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jeudi 26 mai 2011

Technique, mercantilisme, et écologie

Divers événements récents de la vie quotidienne m’ont conduit à prendre conscience de ce problème qui, je l'avoue, ne m’avait pas frappé jusqu'à présent, en dépit du grand nombre d'occasions où j'aurais pu faire ce type d’observations et de réflexion.

Nous savons tous que des appareils, dont nous usons quotidiennement (des machines à laver et des réfrigérateurs aux téléviseurs) qui, dans un passé récent, avaient toujours une durée de vie de quelques décennies, ont désormais une durée d’utilisation de cinq ans au mieux. On sait même que leurs fabricants font subir à leurs produits des tests de durabilité pour en limiter la durée d’usage. On fait ainsi en sorte que les portes des réfrigérateurs tombent au terme de ce délai, après 1283 fermetures et que les téléviseurs, comme les présidents de la république ne dépassent pas le quinquennat, mais, pour eux, sans possibilité de second mandat. Tout cela est bien connu ; c’est même là l’une des causes majeures de la gigantesque prolifération des déchets industriels dont on sait plus que faire et qui nous embarrasseront beaucoup quand les Indiens ou les Africains se seront lassés de nous permettre de nous en débarrasser chez eux et qu’ils en produiront eux-mêmes encore plus que nous.

La cause immédiate (comme disent les historiens) de ce blog tient à ce que j'ai récemment changé mon ordinateur qui, au terme de son quinquennat réglementaire, commençait à donner les signes de fatigue programmés par son constructeur.

Ma première sottise a été de vouloir « acheter français » (Buy French !).
Cet accès stupide de nationalisme commercial m'a conduit à commander par téléphone à Montpellier un Dell « haut de gamme » (2 giga de mémoire vive pour mon Dragon!) en croyant que cette marque dite française produisait en France, pour partie au moins, ses matériels. Je passe sur les détails de ma commande téléphonique, dont je me demande, après coup, si elle n'a pas été traitée par une plate-forme d'achat de Tunis ou de Marrakech ; je glisse aussi sur les divers inconvénients qui ont accompagné ou suivi cet achat.

Au reçu du matériel commandé, je me suis aperçu (mais j'aurais pu m’en douter) que tout avait été fabriqué en Chine, y compris les cartons d'emballage dudit matériel !
Je passe sur quelques améliorations de détail qu’on m’avait proposées et auxquelles, comme un imbécile que je suis, je me suis laissé prendre, du genre, par exemple, de la souris et du clavier sans fil. Je n'y avais pas songé mais mon vendeur maghrébin s'est bien entendu gardé de m’avertir, ce qui était l'évidence, que les dits objets fonctionnaient naturellement avec des piles jetables, ce qui offre l’avantage d’un motif supplémentaire de pannes et d'inconvénients.

Le pire de tout est toutefois le clavier. On en a sans doute confié l'élaboration à l’un de ces « designers » qui règnent désormais en maîtres sur tous nos produits ; il avait exercé là tous ses talents. Maudit clavier ! Il en a, à la fois, réduit la taille (la partie clavier est diminuée de 20%, ce qui fait que je tape toujours sur la touche voisine de celle que je crois solliciter) et surtout il a eu l'ingénieuse idée, sans doute pour l’esthétique, de mettre des touches noires sur lesquelles les lettres sont marquées en gris et cela dans un format qui est à peu près la moitié de celui des lettres de mon précédent clavier. Tout cela est fort élégant mais quasi inutilisable . Autant dire qu'on ne voit à peu près rien, mais, après tout, ce n'est pas très grave puisqu'on appuie à tout coup sur des touches qui ne sont pas celles que l'on voulait utiliser.

Je ne vous parle pas du nouveau logiciel qui mériterait des pages et des pages de commentaires ! Je suis passé de Windows XP à Windows 10 et tout a été changé (même mon Outlook devenu inutilisable comme, du même coup, mon carnet d’adresse et mes dossiers), dans des perspectives et avec des intentions qui demeurent mystérieuses pour l'infortuné utilisateur de base que je suis.

Je vais sans doute choquer quelques-uns de mes lecteurs en citant une de mes comparaisons favorites qui est la suivante : «Con comme un ingénieur !». Je pense qu'elle s'applique dans bon nombre de cas ; pas tous sans doute et j’ai quelques bons amis ingénieurs qui n'entrent pas du tout dans ce paradigme. Il me semble toutefois que certains ingénieurs en informatique, pour le coup, illustrent parfaitement la formule. Après tout, on ne se refait pas et le fait de ne pas savoir expliquer les choses n'est pas forcément un défaut majeur, sauf quand votre tâche est précisément de le faire. Je ne vais pas réitérer ici le coup de la sémiotique industrielle que j'ai déjà fait dans un ancien blog. L'incapacité de la plupart des techniciens à expliquer le fonctionnement des produits qu'ils ont pourtant eux-mêmes conçus et mis au point est assez remarquable. Ils sont comme ces vieux paysans qui, pour vous expliquer un chemin qu’ils prennent eux-mêmes, tous les jours, depuis soixante ans, font précéder leurs explications, aussi confuses que contradictoires, par un péremptoire « Vous pouvez pas vous tromper ! ».

