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mercredi 30 avril 2014

France Université Numérique (Fin)

Je ne vais naturellement pas reprendre dans cette conclusion ce que j'ai déjà dit ; je ne ferai que souligner ici le caractère à la fois étrange et habituel d'un tel projet.
Comme partout et toujours, nous nous efforçons de faire ce que font ou ont fait les Américains ; comme d’habitude, nous le faisons avec une dizaine d'années de retard et, pire,  souvent même au moment où ils abandonnent eux-mêmes la stratégie que nous leur empruntons.
L'impression que j'ai et que j'exprimais déjà, est que les fameux « moocs », puisqu’il faut bien les appeler ainsi car nous n’avons même pas été capables, en dépit de nos commissions de terminologies multiples, de leur imaginer un nom, ont été utilisés par les grandes universités américaines, qui sont à l’origine de cette mode, pour se faire une publicité gratuite dont elles ne semblent pourtant avoir aucun besoin, puisqu'elles refusent, chaque année, des milliers de candidats prêts à payer les droits d'inscription faramineux qu'elles exigent. Elles cherchaient sans doute plutôt par là à soigner leur image pieuse, grâce à une publicité peu coûteuse, en donnant l'impression fallacieuse d’ouvrir à tous un accès gratuit à leurs enseignements. On a vu qu'il n'en est rien et qu'en réalité, si des cours peuvent être mis sans problème à la disposition de quiconque, on continue à vendre, et fort cher, les diplômes eux-mêmes. Une récente étude dont j'ai entendu parler, sans la lire ni même en avoir la référence, démontre d'ailleurs que 90 ou 95 % des gens qui, à un moment ou à  un autre, suivent ces enseignements sur les moocs, abandonnent et que ceux ou celles qui veulent continuer finissent par s'inscrire à des filières payantes pour valider leur formation.
Nous reviendrons dans la suite aux intentions, probablement cachées, qu'il y a dans le projet français et dont il n'est même pas sûr que Madame Fioraso soit elle-même consciente ( limitation de l’entrée à université de tous les bacheliers, les mauvais n’auront qu’à aller dans les moocs …s’ils savent lire ; majoration des droits d’inscription, etc. J’y reviendrai).
Les moocs ne sont donc nullement une « révolution » dans l'enseignement supérieur où existe depuis toujours un « télé-enseignement » ; à cet égard, il est amusant de voir, côte à côte, dans le site du CNAM, sur la même page, une publicité pour les cours télévisés du CNAM qui existent depuis 1963 et dont le CNAM revendique même l’invention et l’annonce de quatre cours de son mooc, dont les inscriptions sont annoncées comme « terminées », ce qui conduit à s’interroger sur la formule elle-même!
Les moocs sont en outre très loin d'être la réponse aux problèmes qui se posent dans nos universités. Pour plus de détails, je renvoie à mon récent livre Université : l’impossible réforme. Edgar, Valérie, Geneviève et les autres… ( Paris , l’Harmattan, 183 pages, 2013).
On verra sans doute rapidement disparaître la plupart de ces moocs, dont on commence à discuter la place et le mode de prise en compte dans le « service » des enseignants ; il serait intéressant de voir, de plus près, quels sont ceux des étudiants qui en ont tiré quelque chose de réel et comment se fait la validation. Il est un peu étonnant, à cet égard, de voir déjà de prétendus « experts » (en quoi ?) offrie leurs services pour calculer tout cela.
On peut d'ailleurs constater déjà que la vogue des moocs est sur le déclin ; ces derniers sont dorénavant plus ou moins concurrencés sinon remplacés par les « coocs », qui sont des moocs mis en place par les entreprises pour leurs collaborateurs, leurs partenaires ou leurs clients. En février 2014, Orange par exemple a lancé sa « plate-forme de cours en ligne pour les entreprise » dont le premier cours portait sur une « initiation au monde numérique » ! Avec la modestie, naturelle et constante dans les entreprises françaises, Orange prévoyait des millions d'inscrits ici quelques années.
Le programme FUN lancé à grand fracas en octobre 2013 par G. Fioraso et qui est décrit, comme on l’a vu, dans le site officiel du gouvernement français, répond sans doute à plusieurs motivations dont l’une, très générale, est la découverte du « numérique » par la rue de Grenelle ! Aimez-vous le numérique ? On en a mis partout ! Le numérique et les TIC sont à la fois la panacée et la pierre philosophale ! L'une des motivations est, on l’a vu, qui sert de prétexte en tout cas, est l’imitation d’un système américain qui, aux Etats-Unis, existe déjà comme je le dis, à d’autres fins, depuis une bonne quinzaine d'années. Sur la question de l'enseignement à distance, les États-Unis eux-mêmes ont été largement précédés d’ailleurs par d'autres Etats, où l'étendue même et la démographie rendaient bien avant la chose indispensable comme le Canada ou l'Australie.
Le problème est celui de la validation des enseignements ainsi dispensés à distance ; j’ai déjà fait allusion à l'expérience que nous avons conduite à Aix-en-Provence, à la fin des années 90, avec Louis-Jean Calvet et quelques collègues, dans le cadre d'un DESS de « coopération linguistique et éducative ». Il comportait deux filières, l’une dite « présentielle », l'autre sous forme d'un « cyber-enseignement » ; ce dernier avait été rendu indispensable par le fait que les inscrits étaient dispersés à travers le monde dans les instituts ou centres culturels français et avaient tous accès à l’internet. Il ne s'agissait donc pas en fait de simples cours en ligne, puisque dans les facultés de lettres en tout cas, l'usage n'est pas de faire des cours écrits ou dictés. Le travail des étudiants inscrits était de faire un mémoire, sur un sujet concernant souvent l'Etat où ils se trouvaient ; le cours comportait donc à la fois un exposé général de la problématique du DESS mais, surtout et aussi, des documents pertinents indispensables qui n'étaient pas toujours accessibles en Albanie, au Liban ou au Venezuela. (À cette époque, il était beaucoup moins facile qu'aujourd'hui d'avoir accès à des sources bibliographiques sur Internet). Le but était de donner à la fois aux étudiants les outils problématiques et la matière documentaire dont ils pourraient avoir besoin pour leur mémoire (à titre indicatif, le cours que je faisais dans ce cadre sur internet, comportait 600 pages !). Il fallait donc pour ce type d’enseignement (nullement destiné à tous mais réservé à des étudiants de bac + 5) une définition précise du public visé, les soutenances, précédées d’uns session d’enseignement finale, se faisant à Paris en fin d’année.
Au-delà de l'effet de mode (les modes passent aussi vite qu’elles sont apparues), je m'interroge sur les causes réelles de cette opération FUN qui demeure extrêmement modeste et sans réelles perspectives ; elle n'est même pas originale puisque toutes les universités disposent de services de télé-enseignement, sans parler du dispositif national.
Ne viserait-on pas, en réalité, à apporter un concours, plus illusoire que réel, à la politique générale de réduction des dépenses dans l'enseignement supérieur, en ayant l’air de donner une issue de secours convenable à la masse des étudiants qui sont inscrits à l'université sans jamais y mettre les pieds ! Il y a là une illusion de plus, car la grande masse de ces étudiants fantômes ne s'inscrivent nullement en fac pour bénéficier d'un enseignement quelconque (la preuve en est qu'ils ne viennent pas aux cours), mais simplement pour bénéficier des avantages liés à l'inscription en université (bourses, aides diverses, carte de séjour pour les étrangers, sécurité sociale, réduction au cinéma et tarifs réduits en divers lieux, etc.). Si c'est un public désireux d'une formation générale dans quelque domaine que ce soit qu’on vise, le modèle est alors celui de France Culture ; on pourrait tout à fait ajouter aux émissions qui y remplissent déjà cette fonction, d'autres émissions plus spécialisées, en créant peut-être alors un vrai « France Culture universitaire ». Le coût d’un tel projet, « centralisé »,  serait moindre que celui de cent moocs et il aurait au moins le mérite de la franchise et peut-être de l'efficacité.
J'ai déjà essayé de montrer, dans des blogs comme dans mon livre, comment une politique universitaire, sans projet et sans boussole, a conduit depuis trente ans à des erreurs dont l’une des plus évidentes était la multiplication même des universités, dont le nombre a plus que quintuplé et dont les implantations ont été des plus curieuses, car elle ne répondait guère qu'à des projets politiques de ministres, de maires ou de conseils généraux. L'incapacité à gérer réellement la carte universitaire la France avec quelque bon sens n'a fait que rajouter aux conséquences financières désastreuses de cette démagogie politique stupide. Comme toujours, on est passé d'un extrême à l'autre, et les contraintes financières actuelles amènent à des réductions de budgets qui mettent nombre d'universités au bord de l'immobilisme, voire de la faillite. Ce ne sont assurément pas les moocs qui permettront de sortir de cette ornière universitaire.

