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mercredi 11 mai 2011

De la Mémoire et de l’Histoire de l’Esclavage

Le 10 mai 2008, j’écoutais l’éternel Yvan Levaï vaticiner sur l’abolition de l’esclavage et citer tous ceux qui, en ce jour de commémoration, devaient prendre la parole dans cette célébration, du (désormais feu) Edouard Glissant à Françoise Vergés.

Sur France-Inter, cette intervention faisait suite à celle de la Gouverneure Générale du Canada, de passage en France pour les célébrations du 8 mai, mais qui profitait de la circonstance pour intervenir, en tant que « descendante d’esclave », puisqu’elle est noire et issue d’une famille haïtienne installée au Canada. La journaliste, dans son émotion et pour en rajouter un peu, de son cru, la présenta en affirmant que son grand-père était esclave, ce qui, dans le cas d’Haïti où l’esclavage a cessé dès 1804, me paraît chronologiquement très hardi pour ne pas dire hasardeux !

J’ai été plus amusé encore de l’intervention de Françoise Vergès et j’ai continué à l’être par sa conférence de presse du 3 mai 2011. Elle se présente souvent en tant que spécialiste de l’histoire de l’esclavage . Cette spécialisation est récente et ne date guère que de l’intérêt médiatique pour ces questions ; elle comporte quelques errances initiales, en particulier dans l’affaire Pétré-Grenouilleau, qui, lui, est un authentique historien de l’esclavage.

Dans les titres multiples dont fait état Françoise Vergès pour justifier ses interventions figure celui de « Présidente du Comité pour la Mémoire de l’Esclavage ».

Elle a en outre pour parler de l’esclavage un titre, dont par modestie sans doute, elle ne fait état nulle part. Loin d’être une descendante, fût-ce lointaine, d’esclaves réunionnais, ce que peut donner à penser sa physionomie quelque peu orientale, la seule véritable ascendance réunionnaise, dont elle puisse se flatter, n’est nullement du côté des esclaves, mais, bien au contraire, des profiteurs métropolitains ou, bien pire encore, des esclavagistes de la Réunion.

En effet, si sa grand-mère était indochinoise (son père est né au Siam en 1925 du fait des hasards des nominations dans la carrière de fonctionnaire colonial de son grand-père, Raymond Vergés), sa mère est une bonne métropolitaine de même que déjà son arrière grand-père, un modeste commis de marine métropolitain, Adolphe Vergès, venu à la Réunion et étant lui-même fils d’un militaire qui avait été en poste à Madagascar. Le grand-père de Françoise Vergès, Raymond Vergès, né à Saint Denis de la Réunion en 1882 et fondateur de la dynastie politique réunionnaise, avait été élevé surtout par sa grand-mère Marie Hermelinde Million des Marquets qu’avait épousé, en 1855, Adolphe Vergès.

Ces Million des Marquets possédaient une plantation d’une vingtaine d’hectares, à la Ravine Saint-Jean, à Saint-André, « quartier » où ils résidaient par ailleurs. Cette famille de planteurs était dans l’île depuis 1767 et elle se situait donc plutôt, on le devine déjà, du côté des esclavagistes que des esclaves.

Nous sommes naturellement parfaitement renseignés sur tout cela, en particulier, par les actes établis lors de l’abolition de l’esclavage en 1848 ; s’il avait été moins ignorant, le Parti Communiste Réunionnais de Paul Vergès (père de Françoise) aurait tout à fait pu, sans grand mal, faire disparaître ces papiers fâcheux des archives locales.

Le trisaïeul de Madame la Présidente du Comité pour la Mémoire de l’Esclavage, déjà « experte tranversale » lors des Etats Généraux des DOM, était un propriétaire d’esclaves ; elle se trouve donc être une descendante directe de « békés » réunionnais (même si ce terme est spécifiquement antillais) et même de colons esclavagistes. Elle n’y est naturellement pour rien, mais, dans sa position et vu ses propos, c’est un peu déconcertant voire comique !

Ses ancêtres Million des Marquets, pour en finir avec eux, possédaient donc, selon l’acte établi à Saint-André, en février 1848, « 121 esclaves dont 66 créoles, 12 malgaches, 39 mozambiques et 4 indiens ou malais ».

Voilà donc une femme que tout désigne pour parler, en conférence de presse parisienne, avec émotion et compétence, des horreurs et des séquelles de l’esclavage et de la colonisation

On pourrait dire aussi : « De l’avantage pour qui se dit historienne, d’ignorer sa propre histoire ! ».

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