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mardi 31 mai 2011

Jean-Louis Borloo : chrysalide ou papillon ?

J'ai écouté ce mardi 31 mai 2011, Jean-Louis Borloo chez Bourdin sur RMC à 8:15. Amusant ! Moins pour ce qu'il a dit car, en fait, il n'a rien avancé ni d'étonnant ni de formel ou de définitif que pour la "manière" et le ton.

On avait déjà vu une première et inattendue mutation du personnage au moment du remaniement et de son départ/éviction du gouvernement.

À la veille du remaniement ministériel, beaucoup, en effet, le donnaient comme futur Premier Ministre. Le personnage le plus important de la vie politique française fut alors, pour un moment, de ce fait, le coiffeur de celui qu'on donnait comme le futur occupant de Matignon. La coiffure de Borloo, souvent en bataille voire hirsute, était soudain devenue sage et policée, une vraie coiffure de Premier Ministre. Hélas, dans la suite, le politique ne s'est pas aligné sur le capillaire.

Ce matin, modeste et simple auditeur de la chaîne de radio RMC et non spectateur privilégié de BFM-TV, je n'ai pas pu voir comment était coiffé et vêtu Jean-Louis Borloo. En revanche, n'étant pas distrait par l'examen de sa chevelure, je l'ai écouté très attentivement ; j'ai été frappé par le fait que s'il n'avait peut-être pas encore le plumage d'un président, il en avait déjà en tout cas le ramage.

Comédien de talent (n’est-il pas avocat, ce qui est, à peu près, la même chose ?), Borloo est tout à fait capable d'adopter un ton quelque peu faubourien lorsque les circonstances l'exigent ou que le public l'apprécie ; ce n'était assurément pas le cas ce matin et le ton de Borloo avait changé, évoluant vers une lenteur et une gravité déjà majestueuses, voire présidentielles ; si les paroles de sa chanson n'étaient pas des plus originales (la jeunesse, l'éducation, etc.), l'air était déjà présidentiel.

Je partage assurément les doutes qui sont émis par beaucoup de commentateurs sur le caractère définitif de la décision de se présenter ou non contre Sarkozy. Plus que quiconque, il en mesure assurément lui-même à la fois les risques et les avantages.

L'avantage c'est naturellement celui d'être en position, comment que tournent les choses, de monnayer son désistement contre le poste de Premier Ministre, avec cette fois-ci, des assurances que Nicolas Sarkozy sera bien obligé de lui donner publiquement. Naturellement, cela impliquera de la part du candidat à la candidature un renoncement final qu'on ne manquera pas de lui reprocher, comme, actuellement, on lui fait grief d'avoir été, des années durant, dans des gouvernements par rapport auxquels il ne marque que maintenant, donc très tardivement, sa différence.

S'il va jusqu'au bout de son projet et maintient sa candidature, le risque est que ni Sarkozy ni lui même ne se trouvent au second tour, si leurs divisions permettent au candidat socialiste et Marine Le Pen d’arriver en tête au premier.

La décision est assurément difficile à prendre et la conduite des opérations très délicate ; il est en effet obligé de naviguer au plus près. Il ne doit pas se brouiller trop définitivement avec Nicolas Sarkozy, qui laissera assurément à ses spadassins le soin de ferrailler avec Borloo (ils ont déjà commencé d'ailleurs) mais il lui faut néanmoins pour être crédible marquer fortement et clairement sa différence.

On peut certes compter sur Borloo pour placer quelques banderilles qui, sans être des bottes assassines, vont piquer fortement le président actuel, non sans le fâcher fortement en secret. Je n'en retiendrai qu'une, placée dans son discours du matin, dont je ne sais pas si elle a frappé les auditeurs mais qui a, en tout cas, retenu toute mon attention. La voici sous sa forme rigoureusement exacte (elle vise la conduite des affaires et la solution des problèmes de la France) : « La réponse est rarement chez le titulaire du poste"). Diable ! Suivez mon regard! La formule est rude si elle se veut prémonitoire !

Bourdin, pour une fois, s'est montré assez percutant (par hasard?), sans aller toutefois jusqu'à oser parler à Borloo de son très cher ami Bernard Tapie, dont les centaines de millions accordés par le jury mis en place par Mme Lagarde, pourraient lui être bien utiles dans une campagne éventuelle, même si dit-on, Jean-Louis a dans ses bottes le foin que les vaches de la région de Valenciennes, affectée par la sécheresse, n’ont pas dans leurs mangeoires.

À la question de Bourdin sur la date de son choix définitif, en dépit de ses rodomontades, le possible candidat à la candidature n'a pas donné de réponse nette. Il a comparé une campagne électorale à une ascension de l'Himalaya et, pour user de sa propre métaphore, il s'en est dit au premier camp de base. Il se décidera, dit-il, entre l'été et l'automne, ce qui, dans le calendrier ordinaire, correspond très exactement au 21 septembre. Il faudra donc ce jour-là être fort attentif.

Bourdin a surtout chicané Borloo sur ses différences avec la majorité de droite, lui que n'avait pas tourmenté, semble-t-il, ses nombreux séjours, divers et prolongés, au sein de gouvernements issus de cette mouvance. L'ancien ministre a joué sur le velours avec la notion de "solidarité" gouvernementale, version soft de la fameuse formule de Chevènement selon laquelle "un ministre ça ferme sa gueule ou ça démissionne".

J'ai trouvé plus amusante la charge de Borloo contre le surendettement, alors que, depuis des années et avec la bénédiction successive de tous les gouvernements, on encourage toutes les officines que les banques ont mises en place pour favoriser ce surendettement (sans parler de la pub frénétique pour les jeux de hasard!). Sans être en quoi que ce soit désigné pour ce type de sollicitations, je reçois sans cesse des offres de prêts de différents organismes bancaires spécialisés. La télévision et la publicité, des journaux populaires surtout (ce qui montre que la cible est clairement identifiée et visée), ne cessent de nous matraquer, de façon scandaleuse, sur les conditions exceptionnelles que feraient tous les organismes de crédit où, bien entendu, on ne vérifie jamais réellement l'état financier des emprunteurs, ce qui est assurément la meilleure façon de favoriser le surendettement. Vous n'êtes donc pas très sérieux, sur ce point en tout cas, cher Monsieur Borloo!

Jean-Louis Borloo ? Chrysalide (que croquera le moineau de l’Elysée ) ou déjà papillon paré des couleurs vives de l’espoir ?

Déchets, pollution, écologie 2

Le problème est de toute évidence ailleurs et très en amont de toutes les affaires que j’ai évoquées dans mon précédent blog. C'est précisément la question que j'évoquais brièvement et en passant hier. Je m'étonne que nos écologistes patentés, si préoccupés du réchauffement climatique, du CO2 et du nucléaire (tous ces problèmes étant insolubles, du moins à court terme), ne dénoncent pas, plus généralement et plus sérieusement, cette frénésie mercantile et consumériste qui conduit à produire de plus en plus de produits de toute nature à durée de vie scientifiquement calculée pour être sans cesse plus courte.

On peut illustrer ce point de vue par un exemple simple et commode : le téléphone.
Il y a cinquante ans encore, le téléphone était une relative rareté, surtout en France où son installation, monopole de nos archaïques PTT, s’apparentait à la fois à la loterie nationale (le loto n’existait pas encore !) et au parcours du combattant, puisque le nombre limité de lignes faisait que seuls quelques pistonnés ou privilégiés pouvaient en bénéficier et avoir le privilège de pouvoir téléphoner.
Je ne veux pas m'attarder sur ce point qui est tout à fait trivial et que chacun connaît parfaitement.

Non seulement nous sommes passés, quelques décennies plus tard, par une phase où chaque foyer avait, chez soi, au minimum une ligne de téléphone et parfois deux. Sautons cette étape ; l'arrivée, un peu plus tardive encore, du téléphone portable ou mobile a fait qu'il n'y a pas désormais souvent deux mais parfois trois ou quatre téléphones par foyer. Les postes fixes de téléphone, aujourd’hui obsolètes, vont bientôt rejoindre les débris d'ordinateurs sur les plages de Somalie ou du Ghana. Passons là-dessus aussi.

Où en sommes-nous désormais ? Mis à part quelques olibrius dans mon genre qui ont le même téléphone portable depuis six ou sept ans, chacun met désormais un point d'honneur à disposer avant son voisin du tout nouveau modèle, sans qu'on sache trop ce que deviennent les milliards de téléphones ou d’objets du même acabit, que mettent au rebut de façon incessante toutes les téléphoniques Fashion Victimes du monde. Nous ne nous inquiétons pas trop toutefois, car il y a, dans le monde, une bonne centaine d'États, sans compter les îles, où nous pourrons continuer à nous débarrasser de nos ordures électroniques.

Cependant le cas de ces appareils est assez exemplaire car non seulement leur nombre augmente de façon exponentielle à une vitesse prodigieuse mais leur durée d’utilisation diminue sans cesse, au fur et à mesure que leur vogue va croissant. A quand le télémachin ou le e-truc jetables ? Horrible détail ! Il en est de même que dans le cas des nouvelles ampoules électriques si chères à nos écologistes (mais surtout à ceux qui les fabriquent et/ou qui les commercialisent) qu’on nous vend à prix d’or ! Certains des composants utilisés dans ces nouveaux objets sont des plus toxiques (cadmium, plomb, mercure) et, en outre, on ne sait comment s’en défaire, sauf à les envoyer dans le vaste Sud où ils contaminent tout, l’air, l’eau, le sol et bien sûr les habitants !

Pour en revenir aux téléphones, le pire de tout, dans l'infinie multiplication de ces engins, est que, dans les jeunes générations, l'acquisition du téléphone est non seulement généralisée et paraît indispensable, mais elle se fait de plus en plus tôt ; il a déjà envahi nos collèges et il est certain qu'il est désormais déjà entré dans nos écoles primaires.

Des gamins de dix ans s'entre-tuent volontiers désormais pour la possession d'un portable ; je connais mal la question, mais je pense que, dans le domaine téléphonique, doit régner aussi la fureur tyrannique des « marques ». Un gamin de CM1 doit donc être rouge de confusion, voire au bord du suicide ou du meurtre, selon son tempérament, s'il découvre que son voisin de pupitre à un iPod-nano ou un ipad3, alors que son propre appareil date déjà de trois mois. Heureusement, à défaut du recours à une assistance psychologique d’urgence, il reste à ce cher bambin la solution de plus en plus courante, celle d’attendre la sortie de l’école pour planter un couteau dans le ventre de l’heureux possesseur de la dernière version de l’e-machin afin de s'emparer de son appareil ou de venir en classe le lendemain avec une batte de base-ball pour lui fracasser le crâne en prenant toutefois bien soin de ne pas abîmer le précieux objet convoité. Nous n'en sommes plus, hélas, à l’époque de « T’ar ta gueule à la récré… » comme chantait Alain Souchon dans « J’ai dix ans »!

Je ne veux pas tomber dans le délire qui consisterait à exposer plus longuement le problème et à tenter d’en esquisser des solutions, même si j’en vois quelques-unes, pas suffisantes sans doute mais, en tout cas, indispensables. Nous avons pour ça des spécialistes reconnus, de Dany (le rouge-vert), à Nicolas (qui apparaît trop tôt comme un bras-cassé !), sans compter Eva-la-blonde, le Père Noël de Bègles(frappé par l’amnésie et qui ne se souvient plus du temps où il faisait des ménages dans la pub pour le nucléaire), et les autres ... Je voudrais simplement leur signaler l'existence du problème qui me paraît extrêmement loin de leurs préoccupations, même si je ne suis pas assez insolent pour déclarer que leur seul vrai souci est de savoir qui portera la casaque et les couleurs de l’écurie Europe-Ecologie-Les Verts lors du prochain steeple-chase présidentiel.

Déchets, pollution et piraterie.

Curieusement, par hasard, nos télévisions ont diffusé deux documentaires concernant un même sujet ; le premier portait sur la Somalie (Planète, le 18 mai 2011), le second sur le Ghana (TF1 dimanche 29 mai 2011). L'un et l'autre évoquaient, de façon et sous des angles très différents, le problème que j'ai abordé moi-même dans un blog précédent, l'envoi systématique de toutes sortes de nos déchets dans les pays du Sud (en l'occurrence en Afrique, de l’Est et de l’Ouest). On y constate, sous deux formes, les réalités cachées de la scandaleuse politique du Nord pour tout ce qui touche au prétendu recyclage de ses déchets industriels ou technologiques, mais surtout on y voit la claire indifférence des courants écologiques patentés à ces funestes activités, la prolifération de ces déchets de toute nature et par là de dangerosités diverses, étant naturellement engendrée par le productivisme et le consumérisme frénétiques qui caractérisent nos sociétés « développées ».