mardi 29 avril 2014

France Université Numérique (Suite)





Pressé par le temps hier matin, j’ai donné, par erreur, le deuxième texte que j’avais écrit sur le sujet et non le premier que je reproduis ici en vous présentant mes plus plates excuses ; j’aurais pu ne pas le faire mais il contient des informations utiles et surtout exactes, en particulier sur la chronologie et l’histoire américaine des « moocs ». Le blog présent contient donc mes trois textes dans le bon ordre. Je prie donc encore une fois mes éventuels lecteurs de m’excuser.

Université : enfin une réforme démocratique et nul n'en parle... (7 octobre 2013)
Grande nouvelle en ce jeudi 3 octobre 2013, sur tous les médias. Geneviève Fioraso, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche (sans oublier l'espace !) a présenté son projet France Université Numérique, dont l'objectif est de mettre, d'ici 2017, 20 % des cours universitaires en ligne.
Notre ministre, qui prêche pourtant si bien en faveur de la place de l'anglais dans nos universités, n'a sans doute pas pris garde que l'acronyme choisi pour France Université Numérique qui est FUN, est parfaitement adapté au comique de cette prétendue innovation, mais risque d'entraîner de fort mauvais jeux de mots dans le monde anglophone qui ne manquera pas, lui, de trouver ce projet "funny" (à l'intention du cabinet de la ministre = drôle, comique, curieux) !
Son argumentaire fait état du retard que nous avons dans ce domaine, alors qu'aux États-Unis près de huit universités sur dix, y compris les plus prestigieuses comme Harvard, Stanford ou le MIT offre « ce service gratuit aux étudiants ou à des auditeurs libres partout dans le monde ». C'est bien plus que du retard comme on va le voir et surtout on n'a pas compris grand chose au système en cause !
Pour lancer ce mouvement en France, la ministre va créer une plate-forme nationale dotée de 12 millions d'euros qui proposera dans un premier temps une vingtaine de cours accessibles dès janvier avec la collaboration de diverses universités aux grandes écoles. Soit !
Il est fâcheux que ce qui est une grande nouvelle pour les penseurs du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'espace soit, aux yeux d'un pauvre diable comme moi, une vieillerie. J'ai entendu parler aux États-Unis de tels projets depuis une bonne grosse douzaine d'années ; je n'ai pas fait de recherche particulière sur la question mais, sauf erreur de ma part et à en croire mes souvenirs, c'est le Massachusetts Institute of Technology, le MIT qui, dès 2001, en tout cas, a été la première université américaine à offrir un nombre important de ses cours, même si, déjà auparavant, le MIT avait commencé ce type d'offre. et proposait une partie de ses enseignements en ligne
L'opération Open Course Ware (OCW) y a été lancée en 2001, en tout cas, avec la mise en ligne de 50 cours ; une grande majorité des 940 professeurs du MIT a accepté le principe (et a participé au projet, sans rémunération supplémentaire) de partager dans un tel cadre, recherche, pédagogie et connaissance. Depuis 2006, plus de 1500 cours sont disponibles en ligne et le site reçoit 1,5 million de visites mensuelles du monde entier, dont 60 % sont des consultations extérieures aux États-Unis. La majorité des cours est en PDF, mais on trouve aussi des fichiers audio et des cours en vidéo.
C'est là où nous touchons le point le plus important de cette affaire qui, comme toujours, est totalement ignoré de nos organes d'information et dont nul n'a parlé.
Au moment où j'ai appris l'existence de ce système (j'étais alors aux États-Unis et c'était il y a une bonne douzaine d'années), je me suis étonné de la générosité peu courante de cette université américaine qui allait fatalement en entraîner beaucoup d'autres derrière elle.
On m'a rapidement fait comprendre mon erreur ; si tous ces cours sont disponibles sur Internet, gratuitement et sans aucune limitation, les études récentes sur leur public montrent qu'il est très rare que suivre ces cours conduise à se voir délivrer un diplôme ! L'astuce consiste en effet à mettre ces cours gratuitement sur Internet, mais à continuer, en quelque sorte, à les FAIRE PAYER aux candidats éventuels à travers la délivrance d'un diplôme, qui suppose naturellement une inscription à l'université qui, pour les cours suivis par des étudiants du MIT, se situe, "à la louche" aux environs de 25.000 € pour une année.
Le MIT lui-même signale ce détail, sans le souligner toutefois dans une perspective trop mercantile, en précisant que l'OCW n'a, en aucun cas, pour but de remplacer les études universitaires classiques, mais de « fournir du matériel gratuit pour les enseignants, les étudiants et les autodidactes du monde entier ». Ben voyons ! On ajoute même, en prenant une pause avantageuse, que la « principale valeur [au MIT], c'est l'expérience humaine ». On s'en doutait !
Je n'insisterai pas davantage sur le caractère quelque peu désopilant ("funny" non ?) de cette tardive mais soudaine découverte faite par notre MRES, ni sur le choix douteux de l'acronyme qui désigne cette opération inspirée par les USA!
En réalité, dans certains secteurs universitaires, l'expérience a même commencé, sans tapage, faute de mieux et surtout par nécessité. Avec L-J Calvet, j'ai proposé, à Aix-en-Provence, il y a près de quinze ans, un "cyber -enseignement" (qui n'était pas un simple télé-enseignement) pour un DESS de "Coopération linguistique et éducative", en parallèle avec un enseignement présentiel du même diplôme.
