En écrivant le titre de ce blog, j'en perçois aussitôt le caractère inadéquat. Je devrais plutôt dire en effet « Pauvre édition française. » car la littérature, fort heureusement n'est pas en cause ici comme on va le voir !
Il y a toujours eu un considérable écart entre la littérature et l'édition, surtout en France, et il n'a fait que croître durant les dernières décennies. Il serait facile d'en multiplier les exemples ; chacun sait bien qu'un roman écrit ou en tout cas "signé" par Zinedine Zidane (naturellement rédigé par un nègre) serait accepté immédiatement par les éditeurs français qui se disputeraient même l'honneur et le privilège de le publier. On a eu une preuve amusante de la chose quand, suite à la publication d'un roman par Claire Chazal, des farceurs se sont amusés à le reproduire intégralement en n'en changeant que le titre et les noms des personnages, avant de se voir refuser le tapuscrit par des éditeurs qui ne s'aperçurent d'ailleurs en aucune façon de la supercherie. C'est, en matière littéraire mais avec moins de succès, une facétie du genre de celle qu'avait imaginée Roland Dorgelès faisant exposer, sous le nom de Boronali (anagramme insoupçonnée d'Aliboron) un tableau "Coucher de soleil sur l'Adriatique" qu'il avait fait peindre par un âne avec sa queue.
La publication du livre de Tristane Banon (que j'entendais présenter ce matin comme une "écrivaine" et non comme une journaliste) confirme l'abîme qui existe entre l'édition et la littérature tout en jetant aussi une ombre fâcheuse sur la décision de cette jeune femme de porter plainte contre DSK. Ce qui pouvait apparaître comme une prise de décision tardive suite à l'agression dont elle se dit victime, n'est donc, en fait, qu'une simple opération commerciale de lancement d'un livre qui, sans cela, serait sans doute passé totalement inaperçu. Merci DSK !
Il faut dire que les médias y sont aussi pour beaucoup, surtout lorsque, dans des émissions non littéraires, l'un ou l'autre des chroniqueurs s'avise de dire quelques mots sur un livre ; je ne pense pas ici, je le répète, aux émissions spécialisées dont les responsables sont infiniment plus sérieux et lisent les livres mais ont aussi, du fait de leurs relations particulières avec les éditeurs, des motivations différentes. Ce matin encore, le hasard, toujours malicieux, m'a fait entendre Valéry Giscard d'Estaing interviewé par Nigaud Aliagas (sur Europe 1 dans l'émission du matin).
Les choses ont bien commencé, puisque une fois les salutations échangées, Nigaud a d'emblée attaqué par une erreur sur le titre même du livre, ce qui montre bien que non seulement, comme la suite le montre, il n'avait pas lu le livre mais n'en n'avait même pas regardé la couverture. Il a en effet dit, en commençant, que le roman s'intitulait "Mathilde", obligeant l'auteur à intervenir pour signaler que le vrai titre est Mathilda ; la chose est sans importance mais tout à fait significative.
L'entretien a continué sur le même mode puisque la remarque suivante de Nigaud Aliagas a été que ce roman mettait en scène un vieux notaire, détail que Valéry Giscard d'Estaing a aussitôt corrigé, à nouveau, en soulignant que le notaire en question est en fait jeune (35 ans) !
Avec une ruse que connaissent tous ceux qui sont amenés à faire croire qu'ils ont lu des textes alors qu'ils ne l'ont pas fait, après ses deux bourdes liminaires, Nigaud Aliagas, sans avoir lu le reste, a cité et commenté une page précise (la page 68), choisie au hasard on l'espère, où il avait relevé la phrase suivante "Il n'avait pas dit un mot de tendresse avant de la violer ». Passons sur la platitude de l'écriture! Un mot d'explication est toutefois nécessaire ici le roman se passant en Namibie ; l'épisode central en est le viol de Matilda, une blanche, par un ouvrier noir de sa plantation. La phrase citée elle-même est sans le moindre intérêt (en Afrique ou ailleurs, il est très rare qu'un viol s'inscrive dans une relation de tendresse) mais elle le devient, dès que l'on sait qu'elle témoigne, selon Valéry Giscard d'Estaing lui-même, de son intérêt nouveau pour la psychologie africaine !
Au fait, j'y pense soudain, Valéry Giscard d'Estaing n'est-il pas membre de l'Académie française ? À mon avis il devrait suivre le conseil de Boileau : "Imite de Conrart le silence prudent !".
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