Je n'ai pas vu le premier de ces deux documentaires qui portait sur la Somalie mais l’une de mes amis qui l'a vu m’en a parlé en détail et j’ai toute confiance dans son témoignage ; je n’ai donc pas pris la peine d'aller voir le film sur internet, d’autant qu’il s’agit d’un documentaire de P. Forestier qui ne doit pas beaucoup différer du livre de ce même auteur Pirateries et commandos , paru en 2010. Il y retraçait son enquête au « Puntland » somalien, mais tout était plutôt centré, comme le titre le souligne, sur les aspects pittoresques de la lutte contre les pirates somaliens dans l’océan Indien. Cet aspect est à mes yeux secondaire car ce qui m’intéresse en cette affaire est moins la lutte armée des commandos contre ces pirates que les raisons qui ont conduit des pêcheurs somaliens à abandonner leur activité traditionnelle pour se livrer à la piraterie.

Le sujet avait déjà été abordé, de façon plus proche de mon point de vue, par P. Moreira qui avait déjà évoqué, dans « 90 minutes » je crois, à propos de la Somalie, les trafics d’armes et les dépôts, illicites et clandestins, de déchets toxiques sur sddees côtes. Il avait été rappelé qu’une journaliste italienne, Ilaria Alpi, qui enquêtait sur ces affaires dans ce pays y avait été assassinée. Moreira avait montré comment échouent sur les plages somaliennes des fûts de provenance inconnue contenant des produits gravement toxiques dont les industries du Nord veulent se défaire à bon compte. A l’hôpital de Mogadiscio, on accueille des enfants atteints de maladies ou de malformations dues à une exposition prolongée de leurs mères à ces substances ou à la consommation d’aliments contaminés par elles. Pour les Somaliens, les véritables pirates sont ceux se débarrassent de ces déchets chimiques sans le moindre souci des conséquences pour la population. Les dégazages sauvages de pétroliers paraissent bien innocents à côté de ce genre de largages criminels.

La Somalie est toute désignée, vu son état politique et économique, pour servir de décharge aux déchets industriels du Nord et en particulier à des déchets hautement toxiques dont les fûts métalliques sont largués au large sans grand risque et que vents et courants portent à la côte. La pollution des eaux a donc peu à peu conduit à la ruine des activités de pêche traditionnelle, les poissons étant devenus inconsommables. C'est ce qui a conduit, au départ, les pêcheurs somaliens, privés qu'ils étaient de leurs ressources, à se tourner vers la piraterie dans les conditions et avec les conséquences que chacun sait et qu'il est inutile de décrire ici.

Le second de ces documentaires, diffusé sur TF1 dimanche 30 mai à 19:30 (dans le cadre de l'émission « Sept à huit » d’Harry Roselmack) portait sur le Ghana. On y présentait, dans des conditions et avec des résultats un peu différents, le même phénomène de décharge illicite de déchets venus du Nord. La principale différence est qu’il ne s’agit nullement dans ce cas d’opérations clandestines. En effet y arrivent, par porte-containers entiers, des appareils de toutes sortes (en particulier, semble-t-il, dans le domaine de l'informatique) qui sont censés être en état de marche et sont donc exportés comme tels alors qu’en fait, ces appareils sont hors d’usage et destinés à la destruction. On a observé des pratiques un peu du même ordre en Côte d'Ivoire, mettant en cause, après enquête une société italienne, mais, comme en Somalie, ces déchets, des résidus chimiques toxiques, avaient provoqué des dizaines de morts dans les populations ivoiriennes voisines. L'affaire avait fait scandale et la destination ivoirienne avait donc dû être abandonnée par ceux qui se livraient à ces sinistres trafics.

Le Ghana a donc été choisi comme poubelle informatique ; on y voit désormais, dans la zone portuaire, des kilomètres carrés couverts de débris d’appareils de toutes sortes, dans lesquels de malheureux Ghanéens, souvent des enfants, s'efforcent de récupérer des débris métalliques (du cuivre en particulier), pour survivre en gagnant ainsi un ou deux euros par jour. Comme ces métaux sont souvent sous plastique (autre calamité !), on doit les brûler pour mettre à nu le métal (dans les conditions et avec les fumées que vous imaginez facilement) pour les revendre à des intermédiaires nigérians, sans qu'on sache exactement quels chemins prennent ensuite les métaux ainsi récupérés. Comme les choses se passent en Afrique, c'est probablement en direction de la Chine ou de Taïwan que les métaux repartent, même si les intermédiaires se refusent à donner la destination finale de ces produits. Naturellement les montagnes de déchets qui restent sont, pour la plupart, précipitées dans les cours d’eau ou dans la mer, la première des deux voies aboutissant inévitablement à la seconde.

On ne peut pas dire que le problème ne soit pas posé puisqu’il a fait l’objet non seulement de multiples réunions, mais qu’elles ont conduit à un solennel accord mondial. Créée en 1989 à grand bruit, sous l’autorité des Nations unies, la Convention de Bâle est chargée de contrôler et de réglementer la production ainsi que tous les mouvements transfrontaliers des déchets. Toutefois, une trentaine de pays (dont les Etats-Unis naturellement) ont refusé de ratifier la convention et, de ce fait, ne transmettent pas de statistiques. Parmi les Etats signataires, 110 (sur 165 – soit environ 70 % des pays membres –) ne communiquent pas ces données, y compris la vertueuse Norvège dont la politique environnementale se veut pourtant très affirmée. Les données ainsi recueillies, pour lacunaires qu’elles soient, permettent de constater que le volume de déchets traités a quadruplé en cinq ans, étant entendu que ne sont pas pris en compte les déchets des trois-quarts des Etats du monde, sans même parler de toutes les exportations illicites et clandestines du type de celles qui ont été évoquées ci-dessus.

Naturellement on peut s'étonner que l'accord international qui a été signé sur les déchets soit si peu appliqué par les Etats qui pourtant l’ont signé. Les déchets ainsi abandonnés n’ont bien entendu guère d’indices de traçabilité sans enquêtes approfondies, mais il semble, par exemple, qu’au Ghana, une partie des déchets vienne des États-Unis. La chose d'ailleurs sans grande importance puisqu'il est clair que même les pays qui l’ont signé se gardent de l'appliquer. En revanche, comme vous le savez sans doute si vous avez fait quelques acquisitions dans ce domaine, on ne manque pas de nous faire payer, pour chaque achat, une sorte de taxe qui est en principe destinée à couvrir les frais de recyclage de ces déchets mais dont l'utilisation est naturellement tout autre que celle qu'on invoque pour nous la faire payer. Il est vrai que les profits sont immenses puisque, dit-on, acheminer, de façon illicite, une tonne de déchets clandestins en Afrique ne revient qu’à 2,50 $ !

Les scandales successifs, en Somalie d'abord, en Côte d'Ivoire ensuite, au Ghana maintenant ne conduisent en fait qu'à changer de pays et de destination ; le procédé reste toujours le même, le Sud servant de poubelle au Nord. Il en est de même en Asie et on prétend que certaines îles y sont devenues des dépôts d'ordures et ne servent plus qu’à cette fin mais cette zone étant fort riche en îles, il n'est pas difficile d'en trouver sans cesse de nouvelles pour en faire des dépotoirs.

lundi 30 mai 2011

La communication marche au radar.

Comme j'ai eu l'occasion de le dire dans un blog précédent, j'ai peine à croire que l'agitation et les débats autour de la question des radars soient, par le plus grand des hasards pré-électoraux, de simples cacophonies gouvernementales, comme une gauche naïve et qui juge des autres à son aune, veut nous le donner à croire.

J'ai déjà exposé mon hypothèse qui est que toute cette affaire, après l'échec de l'opération sur le RSA, s'inscrit dans une entreprise de communication électorale visant la réévaluation du bilan du mandat présidentiel. Il s’agit de prendre le contre-pied du thème de l’autisme sarkozien, illustré surtout par deux grosses affaires sensibles, les retraites et la réduction du nombre de postes de fonctionnaires. On renonce au débat sur le fond (en dépit de la force incontestable des arguments comparatifs) pour une démonstration « in vivo » de l’écoute du bon peuple par le pouvoir.

Il s’agit de donner à penser qu’existent de prétendues divisions gouvernementales, de préférence sur des sujets mineurs, et qu’elles prouvent le caractère non-monolithique et même démocratique du pouvoir. On connaît la musique !

Si l'on prend le cas du RSA contesté par Laurent Wauquiez, comment faire croire à quiconque que le ministre ait pris une telle position sans le feu vert voire l’encouragement de Nicolas Sarkozy alors que on murmure qu'il serait un des successeurs possibles de Christine Lagarde à Bercy ? Peu importe d'ailleurs car DSK a fait foirer l'opération médiatique et anéanti le buzz espéré. On en a donc tenté une autre en touchant un sujet plus sensible pour les Français que Georges Pompidou définissait, dans son bon sens et en fin connaisseur car il en était un lui-même, comme des maniaques de la bagnole.

Le sujet, mieux choisi, a suscité une vive émotion en touchant à la fois les automobilistes eux-mêmes (surtout les deux ou trois millions qui possèdent, d'ores et déjà, des détecteurs de radar parmi lesquels les VRP, dès lors excellents agents de communication), mais peut-être surtout et aussi le lobby des fabricants de ces détecteurs et des téléphones qui en font désormais fonction et qui n'ont pas manqué d'agiter l'épouvantail économique du chômage pour la défense de leurs propres intérêts, selon une méthode parfaitement éprouvée et dont je parlais hier encore, à propos d’un tout autre sujet.

J'ai par hasard entendu, dimanche 29 mai au matin, sur une radio que je n'ai pas pris la peine d'identifier, un débat de plus à ce propos avec en particulier quelqu'un qui était clairement le représentant du lobby des fabricants de ces produits. La discussion, dont le fond importe peu, puisqu’on va, selon le plan prévu, vers une solution de compromis, qui démontre toujours comme prévu :
1. que ce gouvernement écoute les Français (même et surtout quand ils disent des sottises),
2. qu'il est ouvert au compromis (surtout si le problème en cause est pour lui qu'une importance secondaire, le seul important étant la réélection de Nicolas Sarkozy),
3. que la solution choisie ménage à la fois l'appétit de vitesse, non sanctionné pour les maniaques du volant, et les intérêts des fabricants de détecteurs de radar.

Ce débat a également permis de mettre en évidence, comme toujours, l'absence totale d'esprit critique, pour ne pas dire la servilité, du journaliste qui s'est bien gardé de souligner la faiblesse insigne des arguments de son interlocuteur et le fait que seule la défense de ses intérêts personnels le guidait dans cette affaire.

Je vous la fais courte (comme il est toujours nécessaire dans un blog). On ne touche en fait à rien et on se bornera à baptiser les détecteurs de radar, toujours autorisés, « détecteur de zones dangereuses », qu'il y ait ou non des radars en dans le coin.

Mort de rire ! Connaissez-vous, sur l'une ou l'autre des routes françaises, une zone qui ne soit pas potentiellement dangereuse ? Les montées et les virages où il n’y a jamais de radars ne sont-ils dangereux ?

Le journaliste, dans un moment d'égarement sans doute, ayant posé une question relativement raisonnable (« Que va-t-il se passer pour les trois millions d'appareils déjà en circulation et qui signalent les radars et non les zones dangereuses ? »), le représentant de l’honorable corporation des fabricants de détecteurs a répondu aussitôt en bottant en touche et en bredouillant qu'on allait voir et qu'on allait organiser des concertations avec le gouvernement sur ce sujet. Nous voilà informés et surtout rassurés.

Il est évidemment stupide voire criminel, après avoir installé des radars sur le bord des routes pour repérer les conducteurs dont la vitesse est excessive, de permettre aux plus aisés d'entre eux d'équiper leurs bolides de détecteurs qui les avertissent la présence de ces mêmes radars et leur permettent de ralentir durant quelques secondes pour échapper aux contrôles dont ils sont prévenus. Les pauvres, eux, n’ont qu’à payer les amendes et perdre leurs points. En outre, ces équipements sont en usage sans doute depuis dix ans mais il a fallu une année préélectorale pour qu'on prenne conscience du problème. Le prétexte de l’augmentation du nombre des morts par rapport à l’an dernier est une blague de plus ; ce n’est là qu’une question de nombre de week-ends et surtout de météo !

En l'occurrence, le coup a été bien joué. On se gagne la sympathie des piétons, des conducteurs raisonnables et des victimes potentielles des chauffards en faisant croire qu'on s'occupe de la sécurité mais, en même temps, on légitime, par un artifice sémantique dérisoire (le passage de « radar » à « zone dangereuse »), un usage que le moindre bon sens devrait conduire à interdire totalement puisque le système des détecteurs de radar, loin de freiner les appétits de vitesse des maniaques, les encourage au contraire puisqu’ils peuvent, dès lors, se livrer impunément à leur délire favori.

dimanche 29 mai 2011

Charité ou recyclage ? Réponse au commentaire de Marc

De provocation en provocation, la petite bête de l'échange monte, monte, monte telle une main, réflexologue et exploratrice, sur la jambe d’une dame !

Je comprends tout à fait votre point de vue, cher Marc. Il est celui que mettent en avant, partout et toujours, les industriels et les financiers qui nous gouvernent et, en fait, notre MEDEF se situerait, à les croire, à mi-chemin entre le Secours catholique et les Compagnons d’Emmaüs ! Si l’on ne fabriquait pas des appareils à durée de vie de plus en plus limitée, les industries qui les produisent devraient licencier du personnel et, en outre, mais ce point est secondaire bien sûr, ces sociétés ne réaliseraient pas les fantastiques profits qui sont les leurs. Je n’évoque même pas les immenses dommages collatéraux car des firmes comme Ferrari, Lamborghini, Bentley, Rolex, Hermès, etc. verraient leurs ventes se réduire et les hôtels cinq étoiles seraient désertés.

