tête de veau,
Ma fille son chocolat,
Et ma soeur deux oeufs sur le plat."

La célèbre chanson de Paulus ( 1886, et, comme on le verra, la date a son importance) illustre plus notre patrimoine culinaire, désormais reconnu par l'UNESCO, que notre goût prétendument atavique pour les défilés militaires. Le refrain prouve d'ailleurs que le lieu même de notre revue, que d'aucuns voient se perdre dans la nuit des temps, date de moins d'un siècle :

" Gais et contents, nous marchions triomphants,
En allant à Longchamp, le coeur à l'aise,
Sans hésiter, car nous allions fêter,
Voir et complimenter l'armée française"

Il est vrai qu'on pourrait facilement et à peu de frais actualiser le refrain :" En allant sur les Champs...".

Quoiqu'elle ne descende pas de son drakkar, Gro Eva Joly comme la plupart des commentateurs, ignore l'histoire de France, ce qui, malice du destin, la prive de son argument le plus solide. A défaut d'avoir été "citoyen" (car à cette époque on parlait encore français), le premier défilé du 14 juillet célébrant la prise de la Bastille était en tout cas "populaire" ("civil" donc) et non militaire, ne le devenant que sous le Directoire avant de disparaître sous l'Empire.

Ce n'est qu'en 1880 que le 14 juillet devient fête nationale, un défilé militaire y étant peu après associé. La date n'est pas indifférente bien entendu (la défaite de 1870 est passée par là et on ne rêve que d'Alsace et de Lorraine!). Dès lors le défilé du 14 juillet a lieu dans le cadre champêtre de l'hippodrome de Longchamp et comme le souligne la chanson, on en profite pour pique-niquer au grand air.

"Je grimpe sur un marronnier en fleur,
Et ma femme sur le dos d'un facteur
Ma soeur qu'aime les pompiers
Acclame ces fiers troupiers,
Ma tendre épouse bat des mains
Quand défilent les saint-cyriens,
Ma belle-mère pousse des cris,
En reluquant les spahis,
Moi, je faisais qu'admirer
Notre brave général Boulanger."

Le vers final montre que l'exploitation politique du défilé n'est pas non plus très nouvelle! Passons, le premier défilé sur les Champs n'aura lieu qu'en 1919 avec en tête du cortège, caracolant à cheval, les vainqueurs de la Grande Guerre, Foch, Joffre et...Pétain. Ces brillants généraux passent alors SOUS l'Arc de Triomphe où (et c'est tout un symbole), le soldat inconnu, qui n'est pas encore là, n'y sera fort heureusement enterré que deux ans plus tard!

lundi 18 juillet 2011

DGRH au MENJVA

Connaissez-vous Mme Josette Théophile ? Probablement pas ! Je vous vois déjà supposer, à lire un pareil patronyme, qu'il s'agit là d'une de ses ultra-marines qui sont désormais à la mode et qu'on fait défiler, en robes fleuries et en madras, sur les Champs pour le 14 juillet, ce qui aurait dû combler d'aise Gro Eva Joly. Rien de tel pourtant.

À lire la notice du Who's Who qu'elle a elle-même rédigée (comme l'est toujours ce genre de texte), son ascendance n'a pourtant rien d'ultramarin et elle est née à Périgueux. On s'interroge toutefois à cette lecture car, pour la rubrique "profession" Josette Théophile déclare « directeur de société ».

En fait pour ne pas vous maintenir trop longtemps dans l'incertitude et sur le gril de l'angoisse, Mme Josette Théophile est la DGRH du MENJVA. Vous n'êtes guère avancés, protestez-vous déjà, impétueux lecteur et impatiente lectrice. Votre légitime curiosité va être satisfaite, mais j'avoue, à ma courte honte, que, jusqu'à une date récente et aux commentaires qu'ont suscités, dans la presse, les résultats des derniers CAPES et surtout le fait que tous les postes n'aient pas été pourvus, j'ignorais même qu'il y eût un service des ressources humaines au MEN (je n'en connaissais que les DIPER) dont il m'avait aussi échappé qu'il se fût, en toute discrétion, mué en MENJVA.

Je n'ai pas pu trouver quand a été créée cette direction des ressources humaines ; j'avais bien vu pourtant qu'on commençait beaucoup à causer management au MEN, ce qui est un signe qui ne trompe pas, et qu'on pouvait y voir la "patte" du ministre - si j'ose dire. Le fait est relativement récent, à voir les dates des textes sur le sujet et le fait que Mme Josette Théophile n'a été nommée en conseil des ministres que le 30 septembre 2009. Je crois qu'on ne sait toujours pas, au juste, combien de fonctionnaires ou d'agents dépendent de ce ministère, mais, en tout cas désormais, tous sont sous la houlette d'une directrice générale des ressources humaines qui se préoccupe, entre autres, de leur "éthique" et de leur "déontologie".

Il faut dire que Mme Josette Théophile est titulaire d'un doctorat de philosophie (de troisième cycle, il est vrai) et qu'elle est un pur produit du CELSA, créé en 1968 pour donner des débouchés dans le domaine des affaires aux littéraires de Paris-IV. Mme Josette Théophile a donc commencé sa carrière chez Lesieur (c'est sans doute là qu'elle a appris à mettre de l'huile dans les rouages des entreprises) et l'a poursuivie chez Bull (dont l'acharnement thérapeutique de l'État, à de multiples reprises (encore 517 millions d'euros en 2005), a permis la survie dans des conditions et sous des formes que j'ai renoncé à comprendre). Toutefois son titre de gloire principal et son plus long séjour professionnel sont à la RATP où elle a passé 15 ans, qui se sont achevés par un titre national dans la compétition entre les directeurs de ressources humaines.

En tout cas, en arrivant au MENJVA (mais rue Regnault dans le 13ème, et non au 110 dans le septième - fi donc ! -), même si elle devient Directrice GENERALE, tout semble porter à croire qu'elle n'a pas bénéficié d'une "promotion canapé"!

Pour ce qui est de son si admirable et si fructueux séjour à la RATP, à entendre les Parisiens et lors de multiples séjours parisiens, je n'ai jamais eu l'occasion de constater qu'il y eût là un modèle en matière de gestion des relations humaines, en tout cas pour celles qui concernent les clients usagers. Il semble que le principal triomphe de Mme Théophile Josette (son oeuf de Christophe Colomb en quelque sorte) est d'avoir découvert et fait connaître qu'il était préférable que les grèves fussent précédées par des tentatives de négociations entre la direction et les syndicats. C'est là son titre de gloire majeur que l'on désigne, dans son hagiographie, du joli terme d'"alarme sociale". S'il y a désormais des alarmes sociales à la RATP, il n'empêche que s'y multiplient, en tout cas sur les lignes que je suis contraint d'emprunter, les "mouvements sociaux" inopinés qui se déclenchent dès qu'un voyageur regarde de travers un conducteur ou un agent de la RATP.

Je ne veux pas faire ici l'exégèse des propos de Mme Josette Théophile, me bornant à constater, à quelques détours d'un discours technocratique convenu, qu'elle ne semble pas faire la différence entre l'enseignement primaire et secondaire (où il y a des élèves) et l'enseignement universitaire où il est d'usage de parler d'étudiants ("Elèves de licences et de masters" dit-elle en effet). Mais après tout, elle n'est en fonction que depuis deux ans!