Tout autre cas ; selon certains bruits qui me reviennent, en première année de médecine, à Tours par exemple, les cours en amphi ont été remplacés par des mises à disposition, en vidéo ou sur Internet, de ces enseignements dans la mesure où les étudiants, recalés l'année précédente, viennent perturber les cours donnés en amphi aux nouveaux étudiants de première année pour empêcher la concurrence ; on a donc choisi cette solution pour éviter les chahuts qui étaient régulièrement organisés. Ce détail concerne les premières années, mais, dans les années suivantes, à Marseille par exemple, dans les mêmes enseignements de médecine, les étudiants choisissent souvent de ne pas assister aux cours, puisque ils sont souvent rendus accessibles en DVD sous leur forme la plus littérale 
Je ne vais pas une fois de plus tirer sur les ambulances, mais fournir, bien au contraire des "éléments de langage" à un ministère qui en semble singulièrement dépourvu.
On pourrait en effet souligner toute la différence avec le système américain au lieu d'en faire sans cesse un modèle. Ce système américain, que j'ai illustré par le cas du MIT, n'est en rien démocratique et ouvert puisque, en fait, si on veut un diplôme, il faut payer, et même très cher, l'enseignement sur Internet à travers les moocs, comme on le payerait en enseignement présentiel et surtout au même tarif. En France, au contraire, il y a une vraie perspective, de gauche si l'on veut, avec une vraie démocratisation par cette voie.
L'enseignement universitaire est, en effet, en France, pratiquement gratuit, vu la modicité des coûts réels d'inscription aux cours comme aux examens, qui ne s'élèvent guère au-delà de 200 € par an! Mieux même ; beaucoup d'étudiants qui travaillent (à condition que ce ne soit pas "au noir" comme c'est souvent malheureusement le cas) sont même déjà affiliés à la sécurité sociale et un tel enseignement leur évitera même de prendre une nouvelle inscription à la sécu étudiante, et ils pourront travailler sans souci des horaires, dimanche ou pas !
A la différence du MIT et des autres universités américaines, la France est donc susceptible d'être un lieu d'expérience en ce domaine véritablement unique et innovant, par la gratuité totale des enseignements comme de la délivrance des diplômes.
Chère Madame Fioraso c'est sur ce point qu'il faudrait insister plutôt que sur le caractère prétendument novateur de cette nouvelle diffusion de l'enseignement universitaire.
Qu'est ce qu'on dit au monsieur ?
Post Scriptum : Je suis allé voir la présentation du programme de l'université numérique française. Je me suis trompé ; ce n'est pas FUNNY! C'est CONSTERNANT. J'y reviendrai demain . »


"FUN ou France Culture Universitaire ?
08 OCTOBRE 2013 |  PAR ROBERT CHAUDENSON
 La prétendue réforme de France Université Numérique (FUN)
 Avant même d'être consterné par la lecture de la présentation qui est faite de ce projet (exposé le 2 octobre 2013 par Mme G. Fioraso), qu'on trouve, dans le site officiel du gouvernement français, sous "France Université Numérique (avec tous les jeux de mots anglo-américains que recèle cet acronyme et dont je me demande ce que peuvent en penser nos amis québécois), je dois dire que je suis horripilé, encore un peu plus que d'habitude, par l'anglomanie stupide des rédacteurs d'un tel texte ; je n'en citerai qu'une phrase comme exemple : "Aujourd'hui les étudiants sont de la génération Y, couramment appelés « digital natives ». Ultra connectés, jonglant avec l'information, ils ont massivement contribué à introduire les nouvelles technologies dans l'enseignement supérieur"(2 octobre 2013).

Si l'on admet, comme la plupart des auteurs que la "génération Y" est née à la fin des années 70, elle est formée de gens dont on ne peut guère dire "ils ont massivement contribué à introduire les nouvelles technologies dans l'enseignement supérieur" puisque, dans une totale contradiction, ce même projet vise, au contraire, à donner enfin à ces technologies au sein de notre enseignement supérieur la place qu'elles n'y ont pas.

 Il faudrait tout de même savoir !

 Je ne vous parlerai même pas ici des MOOCs, (Massive Open Online Course) ces "plateformes interactives d'information sur les filières universitaires" qui pourraient tout aussi bien, et plus clairement, être des PIFU... mais MOOCs est tellement plus "in" et "fashion" ! Je ne comprends pas que la Délégation générale à la langue française et aux langues de France, comme nos multiples commissions de terminologie et le ministère de l'enseignement supérieur et la recherche acceptent pareilles entorses à l'utilisation du vocabulaire administratif français officiel qui, rappelons-le au passage, impose pour les messages électroniques le mot "courriel" et interdit l'usage d'"e-mail", qui est un attentat à la phonétique du français, comme le sont, à son lexique, les emplois constants, avec les sens fautifs qu'on leur donne, de "renseigner" (pour remplir), "initier" (pour commencer) ou "errement" (pour erreur).

 Mais laissons ces aspects lexicaux pour le fond du problème dont ces abominations révèlent d'ailleurs certains aspects.