Je connais donc par coeur l'argument de l'emploi et du chômage, mais je doute fort que les grands patrons industriels soient plus préoccupés par cet aspect que soucieux de la croissance permanente et si possible exponentielle de leurs profits. Les délocalisations sont d’ailleurs la preuve que l’argument du maintien de l’emploi ne tient pas une seconde. Mais nous entrons là dans une discussion socio-morale qui nous entraînerait loin du propos immédiat et pourrait bien ne pas avoir de fin.

Le problème que je soulevais est celui de l’approche comme de l’incidence écologique d’évolutions technologiques qui sont, somme toute, sans le moindre intérêt pour la majorité des utilisateurs ; j’illustrais ce point, dans mon cas personnel, par le passage de Windows XP à Windows 7 ou 10, qui, toujours à mon sens et pour l’usage que j’ai de ce matériel, n’apporte rien… sinon des ennuis. Vous êtes sans doute, cher Marc, un homme trop sérieux pour regarder, comme je le fais, les « Guignols de l’info » sur Canal Plus. On y fait, sur ce point, une caricature de Steve Jobs, admirable de vérité, dans laquelle il présente toujours comme une révolution technologique la plus dérisoire de ses innovations, dont le seul but est en fait, de toute évidence, la promotion mercantile de son nouveau produit.

Le productivisme frénétique et le consumérisme forcené sont les seules et vraies clés de ce problème. Depuis plus de 50 ans, avant même que la perspective écologique apparaisse, on savait déjà que la croissance ne pourrait être éternelle, moins encore en raison même de la limitation des ressources naturelles de notre planète que de l’accroissement de sa population et du souhait naturel des milliards d'individus, qui sont passés désormais, du « sous-développement » à « l'émergence », de voir leur niveau de vie augmenter, même s'ils sont bien loin de pouvoir espérer atteindre le nôtre. Le Club de Rome disait déjà tout cela, mais nul n’a voulu l'entendre et les choses n'ont pas changé.

N’entrons donc pas dans un débat qui n’aurait pas de fin. Votre projet de recyclage de matériel informatique obsolète dans les pays pauvres est tout à fait intéressant. Je vous cite car si ce blog a des lecteurs (pour le moment mon « blogger » refuse toute connexion et j’écris ce texte faute de pouvoir répondre autrement à votre commentaire), ils n'auront pas forcément eu connaissance de votre propos :
« J'ai participé à un projet devant équiper près de 10 000 villages de l’ex-AOF supposé gérer les approvisionnements et les stocks locaux, le tout basé sur un système de micro-crédit. Des associations reconditionnent un poste de travail (PC et laser) pour 150 € logiciel libre configuré. Sauf que cela ne sert à rien si la banque mondiale ou africaine ne finance et n’exerce pas un contrôle intransigeant sur l'utilisation des prêts... On peut tout faire il suffit de le vouloir et de s'en donner les moyens. »

J’aborde d’abord la dernière partie de la citation. Votre remarque est d'actualité au moment où le G8 a décidé, sur les planches de Deauville, de donner quelques dizaines de milliards à la Côte d'Ivoire (je n’ai pas plus de confiance en Ouattara qu’en Gbagbo) comme à la Tunisie et à l'Égypte. Encore faudrait-il s’assurer que les nouveaux décideurs politiques qui y gèreront ces fonds et exerceront ce contrôle seront plus honnêtes et moins cupides que leurs prédécesseurs. Rien n'est moins sûr ; on pouvait au moins espérer des Gbagbo, Ben Ali ou Moubarak que l'ampleur de leurs comptes en Suisse ou ailleurs pouvait au moins les rendre un peu moins avides. Les nouveaux venus à la soupe risquent donc d'être encore plus cupides. Mais ceci est une autre histoire et « la bonne gouvernance » continuera à être le thème à la mode dans les réunions internationales. Un mot pour rire et pour conclure ce point : je viens de lire je ne sais où que dans je ne sais quel pays d’Afrique, on a désigné un général africain pour surveiller la régularité des élections à venir. MDR !

Je suppose que vous savez, cher Marc, que le projet d'équiper les villages africains de matériel informatique obsolète a été un moment (je ne sais plus quand) le grand projet de Bill Gates soi-même ! J'avais trouvé à l'époque la chose pittoresque car, non content d'avoir accumulé à nos dépens une fortune (avouée !) de plus de 40 milliards de dollars, en nous obligeant sans cesse, des décennies durant, à acquérir des matériels nouveaux où il n’avait changé que deux ou trois bricoles à la seule fin de rendre inévitable l’acquisition de nouveaux produits, il avait l'idée géniale de régler le problème du coûteux recyclage des vieux matériels qui commençaient à devenir urgent et même pressant. On aurait pu, par ce geste généreux, se débarrasser en Afrique des vieux ordinateurs (ce qui faisait l'économie de leur recyclage). En même temps on gardait l'espoir de fourguer aux Africains, dans les meilleurs délais, de nouveaux logiciels faute de quoi, laissés sur le bord de la route du progrès technologique, ils ne pourraient guère se servir de leurs vieilles bécanes ; quant aux plus riches, on leur vendrait de nouveaux matériels après les avoir appâtés, comme un bon dealer de shit, par un petit don initial. Ne parlons même pas ici des problèmes que pose l'alimentation électrique (ce projet est sans doute plus de 10 ans), la maintenance et l'entretien du matériel car chaleur, humidité et poussière ne sont généralement pas les meilleurs amis des ordinateurs.

Mais, cher Marc, le week-end commence et nous nous éloignons de notre sujet. Bon dimanche donc !

vendredi 27 mai 2011

Costard gratuit pour DSK

Comme souvent, le hasard est malicieux.

Je retombe, par hasard, sur une info qui date un peu (du 14 mai 2011, me semble-t-il). J’y apprends que Dominique Strauss-Kahn va attaquer en justice France Soir « à la suite de la publication de fausses informations relatives à son train de vie », comme l’a fait savoir un communiqué de ses avocats. Il conteste par cette action un article de Pascale Tournier qui a écrit que « le couple Strauss-Kahn mène une vie d'expatriés fortunés à Washington ». Elle y faisait allusion au fait que DSK se serait « offert les services du tailleur d'Obama. Sans doute sur le compte des frais de représentation liés à ses fonctions, il a acheté trois costumes sur mesure chez Georges de Paris. Un gris foncé, un bleu rayé et un noir. Prix pratiqués ? Entre 7.000 et 35.000 $ le deux-pièces ». Or DSK prétend ne jamais avoir été le client de « Georges de Paris ».

Je ne sais pas où en est l’affaire du procès à France-Soir car, depuis la mi-mai, beaucoup d’eau a coulé, tant dans le Potomac que dans l’East River ! On relativise tout cela désormais ; après tout, si 35.000$ est le prix d’un costume chez Georges, ce n’est guère que trois semaines de loyer pour le logement de New-York. Comme nous tous, de temps en temps, dans cette période de crise, DSK est obligé de faire des choix budgétaires. En la circonstance, on ne saurait lui reprocher de choisir le logis plutôt que le costume. Le procureur l’oblige à se loger à Manhattan, quel qu’y soit le prix des loyers ; en revanche, toute sortie lui étant interdite, le besoin de costumes est, pour le moment, moins impérieux d’autant que ses avocats, comme on l’a vu deux ou trois fois, lui imposent plutôt le look SDF. Il peut d’ailleurs fort bien passer de sa salle de cinéma personnelle à son jacuzzi en robe de chambre, sans que nul n’y trouve à redire! Il peut même se promener tout nu chez lui puisqu’il n’y a pas de soubrette guinéenne.

Les tenues minables désormais affichées par DSK, en lieu et place de ses coûteux costumes, prouvent le soin que ses avocats apportent au moindre détail. Nul doute que la pauvre Madame Diallo peut numéroter ses abattis et les menaces de la partie adverses commencent déjà, fondées ou non, puisque on y reste dans le vague le plus absolu ce qui, en France, lui permettrait assurément de porter plainte, d’ores et déjà, pour diffamation.

Les avocats de DSK prétendent en effet détenir des éléments de nature à « ébranler sérieusement » la crédibilité de la victime « présumée ». Ils ajoutent même : « Si nous voulions indûment nourrir l'appétit des médias, nous pourrions dès à présent dévoiler des informations importantes qui, à notre avis, ébranleraient sérieusement le dossier d'accusation ainsi que la crédibilité de la plaignante dans cette affaire ». Naturellement on ne précise en rien la nature et la portée de ces informations.

Tout cela fait naturellement partie de la comédie dell’arte classique entre le procureur et la défense. Moins audacieux que ne le fut naguère l’un de nos ténors du barreau méridional, l’avocat de DSK n’a pas osé brandir, devant les objectifs, une enveloppe (sans doute vide) censée contenir les preuves en questions.
On sait déjà, que la piste new-yorkaise n’apportant pas grand-chose aux limiers des avocats, ils ont expédié en Guinée quelques-uns de leurs Sherlock Holmes (j’espère qu’on a eu soin de les prendre afro-américains !). En vain, semble-t-il, puisque les anciens voisins ou familiers de Madame Diallo ont apporté des témoignages très positifs en sa faveur, tandis que sa famille, si démunie qu’elle soit, ne semblait pas décidée à monnayer ses témoignages, ce qui est tout à fait admirable dans leur cas.

Sans vouloir apporter de l’eau au moulin de DSK, je ne puis que signaler (encore un des bons conseils gratuits d’Usbek Consulting and Co), je suggère à ses avocats de convoquer comme témoin Madame Véronique Bensaïd, (ancienne militante socialiste de Sarcelles qui fut conseillère de DSK a Bercy mais qui depuis est passée à l'ennemi lors des régionales sur les traces d'Eric Besson )., dont le témoignage est rapporté dans la récente hagiographie de DSK par M. Traubmann (cité dans linternaute.com). Un vrai délice ! « Dominique était encore plus dragué que dragueur. C'était inimaginable ! Quand nous étions au banc du gouvernement, pour la discussion des amendements, certaines femmes députées me passaient des mots à lui transmettre contenant parfois des déclarations enflammées, voire délirantes.[…] J'ai vu des femmes faire des numéros de claquettes dignes des plus grandes prostituées, j'ai vu des élues, des collaboratrices prêtes à tout pour coucher avec lui [...]. J'ai remarqué ce phénomène avec d'autres ministres. Mais avec Dominique, cela atteignait des sommets. En réalité, on peut parler de harcèlement sexuel. Mais Dominique en était la victime ! ».

Comment une pauvre femme de chambre guinéenne aurait-elle pu résister à la vue de DSK sortant tout nu de sa salle de bain tel un Adonis anadyomène (cette sortie de l’eau est une figure tenue plutôt en général par Aphrodite/Vénus, mais le charme de Dominique est tel !) ?

Dernier point. Comme je le laissais entendre, les défenseurs ne vont pas manquer à Madame Nafissatou Diallo. Deux nouveaux avocats, très connus eux-aussi, Kenneth Thompson et Norman Siegel, se sont joints au premier, Jeffrey Shapiro.
L’un est afro-américain ; il s’agit de Kenneth Thompson de New-York, un ancien procureur considéré comme un spécialiste du harcèlement sexuel. L'autre est Norman Siegel, une figure illustre de la lutte pour les droits civiques. La lutte entre les deux camps sera d’autant moins inégale que le camp du procureur se renforce aussi avec, comme par hasard, deux femmes, Joan Illuzzi-Orbon et Ann Prunty, ce qui va sans doute conduire Brafman et Taylor à s’adjoindre, à leur tour, une avocate. Pour la parité !

jeudi 26 mai 2011

Technique, mercantilisme, et écologie

Divers événements récents de la vie quotidienne m’ont conduit à prendre conscience de ce problème qui, je l'avoue, ne m’avait pas frappé jusqu'à présent, en dépit du grand nombre d'occasions où j'aurais pu faire ce type d’observations et de réflexion.

Nous savons tous que des appareils, dont nous usons quotidiennement (des machines à laver et des réfrigérateurs aux téléviseurs) qui, dans un passé récent, avaient toujours une durée de vie de quelques décennies, ont désormais une durée d’utilisation de cinq ans au mieux. On sait même que leurs fabricants font subir à leurs produits des tests de durabilité pour en limiter la durée d’usage. On fait ainsi en sorte que les portes des réfrigérateurs tombent au terme de ce délai, après 1283 fermetures et que les téléviseurs, comme les présidents de la république ne dépassent pas le quinquennat, mais, pour eux, sans possibilité de second mandat. Tout cela est bien connu ; c’est même là l’une des causes majeures de la gigantesque prolifération des déchets industriels dont on sait plus que faire et qui nous embarrasseront beaucoup quand les Indiens ou les Africains se seront lassés de nous permettre de nous en débarrasser chez eux et qu’ils en produiront eux-mêmes encore plus que nous.

