Je n’ai guère changé d’avis, loin de là, depuis cette époque et c’est la lecture du Nouvelliste, le quotidien de Port-au-Prince, qui m’a remis à l’esprit cette question. En Haïti, en effet, autour du thème « Mieux vivre dans les communautés rurales grâce aux technologies de l'information et de la communication (TIC) », s’est tenue, les 17 et 18 mai 2011, une conférence du Groupe d'épanouissement social, technique et éducatif (GESTE) à l’occasion de la Journée mondiale des technologies de l'information et de la communication (TIC). Ce « e-jour », on va le voir, ressemble fort à un « hi-han », à moins que ce ne soit à un « e-commerce », comme c’est souvent le cas.
Le cas d’Haïti est assurément exemplaire mais les situations sont, en fait, quasi identiques dans nombre d’Etats africains. Naturellement cet événement a suscité plusieurs articles dans le Nouvelliste. Ils contiennent des informations précises et utiles, quoique souvent triviales, que je cite ici par honnêteté, mais qui sont aussi, pour partie, contradictoires comme on pourra le constater.
Le constat majeur de Gérard Jeanty Junior (19/05/2011) est celui de la forte baisse des prix, mais l’effet bénéfique d’une telle donnée est aussitôt annulé quand on prend en compte le niveau de vie très bas des utilisateurs potentiels du Sud :
« La baisse générale des prix des services fixes large bande s'explique essentiellement par la baisse des prix dans les pays en développement où les prix du large bande fixe ont chuté de 52% contre 35% dans les pays développés. Toutefois, il est à noter que cette forte baisse des prix est souvent à mettre en regard du coût extrêmement élevé du large bande dans les pays en développement. Même si ce prix a diminué de moitié, le service reste souvent hors de portée de l'homme de la rue ».
Précisons un peu : « Les habitants de 31 pays - tous des pays hautement industrialisés - ne paient que l'équivalent de 1% ou moins du RNB moyen par habitant pour une connexion large bande de base.
Dans 32 pays toutefois, le prix mensuel d'un abonnement pour une connexion large bande fixe de base représente plus de la moitié du revenu mensuel moyen. Dans 19 de ces pays, une connexion large bande coûte plus de 100% du RNB moyen mensuel par habitant et dans une poignée de pays en développement, le prix mensueI d'une connexion Internet haut débit représente encore plus de 10 fois le revenu mensuel moyen […]. Le taux de pénétration du large bande et le nombre d'internautes dans ces pays restent extrêmement faibles.
[…]. L'Afrique continue de se démarquer pour ses prix relativement élevés. Les prix de l'accès à l'Internet large bande en particulier restent prohibitifs et, pour l'ensemble de la région, représentent encore près de trois fois le revenu mensuel moyen par habitant. Seul un habitant sur 10 utilise l'Internet en Afrique ». (Source UIT).
En dépit de cette situation dont le constat de base est identique, quelles que soient les sources consultées, le ton général de la réunion du GESTE en Haïti est très optimiste : « Une bonne utilisation des technologies de l'information et de la communication (TIC) dans les communautés rurales pourrait contribuer à une amélioration des vies dans le milieu, si l'on se réfère aux propos de l'ingénieur Jimmy Aurelus, président du Groupe d'épanouissement social, technique et éducatif ».
L'un des conférenciers est intervenu sur les enjeux et les avantages de l'utilisation du téléphone mobile. On ne sait hélas ni son nom ni sa nationalité mais, de toute évidence, non seulement il ignore tout des réalités haïtiennes, mais en outre, durant son séjour, il n’a guère dû quitter l’Hôtel Montana ou le Club Indigo (je ne sais pas où s’est tenue la réunion en cause) ; il a en effet oser déclarer : « L'éducation devrait constituer la pierre fondamentale de la reconstruction et avec l'aide de l'internet (E-Learning), il est possible de former les jeunes évoluant dans les communautés rurales. L'apprentissage à l'aide de l'internet se fait à distance et est moins coûteux que celui qui se fait traditionnellement. Avec l'apprentissage à distance, les jeunes vivant dans le milieu rural, n'auront pas besoin de quitter leur communauté pour aller étudier dans les villes ».
Comment peut-on oser dire pareilles stupidités dans un pays qui se trouve dans l’état où se trouve Haïti, sans que les Haïtiens présents n’interrompent un propos aussi clairement débile et sans que l’auteur de l’article du Nouvelliste n’en stigmatise le caractère follement et dangereusement irréaliste !
En fait, comme on peut aisément l’imaginer la plupart de ces propos ne sont que le masque technico-humanitaire de visée mercantiles qui ignorent évidemment tout des réalités haïtiennes et ne visent qu’à tirer un profit maximum, soit financier soit idéologique, des opportunités que pourraient offrir la coopération et l’assistance internationale.
On se souvient peut-être que naguère, on s’était amusé à calculer ce que chaque coopération nationale récupérait, finalement, à travers la vente des matériels et la rémunération des agents, des sommes qu’elle avait elle-même allouées. Sauf erreur de ma part, c’était je crois, la coopération suisse qui atteignait dans ce domaine le pourcentage le plus élevé.
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