En la circonstance, je crois, toutefois, que l'incapacité congénitale des techniciens à expliquer le mode d’usage de ce qu'ils ont produit, est moins important et décisif que le mercantilisme forcené et la cupidité sans limites des industriels qui les emploient. En effet, il est évident que l'acharnement à produire sans cesse de nouveaux outils ou à modifier le fonctionnement de ceux qui demeurent sur le marché ne tient nullement à la recherche d'une plus grande efficacité, mais tout simplement à la volonté de forcer à acheter de nouveaux produits des clients qui, pour la plupart, sont parfaitement satisfaits des anciens modèles dont ils usent.

Cette stratégie est si générale et si constante qu'il est inutile d'y insister. En revanche, je comprends mal (ou trop bien) que les écologistes, qui se livrent à des combats vains contre l'industrie nucléaire ou la prolifération automobile, ne songent pas un instant à combattre ce mercantilisme forcené qui produit sans cesse, sans le moindre intérêt réel, des appareils nouveaux qui deviennent aussitôt obsolètes, dont ne sait ensuite que faire et qui polluent le monde, de façon plus intense et plus générale encore, que les déchets nucléaires ou le CO2.

Le plus bel exemple, mais j'en ai déjà traité ici me semble-t-il, est celui de l’invention du siècle, les nouvelles ampoules électriques (six ou huit fois plus chères) pour lesquelles on organise une publicité parfaitement mensongère puisque, ni sur le plan de la production de lumière ni sur celui de la durée de vie, leurs caractéristiques réelles ne sont celles qu'on nous promet. Le pire de tout – et chacun le sait, même si nul ne le dit – est que ces ampoules sont une menace environnementale majeures car elles contiennent des produits (dont le mercure) dont tout le monde connaît la nocivité, mais dont nul ne sait comment se défaire. Bien sûr, il nous reste l'Asie et l'Afrique, mais il n'est pas sûr que leurs populations veuillent continuer à être les poubelles de notre monde occidental.

3 commentaires:

Marc a dit…

Mon cher Usbek

Ayant appartenu à la noble classe des ingénieurs informateux halakon, je souscris volontiers à votre billet d'humeur. Sauf que le problème n'est pas là et que d'autres que les Halakon leur demandent de moyenner en fonction des demandes ineptes et floues qu'on leur impose.

Les Halakon sont supposés détenir la quintessence du savoir pour tout ce qui touche à l'informat-digoulasse-qui t'nique, ce qui est généralement vrai pour le contenu mais certainement pas l'emballage.

J'ai toujours été frappé de l'mprécision des demandes de projets qui m'ont toujours été faites. J'ai toujours été sidéré que l'on demande à un jeunot sans expérience de maîtriser les règles d'ergonomie, économisant ainsi l'appel onéreux à des ergonomes, d'où la foultitude de sites mal branlés mais jolis à voir.

Allez sonder les marketteurs en folie qui raisonnent d'abord à base de business plan ciblant la fièvre con-somatrice.

Je suis comme vous victime des matos qui lâchent au bout de cinq petites années, d'autant que j'ai mis hier aux encombrants un petit télé, un lecteur de DCC (cassettes introuvables), un pc portable dont l'écran est HS (trop cher à réparer ...) et deux grands baffles à bout de course, le tout récupéré en moins d'une 1/2 heure par des pilleurs de métaux précieux ou, je l'espère par des fauchés bricoleurs.

Chez nous, tout achat de produit brun ou blanc est précédé par une étude de marché privilégiant la qualité et la robustesse aux aspects esthétiques et tendances. Un peu plus cher mais mon congélateur à Picard et nos voitures tiennent les 10 ans ....

Comme d'hab, le pas cher coûte très cher et les pauvres gens se font doublement entuber.

Anonyme a dit…

Cher Marc
Je n'espérais pas une réponse si rapide, si complète et si informée à ma provocation. Vos pillards récupèrent 50 grammes de cuivre ou de je ne sais quoi et foutent à la rivière dix kilos de merde. Bon bilan écologique. Usbek

Marc a dit…

Votre provocation a parfaitement fonctionné, ainsi que la mienne en retour semble-t-il.

Pour info, il y a près de 10 ans que l'on disait que si le prix des bagnoles avait suivi la loi de Moore de l'informatique, une Rolls devrait coûter le prix d'une boîte d'allumettes.

On peut, et on devrait, interdire la fabrication d'appareils dont la fin de vie est programmée. Problème, cela aurait une répercussion fantastique sur les prix et le pouvoir d'achat. Et un peu sur l'emploi ..

On peut également, et il serait urgent de le faire, imposer des filières de recyclage plutôt que de compter sur des industriels opportunistes incompétents. Tous les produits blancs et bruns sont recycles à l'infini, les gaz dangereux et autres mercures étant clairement identifiés.

Le bilan écologique pourrait donc devenir rapidement infime .... si nos gouvernants disposaient de la volonté et des cojones nécessaires pour l'imposer.

Je pourrais également parler de recyclage de matériel informatique obsolète dans les pays pauvres. J'ai participé à un projet devant équiper près de 10.000 villages de l'ex-AOF supposé gérer les approvisionnements et les stocks locaux, le tout basé sur un système de micro-crédit. Des association reconditionnent un poste de travail (PC et laser) pour ... 150€ logiciel libre configuré. Sauf que cela ne sert à rien si la banque mondiale ou africaine ne finance pas et n'exerce pas un contrôle intransigeant sur l'utilisation des prêts ....

On peut tout faire, suffit de le vouloir et de s'en donner les moyens.

Cordialement