La cause immédiate (comme disent les historiens) de ce blog tient à ce que j'ai récemment changé mon ordinateur qui, au terme de son quinquennat réglementaire, commençait à donner les signes de fatigue programmés par son constructeur.

Ma première sottise a été de vouloir « acheter français » (Buy French !).
Cet accès stupide de nationalisme commercial m'a conduit à commander par téléphone à Montpellier un Dell « haut de gamme » (2 giga de mémoire vive pour mon Dragon!) en croyant que cette marque dite française produisait en France, pour partie au moins, ses matériels. Je passe sur les détails de ma commande téléphonique, dont je me demande, après coup, si elle n'a pas été traitée par une plate-forme d'achat de Tunis ou de Marrakech ; je glisse aussi sur les divers inconvénients qui ont accompagné ou suivi cet achat.

Au reçu du matériel commandé, je me suis aperçu (mais j'aurais pu m’en douter) que tout avait été fabriqué en Chine, y compris les cartons d'emballage dudit matériel !
Je passe sur quelques améliorations de détail qu’on m’avait proposées et auxquelles, comme un imbécile que je suis, je me suis laissé prendre, du genre, par exemple, de la souris et du clavier sans fil. Je n'y avais pas songé mais mon vendeur maghrébin s'est bien entendu gardé de m’avertir, ce qui était l'évidence, que les dits objets fonctionnaient naturellement avec des piles jetables, ce qui offre l’avantage d’un motif supplémentaire de pannes et d'inconvénients.

Le pire de tout est toutefois le clavier. On en a sans doute confié l'élaboration à l’un de ces « designers » qui règnent désormais en maîtres sur tous nos produits ; il avait exercé là tous ses talents. Maudit clavier ! Il en a, à la fois, réduit la taille (la partie clavier est diminuée de 20%, ce qui fait que je tape toujours sur la touche voisine de celle que je crois solliciter) et surtout il a eu l'ingénieuse idée, sans doute pour l’esthétique, de mettre des touches noires sur lesquelles les lettres sont marquées en gris et cela dans un format qui est à peu près la moitié de celui des lettres de mon précédent clavier. Tout cela est fort élégant mais quasi inutilisable . Autant dire qu'on ne voit à peu près rien, mais, après tout, ce n'est pas très grave puisqu'on appuie à tout coup sur des touches qui ne sont pas celles que l'on voulait utiliser.

Je ne vous parle pas du nouveau logiciel qui mériterait des pages et des pages de commentaires ! Je suis passé de Windows XP à Windows 10 et tout a été changé (même mon Outlook devenu inutilisable comme, du même coup, mon carnet d’adresse et mes dossiers), dans des perspectives et avec des intentions qui demeurent mystérieuses pour l'infortuné utilisateur de base que je suis.

Je vais sans doute choquer quelques-uns de mes lecteurs en citant une de mes comparaisons favorites qui est la suivante : «Con comme un ingénieur !». Je pense qu'elle s'applique dans bon nombre de cas ; pas tous sans doute et j’ai quelques bons amis ingénieurs qui n'entrent pas du tout dans ce paradigme. Il me semble toutefois que certains ingénieurs en informatique, pour le coup, illustrent parfaitement la formule. Après tout, on ne se refait pas et le fait de ne pas savoir expliquer les choses n'est pas forcément un défaut majeur, sauf quand votre tâche est précisément de le faire. Je ne vais pas réitérer ici le coup de la sémiotique industrielle que j'ai déjà fait dans un ancien blog. L'incapacité de la plupart des techniciens à expliquer le fonctionnement des produits qu'ils ont pourtant eux-mêmes conçus et mis au point est assez remarquable. Ils sont comme ces vieux paysans qui, pour vous expliquer un chemin qu’ils prennent eux-mêmes, tous les jours, depuis soixante ans, font précéder leurs explications, aussi confuses que contradictoires, par un péremptoire « Vous pouvez pas vous tromper ! ».

En la circonstance, je crois, toutefois, que l'incapacité congénitale des techniciens à expliquer le mode d’usage de ce qu'ils ont produit, est moins important et décisif que le mercantilisme forcené et la cupidité sans limites des industriels qui les emploient. En effet, il est évident que l'acharnement à produire sans cesse de nouveaux outils ou à modifier le fonctionnement de ceux qui demeurent sur le marché ne tient nullement à la recherche d'une plus grande efficacité, mais tout simplement à la volonté de forcer à acheter de nouveaux produits des clients qui, pour la plupart, sont parfaitement satisfaits des anciens modèles dont ils usent.

Cette stratégie est si générale et si constante qu'il est inutile d'y insister. En revanche, je comprends mal (ou trop bien) que les écologistes, qui se livrent à des combats vains contre l'industrie nucléaire ou la prolifération automobile, ne songent pas un instant à combattre ce mercantilisme forcené qui produit sans cesse, sans le moindre intérêt réel, des appareils nouveaux qui deviennent aussitôt obsolètes, dont ne sait ensuite que faire et qui polluent le monde, de façon plus intense et plus générale encore, que les déchets nucléaires ou le CO2.

Le plus bel exemple, mais j'en ai déjà traité ici me semble-t-il, est celui de l’invention du siècle, les nouvelles ampoules électriques (six ou huit fois plus chères) pour lesquelles on organise une publicité parfaitement mensongère puisque, ni sur le plan de la production de lumière ni sur celui de la durée de vie, leurs caractéristiques réelles ne sont celles qu'on nous promet. Le pire de tout – et chacun le sait, même si nul ne le dit – est que ces ampoules sont une menace environnementale majeures car elles contiennent des produits (dont le mercure) dont tout le monde connaît la nocivité, mais dont nul ne sait comment se défaire. Bien sûr, il nous reste l'Asie et l'Afrique, mais il n'est pas sûr que leurs populations veuillent continuer à être les poubelles de notre monde occidental.

mercredi 25 mai 2011

Annus horribilis

Devant l'année qui s'annonce on ne peut que se résoudre à user du qualificatif « annus horribilis » qui est celui que la reine Elizabeth II utilisa naguère pour qualifier 1992 qui, elle, venait de s'écouler .

D'ici à l'élection présidentielle de 2012, cher(e)s lecteur(e)s, nous allons en baver sérieusement. Au fait, petite remarque orthographique en passant (elle vise surtout Succus aceris qui est souvent acerrimus). Nos amis québécois, plus soucieux que DSK de la dignité des femmes, de l’égalité des sexes et de la langue française (ce dernier aspect ne préoccupant guère DSK il est vrai) ont-ils songé que si le substantif « lecteur(e) » ne pose guère de problème orthographique, il n’en est pas de même pour l’adjectif dans le présent cas. Doit-on écrire « cher(e) » ou « chèr(e) » car, comme on dit « l’un et l’autre pose(nt) problème » ? Votre avis doublement ou triplement compétent m’intéresse donc, cher Succus.

Mais revenons à notre « annus horribilis ». Sur le plan de l'information et de la politique d'abord ; on le voit déjà puisque l’année pré-électorale ayant commencé, tous nos plumitifs spécialisés s’en donnent à cœur joie et se déchaînent déjà sur l'élection. On peut craindre que, dans l'avenir, on ne finisse par causer de la prochaine élection dès le lendemain de la précédente. Il est vrai que nos journalistes, sauvés un moment de l’étiage estival de leur bavardage par l'affaire DSK, n'ont pas grand-chose à dire et que rien ne les réjouit plus que de causer politique.

Ils le font d’ailleurs assez mal et nul ne semble avoir remarqué que le traumatisme du 21 avril 2002 a poussé, par un phénomène de superstition et tabou linguistiques, curieux dans une société moderne, à fixer au 22 avril 2012 (soit 10 ans et UN JOUR après le fatal 21 avril) la date du prochain scrutin présidentiel. Y aurait-il, dans les sphères du pouvoir, à côté ou au-dessus des conseillers en communication, des sorciers ? On en a effectivement bien besoin !

On peut, désormais, après coup (si j’ose dire), se demander si la perfide prévision des épisodes salaces (au FMI avec Mme Nagy, dont la version des faits, très différente de celle de DSK, a été écartée du rapport final du FMI, ou au Sofitel avec Mme Diallo, sans compter ceux dont on n’a pas eu connaissance) n’entrait pas, pour une bonne part, dans l’insistance du président à envoyer DSK au FMI et si, plus récemment, le peu d’enthousiasme de DSK à se porter candidat à la présidence ne tenait pas surtout à ce qu’il préfère, non sans raisons, le Bois de Boulogne et les Chandelles à l’Elysée.

L’affaire n’a donc en fait que deux conséquences majeures : d'une part, elle nous alimente abondamment en détails graveleux sur les comportements sociaux et sexuels de DSK ; l’exemple américain, dont la vedette est un homme très représentatif de certaines mentalités françaises comme l’ont montré, en dépit de leurs rétro-pédalages, les premières réactions d’un Lang et d’un Kahn, pourrait encourager des femmes harcelées à dénoncer leurs satyres. D'autre part, l’affaire a confirmé la complicité tacite d’une presse qui, il faut bien le dire, est réduite au silence par une loi pour laquelle tout propos, si innocent qu’il soit et même sous une forme satirique ou plaisante, sur quiconque (surtout s’il s’agit d’un puissant) peut être regardé comme une diffamation. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi Nicolas Sarkozy ne traîne pas en justice pour diffamation tous ceux qui font allusion à sa taille !

Sur le plan politique, les incidences sont minces puisque rien n’indique que DSK serait allé jusqu’à se porter réellement candidat, au prix du renoncement douloureux à ses plaisirs favoris.

Certes, en dépit des manoeuvres d’évitement, désormais passées et incongrues (le complot !) ou de désolidarisation (actuelles), le PS aura du mal à se remettre du préjudice moral pour une formation qui se définit comme protectrice de la France du bas, des pauvres, des femmes et des orphelins ! Le choix de DSK comme incarnation de justice et du renouveau social (fondamentalement pittoresque !) sera considéré au minimum comme des plus inopportuns.

A droite, son éviction du paysage ouvre la porte à la candidature de Borloo qui, à l'annonce des événements de New York, a brusquement changé d'avis et déclaré qu'il se porterait candidat à la présidence, alors que, la veille encore, il nous faisait le coup de l'unité. Ce n’est que pour Borloo que la donne a vraiment changé et non pour les figurants comme Bayrou ou Morin. L'affaire se présente, pour lui, tout autrement. Jusqu'à présent, il avait été séduit, une fois de plus, par la promesse de Matignon ; la disparition de DSK, qui avait un électorat potentiel de « centre-droit social » qui correspondait, pour une bonne part, à celui de Borloo ouvre à ce dernier une nouvelle voie ce qui peut être fatal à Sarkozy en l’écartant du second tour. Les promesses ne suffisent plus alors et le seul problème est de savoir si, en sous-main, on dispose de moyens de pression sur lui assez forts pour le ramener à ses ambitions précédentes en renonçant à la candidature à la présidence. Borloo passant pour aimer la bouteille autant que le DSK aime le cul, reste à savoir si l’on a quelques photos qui peuvent étayer les menaces qu’on ne manquera pas de lui adresser. L’idéal serait, bien entendu, un Borloo, bourré, qui faucherait un abribus avec quelques gamins en route pour l’école !

Les sondages tenaient DSK en lévitation au-dessus de la mêlée. Son éviction déchaîne d’autant plus les appétits au sein du parti socialiste que l’héritage de DSK n’est pas facile à revendiquer, même pour la signataire du « pacte de Marrakech ». Tout le monde s’y met, soit en faisant la coquette (comme Fabius ou Delanoë), soit en montrant les dents comme Vals ou Moscovici ; le deuil n’aura pas été long et nul ne fait plus mystère de son désir de porter bien haut la candidature du parti socialiste.

Ce sera une course de fond durant l'été, primaires ou pas, avec sans doute multiplication des peaux de banane et des crocs-en-jambe. Pour le moment, la lutte semble se circonscrire entre Hollande et Aubry ; chacun tente de mettre en avant ses atouts. Hollande sa minceur et sa teinture, Aubry sa féminité et même désormais le football, depuis le doublé du LOSC. Ce dernier aspect de manque pas de faire doucement rire tous les gens qui connaissent les affaires du LOSC puisque dans le passé, à la mairie, elle n’a guère favorisé les affaires du club lillois. L'opportunisme est de toute façon ici comme ailleurs la première vertu de tout politique.

Je n'aurai pas la cruauté de souligner que si elle devient présidente, elle pourra poser avec Angela Merkel dans un remake, féminin et dodu, avec les élégances qui les caractérisent, de la célèbre photo qui avait réuni Mitterrand et Kohl. L’image des deux présidents faisait penser à un papa allemand emmenant son petit François à l'école ; une photo de Martine et d'Angela ne manquerait pas de pittoresque dans un tout autre genre !

Ce qu'on avait quelque peine à imaginer et qui semble être désormais une stratégie gouvernementale est la nouvelle formule de pêche aux voix par la mise en avant de prétendues dissensions au sein du pouvoir, que chacun tente d’exploiter à son profit personnel bien entendu. Vraies ou fausses naturellement, car la perverse subtilité des conseillers en communication pourrait fort bien leur avoir inspiré une telle stratégie.

