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vendredi 13 mai 2011

En marge du 10 mai : esclavage et Shoah

Une fois de plus, notre presse nationale s’est montrée à la hauteur de sa réputation. Je ne me moquerai pas des pauvres journalistes chinois qui, s’ils ne prennent plus le Pirée pour un homme, comme le singe de la fable, puisqu’ils en sont désormais devenus propriétaires à la suite de la crise grecque, confondent cependant Le Havre et Nantes, comme le montre « FrenchNews.cn ». On y note en effet à propos du 10 mai : « Une cérémonie officielle se tiendra au Havre, ville située dans le nord-ouest de la France et ancien port négrier. Elle sera suivie d'une rencontre à 18h00 autour de dix ans de recherches historiques sur cet ancien port négrier, et du spectacle Roads to freedom en soirée du 10 mai ». J’espère que le pauvre Jean-Marc Ayrault n’a pas lu cet article !

Si les Français ignorent dit-on la géographie, ils ne connaissent guère mieux l’histoire et même la respectable AFP en a lâché une bien bonne, aussitôt reprise par toute la presse française à l’unisson derrière sa référence majeure :

On lit en dans AFP-DOM-TOM : « Nicolas Sarkozy a souligné mardi l’actualité du combat pour « l’émancipation jamais accomplie et toujours menacée » de l’Homme, en commémorant lors d’une cérémonie au jardin du Luxembourg l’abolition en 1848 de l’esclavage et de la traite négrière [souligné par moi] ».

Un journaliste, fût-il de l’AFP, ne peut certes pas tout savoir, mais il ne lui est pas interdit de s’informer et d’apprendre par là que la traite des esclaves a été interdite, au plan international, non pas en 1848 mais en 1815 par le Congrès de Vienne, tandis que l’esclavage a été aboli à des dates diférentes selon les pays (1835 pour la Grande-Bretagne, 1848 pour la France, etc.). C’est d’ailleurs ce décalage dans le temps entre les deux abolitions qui a conduit, des décennies durant, à favoriser la « traite interlope » puisqu’il a fallu continuer à alimenter en main d’oeuvre servile les colonies esclavagistes.

Sur le plan franco-français, on peut observer un changement de point de vue chez le Président de la république que certains n’ont pas manqué de souligner. En 2007, au cours de sa campagne, le candidat Nicolas Sarkozy avait témoigné beaucoup de réserves sur la question de la « repentance », thème qu’on retrouve dans nombre de ses discours d’alors « Vous en avez assez de la repentance. Vous en avez assez que l’on cherche à vous imposer d’avoir honte de la France, de son histoire, de ses valeurs » (28/03/07).« Ici, on n’aime pas la repentance, cette mode exécrable qui veut faire expier aux fils les fautes supposées de leurs pères. Ici on n’aime pas la repentance qui est un dénigrement systématique de la France et de son histoire. Je déteste cette repentance qui est une forme de la détestation de soi parce que l’on n’a qu’un pays. Le détester c’est se détester soi-même » (17/04/07).

Elu président, tout en nuançant le propos vu le lieu même de ses discours, à Alger comme à Dakar (juillet 2007), il ne manque pas de prendre de la distance vis-à-vis de cette même repentance, sans nier pour autant les ombres de la colonisation. Le point à observer ici est qu’entre temps, à peine élu (le 6 mai 2007), Nicolas Sarkozy a pris part, le 10 mai 2007, aux côtés de Jacques Chirac, dans les jardins du Luxembourg, à la commémoration de l’abolition de la traite et de l’esclavage. Il sera encore présent à cette commémoration en 2008 mais son absence y sera remarquée en 2009 et 2010.

Le voilà de retour au Luxembourg en 2011 et les commentaires n’ont pas manqué sur ce choix. Je n’en ferai point mais en revanche, je m’étonne du rapprochement fait entre l’esclavage et la Shoah dont j’ai peine à croire qu’il ait pu sortir de la plume d’Henri Guaino.

Je cite : « Pas plus que la mémoire humaine ne doit oublier la Shoah, elle ne doit oublier l’esclavage. Parce que l’une et l’autre expriment une leçon universelle » [...]. La plainte lugubre que le souvenir du sang, de la torture et des crimes fait jaillir des prisons de Gorée et des camps de la mort dit à chaque conscience humaine qu’elle se détruit elle-même lorsqu’elle consent à ce que des hommes deviennent des animaux domestiques ou des marchandises ».

L’allusion aux « prisons de Gorée » est ridicule (la « maison des esclaves » de Gorée est une totale imposture, même si on l’a fait visiter à Bill Clinton et au Pape !) mais le rapprochement avec les « camps de la mort » est carrément indécent! Si déplorable que soit l’esclavage, il est absurde de l’assimiler ainsi à une extermination ou à un génocide, ce que contredit d’ailleurs, dans la phrase suivante, l’assimilation des esclaves à des « marchandises ». Un commerçant ou un propriétaire ne détruisent pas des marchandises qui sont un capital ! Certes, il y eut, bien sûr, ici ou là, des possesseurs d’esclaves sadiques ou fous mais on ne peut pas en conclure que tous l’étaient, pas plus que les cas de parents tortionnaires ou incestueux ne conduisent à considérer comme tels tous les parents.

La prétention de certain(e)s de nos historien(ne)s de l’esclavage n’a guère d’égale que leur ignorance. Comme il faut bien rétablir un peu les faits historiques, je reprendrai, en les aménageant un peu, quelques posts que j’ai faits ailleurs, sur le même sujet que les circonstances imposent à nouveau.

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