 Il est en effet désormais clair pour moi que le projet FUN de Madame Fioraso (dans lequel elle n'est sans doute pour rien) fait clairement fausse route, ce que prouve la référence exclusive au modèle étasunien que le MRES connaît très mal, à moins que, par perversité (ce que supposent certains de mes commentateurs), on ne s'en serve comme d'un masque.

 Ma première remarque (mais je l'ai déjà faite hier et je passe donc rapidement, est qu'on nous présente comme une innovation révolutionnaire, une stratégie de diffusion de l'information et de la formation que les Américains utilisent depuis près de 15 ans (sans parler de l'Australie ou du Canada) comme je l'ai montré à propos de l'exemple du MIT . Tout cela existe d'ailleurs en France, ici ou là, depuis longtemps ; j'ai moi-même avec quelques collègues, dont L.-J. Calvet, mis en place, il y a quinze ans, un "cybercours" - (terme que le préfère à MOOC), pour un DESS de "coopération linguistique et éducative".

Dans mon précédent post sur cette question, j'ai fait apparaître surtout que cette mise en ligne de tous leurs cours par de nombreuses universités américaines était, en réalité, (ce qui échappe totalement au MRES) une forme simple, efficace et peu coûteuse de PUBLICITE. Ce type d'action ouvre, au mieux, sur une vague forme de certification, mais, en aucun cas, ne permet d'accéder aux diplômes délivrés par l''université, sans avoir auparavant "acheté" une inscription qui, aux États-Unis, coûte aux alentours de 25 000 à 30 000 € dans les grandes universités dont il est question.

Le modèle américain est donc pervers, si l'on y voit autre chose qu'un outil pratique, peu coûteux et efficace, de la culture scientifique au sens le plus large. A imiter servilement les MOOC américains, on ne prépare nullement une "université numérique", comme on le donne à croire, mais une sorte de France Culture universitaire, dont je ne conteste pas l'intérêt, mais qui existe en partie déjà dans certaines disciplines ; je pense ici aux cours de philosophie de Michel Onfray ou à certaines émissions de Finkielkraut et de quelques autres mais ce ne sont là, en rien, de VRAIES filières universitaires ouvrant sur des DIPLOMES qui dans le système français seraient déjà QUASI GRATUITS !

J'aurais pu faire avant ce que je n'ai fait qu'hier. Je suis allé, en effet, consulter le site de ce France Université Numérique et je suis consterné par ce que j'y ai lu, comme je l'ai déjà dit à propos de l'anglomanie. Je ne parle même pas du style abondamment métaphorique, avec, dès l'abord, une phrase comme « utiliser le numérique comme un véritable levier de transformation », comme si un levier pouvait servir à transformer quoi que ce soit ou la mention d'une "feuille de route [le sésame administratif universel] ambitieuse sur le numérique" alors que, manifestement, la réflexion, qui a présidé à tout cela, est des plus courtes, sinon nulle.

 Le projet ne concerne quasiment en rien les ETUDIANTS et les DIPLOMES, eux, ne sont même pas mentionnés. On peut le prouver ici par la simple mention d'une rubrique majeure du site qui s'intitule "En quoi ça me concerne" . Les quatre articles dont je reproduis le texte jusque dans sa typographie, sont :
1. JE VEUX SUIVRE UNE FORMATION mieux m'orienter avant d'entrer dans le supérieur,, améliorer la réussite de mes études ou accéder à la formation continue, valider les acquis et les compétences."
 Les points     2  JE SUIS UNE UNIVERSITE, JE SUIS UNE ENTREPRISE
                    3  JE SUIS UNE ENTREPRISE*
                    4  JE SUIS UN(E) ENSEIGNANT(E).
ne concernent pas la question des étudiants dont nous traitons. On constate que ne figurent pas ici les termes attendus "INSCRIPTIONS", "EXAMENS" et "DIPLOMES". Nous sommes donc bien dans le registre France Culture Universitaire et non pas dans une "université numérique".

En réalité, les étudiants sont, dans cette affaire, la cinquième roue de la charrette du FUN. Les éléments de "programmes" le confirment, s'il en est besoin. En fait, au lieu de mettre à disposition un vrai "cyber enseignement cohérent avec des filières précises sanctionnées, suite à des inscriptions réelles, mais quasi gratuites, par un examen et un diplôme", on fait, de bric et de broc, une espèce de salade composée culturelle où chacun, établissement ou individu, vient faire sa publicité, de l'université Joseph Fourier de Grenoble au CNAM de Paris qui, chacun le sait n'est d'ailleurs pas une université. L'attraction principale de cette prétendue université numérique sera, semble-t-il, Cédric Villani, une de nos médailles Fields, grand amateur de spectacle scientifique, qui viendra probablement donner ses enseignements au centre d'une araignée !

Tout cela a son intérêt voire son mérite, mais ce France Culture universitaire n'est en rien le projet universitaire démocratique et non mercantile (comme aux USA) qu'aurait pu imaginer un gouvernement de gauche.

Je constate d'ailleurs que, dans la première "action" (pour ne pas chercher plus loin), intitulée Dieu sait pourquoi "QuidQuam [avec un gros barbarisme mais on n'initie pas au latin dans les Moocs!] ? Eurêka !", destiné à la "vulgarisation scientifique" et aux lycéens qui, refusés dans les classes préparatoires scientifiques, iront peupler les premières années de SSM et de SNV, le responsable est un certain Daniel Hennequin ," chercheur au CNRS" (où, me semble-t-il, on n'enseigne guère !) et Maxime Beaugeois, "docteur en physique" (ce qui ne marque pas la moindre qualification à l'enseignement). De tels choix d'"enseignants" suscitent de ma part une interrogation : les universités ne sont-elles donc pas concernées par cette prétendue "université numérique" ?

Tout cela a donc l'apparence d'un verbiage inconsistant autour d'un projet inadapté dans lequel une bonne vingtaine de personnes dont les binettes nous sont proposées ont déjà fait leur lit ou trouvé leur fromage.

 L'énoncé des "axes majeurs de transformation" sont à eux seuls suffisants pour juger de la pertinence de cette entreprise.

Le premier "axe" consiste à "utiliser le numérique pour faciliter toutes les étapes du parcours de réussite de l'étudiant" dont, rappelons-le, on ne sait pas à quoi il mène. On attendrait ici de véritables de "cyber enseignements" spécialisés sur des domaines et sanctionnés par des diplômes.
 Le second axe (qui est non pas un "second" mais un "deuxième", puisqu'il en a un "troisième", mais on ne peut exiger une connaissance minimale de la langue française de la part d'auteurs qui se meuvent si joliment parmi les MOOCs) consiste à faire "du numérique un levier de rénovation pédagogique". Le rédacteur de ces textes est manifestement un admirateur d'Archimède, mais il est aussi peu familier du français que de la physique, car on voit mal comment le "numérique" peut être en même temps un "axe" et un "levier" !