Elle a été testée avec l'affaire du RSA où je ne sais quel Jacob de l’Elysée a contraint, sans doute contre un plat de lentilles, ce pauvre Esaü Wauquiez a fendre l’oreille à son propre RSA (un peu alambiqué j’en conviens mais Wauquiez est maire du Puy-en-Velay dont la spécialité, on le sait, est constituée par les lentilles) ? La combine, dont je doute qu’elle n’ait pas eu l’aval élyséen, n’a pas connu un grand succès, mais les galipettes de DSK y sont pour quelque chose.

Désormais on nous refait le coup à nouveau avec les maçons immigrés (pas terrible) puis désormais avec les radars (meilleur). La Gauche (tout sauf DSK) observe naïvement que tout cela tourne à la cacophonie, faute de comprendre que c’est le but même de l'opération. Plus le gouvernement donne l'impression qu'il est divisé, plus il donne à croire que les décisions ne sont pas prises, d’en haut, sans concertation et que, par conséquent, il est à l’écoute du bon peuple de France. Peut-être après tout, cette stratégie n’est-elle pas la moins mauvaise, puisque chaque électeur croit voir son point de vue triompher et que, dès lors, toutes les reculades prennent la noble et démocratique allure de concessions.

mardi 24 mai 2011

DSK ? Fatalitas!

Il est assez facile de prévoir comment va se terminer l'affaire du Sofitel de New York. On le pressent de plus en plus clairement à la lumière des récentes déclarations de DSK comme de celles de ses avocats.

Tout cela, comme l'affaire de la libération sous caution, n’est qu'une question de zéros sur les chèques. Il est probable que les choses se sont passées plutôt, comme le dit Mme Diallo, que comme le déclare l’ex-directeur général du FMI qui se dit aussi innocent et nu que l’agneau qui vient de naître. Il suffit pour s'en convaincre d'examiner le caractère et le passé des protagonistes majeurs de cette affaire.

J'entendais encore, ce matin, un ami de DSK nous expliquer qu'un séducteur n'est jamais un violeur et que ces caractères sont quasi antagoniques. C'est à la fois vrai et faux ; vrai, car le séducteur veut sans doute faire opérer surtout son charme personnel (et DSK est de toute évidence persuadé, comme, par définition, tous les Lovelaces, d'en avoir beaucoup) mais aussi, tout aussi convaincu que les femmes, par pudeur, par coquetterie, par discrétion (ajoutez ici la caractéristique psychologique qui vous conviendra le mieux) se refusent toujours au départ, même si elles ont envie, dans leur for intérieur, de céder aux avances ou aux entreprises de leur séducteur. Dès lors, pour ce malheureux, il n'est jamais facile de faire la distinction entre un refus profond et sincère et une coquetterie qu'il juge, lui, toute provisoire voire feinte. Dès lors, il est persuadé que seul le premier assaut leur coûte et qu'ensuite les choses iront d'elles-mêmes.

Même le cinéma conforte ce stéréotype et dans une foule de scènes de films on a pu voir l’héroïne, après une résistance farouche, cesser de repousser son séducteur pour l’enlacer ou même lui caresser les cheveux. N’avez-vous pas vu cela cent fois ?

C'est de toute évidence le scénario que vont plaider les avocats de DSK et que DSK lui-même soutiendra sans doute, en se jugeant, peut-être sincèrement, non coupable. Mme Diallo, qui ne le connaissait pas, quoique secrètement séduite, a fait des manières et il a dû lui forcer un peu la main !

Le vrai problème n'est pas même pas là (on ne saura jamais exctement ce qui s’est passé) ; il est tout simplement au plan de l'argent. Mme Diallo à un avocat ; elle en aura peut-être plusieurs ou d’autres car, aux Etats-Unis, une telle affaire les attire comme une charogne les mouches. Comme elle n'a évidemment pas les moyens de les rémunérer à la hauteur de leurs exigences, ils vont évidemment la pousser à négocier avec le présumé coupable contre le versement d'une somme qu'ils s'efforceront de fixer à un niveau aussi élevé que possible, puisque ils espèrent en percevoir un pourcentage. Jusqu'où iront-ils dans cette affaire et quelle stratégie vont-ils choisir, secrète ou publique, clandestine ou officielle? Il est difficile de le savoir car cela dépend à la fois des faits avérés, des sommes en jeu et du caractère de Mme Diallo.

Elle peut, à un moindre coût pour DSK, entrer dans son jeu pour réduire, par exemple, le nombre et la gravité des accusations. Elle pourrait aussi, mais là le prix serait beaucoup plus élevé pour DSK, affirmer qu'elle l’a provoqué ou même sollicité ; elle prétendrait alors avoir tout inventé, au risque d'être elle-même poursuivie pour faux témoignage mais, pour une poignée de millions de dollars, cela vaut sans doute la peine.

Il y a certes d'autres lignes de défense encore plus hardies ; la plus coûteuse consisterait à faire valoir que c'est Mme Diallo elle-même qui a agressé sexuellement DSK, sans qu’il ait lui-même songé à porter plainte. On règle du même coup les affaires de l'ADN (le sperme de DSK sur le chemisier de Madame Diallo) et on explique les traces de griffures sur le torse de DSK, provoqué par les tentatives de Mme Diallo pour violer le malheureux DSK qui avait toutes les peines du monde à se défendre des entreprises d’une femme de chambre en chaleur. L'hypothèse est hardie, elle serait alors à n'en pas douter beaucoup plus coûteuse que les précédentes. Tout cela sera affaire de négociations et de zéros sur les chèques.

Bien sûr, il ne faut pas que le procureur aille lire la notice que le Who's Who consacre à DSK, rédigé, comme toujours, par les soins de l’intéressé. Il donne en effet deux indications, peu connues mais capitales dans cette affaire.

D'une part, en 1999, DSK a reçu le prix du fumeur de pipe de l’année décerné par la Confrérie des maîtres-pipiers de Saint-Claude. En 2007, à son départ de France pour le FMI ses amis du PS lui ont offert une pipe! Comment aurait-il donc pu à New-York en refuser une ?

Mieux encore, DSK devrait bénéficier d’une excuse majeure, en quelque sorte génétique, puisque sa maman est née Jacqueline… Fellus !

lundi 23 mai 2011

Les TIC dans le Sud : « e-an ou hi-han ! » (4)

Je ne veux pas m'attarder ici sur des aspects que j'ai déjà soulignés à de multiples reprises et, récemment encore, dans mes précédents blogs. Ils tiennent à ce que nous avons une fâcheuse tendance à juger des situations du Sud à partir de celles du Nord, en privilégiant abusivement des d'éléments apparemment objectifs et incontestables comme la baisse du prix des appareils et des accès aux techniques nouvelles de communication et d'information, en ne prenant jamais en compte la globalité des réalités quotidiennes nationales.

Le discours affiché et dominant, depuis le Sommet de Bucarest (2006) jusqu’à la récente réunion en Haïti du « Groupe d'épanouissement social, technique et éducatif » (GESTE) à l’occasion de la Journée mondiale des technologies de l'information et de la communication (TIC) que j'évoquais dans les précédents blogs, témoigne d'une totale ignorance (méconnaissance ou occultation ?) des réalités des pays du Sud, en tout cas de celles qui se situent en dehors des salons VIP des aéroports, des grands hôtels internationaux et des ministères nationaux climatisés. Il est carrément révoltant et même tout à fait scandaleux de lire les propos que j'ai rapportés dans mon blog (numéro 2) sur cette question. J’en rappelle une phrase essentielle et qui suffit largement caractériser ce point de vue : « Avec l'aide de l'internet (E-Learning), il est possible de former les jeunes [ Haïtiens] évoluant dans les communautés rurales. L'apprentissage à l'aide de l'internet se fait à distance et est moins coûteux que celui qui se fait traditionnellement. Avec l'apprentissage à distance, les jeunes vivant dans le milieu rural, n'auront pas besoin de quitter leur communauté pour aller étudier dans les villes ».
Il est assurément possible, gratifiant et même peut-être valorisant, dans une réunion internationale sur le développement en Haïti, d'évoquer la perspective du « e-learning » et la possibilité pour les jeunes ruraux haïtiens, au fond de leur mornes, de s’occuper à pianoter sur leurs ordinateurs pour s'éviter de devoir faire des kilomètres à pied, matin et soir, pour rejoindre l'école la plus proche et y suivre quelques enseignements, mais comment ose-t-on proférer pareilles sottises ?

Un excellent état de la problématique des TIC a été établi (circa 2004-5) par Jean-Marie Raymond Noel (Université d’Etat d’Haïti) sous le titre très clair « TIC et développement durable en Haïti : bilan et perspectives ». Le bilan est simple et parlant :
« Le récent Indice d’Accès Numérique (DAI) calculé par l’Union Internationale des Télécommunications (UIT) place Haïti en 152ème position sur 178 pays, pour une valeur de 0,15 contre 0,85 pour la Suède classée en première position1. Cet indice mesure la possibilité pour les individus d’un pays d’accéder et d’utiliser les technologies de l’information et de la communication (TICs), en considérant cinq (5) catégories de variables : l’infrastructure, le coût d’accès, le niveau de connaissance, la qualité de l’accès, l’utilisation. Pour approximative que soit la méthodologie utilisée, le DAI a le mérite de tenter une catégorisation objective des pays en termes d’accès aux TICs et de permettre une évaluation quantitative de la fracture numérique tant internationale que domestique.
Avec cette valeur de 0,15, Haïti se retrouve dans le dernier peloton : celui des pays à faible accès, et est le plus mal classé de tous les pays du continent américain. Le Nicaragua (0,19) et le Honduras (0,29) sont les deux autres pays du continent à se retrouver dans ce lot des mal classés (DAI < 0,30). Haïti se démarque ainsi très nettement de ses voisins immédiats qui se retrouvent tous dans les classes supérieures, comme le montre le tableau suivant : Etats-Unis (0,78), Jamaïque (0,53), Rép. Dominicaine (0,42) , Cuba (0,38), Haïti (0,15).

Pourtant, grâce à la conjonction d’un ensemble d’éléments favorables - relative jeunesse de la population, position géographique d’Haïti, optimisme des investisseurs privés, engagement de la communauté internationale dans ce domaine -, le pays avait démarré la course du numérique presqu’en même temps que les autres pays de l’Amérique latine et des Caraïbes. Les premières connexions ont commencé en 1995, et malgré un coup d’arrêt à la suite d’une décision maladroite du régulateur en septembre 99, l’écart n’était pas encore significatif avec la région où moins de 1 % de la population des grandes villes étaient connectés en 1998. Entre 2000 et 2002, le pays a fait des pas très significatifs avec une nette amélioration de la télédensité par suite d’une certaine libéralisation du secteur, et la croissance de l’offre de services Internet selon l’un ou l’autre des modes d’accès suivants : dial-up, radio, accès direct par satellite. Mais, il faut reconnaître que ce développement technologique rachitique dont fait état la valeur du DAI est réel et constitue la résultante logique des difficultés du pays sur le plan infrastructurel, sur le plan des ressources humaines et surtout sur le plan politique. L’inversion de la tendance requiert des dispositions politiques, des choix d’investissement dans l’innovation technologique par exemple, même s’ils ne sont pas évidents dans un pays marqué par une situation d’insatisfaction chronique des besoins primaires de la population. Dans ces conditions, la question de la connexion des TICs avec le développement durable se pose dans toute son acuité ».

Et l’auteur de conclure : « La demande existe. Malgré les difficultés de toutes sortes inhérentes à l’inadéquation des réseaux téléphonique et électrique, malgré le prix exorbitant des équipements, malgré la fragilité de la situation socio-économique de ces dernières années, le nombre de fournisseurs d’accès, le nombre d’institutions connectées, le nombre de particuliers ayant directement ou indirectement accès à Internet ont considérablement crû ».

Je ne sais pas où en est actuellement en Haïti le projet IFADEM (« Initiative de formation à distance des maîtres ») que met en oeuvre la Francophonie dans quatre Etats du Sud, dont Haïti. Il vise à former les instituteurs haïtiens à la didactique du français, langue dans laquelle ils ont souvent, eux-mêmes, une compétence très limitée. On pourra certes alléguer, en la circonstance, que le séisme de janvier 2010, survenu alors que le projet était encore dans sa phase initiale, n’a pas facilité les choses. Cependant, la moindre connaissance de la réalité rurale haïtienne montre toutes les difficultés voire l’inadaptation totale d'une telle approche comme laisse pressentir le bilan établi par Jean-Marie Raymond Noel.

Dieu sait que je ne suis en rien ennemi de l'utilisation, en particulier dans la diffusion du français, des techniques modernes d'information et de communication puisque, depuis vingt ans, je milite en faveur d’un dispositif audio-visuel universel de diffusion de langue française dans le monde. Toutefois, encore faut-il utiliser les TIC de façon réaliste, intelligente et surtout adaptée, en prenant en compte, au premier chef, la situation des pays où on entend les utiliser. Il est évident que, dans des cas comme en Haïti ou à Madagascar (deux des pays de ce programme),vouloir mettre en oeuvre un dispositif comme l’IFADEM relève de la gageure, d’abord du fait même de l'absence de réseaux électriques fiables et de systèmes de communications téléphoniques efficaces.