Ce qui m'amuse dans cette affaire est la reproduction d'un phénomène que j'ai déjà souvent constaté ; il conduit des responsables à s'entourer de gens qui ont, au fond, le même parcours de carrière qu'eux-mêmes et donc pensent et s'expriment dans les mêmes termes qu'eux. Le ministre actuel Luc Chatel a en effet également fait carrière dans le privé et en particulier, lui aussi, dans les relations humaines, chez l'Oréal (ce qui, tout compte fait, me rappelle quelque chose). Rien d'étonnant donc à ce qu'il ait choisi Josette Théophile qui, au fond, a le même profil et le même discours, jugeant sans doute que sa propre réussite devrait être le signe et la promesse du succès de la nouvelle directrice générale des ressources humaines.

À lire les propos de Mme Josette Théophile je crains qu'elle n'ait encore beaucoup à apprendre moins sur les ressources (humaines ou pas) que sont les enseignants que sur la formation et les activités de ces mêmes personnels.

Reste un point que je n'ai vu précisé nulle part et qui est pourtant essentiel. Dans quelles conditions et sur quelles bases (parlons net... avec quel salaire) Mme Josette Théophile a-t-elle été recrutée dans cet emploi ? J'espère que ce n'est pas avec les 1350 € mensuels qui sont le salaire d'un professeur certifié de base en début de carrière !

dimanche 17 juillet 2011

Eva Gro ou Eva jolie?

Nous voilà pourvus, pour la prochaine présidentielle et contre toute attente, d'une candidate « à sauts et gambades » comme disait Montaigne. Mon "contre toute attente" fait allusion d'abord à la victoire, contre toutes les prédictions et les sondages, face à Nicolas Hulot qu'elle a mis en vacances beaucoup plus vite que ne le pensaient les sondages et les augures qui, après coup, nous ont comme toujours expliqué que, sans toutefois le dire, ils avaient bien prévu la chose. Air connu !

Je pense aussi et plutôt à la déclaration inattendue et même insolite, sur le défilé du 14 juillet et la proposition de suppression de la revue militaire au bénéfice d'un défilé « citoyen ». De la part d'une non-francophone native, je ne reviens pas sur l'horreur que m'inspire cet emploi adjectival, impropre et inutile, du beau substantif "citoyen" ; il s'est malheureusement répandu à la vitesse qui est celle de toutes les impropriétés que nos ignorants de journalistes et d'hommes politiques mettent à la mode via les médias qui seront le tombeau de notre langue. Je ne sais pas, en outre, ce que pourrait être un défilé « citoyen», car cette formule donne à penser que nos militaires et nos pompiers ne sont pas eux-mêmes, des citoyens ! "Civil" serait donc, chère Madame, infiniment préférable en la circonstance, si je comprends bien votre intention.

En tout cas, volontairement ou non, Mme Joly a non seulement réussi à faire parler d'elle mais elle a créé contre son propos et sa personne une unanimité rare ; il a fallu l'insigne maladresse de notre Premier Ministre pour la faire cesser en permettant de le taxer de racisme anti-norvégien.

Cette circonstance m'a toutefois conduit à étudier dans Wikipédia la vie et la carrière de Mme Joly que je ne connaissais guère ; j'avoue y avoir trouvé non seulement des circonstances pittoresques mais quelques explications du personnage qu'elle se donne.

Je trouvais étrange ses lunettes rouges mais je n'en suis plus étonné maintenant que je sais que la lignée de ses ancêtres maternels était producteurs de framboise. Voilà qui explique aisément le choix, singulier mais assurément atavique, de la couleur de ses lunettes.

On peut aussi s'interroger aussi sur son rapport, semble-t-il, un peu étrange avec l'armée qu'elle entend désormais exclure des Champs-Élysées. La chose tient sans doute à ce que son père a été, durant sa vie, employé comme tailleur dans une usine de fabrication d'uniformes ce qui explique une forme de haine ancestrale pour la vêture militaire. Mais, comme souvent la haine et l'attirance font assez bon ménage, s'explique ainsi qu'en 1996, Eva ait été auditrice à l'Institut des hautes études de défense nationale ! Y aurait-elle été harcelée par quelques galonnés libidineux? Cet ultime fréquentation des militaires l'aurait alors confortée dans sa rancoeur.

Il est plus étrange d'apprendre, de sa bouche même semble-t-il, qu'à 18 ans, elle s'est présentée au concours de Miss Norvège et qu'elle y a fini troisième, ce qui n'est pas si mal après tout pour une demoiselle qui se prénomme "Gro" !

La vie et sa carrière en France sont aussi, pour le moins, « à sauts et gambades » (Mon logiciel Dragon qui a repéré le mot "norvégien" me suggère dès lors "saumon" en lieu et place de "sauts"). Gro Eva, fut ainsi et tour à tour, fille au pair (elle épousera le fils de la maison!), dactylo, couturière, décoratrice d'intérieur, elle a fini par trouver sa voie en se lançant dans des études de droit (j'ai omis dans son curriculum vitae, la pièce la plus singulière puisqu'elle fut un moment secrétaire d'Eddy Barclay, sans aller toutefois comme d'autres jusqu'à l'épouser !).

Devenue magistrate, elle s'illustrera surtout par ses interventions dans des affaires médiatiques (Bernard Tapie, affaire Elf, frégates de Taïwan et affaire Dumas-Deviers-Joncours, etc.) ; en plus, et elle s'en flatte, elle mettra à son tableau de chasse des pièces aussi illustres que Loïc Le Floch-Prigent, Roland Dumas et même DSK. Ce dernier lui vaudra, même, bien plus tard, le prix du club de l'humour de la presse politique pour sa formule : "DSK je le connais bien. Je l'ai mis en examen!"

Elle répond volontiers aux mises en doute de sa francité par le fait qu'elle est en France depuis 50 ans, ce qui est exact puisqu'elle y est venue à 18 ans (après le concours de Miss Norvège), sans toujours préciser qu'elle a tout de même quitté la France, pour quelques années, en 2001 après le suicide de son mari.

Si bien des aspects de la vie d'Eva Joly sont assez inattendus, on ne peut guère mettre en doute l'indépendance et la force de son caractère, même si on ne manque pas de souligner perfidement, ici ou là, qu'elle ne s'est retrouvée à la tête des Verts que parce que François Bayrou ne lui a pas laissé au MoDem la place qu'elle jugeait bon d'y revendiquer. Volià qui rappelle l'histoire de Fabius qui finit rue de Solférino faute d'avoir été reçu rue de Lille!

Les choses ne seront sans doute guère plus simples chez les Verts et on pourrait sans doute, d'ores et déjà, lui conseiller de faire sien le mot célèbre de Voltaire: « Mon Dieu, gardez-moi de mes amis, mes ennemis je m'en charge!" ».

jeudi 14 juillet 2011

CAPES : "Et le combat cessa..."

Le fait qu'une partie importante des postes mis aux concours de l'éducation nationale (près d'un millier) n'ait pas été pourvue a fait, aux côtés de DSK et de Tristane, les titres de bon nombre d'organes de presse écrite ou audiovisuelle.
On a pu vérifier ainsi des constantes de nos organes d'information. D'une part, la plupart d'entre eux se sont bornés, comme d'hab., à reproduire la dépêche de l'AFP sur le sujet. À cet égard, Google, qui réunit les principaux articles sur les questions, permet de constater sans effort leur stricte identité, au moindre détail près (par exemple, une ou deux sottises qui sont aussitôt fidèlement reproduites dans toute la presse).

Le plus bel exemple d'ignorance du sujet et de fidélité servile à l'égard de la dépêche d'agence est donnée par les titres de nombre de ces articles, en particulier sur le CAPES (concours d'aptitude au professorat de l'enseignement secondaire) ; tous sont du genre « Faute de candidats, de nombreux postes mis aux concours ne seront pas pourvus! ». Le fait est qu'effectivement 978 postes n'ont pas été pourvus dans quatre concours majeurs. Cette proportion n'est pas la même pour toutes les disciplines, les mathématiques ayant en quelque sorte le record en la matière puisque, alors que 950 postes étaient ouverts, 574 seulement ont été pourvus.