"Le troisième axe vise à faire du numérique un outil au service de l'ouverture et de l'attractivité de l'université" ; on ne comprend pas bien pourquoi d'ailleurs, puisque précisément si cette entreprise réussissait vraiment en tant qu'université numérique, elle contribuerait plutôt à retirer des étudiants physiquement présents à l'université qu'à lui en ajouter.

Naturellement on ne saurait échapper à l'écologie et, sur la fin, on évoque, avec gourmandise, "l'écosystème de l'enseignement supérieur", expression dont le sens m'échappe un peu mais qui est assurément susceptible de faire briller les équipes de rédaction pour qui le numérique, qui était déjà un "levier", un "axe" et un "outil", devient en outre, "l'accélérateur de la démocratisation et de la réussite étudiante en France en Europe et dans le monde".

Puisqu'ils ont fini de rédiger leur projet de FUN (décidément de plus en plus "funny"), il faut de toute urgence affecter ces savants à ces grands projets de recherche industrielle innovante et en particulier à la conception du véhicule de demain dont rêve notre président !"

28 avril 2014
J’évite d'employer ici, comme précédemment,  l'acronyme doublement ridicule « FUN » pour ne pas fâcher notre ami Bernard Gensane auquel je recommande vivement, en revanche, d'écouter ( en « podcast ») l’émission diffusée hier,  dimanche 27 avril 2014, vers 20h, émission où il a été traité hier de FUN et des « moocs » français et qui s'intitule si joliment : « Soft power »!
Il y avait là deux invités (deux « guests » devrais-je dire) dont j'ai oublié les noms, mais dont l'un était le président de l'université de Paris X Nanterre et dont l'autre était quelque personnalité éminente du CNAM, ces établissements s’étant l'un et l'autre embarqués dans cette affaire de France Université Numérique si opportunément baptisée FUN, après, à en croire ces témoins, une longue réflexion, ce qui laisse mal augurer du reste.
 J'avais publié le 8 octobre 2013, dans le Club de Mediapart, un article sur cette question ; je l’ai reproduit ci-dessus car, sur ce dont il traite, je n'ai pas évolué depuis l'année dernière et mon information me semble bien meilleure que celle des intervenants de France Culture.
En effet, j’ai entendu quelques sottises au cours de cette émission, dont l'une des plus jolies était que, à en croire l'éminent personnage du CNAM, le MIT de Boston avait mis en place en Haïti un « mooc en créole ». Il se trouve que c'est une question que je connais bien et que cette information est totalement fausse. Ce brave homme confond en effet les moocs du MIT avec une opération dont le responsable est Michel DeGraff, lui-même Haïtien et effectivement professeur au MIT, mais dont l'objet nullement de diffuser en Haïti un enseignement de type universitaire. Je reviendrai dans la suite sur ce point comme sur d’autres, mais comme le texte de ce  billet est déjà bien long,
Je ne ferai que demain mes remarques conclusives.



lundi 28 avril 2014

France Université Numérique

J'évite d'employer ici l'acronyme doublement ridicule « FUN » pour ne pas fâcher notre ami Bernard Gensane auquel je recommande vivement, en revanche, d'écouter ( en « podcast ») l’émission diffusée hier,  dimanche 27 avril 2014, vers 20h, émission où il a été traité hier de FUN et des « moocs » français et qui s'intitule si joliment : « Soft power »!

Il y avait là deux invités (deux « guests » devrais-je dire) dont j'ai oublié les noms, mais dont l'un était le président de l'université de Paris X Nanterre et dont l'autre était quelque personnalité éminente du CNAM, ces établissements s’étant l'un et l'autre embarqués dans cette affaire de France Université Numérique si opportunément baptisée FUN, après, à en croire ces témoins, une longue réflexion, ce qui laisse mal augurer du reste.

J'ai publié le 8 octobre 2013, dans le Club de Mediapart, un article sur cette question et je me bornerai, dans un premier temps, à le reproduire car, sur ce dont il traite, je n'ai pas évolué depuis l'année dernière et mon information me semble bien meilleure que la leur. Il contient d'ailleurs des éléments d'information pure et simple qu’il m'est impossible de faire autrement que de reproduire.
En revanche, j’ai entendu quelques sottises au cours de cette émission, dont l'une des plus jolies était que, à en croire l'éminent personnage du CNAM, le MIT de Boston avait mis en place en Haïti un « mooc en créole ». Il se trouve que c'est une question que je connais bien et que cette information est totalement fausse. Ce brave homme confond en effet les moocs du MIT avec une opération dont le responsable est Michel DeGraff, lui-même Haïtien et effectivement professeur au MIT, mais dont l'objet nullement de diffuser en Haïti un enseignement de type universitaire. Je reviendrai dans la suite sur ce point comme sur d’autres, mais comme le texte de mon premier billet est déjà long, je me bornerai aujourd'hui à le reproduire ici car je n'ai pas à changer une seule virgule .

"FUN ou France Culture Universitaire ?
08 OCTOBRE 2013 |  PAR ROBERT CHAUDENSON

La prétendue réforme de France Université Numérique (FUN)

Avant même d'être consterné par la lecture de la présentation qui est faite de ce projet (exposé le 2 octobre 2013 par Mme G. Fioraso), qu'on trouve, dans le site officiel du gouvernement français, sous "France Université Numérique (avec tous les jeux de mots anglo-américains que recèle cet acronyme et dont je me demande ce que peuvent en penser nos amis québécois), je dois dire que je suis horripilé, encore un peu plus que d'habitude, par l'anglomanie stupide des rédacteurs d'un tel texte ; je n'en citerai qu'une phrase comme exemple : "Aujourd'hui les étudiants sont de la génération Y, couramment appelés « digital natives ». Ultra connectés, jonglant avec l'information, ils ont massivement contribué à introduire les nouvelles technologies dans l'enseignement supérieur"(2 octobre 2013).

Si l'on admet, comme la plupart des auteurs que la "génération Y" est née à la fin des années 70, elle est formée de gens dont on ne peut guère dire "ils ont massivement contribué à introduire les nouvelles technologies dans l'enseignement supérieur" puisque, dans une totale contradiction, ce même projet vise, au contraire, à donner enfin à ces technologies au sein de notre enseignement supérieur la place qu'elles n'y ont pas.