J'ai entendu des centaines de fois dans le Sud des étudiants comme des enseignants se plaindre des tarifs trop élevés des communications téléphoniques et, plus récemment, du coût exorbitant pour eux de l'usage des accès à l'Internet (cf. ci-dessus blog n° 1). Va-t-on enfin admettre l'évidence c'est-à-dire que les gens qui peuvent, chez eux, avoir un accès Internet et un ordinateur personnel constituent une infime minorité de ce que prétendent viser les apôtres de l'usage des TIC dans le développement ? Sans doute, dans certains cas, en particulier quand on a accès à un centre REFER par exemple mis en place par l’AUF, peut-on espérer profiter de cette facilité. En revanche, dans le cas des cybercafés (dont l’immense majorité se trouve à Port-au-Prince même), il faut s'armer d'une infinie patience pour avoir par chance accès à un ordinateur utilisable, à un moment où il est en mesure de fonctionner, le courant électrique n'étant pas coupé.

Comment peut-on ignorer à ce point des réalités de cette nature ? Le blog étant, faut-il le répéter une fois de plus, un genre court, je me limiterai au seul problème de la diffusion du français dans les pays du Sud de l'espace francophone, ce qui en exclut, naturellement, « l’ultramarin » français (qu’on nommait naguère encore les DOM) où le niveau de développement est en gros comparable à celui de la France (il en est un peu de même pour un Etat comme les Seychelles qui constituent, sur ce plan, une remarquable exception).

Former par les TIC les enseignants de français est une idée à laquelle je souscris totalement ; je la propose même sans succès depuis au moins depuis 20 ans mais sous une forme tout à fait différente. Il me semble en effet que pour former les professeurs de français la condition liminaire et essentielle est qu'ils aient eux-mêmes, au départ, une compétence minimale dans cette langue, ce qui, souvent, dans le Sud, est très loin d'être le cas dans un certain nombre de pays dont naturellement Haïti et bon nombre de pays francophones d'Afrique.

Une stratégie raisonnable et efficace en matière de diffusion du français devrait consister, non pas à vouloir former à la didactique du français des enseignants qui, pour la plupart, ignorent l'essentiel de cette langue ou n’y ont qu’une compétence réduite et, en tous cas, insuffisante, mais à mettre en place un dispositif général pour diffuser le français auprès de l'ensemble des populations, étant entendu, bien évidemment, que dans cet ensemble, seraient inclus les professeurs de français eux-mêmes, auxquels on pourrait du même coup faire acquérir, avant toute formation pédagogique, une compétence minimale dans ce qui devrait être leur spécialité ultérieure d'enseignement.

N’est-ce pas là le bon sens ?

dimanche 22 mai 2011

Les TIC dans le Sud : « e-an ou hi-han ! » (3)

Haïti offre un excellent exemple des problèmes que posent les TIC dans le Sud et des perspectives réelles qu’on y trouve.

En Afrique par exemple, on pourrait être tenté de faire un rapprochement entre le succès fulgurant du téléphone dit « cellulaire » et celui qu’a connu en Europe le « portable ». La différence faite, en français même, mérite qu’on s’y arrête. Alors qu’en France la dénomination a caractérisé l’appareil lui-même (les nouveaux téléphones étant caractérisés comme « portables » ou "mobiles" par rapport aux anciens dits « fixes), au début du moins, ce caractère qui en rendait possible l’usage, en tous lieux, y compris dans la rue et en public, en a fait un élément quasi ostentatoire de luxe et de modernité. On se souvient qu’en Italie, en particulier, on fabriqua et on vendit même des téléphones factices qui permettaient de donner le change. Dans le Sud, le nouvel usage imposa le nom de « téléphone cellulaire » car l’essentiel était non pas dans la « portabilité » du nouvel objet mais dans sa technique qui le distinguait, totalement et radicalement, du téléphone traditionnel qui, dans la plupart des pays, fonctionnait très mal voire pas du tout ! C’était donc, de ce fait, la fiabilité du nouvel outil de communication qui était essentielle, tout autre caractère devenant par là-même secondaire. L’argument majeur des sociétés téléphoniques nouvelles était donc là ; elles n’eurent donc pas, dans la plupart des cas, à s’imposer face à des sociétés de téléphone traditionnel qui ne fonctionnaient à peu près pas, comme le savent tous ceux qui comme moi, ont souvent essayé d’appeler en vain des abonnés au téléphone rwandais ou burkinabés.

En Haïti, le cas de la société Digicel est exemplaire, tant par les modalités de son implantation locale que par son action depuis le séisme du 12 janvier 2011.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, Digicel n’a nullement attendu cette catastrophe et les immenses dégâts d’infrastructure qu’elle a entraînés pour débuter ses activités dans le pays. Elles y ont commencé depuis cinq ans déjà et le 3 mai 2011, Digicel a même célébré cet anniversaire en distribuant, d’après le Nouvelliste, 130 millions de gourdes aux 2,6 millions de clients qu'elle prétend avoir sous la forme d'un cadeau de 50 gourdes de minutes par abonné. En 2006, le réseau téléphonique traditionnel n’existait déjà pratiquement plus en Haïti ; on comptait alors 10 postes pour 1000 foyers avec un usage des plus incertains ; la porte était donc largement ouverte à la technologie cellulaire, le seul problème étant celui de l’étendue du marché, non pas en fonction des besoins mais des capacités économique des usagers potentiels. La nombreuse diaspora haïtienne laissait toutefois espérer des perspectives prometteuses dans le marché local lui-même.

Digicel, société créée en 2001 par Denis O’Brien, s’était donné comme champ d’action la zone caribéenne et avait entamé son programme par la Jamaïque avec, partout, la même politique de communication très agressive, fondée sur des actions spectaculaires dont la musique, la mode et surtout la sponsorisation des équipes et des compétitions de football. En Haïti, au cours de sa première année d’implantation, Digicel aurait rassemblé 1,4 million d’abonnés. Comme le note Frantz Duval dans le Nouvelliste : « Ses abonnés, la Digicel les chouchoute. La compagnie vient de dépenser huit millions de dollars pour rénover ses magasins. Le mégastore qui lui sert de flagship à Turgeau est une merveille. L'immeuble peut résister à un tremblement de terre de magnitude 10. Tous les produits exposés peuvent être utilisés, essayés par les clients comme cela se fait à l'étranger dans un environnement convivial, bien éclairé, wifi free, ouvert sept jours sur sept ».

L’action promotionnelle la plus spectaculaire de Dennis O’Brien a sans doute été, durant l’année 2010, la reconstruction du « marché de fer », au coeur de Port-au-Prince, qui, construit en 1889, était inspiré, de toute évidence, des Halles parisiennes de Baltard. Cette magistrale et rapide reconstruction a été assurée, sur ses fonds propres (pour 15 millions de $), par le milliardaire irlandais qui, ne nous le cachons pas, a fait, par cette action généreuse et surtout efficace qu’il a conduite et surveillée d’un bout à l’autre, une large publicité à sa société Digicel, dont le nom est désormais répété et reproduit, à l'envi, sur les maillots des joueurs de foot comme sur les T-shirts des ouvriers haïtiens !

Le marché haïtien suscite toutefois des convoitises et ici comme ailleurs, on voit débarquer les Asiatiques. Natcom, un concurrent vietnamien, est arrivé et on s’interroge sur la stratégie d’intervention qu’il va choisir. La meilleure défense étant l’attaque, Digicel qui, depuis 2006 aurait investi plus de 500 millions de $ en Haïti, en a consacré, depuis 2010, cent vingt à accroître le taux de couverture de son réseau comme la fiabilité de ses sites.

Qu’en conclure, pour Haïti et sur un plan plus général ? Nous le verrons demain !

vendredi 20 mai 2011

Les TIC dans le Sud : « e-an ou hi-han ! » (2)

Je n’ai guère changé d’avis, loin de là, depuis cette époque et c’est la lecture du Nouvelliste, le quotidien de Port-au-Prince, qui m’a remis à l’esprit cette question. En Haïti, en effet, autour du thème « Mieux vivre dans les communautés rurales grâce aux technologies de l'information et de la communication (TIC) », s’est tenue, les 17 et 18 mai 2011, une conférence du Groupe d'épanouissement social, technique et éducatif (GESTE) à l’occasion de la Journée mondiale des technologies de l'information et de la communication (TIC). Ce « e-jour », on va le voir, ressemble fort à un « hi-han », à moins que ce ne soit à un « e-commerce », comme c’est souvent le cas.

Le cas d’Haïti est assurément exemplaire mais les situations sont, en fait, quasi identiques dans nombre d’Etats africains. Naturellement cet événement a suscité plusieurs articles dans le Nouvelliste. Ils contiennent des informations précises et utiles, quoique souvent triviales, que je cite ici par honnêteté, mais qui sont aussi, pour partie, contradictoires comme on pourra le constater.
Le constat majeur de Gérard Jeanty Junior (19/05/2011) est celui de la forte baisse des prix, mais l’effet bénéfique d’une telle donnée est aussitôt annulé quand on prend en compte le niveau de vie très bas des utilisateurs potentiels du Sud :

« La baisse générale des prix des services fixes large bande s'explique essentiellement par la baisse des prix dans les pays en développement où les prix du large bande fixe ont chuté de 52% contre 35% dans les pays développés. Toutefois, il est à noter que cette forte baisse des prix est souvent à mettre en regard du coût extrêmement élevé du large bande dans les pays en développement. Même si ce prix a diminué de moitié, le service reste souvent hors de portée de l'homme de la rue ».
Précisons un peu : « Les habitants de 31 pays - tous des pays hautement industrialisés - ne paient que l'équivalent de 1% ou moins du RNB moyen par habitant pour une connexion large bande de base.

Dans 32 pays toutefois, le prix mensuel d'un abonnement pour une connexion large bande fixe de base représente plus de la moitié du revenu mensuel moyen. Dans 19 de ces pays, une connexion large bande coûte plus de 100% du RNB moyen mensuel par habitant et dans une poignée de pays en développement, le prix mensueI d'une connexion Internet haut débit représente encore plus de 10 fois le revenu mensuel moyen […]. Le taux de pénétration du large bande et le nombre d'internautes dans ces pays restent extrêmement faibles.
[…]. L'Afrique continue de se démarquer pour ses prix relativement élevés. Les prix de l'accès à l'Internet large bande en particulier restent prohibitifs et, pour l'ensemble de la région, représentent encore près de trois fois le revenu mensuel moyen par habitant. Seul un habitant sur 10 utilise l'Internet en Afrique ». (Source UIT).

En dépit de cette situation dont le constat de base est identique, quelles que soient les sources consultées, le ton général de la réunion du GESTE en Haïti est très optimiste : « Une bonne utilisation des technologies de l'information et de la communication (TIC) dans les communautés rurales pourrait contribuer à une amélioration des vies dans le milieu, si l'on se réfère aux propos de l'ingénieur Jimmy Aurelus, président du Groupe d'épanouissement social, technique et éducatif ».

L'un des conférenciers est intervenu sur les enjeux et les avantages de l'utilisation du téléphone mobile. On ne sait hélas ni son nom ni sa nationalité mais, de toute évidence, non seulement il ignore tout des réalités haïtiennes, mais en outre, durant son séjour, il n’a guère dû quitter l’Hôtel Montana ou le Club Indigo (je ne sais pas où s’est tenue la réunion en cause) ; il a en effet oser déclarer : « L'éducation devrait constituer la pierre fondamentale de la reconstruction et avec l'aide de l'internet (E-Learning), il est possible de former les jeunes évoluant dans les communautés rurales. L'apprentissage à l'aide de l'internet se fait à distance et est moins coûteux que celui qui se fait traditionnellement. Avec l'apprentissage à distance, les jeunes vivant dans le milieu rural, n'auront pas besoin de quitter leur communauté pour aller étudier dans les villes ».

Comment peut-on oser dire pareilles stupidités dans un pays qui se trouve dans l’état où se trouve Haïti, sans que les Haïtiens présents n’interrompent un propos aussi clairement débile et sans que l’auteur de l’article du Nouvelliste n’en stigmatise le caractère follement et dangereusement irréaliste !

En fait, comme on peut aisément l’imaginer la plupart de ces propos ne sont que le masque technico-humanitaire de visée mercantiles qui ignorent évidemment tout des réalités haïtiennes et ne visent qu’à tirer un profit maximum, soit financier soit idéologique, des opportunités que pourraient offrir la coopération et l’assistance internationale.

On se souvient peut-être que naguère, on s’était amusé à calculer ce que chaque coopération nationale récupérait, finalement, à travers la vente des matériels et la rémunération des agents, des sommes qu’elle avait elle-même allouées. Sauf erreur de ma part, c’était je crois, la coopération suisse qui atteignait dans ce domaine le pourcentage le plus élevé.

