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mardi 12 juillet 2011

Un air d'accordéon à Manhattan

Après avoir vu les choses s'accélérer au tribunal de New York, quand la réunion prévue initialement pour le 18 juillet, a été avancée d'une dizaine de jours sans qu'on sache trop pourquoi, on constate que celle qui était prévue pour le 18 juillet est retardée jusqu'au 1er août, sans qu'on soit davantage éclairé sur les raisons d'un tel choix. C'est toutefois une curiosité de la justice américaine que de voir les choses tantôt aller plus vite avant de se trouver ralenties dans la suite. Voilà une méthode qu'on ne voit guère utilisée en France où la justice se hâte toujours lentement ("Festina lente" pour causer latin comme elle aime tant à le faire!) et comme le montre, une fois de plus, la récente décision sur l'affaire du tribunal arbitral Tapie. Si le calendrier judiciaire new-yorkais s'ouvre et se ferme comme un accordéon chronologique, il est plus curieux de constater les lacunes et l'évolution du dossier. Globalement l'amélioration progressive du traitement de DSK, incontestable, au moins, au plan de l'image, tant dans l'opinion que dans la presse américaine, ne doit rien au hasard et on tend à oublier un peu trop que l'action souterraine de la défense y est pour beaucoup et pas toujours et forcément à bon escient.

Je pense même qu'on est allé un peu trop loin dans la dégradation de l'image de Mme Diallo, car, à force de la noircir (si j'ose dire), on a réussi à provoquer des réactions quasi unanimes des associations et de la communauté afro-américaines. Voilà qui risque de peser lourd dans la balance finale, peut-être plus que les faits eux-mêmes dont on ne semble plus guère se préoccuper, surtout quand ils ne sont pas favorables au "présumé" coupable dont on tend de plus en plus à faire un martyr.

Si l'on s'est acharné à accabler Mme Diallo, y a quelques faits majeurs, pourtant connus pratiquement depuis le départ, dont on n'a guère parlé et qui sont désormais totalement oubliés. Je n'en citerai que deux car s'ils sont marginaux et menus, ils me semblent assez significatifs.

Le premier est que dès que DSK, à son arrivée au Sofitel, s'est vu offrir, en tant qu'occupant d'une suite de luxe (même à tarif réduit ), une bouteille de champagne par la direction, il a aussitôt proposé, successivement, à deux employées de l'hôtel qui se trouvaient là, de venir la partager avec lui dans sa suite. Elles ont l'une et l'autre refusé, mais ce comportement mérite, me semble-t-il, quelque attention.

Le second fait est que DSK a sollicité et obtenu, dans la nuit, les services d'une prostituée. Ce point paraît confirmé par le fait qu'on l'a vu, en compagnie d'une femme inconnue des services de l'hôtel, en train de prendre l'ascenseur (à 1 heure 20, me semble-t-il, le fait et l'heure étant prouvés par l'une des caméras de vidéo-surveillance du Sofitel).

Ces deux faits, incontestables car fondés sur des témoignages et des images, sont désormais passés à peu près totalement sous silence, même s'ils ont été évoqués dans le début de l'enquête.

Raconter à peu près n'importe quoi sur Madame Diallo risque à terme de se révéler dangereux, si le caractère mensonger de certaines de ces allégations finit par être prouvé. On a ainsi prétendu que les conditions de son recrutement comme femme de chambre au Sofitel n'étaient pas très claires (en d'autres termes, elle s'y serait fait recruter pour venir y exercer une activité de prostituée). Or, si j'ai bien compris, ce recrutement a été favorisé par un syndicat des femmes de chambres qui a porté témoignage désormais sur les conditions réelles de son arrivée dans cet emploi.
Comme disait ma bonne grand-mère « Il ne faut jamais mettre du sucre sur le miel », ce qui est une façon pittoresque de dire que le mieux est l'ennemi du bien.

La conversation téléphonique de Mme Diallo avec le prisonnier (son mari ou autre chose, on sait pas trop et peu importe) a, semble-t-il, été tenue en peul, cet idiome étant, selon le mot de l'un de nos journalistes, « un petit dialecte de l'Afrique ». On mesure, une fois de plus, par la, l'étendue de la culture dans nos médias, puisque le peul est l'une des principales langues de l'Afrique de l'Ouest parlée dans une vingtaine de pays de cette zone par une bonne cinquantaine de millions de locuteurs. Il faut reconnaître toutefois que l'étendue même de son aire d'usage fait que cette langue connaît une variation dialectale considérable et qu'il n'est peut-être pas évident, aux États-Unis, de trouver des interprètes capables de bien comprendre une conversation téléphonique tenue dans la variété de peul parlée dans la zone d'origine de Mme Diallo. La chose doit toutefois être possible et il serait prudent de se procurer une traduction exacte et fidèle de cette conversation, qui pourrait être un élément important du dossier. Or les avis divergent sur le contenu et les termes mêmes de cet entretien.

De toute façon, tous ces épisodes sont, au fond, sans grande importance puisque, dans le système américain, où l'argent joue, d'ores et déjà, un rôle majeur, on vient de le voir, il suffit, au terme de la procédure, de s'offrir les services payants de l'un des douze jurés (si l'affaire va jusque là) pour acheter un non-lieu, comme cela s'est fait, dans quelques affaires illustres dont j'ai déjà parlé, la plus connue et la plus exemplaire étant assurément celle d'O.J. Simpson.

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