 Il faudrait tout de même savoir !

 Je ne vous parlerai même pas ici des MOOCs, (Massive Open Online Course) ces "plateformes interactives d'information sur les filières universitaires" qui pourraient tout aussi bien, et plus clairement, être des PIFU... mais MOOCs est tellement plus "in" et "fashion" ! Je ne comprends pas que la Délégation générale à la langue française et aux langues de France, comme nos multiples commissions de terminologie et le ministère de l'enseignement supérieur et la recherche acceptent pareilles entorses à l'utilisation du vocabulaire administratif français officiel qui, rappelons-le au passage, impose pour les messages électroniques le mot "courriel" et interdit l'usage d'"e-mail", qui est un attentat à la phonétique du français, comme le sont, à son lexique, les emplois constants, avec les sens fautifs qu'on leur donne, de "renseigner" (pour remplir), "initier" (pour commencer) ou "errement" (pour erreur).

 Mais laissons ces aspects lexicaux pour le fond du problème dont ces abominations révèlent d'ailleurs certains aspects.

 Il est en effet désormais clair pour moi que le projet FUN de Madame Fioraso (dans lequel elle n'est sans doute pour rien) fait clairement fausse route, ce que prouve la référence exclusive au modèle étasunien que le MRES connaît très mal, à moins que, par perversité (ce que supposent certains de mes commentateurs), on ne s'en serve comme d'un masque.

 Ma première remarque (mais je l'ai déjà faite hier et je passe donc rapidement, est qu'on nous présente comme une innovation révolutionnaire, une stratégie de diffusion de l'information et de la formation que les Américains utilisent depuis près de 15 ans (sans parler de l'Australie ou du Canada) comme je l'ai montré à propos de l'exemple du MIT . Tout cela existe d'ailleurs en France, ici ou là, depuis longtemps ; j'ai moi-même avec quelques collègues, dont L.-J. Calvet, mis en place, il y a quinze ans, un "cybercours" - (terme que le préfère à MOOC), pour un DESS de "coopération linguistique et éducative".

Dans mon précédent post sur cette question, j'ai fait apparaître surtout que cette mise en ligne de tous leurs cours par de nombreuses universités américaines était, en réalité, (ce qui échappe totalement au MRES) une forme simple, efficace et peu coûteuse de PUBLICITE. Ce type d'action ouvre, au mieux, sur une vague forme de certification, mais, en aucun cas, ne permet d'accéder aux diplômes délivrés par l''université, sans avoir auparavant "acheté" une inscription qui, aux États-Unis, coûte aux alentours de 25 000 à 30 000 € dans les grandes universités dont il est question.

Le modèle américain est donc pervers, si l'on y voit autre chose qu'un outil pratique, peu coûteux et efficace, de la culture scientifique au sens le plus large. A imiter servilement les MOOC américains, on ne prépare nullement une "université numérique", comme on le donne à croire, mais une sorte de France Culture universitaire, dont je ne conteste pas l'intérêt, mais qui existe en partie déjà dans certaines disciplines ; je pense ici aux cours de philosophie de Michel Onfray ou à certaines émissions de Finkielkraut et de quelques autres mais ce ne sont là, en rien, de VRAIES filières universitaires ouvrant sur des DIPLOMES qui dans le système français seraient déjà QUASI GRATUITS !

J'aurais pu faire avant ce que je n'ai fait qu'hier. Je suis allé, en effet, consulter le site de ce France Université Numérique et je suis consterné par ce que j'y ai lu, comme je l'ai déjà dit à propos de l'anglomanie. Je ne parle même pas du style abondamment métaphorique, avec, dès l'abord, une phrase comme « utiliser le numérique comme un véritable levier de transformation », comme si un levier pouvait servir à transformer quoi que ce soit ou la mention d'une "feuille de route [le sésame administratif universel] ambitieuse sur le numérique" alors que, manifestement, la réflexion, qui a présidé à tout cela, est des plus courtes, sinon nulle.

 Le projet ne concerne quasiment en rien les ETUDIANTS et les DIPLOMES, eux, ne sont même pas mentionnés. On peut le prouver ici par la simple mention d'une rubrique majeure du site qui s'intitule "En quoi ça me concerne" . Les quatre articles dont je reproduis le texte jusque dans sa typographie, sont :
1. JE VEUX SUIVRE UNE FORMATION mieux m'orienter avant d'entrer dans le supérieur,, améliorer la réussite de mes études ou accéder à la formation continue, valider les acquis et les compétences."
 Les points     2  JE SUIS UNE UNIVERSITE, JE SUIS UNE ENTREPRISE
                    3  JE SUIS UNE ENTREPRISE*
                    4  JE SUIS UN(E) ENSEIGNANT(E).
ne concernent pas la question des étudiants dont nous traitons. On constate que ne figurent pas ici les termes attendus "INSCRIPTIONS", "EXAMENS" et "DIPLOMES". Nous sommes donc bien dans le registre France Culture Universitaire et non pas dans une "université numérique".

En réalité, les étudiants sont, dans cette affaire, la cinquième roue de la charrette du FUN. Les éléments de "programmes" le confirment, s'il en est besoin. En fait, au lieu de mettre à disposition un vrai "cyber enseignement cohérent avec des filières précises sanctionnées, suite à des inscriptions réelles, mais quasi gratuites, par un examen et un diplôme", on fait, de bric et de broc, une espèce de salade composée culturelle où chacun, établissement ou individu, vient faire sa publicité, de l'université Joseph Fourier de Grenoble au CNAM de Paris qui, chacun le sait n'est d'ailleurs pas une université. L'attraction principale de cette prétendue université numérique sera, semble-t-il, Cédric Villani, une de nos médaillé Fields, grand amateur de spectacle scientifique, qui viendra probablement donner ses enseignements au centre d'une araignée !

Tout cela a son intérêt voire son mérite, mais ce France Culture universitaire n'est en rien le projet universitaire démocratique et non mercantile (comme aux USA) qu'aurait pu imaginer un gouvernement de gauche.

Je constate d'ailleurs que, dans la première "action" (pour ne pas chercher plus loin), intitulée Dieu sait pourquoi "QuidQuam [avec un gros barbarisme mais on n'y initie pas au latin dans les Moocs!] ? Eurêka !", destiné à la "vulgarisation scientifique" et aux lycéens qui, refusés dans les classes préparatoires scientifiques, iront peupler les premières années de SSM et de SNV, le responsable est un certain Daniel Hennequin ," chercheur au CNRS" (où, me semble-t-il, on n'enseigne guère !) et Maxime Beaugeois, "docteur en physique" (ce qui ne marque pas la moindre qualification à l'enseignement). De tels choix d'"enseignants" suscitent de ma part une interrogation : les universités ne sont-elles donc pas concernées par cette prétendue "université numérique" ?