Le pire est que, même à la télévision où l'on pouvait ne pas se contenter d'une dépêche d'agence, et où l'on a fait intervenir des personnes réputées compétentes, les choses n'ont guère été ni plus précises ni plus exactes . Le responsable syndical de service a naturellement accusé la réduction du nombre de postes de fonctionnaires qui découragerait les candidats (ce qui est évidemment faux et même idiot puisque ce devrait être le contraire !) ; la rue de Grenelle n'a pas souhaité qu'on filme son représentant qui s'est borné à donner au téléphone des arguments sans grand rapport avec la question.

Notre presse ne faisant pas son travail, il faut bien entendu, comme toujours, qu'Usbek s'y colle et le fasse à sa place.

Il n'y a, naturellement et fort heureusement, aucune obligation, dans les concours de recrutement de l'éducation nationale à ce que tous les postes soient pourvus et cela n'a jamais été le cas. C'est même le principal pour ne pas dire le seul avantage de ces concours. Il devient plus évident encore quand on voit comment certains masters sont distribués dans certaines universités. Pour votre gouverne, voici prise au hasard cette réflexion si éclairante par sa forme d'un candidat potentiel à l'un de ces concours! : " On a besoin de prof, je pense que certains sont capables d'enseigner et non pas le niveau".

Le nombre de postes pourvus est donc fonction du NIVEAU des candidats et non de leur NOMBRE (Il y a, en gros et en général, un candidat reçu sur 6). Pour illustrer cet aspect par un exemple, on a observé, entre 2005 et 2006, un accroissement spectaculaire du pourcentage des candidats reçus (en 2006, 6837 reçus pour 6862 postes), non pas tellement parce que le niveau des candidats avait soudain monté, mais parce que le nombre de postes avait été diminué de 25 % par rapport à l'année précédente.

Or il est clair que, depuis deux ou trois ans, on observe dans les universités (je parle ici surtout des facultés de lettres que je connais mieux que les facultés de sciences) une diminution très forte du nombre des candidats qui s'orientent vers les filières de concours comme de celui des admissibles à ces mêmes concours. Il y a donc, en, même temps une baisse du nombre et du niveau des candidats. Cette filière attirait naguère encore les meilleurs étudiants, mais la dégradation générale à la fois des conditions générales d'enseignement et de la situation comme de l'image des enseignants détournent de plus en plus de cette voie les étudiants qui sont en mesure de faire autre chose.

Il est donc absurde de dire qu'il y a, en 2011, 978 postes non pourvus « faute de candidats », alors que ce fait est lié de façon très directe, certes, sans doute à la réduction du nombre de candidats mais surtout pour ne pas dire exclusivement à une baisse très sensible de leur qualité et de leur niveau.

Ce qui amène, par exemple, en mathématiques, à recruter 574 candidats et à en écarter 376 n'est pas une décision préalable de réduire le nombre des reçus mais le fait que le 575ème (et a fortiori tous ceux qui ont des notes inférieures à lui) n'a pas obtenu une note suffisante pour qu'on le juge digne d'être reçu. Soyez sûrs d'ailleurs que comme c'est un CONCOURS et non pas un EXAMEN, on est largement descendu au-dessous de la moyenne!

Cette situation n'est pas nouvelle et il y a toujours eu un jeu assez compliqué entre le nombre de concours de postes mis aux concours et le nombre de reçus. Dans les années 60, le nombre des candidats étant très réduit, il est même arrivé que, dans certaines disciplines très déficitaires comme les mathématiques (déjà) et les lettres classiques, on supprime l'écrit à la veille des épreuves et que tous les candidats inscrits soient invités à se présenter à l'oral.

La situation est particulièrement critique en mathématiques ; la chose s'explique aisément quand on sait que déjà le premier cycle des sections de sciences dures des universités n'accueillent guère que des bacheliers qui n'ont pas réussi à entrer dans l'une des innombrables écoles d'ingénieurs. Un étudiant, qui a de bonnes compétences dans cette discipline, à en outre toute facilité de se reconvertir ailleurs qu'en devenant professeur de mathématiques dans un collège. Le nombre des candidats et leur niveau ne peuvent donc que s'en ressentir.

Ces remarques, si elles ont le mérite, bien mince, de rendre un compte plus exact de la situation que les articles de nos journaux ou les sujets de notre télévision, n'apportent en rien une solution au problème de l'enseignement. La constante dégradation de la situation des enseignants et des conditions d'enseignement détournent naturellement de cette vocation tous ceux qui sont en mesure de faire autre chose. Nous voilà bien loin de la situation d'autrefois où les carrières de l'enseignement étaient la voie royale pour tous les bons éléments de nos universités.

mardi 12 juillet 2011

Un air d'accordéon à Manhattan

Après avoir vu les choses s'accélérer au tribunal de New York, quand la réunion prévue initialement pour le 18 juillet, a été avancée d'une dizaine de jours sans qu'on sache trop pourquoi, on constate que celle qui était prévue pour le 18 juillet est retardée jusqu'au 1er août, sans qu'on soit davantage éclairé sur les raisons d'un tel choix. C'est toutefois une curiosité de la justice américaine que de voir les choses tantôt aller plus vite avant de se trouver ralenties dans la suite. Voilà une méthode qu'on ne voit guère utilisée en France où la justice se hâte toujours lentement ("Festina lente" pour causer latin comme elle aime tant à le faire!) et comme le montre, une fois de plus, la récente décision sur l'affaire du tribunal arbitral Tapie. Si le calendrier judiciaire new-yorkais s'ouvre et se ferme comme un accordéon chronologique, il est plus curieux de constater les lacunes et l'évolution du dossier. Globalement l'amélioration progressive du traitement de DSK, incontestable, au moins, au plan de l'image, tant dans l'opinion que dans la presse américaine, ne doit rien au hasard et on tend à oublier un peu trop que l'action souterraine de la défense y est pour beaucoup et pas toujours et forcément à bon escient.

Je pense même qu'on est allé un peu trop loin dans la dégradation de l'image de Mme Diallo, car, à force de la noircir (si j'ose dire), on a réussi à provoquer des réactions quasi unanimes des associations et de la communauté afro-américaines. Voilà qui risque de peser lourd dans la balance finale, peut-être plus que les faits eux-mêmes dont on ne semble plus guère se préoccuper, surtout quand ils ne sont pas favorables au "présumé" coupable dont on tend de plus en plus à faire un martyr.

Si l'on s'est acharné à accabler Mme Diallo, y a quelques faits majeurs, pourtant connus pratiquement depuis le départ, dont on n'a guère parlé et qui sont désormais totalement oubliés. Je n'en citerai que deux car s'ils sont marginaux et menus, ils me semblent assez significatifs.

Le premier est que dès que DSK, à son arrivée au Sofitel, s'est vu offrir, en tant qu'occupant d'une suite de luxe (même à tarif réduit ), une bouteille de champagne par la direction, il a aussitôt proposé, successivement, à deux employées de l'hôtel qui se trouvaient là, de venir la partager avec lui dans sa suite. Elles ont l'une et l'autre refusé, mais ce comportement mérite, me semble-t-il, quelque attention.

Le second fait est que DSK a sollicité et obtenu, dans la nuit, les services d'une prostituée. Ce point paraît confirmé par le fait qu'on l'a vu, en compagnie d'une femme inconnue des services de l'hôtel, en train de prendre l'ascenseur (à 1 heure 20, me semble-t-il, le fait et l'heure étant prouvés par l'une des caméras de vidéo-surveillance du Sofitel).