Les TIC dans le Sud : « e-an ou hi-han ! » (1)

On ne s’y retrouve plus entre les « journées » (de la femme, des secrétaires, du cancer, de je ne sais quoi, etc.), les « semaines » (pour la suite voir ci-dessus) voire les « années » (de… idem). Autre vogue insupportable, les e-…(prière de prononcer i-) du commerce aux « books » (on légifère sur le prix de ce dernier avec un parfait mépris de la loi de ce pauvre Monsieur Toubon, bien oubliée aujourd’hui !). Le « e-an » que je suggère ici est donc l’année du « e-», ce qui me fait irrésistiblement penser au « hi-han » de l’âne quoique je n’aie jamais entendu un asin s’exprimer de cette façon.

Sur ce sujet, je tiens des propos non conformistes depuis des années ; en particulier depuis 2006, année du Sommet francophone de Bucarest, où l’on avait déjà choisi comme thème les « NTIC », les « nouvelles techniques d’information et de communication », qui ont d’ailleurs, depuis, perdu, fort logiquement, leur caractère de nouveauté. On essayait alors de se persuader (ou, au moins, de donner à croire) que les NTIC allaient résoudre les problèmes du développement du Sud. Notons que, si, à ce moment, si les actuelles TIC avaient encore le N initial de leur adjectif, le développement n’était pas encore devenu « durable » !

A l’appui de ce que je viens de dire, je citerai ici un extrait d’un texte que j’ai écrit, courant 2006, donc comme on pourra le constater, avant le Sommet francophone de Bucarest et espérant, en vain bien sûr, qu’il puisse y être entendu :

« Liquidons tout de suite une ambiguïté car je vois déjà s'agiter les sectateurs de la modernité la plus récente, parfois animés en outre par des motivations mercantiles qui, bien entendu, ne s'avouent jamais comme telles. Je les devine, en outre, frétillants d’enthousiasme à la vue de la thématique proposée pour le Sommet de Bucarest (septembre 2006), « L’éducation et les nouvelles technique de la communication ». […]

Dans les pages qui précèdent, en évoquant l’audiovisuel, je ne pense nullement à l’enseignement audiovisuel classique, ni à l'enseignement par ordinateur ou assisté par ordinateur, ni à la réception de l’internet ou de la télévision sur les téléphones portables, ni à aucun des multiples gadgets qu’on ne cesse de nous proposer. Ce ne sont là, pour les dernières techniques, qu’obsessions de technomanes du Nord qui, pour la plupart sont d’abord et surtout préoccupés de placer leurs marchandises, mais ne connaissent rien aux réalités du Sud. On devrait absolument les envoyer passer quelques semaines, dans la brousse, au fin fond du Tchad ou du Niger, pour leur faire découvrir enfin les réalités quotidiennes du Sud et leur remettre les idées en place.

Je me suis réjoui de voir signalé tout récemment le numéro, n° 66 d’Africultures, dont le titre me paraissait prometteur : « Leurres et lueurs du cyberespace ». Comme on ne peut pas en faire une lecture directe sur le site (le résumé m’avait alléché), je l’ai acheté par paiement électronique mais, à ce jour (plusieurs mois après), quoique mon compte ait été débité, je n’ai malheureusement toujours rien reçu. J’en profite donc, au passage, pour dénoncer cette modeste escroquerie, bel exemple d’un « leurre du cyberespace » et pour éviter ce désagrément à d’autres, qui seraient tentés, comme moi, d’acheter ce texte, dont j’espère tout de même qu’il dénonce les « leurres » du cyberespace, sans se contenter d’en offrir une coupable illustration.

Je suis d’autant plus porté à mettre en garde contre les rêveries irréalistes sur le « cyberespace » du Sud que, depuis quinze ans, je suis confronté aux difficultés de communication avec le Sud, tant par téléphone ou fax (jusqu’aux années 2000), que par internet depuis quelques années. Récemment encore, dans le cadre d'un projet du réseau « Observation du français et des langues nationales » de l'AUF, en 2004, j’ai passé plusieurs mois à essayer de prendre contact avec des chercheurs du Sud de l'espace francophone, en privilégiant, dans un premier temps, ceux qui semblaient avoir une adresse de courriel. Après avoir constaté, mais cela ne m'a pas étonné, que rares étaient ceux qui en disposaient à titre personnel, j'ai pu voir que bon nombre de ces adresses étaient fausses ou qu'elles avaient été abandonnées, sans doute pour des raisons de coûts trop élevés.

Je ne reviens pas sur l’illusion, volontairement créée et entretenue, de la « réduction de la fracture numérique » entre le Nord et le Sud. Loin de se combler, la fracture numérique est devenue un gouffre qui ne cesse de croître.

J'ai toujours le plus grand mal à communiquer avec nombre de collègues africains, par quelque voie que ce soit (téléphone, fax, courriel). Je suis donc à la fois étonné et inquiet, quand je prends connaissance de tous les projets qui sont, en principe, conduits ou envisagés par internet. Je pense ici au RESAFAD, avec ses chantiers sur la formation des directeurs d'école (au Niger par exemple, où le taux de scolarisation est l'un des plus faibles du monde et où il y a un seul utilisateur de l’internet pour 1000 habitants) ou de planificateurs de l'éducation, aux projets PROCOOPTIC (Programme de promotion des TIC en Afrique lancé par la Coopération française en 1999) ou aux AVU (Universités Virtuelles Africaines), subventionné par la Banque Mondiale depuis 1997 dans le cadre d'Infodev.

Quelques beaux spécimens d'arbres électroniques implantés dans des centres administratifs bien équipés (services et techniciens de maintenance, lignes téléphoniques sécurisées, groupes électrogènes, onduleurs, etc.) ne cachent-ils pas l'immense misère du cyber-désert africain ? Croit-on réellement qu'on va résoudre le problème de l'éducation pour tous par ce genre d'opérations qu'il vaut, sans doute, mieux examiner depuis les rives du Potomac, du Saint-Laurent ou de la Seine que depuis celles du Niger ou du Congo?
A suivre

jeudi 19 mai 2011

"La conquête"

Je n'ai évidemment pas vu le film « La conquête » qui vient d'être présenté à Cannes et je ne le verrai certainement pas. Toutefois, comme vous le devinez déjà, ce n’est pas à mes yeux une raison pour n’en point parler.

J'en ai vu en effet quelques extraits, toujours les mêmes naturellement, qui ont été présentés par les télés pour appâter le chaland dans le lancement de cette production. J'ai trouvé l'acteur qui joue Sarkozy remarquable dans l'imitation qu'il fait du personnage, avec, en particulier, pour masquer sa calvitie, une perruque très réussie ; il m'a semblé aussi que les autres protagonistes étaient assez ressemblants ce qui est une forme de réussite en pareil cas.

En effet, dans un film « historique » (car c’en est un, quoique contemporain), la tentation est grande pour le spectateur de chercher à l'écran des représentations des personnages qui soient conformes à celles qu'il peut lui-même avoir, qu'il s'agisse de personnages réels qu'il connaît, ou de personnages historiques qu'il imagine à travers les représentations qu'on en a donné. Pour prendre un exemple fort éloigné de « la conquête », j'ai personnellement été choqué, dans la série télévisée des « Tudors » qui, par ailleurs, n'était pas mauvaise, de voir un Henri VIII fringant d'un bout à l'autre de son histoire, alors que la représentation que nous en avons, plutôt sur la fin de sa vie, est celle d'un obèse répugnant à peu près infirme.

Et Sarkozy me direz-vous ? Rien à dire sur le personnage lui-même qui paraît effectivement représenté à la fois avec exactitude et talent et même une forme de mimétisme, par Denis Podalydès. J’ai trouvé aussi, dans le peu de séquences que j'ai vues, Villepin tout à fait ressemblant (j'ai même cru un instant que Galouzeau avait joué son propre rôle), mais le plus remarquable de tous m'a paru Chirac, à peine entrevu, que campe Bernard Lecoq. Il est vrai que ce qui est à mes yeux le plus ressemblant et le plus remarquable dans le personnage (Que Bernard Lecoq veuille bien m’excuser !) est moins Chirac lui-même que son pantalon !

Le pantalon de Chirac est en effet à mon sens le clou du film. Au-delà de la ressemblance flagrante, il me paraît symboliser en effet, en quelque sorte, l'évolution historico-politique globale du personnage.

Le Chirac jeune, fringant et impétueux,( comme disait Acaste, « fort aimé du beau sexe et bien auprès du maître »), portait son pantalon comme tout le monde et si je puis dire comme sa jeunesse. Au fur et à mesure, qu'au fil des décennies, Chirac a gravi les marches de la politique et du pouvoir (n'oublions pas que, selon ses dires, il a commencé par vendre l'Humanité sur les marchés, en portant son futal à la façon des camarades ), son pantalon est progressivement remonté en direction de ses épaules. Comme vous avez certainement remarqué ce détail, je ne vous ferai pas l'exégèse de cette migration du pantalon chiraquien, de la ceinture vers les aisselles.

Je pense que cette irrésistible ascension ne doit pas être interprétée que de façon symbolique mais aussi et surtout comme une conséquence d’une évolution physiologique, avec la naissance et la montée de l'embonpoint de Chirac, à force de têtes de veau et de Coronas. Nous autres pauvres hommes, lorsque notre taille s'épaissit et que notre ventre commence à pointer, nous n'avons plus guère que deux solutions, hors du régime hollandais.

La première, celle que choisit DSK, est de s’offrir un super tailleur qui, à prix d'or, vous fasse, sur mesures, des vêtements coupés de façon si habile qu'ils donnent l'apparence de la sveltesse au ventre le plus rebondi. L'autre solution, celle qu'a adoptée Chirac,lui qui souvent laisse son veston ouvert, est de choisir entre les deux positions possibles de la ceinture, lorsque l'embonpoint nous conduit à renoncer à l'emplacement médian qui est normalement celui du haut du pantalon et de la ceinture elle-même. Deux choix s'offrent alors ; soit on laisse le ventre repousser le pantalon vers le bas, ce qui est, en général, le choix populaire, voire prolétarien ; la bedaine déborde alors largement sur la ceinture au point qu'on ne la voit plus guère et qu'elle devient, en fait, une sorte de sous-ventrière. Soit, on enferme l'embonpoint dans un pantalon qui le contraint et tente de le dissimuler, mais ce choix conduit inévitablement à faire remonter le pantalon vers le haut. Plus le ventre s'arrondit, plus le pantalon s'élève en direction des aisselles. Ce second choix a été clairement celui de Chirac qui a la fâcheuse habitude de laisser son veston ouvert.

Son pantalon finit donc par ressembler à ces bleus ou salopettes de travail que les ouvriers portaient autrefois et qui montaient aux épaules, presque sous le menton. On pourrait donc imaginer évidemment que, par un tel choix, Chirac retrouve, au moins sous cet angle vestimentaire, les origines sociales et politiques qui furent un moment les siennes au temps de sa jeunesse.

Est-ce « la conquête » du pouvoir par Sarkozy ou le retour de Chirac aux sources prolétariennes ?

Sexus Politicus

Comme souvent, il faut aller chercher hors de France une information que notre presse nationale se refuse à nous donner. Je ne parle pas ici des tabloïds anglais ou américains mais de la très sérieuse presse suisse francophone. Ainsi, dans le Temps du 7 novembre 2008 Sylvain Besson écrivait à propos de la politique et du sexe :

"Ce n’est pas un ouf, mais un hourra de soulagement qu’a poussé la classe politique française. De la gauche radicale à la droite musclée, une unanimité rare a salué le maintien de Dominique Strauss-Kahn à la tête du Fonds monétaire international (FMI). Le fait qu’il ait été blanchi par une enquête interne, après une liaison extraconjugale avec une salariée, a été vu comme une victoire de la France gauloise et épicurienne sur l’Amérique puritaine.

Mais l’affaire a aussi délié les langues, à la fois sur le rapport aux femmes des politiciens français et sur le tempérament singulier de Dominique Strauss-Kahn.
Depuis quelques jours, les médias laissent suppurer des allusions à sa “gourmandise” (L’Express) ou à de “vieilles histoires” (Le Figaro) qui circulaient bien avant son arrivée au FMI, en 2007. L’intéressé a réagi en promettant de poursuivre en justice ceux qui relaieraient des “rumeurs malveillantes” sur son compte. De quoi s’agit-il ? Pour l’essentiel, de témoignages montrant que le dérapage de Dominique Strauss-Kahn au FMI était programmé. La faute à un comportement pesant, presque obsessionnel envers les femmes, que le contexte permissif du milieu politique français a sans doute encouragé.

Le récit le plus détaillé est celui de Tristane Banon, une journaliste et romancière qui a rencontré DSK il y a plusieurs années pour une interview. Le lieu du rendez-vous était insolite : une garçonnière proche de l’Assemblée nationale, avec pour tout mobilier un grand lit et une télévision. “La partie interview a duré cinq minutes et demie”, précise Tristane Banon ; le temps que l’ancien ministre de l’Economie pose sa main sur elle et lui propose de transformer l’entretien en ce que la terminologie du FMI appellerait une physical affair. “J’ai déjà croisé des dragueurs un peu lourds, dit-elle. Mais là, c’était effrayant. Il n’était plus lui-même.”