Tout cela a donc l'apparence d'un verbiage inconsistant autour d'un projet inadapté dans lequel une bonne vingtaine de personnes dont les binettes nous sont proposées ont déjà fait leur lit ou trouvé leur fromage.

 L'énoncé des "axes majeurs de transformation" sont à eux seuls suffisants pour juger de la pertinence de cette entreprise.

Le premier "axe" consiste à "utiliser le numérique pour faciliter toutes les étapes du parcours de réussite de l'étudiant" dont, rappelons-le, on ne sait pas à quoi il mène. On attendrait ici de véritables de "cyber enseignements" spécialisés sur des domaines et sanctionnés par des diplômes.
 Le second axe (qui est non pas un "second" mais un "deuxième", puisqu'il en a un "troisième", mais on ne peut exiger une connaissance minimale de la langue française de la part d'auteurs qui se meuvent si joliment parmi les MOOCs) consiste à faire "du numérique un levier de rénovation pédagogique". Le rédacteur de ces textes est manifestement un admirateur d'Archimède, mais il est aussi peu familier du français que de la physique, car on voit mal comment le "numérique" peut être en même temps un "axe" et un "levier" !

"Le troisième axe vise à faire du numérique un outil au service de l'ouverture et de l'attractivité de l'université" ; on ne comprend pas bien pourquoi d'ailleurs, puisque précisément si cette entreprise réussissait vraiment en tant qu'université numérique, elle contribuerait plutôt à retirer des étudiants physiquement présents à l'université qu'à lui en ajouter.

Naturellement on ne saurait échapper à l'écologie et, sur la fin, on évoque, avec gourmandise, "l'écosystème de l'enseignement supérieur", expression dont le sens m'échappe un peu mais qui est assurément susceptible de faire briller les équipes de rédaction pour qui le numérique, qui était déjà un "levier", un "axe" et un "outil", devient en outre, "l'accélérateur de la démocratisation et de la réussite étudiante en France en Europe et dans le monde".

Puisqu'ils ont fini de rédiger leur projet de FUN (décidément de plus en plus "funny"), il faut de toute urgence affecter ces savants à ces grands projets de recherche industrielle innovante et en particulier à la conception du véhicule de demain dont rêve notre président !"

samedi 26 avril 2014

Journalisme, orthographe et information.


J'ai entrevu hier soir, sur Arte, le « 28 minutes » d'Élisabeth Quint, une émission  que j'apprécie par ailleurs beaucoup et que je regarde souvent, à condition toutefois que Pascal Blanchard n’y soit pas invité ce qui est malheureusement fréquent ! On y a évoqué un article paru dans le Progrès de Lyon sur les méfaits des étrangers dans le département du Rhône. Le Progrès est accusé de racisme par SOS Racisme, pour avoir, entre autres griefs, regroupé les prostituées « africaines » sous cet adjectif. Il n’est sans doute pas facile, même pour la police, de distinguer entre les prostituées congolaises, nigérianes et ghanéennes qui sont les plus nombreuses et sont pour la plupart clandestines. Bref, le cas ne me paraît pas pendable car « Africain » n’est pas à ma connaissance du français, une injure, ce qui, d’une certaine façon m’amène à mon deuxième point.

Les invités, dont l’inévitable Pascal Blanchard, qu’E. Quint s’obstine à inviter en dépit de sa réputation et du mystère de ses compétences comme de sa formation ou de ses activités (il s’affiche comme « documentariste » et a pour seul avantage de parler de tout et surtout de ce qu’il connaît peu ou mal), ont insisté sur la formation qu'on reçoit dans les écoles de journalisme et qui devrait permettre d'éviter semblable confusion que je persiste à juger mineure. On y a donc parlé abondamment de la formation des journalistes dans ces écoles, tout en déplorant que l'information anthropologique y soit insuffisamment développée (Que n’y recrute-t-on Pascal Blanchard pour nous en débarrasser !). J'en conviens volontiers (s’il écrit sur tout un journaliste doit avoir des clartés de tout ou, à, défaut, … prendre la peine minimale de s’informer). Je préférerai toutefois, à choisir, qu'on y développât en priorité la connaissance de l'orthographe et la grammaire du français ainsi que la conscience professionnelle qui fait si souvent défaut à nos journalistes comme on va le voir, sur des sujets bien plus sensibles et importants.

J'en donnerai pour preuve, en ce qui concerne l'orthographe, la confusion, quasi permanente chez nombre d’entre eux, entre « prêt à » (qui, outre la différence de sens et de construction, est un adjectif et possède donc un féminin et un pluriel) et « près de » (qui est une préposition et qui est invariable). J'entendais encore ce matin un éminent journaliste familier de nos écrans (souvent présent dans le « 28 minutes » que j'évoquais précédemment), qui disait que la majorité des journalistes de Libération n'était pas «prêt à suivre le repreneur potentiel de ce journal ! ». Je ne parle même pas des fautes les plus courantes du style « avant que …ne »(par attraction des verbes de crainte), des absences d’accords de participes passés avec « avoir » ou des erreurs dans les verbes pronominaux qui sont légion dans les propos journalistiques et dont on exige pourtant la connaissance, en fin de primaire, pour des écoliers « africains » (Et que SOS Racisme n’aille pas me faire ici un procès sans me faire savoir ce que j’aurais dû dire !). Comment nos pauvres professeurs de français  peuvent-ils espérer les enseigner à leurs élèves quand des emplois fautifs permanents s'imposent à eux par le biais de la radio et la télévision. Passons là-dessus !