Ces deux faits, incontestables car fondés sur des témoignages et des images, sont désormais passés à peu près totalement sous silence, même s'ils ont été évoqués dans le début de l'enquête.

Raconter à peu près n'importe quoi sur Madame Diallo risque à terme de se révéler dangereux, si le caractère mensonger de certaines de ces allégations finit par être prouvé. On a ainsi prétendu que les conditions de son recrutement comme femme de chambre au Sofitel n'étaient pas très claires (en d'autres termes, elle s'y serait fait recruter pour venir y exercer une activité de prostituée). Or, si j'ai bien compris, ce recrutement a été favorisé par un syndicat des femmes de chambres qui a porté témoignage désormais sur les conditions réelles de son arrivée dans cet emploi.
Comme disait ma bonne grand-mère « Il ne faut jamais mettre du sucre sur le miel », ce qui est une façon pittoresque de dire que le mieux est l'ennemi du bien.

La conversation téléphonique de Mme Diallo avec le prisonnier (son mari ou autre chose, on sait pas trop et peu importe) a, semble-t-il, été tenue en peul, cet idiome étant, selon le mot de l'un de nos journalistes, « un petit dialecte de l'Afrique ». On mesure, une fois de plus, par la, l'étendue de la culture dans nos médias, puisque le peul est l'une des principales langues de l'Afrique de l'Ouest parlée dans une vingtaine de pays de cette zone par une bonne cinquantaine de millions de locuteurs. Il faut reconnaître toutefois que l'étendue même de son aire d'usage fait que cette langue connaît une variation dialectale considérable et qu'il n'est peut-être pas évident, aux États-Unis, de trouver des interprètes capables de bien comprendre une conversation téléphonique tenue dans la variété de peul parlée dans la zone d'origine de Mme Diallo. La chose doit toutefois être possible et il serait prudent de se procurer une traduction exacte et fidèle de cette conversation, qui pourrait être un élément important du dossier. Or les avis divergent sur le contenu et les termes mêmes de cet entretien.

De toute façon, tous ces épisodes sont, au fond, sans grande importance puisque, dans le système américain, où l'argent joue, d'ores et déjà, un rôle majeur, on vient de le voir, il suffit, au terme de la procédure, de s'offrir les services payants de l'un des douze jurés (si l'affaire va jusque là) pour acheter un non-lieu, comme cela s'est fait, dans quelques affaires illustres dont j'ai déjà parlé, la plus connue et la plus exemplaire étant assurément celle d'O.J. Simpson.

dimanche 10 juillet 2011

Tapie, Lagarde et Borloo ; un fusil pour tirer dans les coins (n° 2)

En écrivant ce titre, je m'aperçois qu'en fait j'aurais plutôt dû écrire, pour des raisons de logique chronologique qui apparaîtront dans la suite "Borloo, Tapie et Lagarde". Je précise d'emblée que mes remarques ne sont en rien juridiques (je n'entends rien à la chose, comme d'ailleurs, me semble-t-il, nombre de commentateurs, y compris parmi les juristes, le droit étant tout ce que l'on veut sauf une science exacte). Je ne veux ici que rapprocher quelques faits et, pour l'essentiel, des dates.

En dépit de mes recherches, je n'ai pas été en mesure de savoir quand et par qui a été prise la décision de mettre en place un tribunal arbitral pour revenir sur l'affaire Tapie qu'on pouvait croire réglée.

Octobre 2006 [début de la campagne de l'élection présidentielle de 2007] : la Cour de cassation casse la condamnation du CDR à verser 135 millions de dommages et intérêts à Bernard Tapie, estimant qu'aucune faute n'était caractérisée à l'encontre du Crédit Lyonnais lors de la cession du groupe Adidas à Robert Louis-Dreyfus en 1993-1994.

Fin 2006-début 2007. B. Tapie, qui joue l'ambiguïté et l'hésitation entre la division de la gauche (via le PRG) et le soutien à Sarkozy via son ami Borloo, penche de plus en plus nettement et ouvertement pour la seconde ligne : "Sarkozy et Jean-Louis Borloo ont mes faveurs". (Le Point)

18 mai 2007 : Jean-Louis Borloo devient ministre des finances, de l'économie et de l'emploi du gouvernement Fillon. Il sera détrôné dans cet emploi le 19 juillet 2007 pour devenir, plus modestement ministre de l'écologie, avec pour le consoler le titre de ministre d'Etat.

Sans qu'on sache exactement quand et par qui a été prise une décision si importante, un projet d'arbitrage dans l'affaire Tapie, qu'on croyait définitivement close depuis un an, est formé puis présenté et accepté, contre toute attente, par le CDR dès octobre 2007. La conception, le choix des membres du tribunal arbitral, qui ne peuvent être que des personnes physiques, la définition des modalités de leur intervention (on parle d'un million d'euros pour les trois septuagénaires pressentis), leur accord, leur acceptation par le CDR, tout cela suppose des négociations et un accord des deux parties. Christine Lagarde, en poste depuis moins de trois mois (dont le mois d'août), n'a guère pu être en mesure de concevoir et de conduire à son terme une procédure si ardue et si complexe. N'a-t-elle pas trouvé le paquet tout ficelé sur son bureau en arrivant à Bercy et en prenant la succession de Borloo? Ne lui ferait-on pas, après coup, porter un chapeau qui n'est pas le sien ?

Juillet 2008 : après la décision du tribunal arbitral, le MoDem et le PS protestent mais à mots couverts et sans jamais prononcer le nom de Borloo. F. Bayrou invoque "les protections" de Bernard Tapie et parle d'"un renvoi d’ascenseur par Nicolas Sarkozy au soutien de Bernard Tapie lors des Présidentielles 2007". Le PS, par la voix de J.M. Ayrault, demande même, non sans humour, à Christine Lagarde de "saisir la justice". Celle-ci, le 28 juillet 2008, se borne à enjoindre aux représentants de l'Etat au conseil de l'EPFR de ne pas s'opposer à la décision de la direction du CDR de ne pas former de recours contre le jugement arbitral (ce qui aurait été possible dans le mois suivant la décision).

Juillet 2011. Epilogue ou nouvel épisode?
La commission des requêtes de la Cour de justice de la République a reporté sa décision, annoncée pour le 8 juillet 2011 au 4 août parce que, selon Europe 1, l'un de ses membres se serait senti dans l'obligation de se récuser le 7 juillet au soir.

La nuit, dit-on, porte conseil ; la soirée du 7 juillet aussi! En effet, un des membres de la Cour de justice de la République saisie du dossier depuis le mois de mai, Madame Laurence Fradin s'est avisée soudain, (Bon sang mais c'est bien sûr!), qu'elle est mariée à Pierre Joxe, ancien président de la Cour des Comptes et ancien ministre socialiste de Mitterrand comme Bernard Tapie et, en outre, qu'elle a eu à connaître du dossier Tapie quand elle était elle-même à la Cour des Comptes ! Mieux vaut tard que jamais!

Lagarde ou Borloo? Sur qui le fusil est-il braqué en réalité?

Christine Lagarde, désormais bien installée sur les rives du Potomac demeure une cible possible mais très théorique pour deux raisons. La première est que, si le FMI n'aime pas voir son directeur général trousser les servantes (au Sofitel) ou ses collaboratrices (au FMI), les magouilles internes à Bercy ne préoccupent guère l'américain moyen. En outre, seconde raison plus forte, comme le montre la simple chronologie que j'ai esquissée, Madame Lagarde n'aurait guère de mal à démontrer qu'elle n'est en rien à l'origine de cette affaire dont elle n'a assumée, en fait, du fait de sa fonction, que les conséquences.