Le mutisme des médias favorise toutes les rumeurs

Un journaliste qui a enquêté sur l’affaire relativise : “Il a mis sa main sur sa cuisse, elle a dit non et puis basta.” Ce qui n’enlève rien au caractère désagréable de l’expérience. “Une drague aussi crue peut être très impressionnante lorsqu’elle vient d’un homme public”, estime le psychiatre Paul Bensussan. “Car elle traduit une abolition du sens du risque”, de la part d’un personnage dont la position exposée devrait lui interdire de tels comportements. Tristane Banon n’est pas la seule à être ressortie choquée de sa rencontre avec Dominique Strauss-Kahn. Ainsi, l’avocat parisien Emmanuel Pierrat explique avoir été approché par une femme gravitant dans le milieu politique, qui avait répondu à une “annonce censée améliorer sa situation professionnelle”. Confrontée à des avances pressantes du politicien, elle a “pris la poudre d’escampette avant que les choses ne dégénèrent”, affirme l’avocat.

Aurélie Filippetti, aujourd’hui porte-parole du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, a gardé un mauvais souvenir d’une tentative de drague “très lourde, très appuyée” de son camarade de parti. Depuis, “je me suis arrangée pour ne pas me retrouver seule avec lui dans un endroit fermé”, explique-t-elle. D’autres témoignages décrivent toujours le même comportement : une sollicitation immédiate, insistante et directe, suivie de coups de téléphone et d’envois de SMS qui peuvent durer des jours. Mais les médias français observent un silence presque absolu sur ces pratiques.

Cette tolérance générale a deux inconvénients. D’abord, estime Christophe Deloire, coauteur du best-seller Sexus politicus (éd. J’ai lu, 2008), “la place de la femme en politique a longtemps été très liée aux amours du prince”. Ensuite, le mutisme des médias a transformé Paris en un nid de rumeurs malsaines, où les préférences sexuelles des personnalités sont avidement consignées par des officines parapolitiques, voire par la police elle-même. Divulgués il y a peu, les carnets d’Yves Bertrand, ancien patron des Renseignements généraux, fourmillent d’anecdotes sur les liaisons ou les déviances supposées des uns et des autres.

Dans le cas de Dominique Strauss-Kahn, le problème semble aller au-delà d’un manque de maîtrise vis-à-vis des femmes. “Il a un comportement transgressif, il considère que les règles ne s’appliquent pas à lui”, confie une personne qui a travaillé à ses côtés. Ce complexe de “maître du monde” se serait aggravé après 1999, lorsque Dominique Strauss-Kahn dut démissionner du ministère de l’Economie à cause d’une affaire de financement politique où on lui reprochait une lettre antidatée. La justice a conclu au non-lieu. Très réactif durant la crise au FMI, l’entourage de DSK est devenu ces derniers jours curieusement silencieux. Son avocat et ses communicants de l’agence Euro-RSCG n’ont pas répondu aux questions du Temps. “Je ne me crois pas autorisé à faire de la psychanalyse sauvage à propos du directeur du Fonds monétaire international”, commente son ancien bras droit au PS, Jean-Christophe Cambadélis".Sylvain Besson, Le Temps, 7 novembre 2008.

mardi 17 mai 2011

DSK : De Rickers à Manhattan

Il est clair qu'il y a un monde entre les diverses images de DSK vues récemment sur nos écrans.

Les premières, à Paris, sont celles d'un DSK, fringant et enjôleur, élégamment vêtu de l'un de ses dispendieux costumes qui ont, dès le lendemain, défrayé la chronique, traversant d'un pas alerte (en dépit de son considérable embonpoint qu’il faut tout le coûteux talent d’un tailleur de Washington pour dissimuler) la cour d'un ministère poursuivi par une meute de photographes avides de confidences sur sa candidature. Les secondes, plus récentes, sont celles d’un DSK fourré sans ménagement dans un véhicule du NYPD ou, livide et hagard, aux côtés de ses avocats devant un tribunal de New York.

Comme disaient les lapins (je veux dire les « Latins », mais je laisse volontairement ici cette erreur de mon logiciel de dictée Dragon qui lui est peut-être inspirée par l'appellation « lapin chaud » que des journalistes étrangers ont donnée à notre DSK) à Rome « la Roche Tarpéienne est près du Capitole »! De même, à New York, Rickers Island, dans l’East River, est proche du Sofitel de Time Square !

Le DSK filmé au tribunal ne m'a pas inspiré les mêmes réflexions qu’à un certain nombre de journalistes français qui se sont tordu les mains de désespoir à voir un homme, d’ordinaire si richement et si élégamment vêtu, avec une pauvre chemise sous un imperméable miteux et en outre pas rasé et la mine sinistre. Connaissant les moeurs de la justice américaine je ne doute pas un instant que ses avocats eux-mêmes lui aient conseillé de se présenter au tribunal dans cet équipage et la barbe longue ! De cette façon, il ne détonnait pas au milieu de la faune qui peuplait le dit tribunal et il aurait été du plus mauvais goût d'y arriver dans sa tenue habituelle, en costume haut de gamme, avec cravate et sourire charmeur. Le but n'était en rien de séduire la juge même si c'est là sans doute l’une des habitudes les plus constantes de DSK.

Comme toujours, sans vouloir faire un relevé exhaustif des sottises et des fautes de français de nos journalistes, on peut noter, parmi les plus remarquables, celles du journaliste de TF1, spécialiste de la question, qui a déploré « la lenteur de la justice américaine », ce qui est pour le moins paradoxal quand on songe à la vitesse à laquelle DSK est passé de son siège de la première classe du vol Air France au tribunal de Manhattan. Le même François Bachy a ajouté dans la suite de son intervention pourtant brève que notre homme politique français « avait le genou au-dessous de la terre », ce qui paraît une performance digne d'intérêt. Sur France-Info, on nous a relaté les mêmes choses en évoquant des « circonvolutions verbales » ; je suppose que le rouletabille de service voulait parler de « circonlocutions » ce qui lui aurait économisé un adjectif mais on ne peut trop en demander et mieux vaut laisser ces détails pour revenir au fond des choses.

Même si toute l’affaire DSK est fort regrettable, je trouve que le parti socialiste en fait un peu trop, en particulier dans le registre de la stupéfaction. S'il est un lieu où les habitudes (mauvaises) de DSK dans ses relations avec les dames sont connues de chacun, c'est bien au parti socialiste ; l'une des figures les plus marquantes (et les plus avenantes) du PS a d'ailleurs confié, sans qu'on en fasse état en haut lieu, qu'elle évitait absolument de se trouver seule dans une pièce avec DSK.

On n'a pas manqué (et c'est justice) de souligner que jusqu'à preuve du contraire (et ce sera à la justice de l'établir, même si l’on en viendra, à coup sûr, dans la suite, a contester toute décision de la justice américaine qui serait défavorable à DSK), le toujours patron du FMI est présumé innocent. On doit toutefois noter que dans une telle affaire, à la différence d'autres, présumer innocent DSK revient à présumer coupable de mensonge et de faux témoignage Mme Diallo. Je crois donc que l'attitude de réserve qu'on recommande de tous côtés devrait consister en l'occurrence à ne prendre parti ni pour l'un ni pour l'autre car à force de souligner la présomption d'innocence de DSK, on ne peut que mettre en avant une présomption de culpabilité de la femme de chambre du Sofitel.

Je laisse de côté des détails qui ne plaident pas en faveur de DSK comme le fait d'avoir laissé dans sa chambre une partie de ses effets personnels ou d'avoir tenté d’invoquer un alibi qui s'est révélé dans la suite sans valeur. Ce qui est en revanche incompréhensible est que, si Mme Diallo (vous observerez que je me garde de dire la victime) a prévenu la direction de l'incident qui se serait produit avec DSK dans sa chambre, comment la direction du Sofitel a-t-elle pu laisser DSK régler sa facture sans évoquer la question, alors que la police était semble-t-il déjà prévenue ?

On peut donc à partir de là former quelques hypothèses.

Première hypothèse : il ne s'est rien passé et la femme de chambre qui entend, dans la suite, tirer un profit maximum de son retrait de plainte, après avoir elle-même mis en désordre ses vêtements, est allée raconter sa fable et prévenir la direction de l'attaque dont elle avait été l'objet ; la police est alors prévenue par l’hôtel. Dans ce cas, il est clair que le client concerné ne peut qu’être avisé lorsqu'il vient régler sa note. Innocent, DSK, loin de s’en aller, aurait alors protesté, déclaré et fait constater qu'il ne s'était rien passé en réalité. Les traces relevées dans la chambre semblent écarter cette hypothèse.

Deuxième hypothèse : Il s’est passé des « choses » entre DSK et Mme Diallo (ce que prouvent les constats), mais celle-ci, quelles que soient ses intentions, a voulu interrompre la relation avant son terme. Les faits se sont donc partiellement passés comme Mme Diallo les a racontés. La direction est prévenue par elle de sa version des faits et alerte la police ; on en revient à la première hypothèse. DSK devrait être prévenu et, logiquement, il devrait prendre les devants, au besoin en disant toute la vérité. Ce sera probablement sa version finale des faits (Mme Diallo était consentante, au début au moins).

Troisième hypothèse. Madame Diallo n’était pas consentante ; elle a été victime de violences mais elle a pu sortir pour aller raconter les faits à la direction. Dans ce cas, DSK, avisé ou non, aurait dû être assez astucieux pour prendre lui-même les devants et dire qu'un incident a été volontairement créé par une femme de chambre folle et/ou nymphomane. Faisant enregistrer son témoignage auprès de la direction, il aurait même pu demander la mise à pied immédiate de cette employée en tant que client habituel et précieux de cet hôtel.

Quatrième hypothèse : les faits se sont passés selon la deuxième ou la troisième hypothèse ; DSK a réglé sa note sans que la direction fasse mention des événements précédents (ce qui est hautement improbable et en tout cas stupéfiant) ; il a filé à toute vitesse, en oubliant une partie de ses effets personnels dans la chambre et sans prendre le soin élémentaire d'établir un contre-feu préalable auprès de la direction par une déclaration contredisant le témoignage de Mme Diallo, qu’il en ait ou non eu une connaissance détaillée.

Dans tous les cas, le comportement de DSK est étrange et ne sera sûrement pas un élément en sa faveur, surtout si, comme le laissent prévoir les examens médico-légaux, des égratignures de DSK confirment les déclarations de Mme Diallo sur ce point.

Reste l'hypothèse du complot ; elle peut se situer en amont de chacune des hypothèses. Il semble que si l’on a voulu tendre un piège à DSK en connaissant ses habitudes en matière de relations avec les dames, on n'a sans doute pas fait le meilleur choix en ce qui concerne Mme Diallo. D'après les premiers témoignages cette guinéenne de 32 ans, mère d’un ou deux enfants (le nombre varie) ne serait pas une beauté fatale (là aussi les témoignages varient !). Quitte à tendre un piège à DSK, il aurait mieux valu choisir une créature susceptible de l’attirer à tous coups. Détail un peu mesquin voire sordide ; si l'on en croit les documents du procureur, Mme Diallo portait un collant que DSK lui aurait arraché. En pareil cas, une jupe courte, des bas noirs et un porte-jarretelles auraient été plus indiqués s'il s'agissait de pousser au crime notre DSK !

Il est certain que l'affaire Polanski a pesé lourd dans la conduite des événements puisque si DSK avait pu décoller avec le vol d'Air France pour Paris, il était définitivement hors de portée de la justice des États-Unis. On peut certes objecter que, dans ce cas, il mettait un terme à sa carrière au FMI (mais je crois que ce terme est atteint depuis longtemps) ; la liquidation des affaires immobilières aux États-Unis pouvait, dans ce cas, être conduite par Anne Sinclair qui n'aurait pas été l'objet de poursuites de la part de la justice américaine.

A y réfléchir, le pire, pour DSK, s’il est coupable, a dû survenir quand, après le quart d'heure qu'il a passé à lorgner les accortes hôtesses, confortablement calé dans son fauteuil de première classe dans l'Airbus d'Air France, un verre de champagne à la main, il a senti s'abattre sur son épaule la main inattendue du policier américain venu l'arrêter.[Je ne croyais pas si bien dire mais on ne se refait pas. Ce 20 mai 2011, on lit, dans le Point.fr, dans une note de Michel Colomès, ""Quel beau c...l !" Cette interjection, à l'adresse d'une des hôtesses du vol New York-Paris AF023 du samedi 14 mai, d'autant plus leste que faite à voix haute devant le personnel navigant commercial, est la dernière phrase prononcée par Dominique Strauss-Kahn avant d'être invité par deux policiers à quitter le siège de la Business Class sur lequel il avait pris place pour se rendre à Paris. En effet, contrairement à ce qui a été dit, le type d'appareil, un Airbus A330-200, qui assure le vol de 16 h 40 au départ de l'aéroport Kennedy, n'est pas équipé sur Air France d'une classe First...].".

L’arrogance de DSK au moment de son arrestation confirme ce que nous savons tous déjà, même si nul n’ose le dire, dans un pays qui, contre tout bon sens, persiste à s’affirmer comme le pays des droits de l’homme. Les Etats-Unis sont une véritable et authentique démocratie ce que nous pouvons de moins en moins prétendre être.