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jeudi 5 mai 2011

Un point d'ethnographie française : éléments de l’identité nationale

Délaissant pour aujourd'hui l'international qui est de plus en plus confus, entre les lendemains qui ne chantent pas comme en Côte d’Ivoire, en Haïti, en Tunisie, en Égypte ou en Syrie et les marécages des versions successives, contradictoires et par là clairement mensongères dans lesquelles leurs propagandistes s'empêtrent de plus en plus, j’aborde un point, mineur j'en conviens, de notre ethnographie française qui me paraît un élément constitutif quoique ignoré de notre identité nationale.

Dans la culture française, on note, en effet, deux sujets que nul ne semble jamais vouloir aborder en public : le salaire et l’âge Le second point concerne surtout les femmes, mais nombre d'hommes les rejoignent sur ce point, surtout précisément à partir d’un certain âge, quand leur apparence même devrait les détourner au contraire de si pitoyables coquetteries ; le premier, en revanche, concerne de façon égale les deux sexes.

Je ne vous ferai pas le coup, un peu cuistre, du protestantisme, avec référénce à Luther et à Max Weber ; on connaît l’explication sociologique de nos différences avec les Américains (qui avancent volontiers leur salaire ou leur fortune comme éléments de leur identité) pour ce qui concerne le rapport à l’argent, qu’entoure, chez nous, une forme de tabou linguistique hérité, dit-on, du catholicisme.

Je me bornerai ici à vous signaler un lieu pas toujours fréquentable, mais où l’on peut aisément faire des observations parlantes sur ce sujet. Il s’agit de l'émission nommée « Les grandes gueules » sur RMC. En effet, à un moment donné de cette production, la tradition veut que l'on demande publiquement à la personne reçue (homme ou femme généralement connu(e)) de résumer sa carte d’identité (date et lieu de naissance, état-civil, profession des parents, etc) et, surtout, d'indiquer ses revenus.

Les comportements de chacun en cette circonstance sont amusants à observer, quoique les invités que l’on interroge soient naturellement, tous et toujours, prévenus de la chose et aient dû se préparer à ces questions.

Pour les hommes, indiquer sa date de naissance ne pose, en général, pas de problème ; en revanche, il en est tout autrement pour les femmes qui souvent commencent alors à minauder, de façon à éviter une question à laquelle elles ne souhaitent pas répondre. Cette attitude est désormais assez étrange puisque, avec Google, Wikipedia et tous les moyens d'information dont nous disposons, il n'est guère de personnage public (c'est dans cette catégorie que se situent la plupart des invités) dont on ne puisse savoir très facilement la date de naissance. Passons sur ce point qui est mineur et sur les conduites d’évitement mises en oeuvre qui sont, somme toute, innocentes.

Il en est tout autrement pour ce qui concerne les revenus. Certains s'en tirent sans trop de problèmes quand ils ont des professions dans lesquelles les revenus peuvent, en effet, être variables selon les années ; en revanche il en est tout autrement quand il s'agit d'invités dont les revenus, avoués au moins, sont inévitablement à la fois relativement fixes et connus. Je laisse de côté ceux qui feignent de ne pas savoir exactement ce qu'ils gagnent (heureux témoins !) et qui en général résistent, sans trop de mal, aux questions de l'intervieweur. Sa curiosité est d’ailleurs très limitée car, « dans notre culture », il serait inconvenant d’insister et il semble généralement légitime de refuser de répondre sur ce point.

Prenons toutefois quatre cas que j'ai par hasard entendus récemment et pour lesquels j'ai retenu les chiffres avancés ; il s'agissait de messieurs Vaillant Daniel (député socialiste et maire du 18e arrondissement de Paris), Christian Estrosi, député et maire UMP de Nice, Jacques Toubon, homme politique en retraite et présentement, sans rémunération, à la tête de je ne sais quelle institution pour lui trouver, sinon un emploi, du moins une position et, aujourd’hui même 5 mai 2011, de Xavier Cantat (Europe-Ecologie-les-Verts), adjoint au maire de Villeneuve-Saint-Georges.

Interrogé sur ses revenus, le premier, D. Vaillant, à déclaré 5000 € mensuels net après impôts ; le second 8000 euros et l'avant-dernier 9000. Ne chicanons pas sur les centaines et examinons ces chiffres.

Les déclarations de Christian Estrosi et de D. Vaillant, très différentes, (5000 et 8000 euros), devaient pourtant être voisines puisque l’un et l’autre sont députés-maires (Nice et Paris XVIIIe). Il est donc clair que l’un des deux n’a pas donné le vrai chiffre. De toute évidence, Daniel Vaillant n'est pas très attentif à ses feuilles de paye et à la rédaction de sa déclaration d'impôts, car, en tant que parlementaire et maire, il a probablement une rémunération du même ordre que celle de C. Estrosi (je ne parle pas des à-côtés éventuels) puisque les règles sur le cumul des mandats font qu’un tel cumul est plafonné à 1,5 fois l'indemnité parlementaire, c'est-à-dire un peu plus de 8.000 euros, quel que soit le montant de l’indemnité municipale. Une telle ruse est un peu puérile, puisque cette règle, comme le montant de l’indemnité parlementaire, est parfaitement connue. En cette période de déclaration d'impôts, il faudrait absolument suggérer à Daniel Vaillant de revoir ce chiffre car il risque d'avoir des problèmes avec le fisc ! Espérons pour lui que son inspecteur des impôts n’écoute pas RMC.

Jacques Toubon n’a pas triché ; ses deux retraites (la première du Conseil d’Etat où il n’a pas dû aller beaucoup ni souvent au cours de sa vie politique et la seconde sa retraite de parlementaire) lui assurent l’équivalent d’un très confortable salaire qu’il a le rare mérite de ne pas cacher.

Le dernier invité, Xavier Cantat, (le frère de l’autre !), adjoint au maire de Villeneuve-Saint-Georges, doit plutôt son invitation à RMC au livre qu’il a publié sur son frère (le chanteur naguère condamné pour le meurtre de Marie Trintignant) qu’à sa carrière politique, encore modeste après un échec aux cantonales. Interrogé sur ses revenus (droits d’auteur ?), il ne parle que de son indemnité d’adjoint au maire (1200 euros), pour en souligner longuement la modicité. Ce jeune homme a encore beaucoup à apprendre sur le plan de la communication politique, car il ne prendra conscience qu’à la fin de la conversation que cette si modeste indemnité, fort heureusement pour lui complémentaire (mais on ne sait pas à quoi), équivaut, en fait, au SMIC de beaucoup de travailleurs et à la moyenne des retraites perçues en France !

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