En revanche, il y a là un excellent moyen de remettre dans le droit chemin Jean-Louis Borloo s'il venait à tendre à s'en écarter trop! Mieux vaut donc garder le plus longtemps possible le doigt sur la détente du fusil pour tirer dans les coins.

samedi 9 juillet 2011

Tapie, Lagarde et Borloo (N° 1)

Résumé (indispensable des épisodes précédents). A cette fin , je reprends, en l'actualisant, l'un de mes posts antérieurs publié sous le titre : "Il fallait un calculateur, ce fut un danseur qui l’obtint" ( Beaumarchais ).

Cette formule du Mariage de Figaro paraît pouvoir s’appliquer à Madame Christine Lagarde, notre ex-ministre des finances et de l’emploi, même si la canne, sur laquelle elle s’appuie parfois avec beaucoup de distinction et de grâce, ne semble pas la destiner, a priori, aux exercices chorégraphiques.

Avocate de profession, elle a régné sur Bercy et nos sous ; aussi ne l’ai-je pas entendue sans étonnement affirmer, un jour, à la radio que la raison pour laquelle on avait jugé bon de mettre un terme à l’interminable affaire Tapie était que l’Etat avait déjà versé dix millions d’euros en frais d’avocats (merci pour eux!). Les avocats de Nanard, que j’ai entendus aussi par ailleurs, sont plus discrets, car ils ont dû, au terme apparemment définitif de l’affaire, se payer sur la bête et avec un pourcentage sur les gains, à l’américaine, car Tapie lui, en principe n’avait alors pas un euro en poche.

Petite curiosité fiscale. Nanard devait alors, disait-on, 130 millions d’euros à l’Etat (en « dettes fiscales et sociales"), sans parler de ses créances au Consortium de Réalisation. Comment un citoyen dans une situation financière et fiscale si désastreuse a-t-il pu continuer à loger Rue des Saints-Pères dans ce fameux, immense et luxueux hôtel particulier qu'il y possède et pour lequel, en son temps, le Canard enchaîné nous avait appris qu’il ne payait qu’une taxe d’habitation minimale, n’étant pas assujetti à l’impôt sur le revenu?

Quel homme ce Nanard ! Lui qui a commencé comme crooner, il pourrait reprendre le tube de Julio Iglesias « Je n’ai pas changé ! », à moins qu’il ne revienne à ses propres écrits à travers le répertoire du Bernard Tapy des années 60 ; il pourrait alors nous susurrer à nouveau, après son succès final dans l’affaire Adidas, cet immortel couplet dont, homme de tous les talents, il est l’auteur:
« Et maintenant je suis content
Qu'avec elle ce soit terminé
Je vais pouvoir tout comme avant
Ha ! Recommencer à bien rigoler".
Tout cela est rigoureusement exact, même si la rime est moins riche que, désormais, l’homme.

Mais revenons-en à Madame Lagarde, car je ne puis m’empêcher de craindre, à Bercy ou au FMI, les analyses et les décisions ultérieures d’une femme qui, pour ne pas risquer, fût-ce en vain, un ou deux millions d’euros de plus, accepte, le coeur manifestement léger, d’en perdre quatre cents !

Je n’entends pas être le centième à ratiociner sur cette affaire, aussi ténébreuse que compliquée, dont les implications politiques, souvent méconnues, commencent à apparaître, et dans laquelle, de toute façon, nous autres contribuables français, avons été et serons encore les dindons de la farce.

La Gauche joue les vierges effarouchées, forte des connivences évidentes du pouvoir dans cette affaire. Bayrou a, en son temps, levé le lièvre, alors manipulé par Peyrelevade qui évidemment en sait long, pour plusieurs raisons, sur cette affaire. On ne doit pas oublier que c’est tout de même Mitterrand qui, pour contrer Rocard, a mis autrefois Nanard sur orbite politique et en a fait un ministre, en continuant dans la suite à le protéger de diverses façons. Quant au fameux tribunal arbitral, qui aurait touché dans l'affaire un gros million d’euros d’honoraires, la droite sénile y était représentée par l’alpiniste Mazeaud et la gauche cacochyme par l’avocat Bredin (du cabinet Bredin-Badinter, ça doit vous rappeler des choses!). Bernard Tapy-Iglesias a raison : rien n'a changé, mais rien n’a non plus été laissé au hasard dans tout cela !

On croyait Nanard fini après l’arrêt de la Cour de Cassation en octobre 2006, censé, dans notre système juridique, mettre un terme à toute action judiciaire. C’était compter sans la justice « privée ». Quoique fauché, Tapie-Tapy, resté à la table quand on le croyait au tapis, en flambeur qu’il est, a fait "tapis" et raflé le magot ! Bravo l’artiste !

La suite demain.

vendredi 8 juillet 2011

Victoire : L'exception culturelle chez McDo.

Vous l'aurez peut être déjà deviné, je ne suis pas un client habituel de McDo. Toutefois mes petits-enfants m'y entraînent quelquefois ; je sacrifie donc à leur satisfaction du moment le peu de goût que j'ai pour la nourriture qu'on y sert, tout en admettant aussi qu'on peut y faire des observations anthropologiques, sociales et même linguistiques qui ne manquent pas d'intérêt.

Je dois toutefois admettre que ces gens-là sont fort habiles et qu'ils ont su créer chez nos enfants le goût de la fréquentation de leurs établissements par des procédés qui certes non pas grand-chose à voir avec l'alimentation et le goût, mais qui se révèlent fort efficaces et qui, à terme, ont fait leur fortune.

En fait les enfants, mes petits-enfants comme les autres, vont surtout chez McDo moins pour ce qu'on y mange que pour les menus cadeaux qu'on leur fait dans l'emballage spécial qu'on leur réserve et pour les jeux divers qui, en général, sont situés dans un local contigu du restaurant. Tout cela il faut le reconnaître est fort habile et tout à fait efficace.

Ma dernière et très récente visite chez McDo m'a convaincu qu'à la maîtrise parfaite des techniques commerciales, les dirigeants de McDo ajoutent, avec ou sans humour (je n'en sais rien), une certaine connaissance des petites manies de la francophonie et un secret désir de les tourner en dérision. Leur dernière innovation alimentaire (je n'ose dire gastronomique) est le "Big Mac 280", présenté par la publicité de son emballage, comme « le must de l'exception culturelle ». Je ne résiste pas au plaisir de vous citer le court texte qui figure sur la boîte qui le contient « On peut être french et burger à la fois [mon logiciel "Dragon" avait écrit, avec cet humour involontaire qui est parfois le sien, "être fraîche et bergère à la fois"]. Le 280 c'est le meilleur de la générosité américaine... mais habillé à la française : pain fariné cuit sur pierre et emmental et cheddar fondu et sauce légèrement citronnée. Vive le mélange des genres. I'm lovin'it"! ». Les Bernois et les Bataves apprécieront l'annexion par Mc Do et la France de leurs chers fromages ; quant à la "cuisson du pain sur pierre", je ne sais pas sur quels trésors archéologiques que j'ignore, elle repose, mais le passé de notre belle France est si riche!

Je ne sais pas si Monsieur Toubon (père de la loi du même nom promulguée en 1994 et portant précisément sur l'usage du français) fréquente les McDo mais je pense, s'il est amené à lire ces publicités, qu'il va en apprécier tout le sel et l'ironie dont on ne sait pas trop si elle est volontaire. Dans ce cas, elle serait assurément provocatrice et devrait donc tomber sous le coup de la loi qui porte son nom mais qui est désormais bien oubliée.

