En écrivant ce titre, je m'aperçois qu'en fait j'aurais plutôt dû écrire, pour des raisons de logique chronologique qui apparaîtront dans la suite "Borloo, Tapie et Lagarde". Je précise d'emblée que mes remarques ne sont en rien juridiques (je n'entends rien à la chose, comme d'ailleurs, me semble-t-il, nombre de commentateurs, y compris parmi les juristes, le droit étant tout ce que l'on veut sauf une science exacte). Je ne veux ici que rapprocher quelques faits et, pour l'essentiel, des dates.
En dépit de mes recherches, je n'ai pas été en mesure de savoir quand et par qui a été prise la décision de mettre en place un tribunal arbitral pour revenir sur l'affaire Tapie qu'on pouvait croire réglée.
Octobre 2006 [début de la campagne de l'élection présidentielle de 2007] : la Cour de cassation casse la condamnation du CDR à verser 135 millions de dommages et intérêts à Bernard Tapie, estimant qu'aucune faute n'était caractérisée à l'encontre du Crédit Lyonnais lors de la cession du groupe Adidas à Robert Louis-Dreyfus en 1993-1994.
Fin 2006-début 2007. B. Tapie, qui joue l'ambiguïté et l'hésitation entre la division de la gauche (via le PRG) et le soutien à Sarkozy via son ami Borloo, penche de plus en plus nettement et ouvertement pour la seconde ligne : "Sarkozy et Jean-Louis Borloo ont mes faveurs". (Le Point)
18 mai 2007 : Jean-Louis Borloo devient ministre des finances, de l'économie et de l'emploi du gouvernement Fillon. Il sera détrôné dans cet emploi le 19 juillet 2007 pour devenir, plus modestement ministre de l'écologie, avec pour le consoler le titre de ministre d'Etat.
Sans qu'on sache exactement quand et par qui a été prise une décision si importante, un projet d'arbitrage dans l'affaire Tapie, qu'on croyait définitivement close depuis un an, est formé puis présenté et accepté, contre toute attente, par le CDR dès octobre 2007. La conception, le choix des membres du tribunal arbitral, qui ne peuvent être que des personnes physiques, la définition des modalités de leur intervention (on parle d'un million d'euros pour les trois septuagénaires pressentis), leur accord, leur acceptation par le CDR, tout cela suppose des négociations et un accord des deux parties. Christine Lagarde, en poste depuis moins de trois mois (dont le mois d'août), n'a guère pu être en mesure de concevoir et de conduire à son terme une procédure si ardue et si complexe. N'a-t-elle pas trouvé le paquet tout ficelé sur son bureau en arrivant à Bercy et en prenant la succession de Borloo? Ne lui ferait-on pas, après coup, porter un chapeau qui n'est pas le sien ?
Juillet 2008 : après la décision du tribunal arbitral, le MoDem et le PS protestent mais à mots couverts et sans jamais prononcer le nom de Borloo. F. Bayrou invoque "les protections" de Bernard Tapie et parle d'"un renvoi d’ascenseur par Nicolas Sarkozy au soutien de Bernard Tapie lors des Présidentielles 2007". Le PS, par la voix de J.M. Ayrault, demande même, non sans humour, à Christine Lagarde de "saisir la justice". Celle-ci, le 28 juillet 2008, se borne à enjoindre aux représentants de l'Etat au conseil de l'EPFR de ne pas s'opposer à la décision de la direction du CDR de ne pas former de recours contre le jugement arbitral (ce qui aurait été possible dans le mois suivant la décision).
Juillet 2011. Epilogue ou nouvel épisode?
La commission des requêtes de la Cour de justice de la République a reporté sa décision, annoncée pour le 8 juillet 2011 au 4 août parce que, selon Europe 1, l'un de ses membres se serait senti dans l'obligation de se récuser le 7 juillet au soir.
La nuit, dit-on, porte conseil ; la soirée du 7 juillet aussi! En effet, un des membres de la Cour de justice de la République saisie du dossier depuis le mois de mai, Madame Laurence Fradin s'est avisée soudain, (Bon sang mais c'est bien sûr!), qu'elle est mariée à Pierre Joxe, ancien président de la Cour des Comptes et ancien ministre socialiste de Mitterrand comme Bernard Tapie et, en outre, qu'elle a eu à connaître du dossier Tapie quand elle était elle-même à la Cour des Comptes ! Mieux vaut tard que jamais!
Lagarde ou Borloo? Sur qui le fusil est-il braqué en réalité?
Christine Lagarde, désormais bien installée sur les rives du Potomac demeure une cible possible mais très théorique pour deux raisons. La première est que, si le FMI n'aime pas voir son directeur général trousser les servantes (au Sofitel) ou ses collaboratrices (au FMI), les magouilles internes à Bercy ne préoccupent guère l'américain moyen. En outre, seconde raison plus forte, comme le montre la simple chronologie que j'ai esquissée, Madame Lagarde n'aurait guère de mal à démontrer qu'elle n'est en rien à l'origine de cette affaire dont elle n'a assumée, en fait, du fait de sa fonction, que les conséquences.
En revanche, il y a là un excellent moyen de remettre dans le droit chemin Jean-Louis Borloo s'il venait à tendre à s'en écarter trop! Mieux vaut donc garder le plus longtemps possible le doigt sur la détente du fusil pour tirer dans les coins.
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