Si je ne sais pas trop quoi penser du 280 (un bon vieux sandwich traditionnel, même si le pain n'est pas cuit "sur pierre", est à mon goût bien meilleur), mais je connais bien, en revanche, la genèse et l'histoire de l'expression "exception culturelle". Il y a là pour le coup une belle invention bien française que la France a imaginée et mise en circulation, si mes souvenirs sont bons, lors du Sommet de la francophonie tenue à l'Ile Maurice en 1993. En dehors de la France elle-même, le Canada (qui suivait le mouvement sans trop d'enthousiasme), du Québec et de la Communauté française de Belgique et de quelques "paladins de la francophonie", l'affaire n'intéressait guère. Les Etats du Sud, qui avaient et ont toujours d'autres chats à fouetter, ont emboîté le pas pour faire plaisir aux principaux bailleurs de fonds de l'entreprise francophone. On observera que c'est aussi le moment où l'on est passé, sans qu'on sache trop pourquoi ni comment, de la formule antérieure qui définissait la "francophonie" comme l'organisation des "pays ayant en commun l'usage du français" à celle des "pays ayant le français en partage", ce qui marque, me semble-t-il, un recul significatif, mais que l'on n'a guère souligné. Ce changement a été attribué à une demande du pays-hôte, l'Ile Maurice, ce qui est totalement faux !

Il est bien évident que les pays du Sud, dont la production culturelle en français est des plus modestes, n'ont pas à protéger ce type d'industries. La France elle-même ne le fait que d'une façon assez discrète, lointaine et lacunaire si l'on en juge par la sévérité et la rigueur avec laquelle la loi Toubon est appliquée en France dans des domaines infiniment plus importants que la consommation des 280 dans les restaurants McDo.

Il y a d'ailleurs beaucoup à dire sur la politique de diffusion de la langue et de la culture françaises dans le monde, mais j'en ai trop souvent parlé, au grand dam des services compétents, pour y revenir ici. Il suffit, à l'étranger, (et je m'inflige régulièrement, par ascèse et pour mon information, cette punition) de regarder, pendant quelques heures, France 24 ou TV5 Monde, pour comprendre dans quelle situation pitoyable se trouve ce secteur qui pourtant continue à nous coûter fort cher sans grand résultat.

mercredi 6 juillet 2011

De la justice américaine : vers l'épilogue de l'affaire DSK.

Il n'est bruit, depuis ce matin, que de la possible décision du procureur de New York de laver DSK de tous les chefs d'inculpation dont on le pensait menacé, récemment encore. Quel que soit le jugement qu'on porte sur la justice américaine, elle apparaît, de toute façon et dans tous les cas, bien inconséquente.

Comme beaucoup, j'avais apprécié chez elle, au départ, le fait qu'elle traitait, peut-être même de façon trop ostentatoire, le directeur général du FMI comme n'importe quel délinquant de base, ce que confirment les quelques scènes d'arrestation auxquelles j'ai pu assister parfois aux États-Unis. Elles sont toujours d'une extrême rudesse pour ne pas dire brutalité, en tout cas si on les compare à des arrestations du même genre opérées en France.

Les choses avaient continué, un moment, dans le même esprit d'une justice qui ne serait pas plus indulgente pour les grands que pour les petits, avec l'exigence d'une énorme caution en rapport avec les moyens du prévenu, et qui faisait suite à une brève mais rude incarcération.

Toutefois, le point sur lequel toute l'affaire a connu une mutation soudaine et totale, et par là même suspecte, tient au personnage de la victime "présumée", Mme Diallo. Les premières investigations menées, durant près d'un mois, avec des moyens de toute évidence considérables, par le procureur comme par les avocats de DSK, lui ont reconnu une image irréprochable, celle d'une femme élevant, à grand-peine, sa fille grâce à deux emplois tenus simultanément et fréquentant assidûment la mosquée de son quartier. Les enquêtes menées, et sans doute à grands frais, jusqu'en Guinée, ont tout à fait confirmé cette image quasiment pieuse.

Tout a changé soudain sans qu'on comprenne trop pourquoi ; Mme Diallo, qui peinait à joindre les deux bouts avec ses deux emplois de bonniche, s'est trouvée titulaire de 100 000 $ déposés sur différents comptes dans différentes villes (notons au passage que la moitié des Guinéens se nomment Diallo!); on a découvert aussi tout à coup qu'elle avait une demi-douzaine d'abonnements téléphoniques sans qu'on sache trop pourquoi et alors que rien n'est plus simple que de souscrire à un nom quelconque (Diallo ou un autre) un abonnement de portable. Elle est apparue soudain au centre d'un trafic de drogue (d'où les 100.000$ en banque).

On s'est rendu compte, également et surtout, qu'elle aurait menti lors de sa demande de droit d'asile, en prétendant avoir été l'objet de violences physiques en Guinée (dont un viol), dont elle n'a jamais parlé dans la suite (on se demande pourquoi elle l'aurait fait ) ; elle avait également fait état d'un second enfant pour bénéficier d'allocations sociales ; je ne sais pas si ce second enfant existe, mais la conception de la famille en Afrique n'est pas la nôtre et on y recueille souvent des enfants qui ne sont pas les siens, surtout en pareil contexte. Notons, en outre, qu'une femme qui a 100.000$ en banque ne devrait pas trop de préoccuper de se faire attribuer indûment une maigre allocation sociale!

La cerise sur le gâteau a été placé avec les accusations de prostitution, aussi bien dans le cadre du Sofitel, où elle était employée, que dans celui de l'hôtel où on l'a contrainte à trouver refuge pour la mettre à l'abri de possibles pressions. Une rapide Madame Diallo et une rusée car elle y était assurément très surveillée

Il est naturellement tout à fait impossible de démêler le vrai du faux dans toutes ces rumeurs, mais il est toutefois raisonnable de faire deux ou trois observations sur ce fatras de calomnies et/ou de vérités.

Mme Diallo, comme tous les demandeurs d'asile, a dû justifier une telle démarche par les violences physiques ou politiques qu'elle aurait subies dans son pays. Tout le monde le sait et la preuve de tels faits est en général très difficile à apporter, ce qui conduit à se référer à la situation globale du pays d'où les migrants sont originaires et à leurs déclarations. Nul, sinon Mme Diallo elle-même, ne sait si elle a été vraiment violée dans son pays ; on ne voit pas, en outre, la moindre raison pour elle de faire allusion à ce viol durant l'instruction de l'affaire DSK. Quant aux déclarations qu'on lit partout sur la gravité d'un mensonge sous serment dans la démocratie américaine, comment ne pas se souvenir qu'un tel mensonge peut-être jugé de façon extrêmement différente, selon qu'on est une immigrante guinéenne où un président des États-Unis en exercice (ce second mensonge étant pourtant infiniment plus grave que le premier).

Ce qui était prévisible et que l'on peut aisément constater depuis une quinzaine de jours est que ce changement de l'image de Mme Diallo est très opportun et bien commode pour tout le monde, sauf naturellement pour Mme Diallo. Dans l'hypothèse où il serait vrai qu'elle était mariée avec un malandrin incarcéré pour trafic de drogue, il est peu vraisemblable que celui-ci, pour la simple défense de son business, n'ait pas mis en garde son épouse contre d'éventuelles conversations téléphoniques, tout prisonnier sachant parfaitement que les conversations avec les condamnés durant leur incarcération sont naturellement surveillées et enregistrés.

Pour ce qui me concerne j'ai toujours pensé et je l'ai écrit dès le début que toute cette affaire finirait en eau de boudin, quel que soit le prix à payer, les moyens de DSK et de Madame leur permettant aisément d'acheter tout le monde, aussi bien des témoins que les membres du jury et éventuellement même les uns et les autres. Le procureur s'est sans doute rendu compte que l'affaire était moins intéressante pour sa carrière qu'il ne l'avait estimé au départ, un peu paniqué par sa réélection ; la mise en cause du témoignage de Mme Diallo lui permet donc aisément de trouver une sortie honorable. Pour DSK lui-même, les frais ne sont pas considérables eu égard à la fortune et à la complaisance de sa femme, même s'il a dû distribuer quelque mallettes de billets de 100 $ à droite et à gauche dans la phase de l'instruction que nous connaissons actuellement. La seule chose qu'on peut espérer est que cette pauvre Madame Diallo, sainte et/ou pute, ne soit pas le seul dindon de la farce et gagne quelques centaines de milliers de dollars (ou plus si affinités) dans cette affaire.

Au fond, contrairement à ce qu'on aurait pu penser, la seule véritable perdante dans tout cela sera la justice américaine. Tout compte fait, elle se révèle égale à celle qu'on pouvait penser d'elle suite à des affaires comme celles d'O.J. Simpson ou de Michael Jackson, c'est-à-dire une justice qui est à l'image de la société elle-même donc totalement asservie au service de l'argent.

mardi 5 juillet 2011

Confidences bancaires

On m'accordera, qu'à la différence de nombre de blogueurs, je ne vous bassine pas avec ma vie privée à longueur de blogs. Aujourd'hui, toutefois, le sujet du présent post m'a été fourni par ma banque, le LCL (ex Crédit Lyonnais qui a changé de nom, je ne sais trop pourquoi). Elle m'a fait parvenir, en effet, ce que l'on nomme dans le "banquais" (variété de crypto-français en usage dans les banques), une "remise export crédit sauf bonne fin". Va comprendre Charles! Je ne sais pas ce que cela veut dire, mais c'est écrit ainsi sur le papier et comme on va le voir "c'est étudié pour". Je vous livre donc la chose toute crue.

Si je n'ai pas compris l'intitulé du document, j'ai très vite saisi à quoi il tendait, quand je me suis aperçu qu'il faisait suite à l'envoi d'un chèque en livres sterlings à mon nom que j'avais adressé à ma banque pour virement sur mon compte courant. Il s'agissait d'un modeste chèque de 39,37 livres, soit 44,40 euros au cours du jour. Je savais naturellement à quoi je m'exposais en tentant pareille opération, mais je dois dire que le résultat a été encore assez largement au-delà de mes craintes les plus folles.

Le problème n'est pas, comme souvent, dans le taux de change qui m'a été appliqué, ce qui arrive quand on vous vend une monnaie étrangère à un prix deux fois plus élevé que celui auquel on vous l'achète ; dans le présent cas, on ne peut guère tricher là-dessus et le profit serait trop modeste pour que la chose en vaille la peine. Je n'ai donc pas vérifié mais le taux de conversion me paraît convenable. Ce qui paye, en revanche, ce sont les commissions du Crédit Lyonnais. Petite remarque, si dans l'en-tête de l'imprimé, on a remplacé Crédit Lyonnais par LCL, on n'a pas réalisé la conversion de ce sigle dans les textes eux-mêmes où l'on parle toujours du Crédit Lyonnais.

Le virement sur mon compte de cette somme de 44,40 € a eu pour préalable l'application ANTERIEURE (on ne se méfie jamais assez!) de deux prélèvements sur ce même compte et non sur le chèque lui-même, le premier "pour encaissement" (17,75 euros), le second pour le change (13,60 euros), soit au total 31,25 euros. Sur mon pauvre chèque de 44,40 euros, on m'a donc fait payer, à l'avance, au titre des frais divers, les trois-quarts de la somme en cause, ce qui me semble très considérable et assez voisin de ce que l'on pourrait appeler une escroquerie. Car la "bonne fin" (joli, non?) évoquée et qui cherche à justifier sans doute l'énormité des prélèvements par les risques énormes encourus (chèque sans provision)est assurée, pour la banque au moins puisque, de toute façon, elle s'est payée à l'avance, que la fin soit bonne ou mauvaise!

Si les agents du Crédit Lyonnais pratiquent, dans le traitement d'un chèque britannique, des manoeuvres que je ne qualifierai pas d'usuraires pour ne pas offenser gravement l'honorable corporation des usuriers, force est de reconnaître que ces gens-là ne manquent pas de psychologie et de talent pour la communication. En effet, ils ont l'astuce, fruit sans doute d'une longue expérience, décisive en pareil cas, de ne pas mentionner la somme qui sera finalement et réellement versée sur le compte, en lieu et place des 44,40 euros attendus, postulant à tout coup un client lecteur inattentif de cette si étudiée "remise export crédit sauf bonne fin". Ce lecteur inattentif ne gardera, en effet, en mémoire que le montant de 44,40 euros qui figure effectivement sur la "remise export crédit sauf bonne fin" et il ne prendra guère conscience, dans la suite, que ne lui seront versés finalement que 17,15 euros, déduction faite des "frais" antérieurement prélevés directement sur le compte lui-même.

Malin non?

J'espère qu'un agent du LCL/Crédit Lyonnais qui lira ce post pourra m'informer plus exactement sur cette question ; ce sont bien 44,40 euros, soit en apparence, le montant intégral du chèque, qui seront versés effectivement sur mon compte. On se gardera alors de me rappeler qu'ont été auparavant prélevés sur mon compte 31,25 euros de frais ce qui fait que, sans m'en apercevoir bien entendu, je n'en toucherai réellement que 17,15 euros sur les 44,40 euros du chèque traité, mais sans que la réalité de cette somme finale n'apparaisse jamais nulle part!

Bravo les artistes bancaires !

lundi 4 juillet 2011

Haïti et orthographe



« Pour parler sans ambiguïté, ce dîner à Sainte-Adresse, près du Havre, malgré les effluves embaumés de la mer, malgré les vins de très bons crus, les cuisseaux de veau et les cuissots de chevreuil prodigués par l’amphitryon, fut un vrai guêpier". Je vous épargne la suite car vous avez sans doute reconnu les premières lignes de la dictée dite de Mérimée que ce dernier avait préparée, à la demande de l'Impératrice Eugénie pour amuser la cour impériale. A ce que l'on raconte, Napoléon III fit soixante-quinze fautes, Eugénie, quoiqu'elle fut espagnole ou parce qu'elle l'était (le FLE déjà!) en fit treize de moins ; Octave Feuillet, que cela n'empêcha pas d'entrer quelques années après à l'Académie française, en commit dix-neuf, tandis qu'Alexandre Dumas, qui en avait laissé vingt-quatre dans sa copie, dût attendre à la porte du Quai de Conti jusqu'en 1875, sans qu'on sache si c'était vraiment à cause de ça. Le seul à s'en tirer avec les honneurs fut Metternich, avec trois fautes seulement, mais je méfie toujours des diplomates!

On disait autrefois, bien à tort, que l'orthographe était la science des ânes. Nous n'avons désormais plus guère d'ânes et c'est sans doute pour cela que notre orthographe s'est perdue à ce point. On pourrait s'attendre néanmoins à ce que le respect des règles subsistât, comme dirait notre président, au moins dans les documents officiels. Sans mettre en cause l'orthograpge de la DDE dont témoigne,ci-dessus, l'image que m'a envoyée, par hasard, une amie, voici quelques lignes d'un texte de Capénergies (pôle de compétitivité PACA-Corse) : " Il est nécessaire d’impliquer la gouvernance des universités dans le pôle comme une forte ambition pour les 3 ans à venir [sens ?]. En ce qui concerne le volet corse de CAPENERGIES, il semble que l’Université de Corse est pris ["ait pris" je suppose?] une part entière [????] à l’activité du pôle notamment au niveau [au plan je suppose encore?] de la recherche à travers [sic] le laboratoire sur les Énergies Renouvelables labellisé par le CNRS (UMR SPE) tant au niveau de la formation avec le master SEER [on attend ici un "qu' à celui..." qui ne viendra jamais].

Le grand prêtre de la langue française (Dieu seul sait pourquoi!), Bernard Pivot, a abandonné, il y a quelques années, son petit commerce des Championnats (de France d'abord puis du monde...) d'orthographe, devenus, dans la suite, les "Dicos d'or", par une référence, sans doute involontaire, au caractère indirectement mercantile de telles opérations. Heureusement pour l'orthographe du français, il nous reste Haïti pour en être le dernier refuge, voire le sanctuaire au sein de l'espace francophone.
Voici des extraits, brefs mais significatifs, de l'article de Valéry Daudier publié, il y a une petite semaine, par le principal quotidien haïtien, le Nouvelliste qui est, sur le net, une de mes lectures quotidiennes :
"Orlson-Ainé Joseph, de l'Institution St Louis de Gonzague, a été sacré, le 25 juin 2011, épeleur de l'année, et Walens Louis, du Petit Séminaire Collège St Martial, vice-épeleur de la première édition du concours d'épellation organisé par Télé Soleil à laquelle ont pris part 168 écoliers de 42 établissements scolaires. Les deux gagnants sont repartis chez eux avec des laptops, des ouvrages, des fleurs et des médailles. En outre, la Digicel a offert un chèque de 2 000 dollars US à l'épeleur et 1 000 dollars au vice-épeleur.[...] Télé Soleil et Pain de Vie, en collaboration avec le Bureau diocésain de l'Education (BDE), ont transformé beaucoup de maisons de la capitale en « maisons d'épellation » avec leur concours d'épellation baptisé : « J'épelle au Soleil », lancé le 23 mars dernier et qui a pris fin le samedi 25 juin 2011 dans les locaux de Radio Télé Soleil à Pétion-Ville [...].
Orlson-Ainé Joseph, 11 ans, et Walens Louis, 11 ans également, tous deux en sixième année fondamentale, ont rehaussé le prestige de leur établissement respectif et fait honneur à leurs camarades, leurs amis, leurs professeurs et leurs parents. [...] Sur ses petites épaules, il [Orlson-Aimé Joseph] a su quand même faire honneur à son établissement, l'un des meilleurs du pays. Au cours de cette finale à laquelle ont pris part des élèves, des responsables d'écoles et des éducateurs, dont Sabine Boisson, Orlson a tiré du tambour les mots : « bruyamment, hypnotiser, hublot, vilipender, proie, léthargique, spaghetti, pénitentiaire, ophtalmologique et galvauder ». Il a manqué l'épellation de : hypnotiser et de pénitentiaire. Avant cette finale, sur une vingtaine de mots à épeler, le Saint-Louisien n'a raté que l'épellation de « racontar ».
[...]
Quant à Walens, durant ce concours, il s'est donné une lourde mission : connaître l'orthographe de tous les mots de la langue de Voltaire. Une mission que Walens n'aura pas accomplie, mais l'enfant intelligent et un peu turbulent en classe est fier d'être sacré vice-épeleur de la première édition de ce concours. [...] Au cours de la finale, l'enfant de Guerdie Louis était tombé sur des mots jugés selon plus d'un un peu moins difficiles que ceux d'Orlson. Walens a tiré du tambour les mots : « thésauriser, pacotille, cacophonie, étanchéité, ennoblissement, euthanasie, glycémie, hémiplégie, coercition et enivrement ». Il a manqué l'épellation de quatre, dont : cacophonie, étanchéité, coercition et enivrement qui a fermé les plateaux de la première édition de « J'épelle au Soleil ». Sur 32 mots à épeler durant ce concours organisé en 65 rencontres, il se rappelle avoir raté l'épellation de 7 ou 8 termes.

Et l'auteur de conclure : "L'Education nationale a boudé une telle initiative !
Aucun représentant des ministères de l'Education nationale ou de la Culture, n'a été présent à la cérémonie de clôture de « J'épelle au Soleil ». Les autorités de ces deux ministères, a souligné père Jean, n'ont pas non plus répondu aux invitations qui leur ont été faites et n'ont pas plus collaboré à la réalisation de ce concours qui s'est taillé une place parmi les émissions éducatives, utiles, instructives, dédiées aux enfants, s'il y en a d'autres.

En fait, même si l'Education nationale et la Culture n'ont pas reconnu l'importance de ce concours d'épellation qui a été l'idole de beaucoup d'écoliers, les partenaires, dont la Digicel, le Conatel, la Fokal, Plan Haïti et Caritas Haïti se sont rendus compte qu'une telle émission aura été profitable pour l'ensemble de la communauté".

Au-delà de la petite guerre entre l'Education nationale publique et les établissements confessionnels (rappelons qu'en Haïti l'école est privée à 85%), on peut faire une ou deux remarques d'inégale importance.

La première est qu'une telle pratique est venue en Haïti depuis les Etats-Unis, peut-être, via le Canada anglophone, où les "spelling bees" furent un moment en vogue dans les écoles selon le principe décrit ci-dessus. Le mot "épellation" lui-même (traduction littérale de "spelling") est assez peu courant en français pour ne pas figurer dans le Trésor de la Langue Française!

Au delà du caractère parfaitement inepte d'une telle compétition, surtout dans le contexte éducatif haïtien global et, plus particulièrement encore après le séisme du 12 janvier 2010, au moment où l'on parle d'une éventuelle "reconstruction" de ce système, le point le plus important me paraît que ce genre d'opération témoigne, à propos du français (évoqué ici, de façon très significative, comme " la langue de Voltaire"), d'une vision totalement passéiste et même obsolète, préjudiciable à la diffusion du français et qui ne peut qu'encourager et conforter dans leurs entreprises, les adversaires de cette langue que ses soutiens défendent manifestement à grand renfort de pavés de l'ours.

Il est à cet égard significatif qu'a deux ou trois jours près, cet article sur les concours d'épellation ait été suivi par une rencontre "Livres en folie", organisée, à Port-au-Prince même, et dont le Nouvelliste a rendu compte sous le titre "Il y a des fautes partout"? Là encore, on a retrouvé cette même obsession de l'orthographe. Je ne nie pas l'importance de ce problème que nous connaissons en France aussi ou le Monde qui fut longtemps de temple de l'exemplarité orthographique dans notre presse nationale a bien changé sur ce point.Toutefois, vu la situation du français en Haïti, est-ce là le problème majeur qui se pose à lui ? Par ailleurs la question est fort mal posée quand on lit dans cet article :

" Par rapport à cet atelier, je suis venu humblement pour écouter et pour apprendre. Quand on est auteur on est appelé normalement à se corriger, à perfectionner son texte », a déclaré Dominique Batraville. Par ailleurs, il a fait remarquer qu'aujourd'hui en Europe et en Afrique se développe une tendance à détecter les lacunes des classiques. « Il y a de grands auteurs qui ont eu de graves fautes d'orthographe, de syntaxe. Même chez Camus, chez Sartre, chez Balzac. Un courant d'étude critique en Afrique essaie d'évaluer les textes laissés par des auteurs dans un état lamentable".

Une telle remarque, par ailleurs fausse (je n'ai guère trouvé de fautes de langue chez Sartre que j'ai un peu fréquenté), est assez sotte car, jusqu'à la fin du XVIIIème siècle, nos grands auteurs ne se préoccupent guère de l'orthographe de leurs manuscrits et certains d'entre eux écrivent souvent à peu près n'importe quoi, laissant à leurs éditeurs les soucis de la mise en forme!

Franchement, n'y a-t-il pas d'autres soucis pour le français en Haïti que celui-ci ?