J'ai fait, il y a quelques jours, à propos du « fameux gel des salaires de la fonction publique » un billet où je révélais (j’ose ce terme car je n'ai entendu cette réflexion nulle part ailleurs) que la haute fonction publique n'avait cure de cette mesure, puisque une bonne partie de sa rémunération est constituée de primes, indépendantes bien entendu de l'échelle indiciaire de la fonction publique.
Je ne reviens pas sur cette question, quoique ce billet ait, pour une fois, attiré l'attention de plusieurs lecteurs qui ont été assez aimables et intéressés pour me laisser des commentaires ! J'ai lu depuis, en m’intéressant à cette question, un excellent article de Thierry Fabre déjà ancien puisqu'il date du 25 avril 2013. Il concerne l'inspection générale des finances, « le corps de contrôle d'élite de l'État ». Les inspecteurs généraux des finances sont non seulement l'un des grades les plus prestigieux de la fonction publique française, mais ils constituent celui qui a le plus de facilité à se servir avant les autres et donc mieux qu’eux ! On y disait, entre autres, chose que « dans leur placard doré », ces inspecteurs ont « un traitement confortable de 10 000 € par mois environ ». Si le reste de l'article est tout à fait excellent et révèle un certain nombre de scandales, on peut reprocher cette incertitude et cet « environ » à Thierry Favre, car il est tout de même très facile en France d'avoir une information précise sur les TRAITEMENTS de la fonction publique. Il en est en revanche tout autrement des REMUNERATIONS. Pour la haute fonction publique française surtout, « traitement » (lié à un indice précis) et « rémunération » (incluant des primes) ne sont pas synonymes comme on pourrait le penser, puisqu'au « traitement » s'ajoutent souvent des primes fort importantes qui contribuent à faire monter sensiblement la « rémunération » elle-même. Ainsi dans Mediapart du 25 avril 2014, à propos du reclassement de Monsieur Aquilino Morelle et du traitement des inspecteurs de l'IGAS, lit-on que le traitement de ces fonctionnaires va « de 60 000 à 120 000 € annuels hors primes ». Cette information est inexacte et si l'on veut susciter l'indignation des lecteurs, mieux vaudrait leur donner des informations plus précises et surtout plus justes, de façon à fermer cette porte de sortie à A. Morelle qui ne manquera pas de s’y engouffrer.

Comme je le disais, il est très difficile de savoir, sauf de sa bouche, quelle est la « rémunération exacte d'un fonctionnaire » puisqu'elle comprend à la fois des primes (qui sont parfois calculées à la tête du client par négociation individuelle) ou qui se calculent, de façon plus étrange encore, sur des pourcentages des activités exercées dans sa fonction par l’intéressé ; c'était le cas autrefois, (je ne sais pas si les choses ont changé), pour les ingénieurs de l'équipement, les conservateurs des hypothèques et les trésoriers-payeurs généraux !

Si il est très difficile et même impossible de connaître le montant des primes, il est en revanche très facile de savoir quel est le « traitement exact » (au cent près !) d’un fonctionnaire. Pour prendre un exemple précis et courant, un préfet a un traitement de 4797 à 6207 € bruts par mois ; le traitement annuel pour un préfet de classe normale est au minimum de 57 567 € et pour un préfet hors classe ce traitement peut atteindre 74 489 €.

Si l’on consulte la grille complète de la fonction publique, pour un fonctionnaire « hors échelle G », avec un indice majoré de 1501, le traitement brut mensuel est de 6950,07 euros.

Ces chiffres sont les chiffres officiels et on peut donc supposer qu'ils sont exacts ; on ne peut donc pas écrire comme le fait . C. Coq-Chodorge dans Mediapart que le « traitement » d'un inspecteur général de l’IGAS va « de 60 000 à 120 000 € annuels » ou comme Th. Fabre que « les inspecteurs des finances ont un traitement de 10 000 € par mois environ », sauf à ignorer le sens du mot traitement !
Apparemment la consultation de Google et l'usage de l'Internet n'ont pas encore pénétré les écoles de journalisme. Il serait bon d’y songer !

jeudi 24 avril 2014

Lino et Ségo


À écouter ce matin Monsieur Sapin, en charge de nos finances, qui nous expliquait comment il allait faire des économies pour trouver les 50 milliards escomptés, je songeais que je venais d'écouter, juste avant, Monsieur Morandini qui nous avait livré, comme d'habitude, une information aussi essentielle qu’« exclusive ». J’en ai oublié d’étonnement le sujet que je voulais aborder ce matin !
N'ayant pas retrouvé cette nouvelle dans les infos du matin sur Google, je me demande s'il ne s'agit pas d'un canular, mais en tout état de cause, je vous la livre néanmoins sous ces réserves car le problème est ailleurs.
Monsieur Morandini en effet nous a informé que Ségolène Royal avait diffusé, dans son ministère de l'écologie et de je ne sais plus trop quoi, une circulaire interne invitant le personnel féminin dudit ministère à venir au bureau dans une tenue décente ; elle ajoutait à cette injonction que désormais les tournées (sans doute d'inspection de la longueur des jupes et de la profondeur des décolletés) de Madame la Ministre y seraient annoncées par un huissier, chargé d'aviser le petit peuple de l'arrivée de Madame Royal(e).
Je ne doute pas que Ségolène s'est inspirée sur ce point de ses souvenirs de la faculté de droit, puisque ces établissements universitaires sont les seuls dans lesquels les professeurs sont encore précédés eux-mêmes d'un « appariteur » chargé d'annoncer aux étudiants l'arrivée du maître.
Cette annonce m’a fait me souvenir alors d’une photo que j'avais vue la veille, sur laquelle on voyait Aquilino Morelle sortir de l'Élysée, accompagné d'un jeune huissier (dont la tenue traditionnelle indiquait la qualité) qui, les bras ballants, se tenait sur le pas de la porte, tandis que le conseiller spécial portait avec sa main gauche une petite serviette. Je n'ai pas compris comment un homme qui se fait cirer ses chaussures à grands frais (… de l'État sans doute : 35 € la paire !), dans un salon spécial, sous des lambris dorés,  peut voisiner avec un huissier chargé de l'accompagner et porter lui-même sa serviette ! Laissons ce mystère.
Ces deux faits mettent en évidence néanmoins un problème que je me suis souvent posé à voir les représentations données pour la télévision à l'Assemblée nationale et au Sénat et qui est la suivante : « À quoi peuvent donc bien servir actuellement les huissiers de ces assemblées ? ».
La seule utilité que je leur voie est de perpétuer une tradition et sans doute, pour ceux de certains ministères, d’offrir un bassin d'emploi. Pendant longtemps (je reste dans le vague pour ne plus fréquenter ces établissements), les huissiers y étaient souvent des Pondichériens. Cette tradition s'est peut-être arrêtée, mais elle s’est prolongée bien au-delà du moment où nous avons perdu nos comptoirs de l’Inde. Il y avait là, en tout cas, une touche exotique qui s'ajoutait à l'élégance de la tenue, puisque ces huissiers de la République arborent tous le frac avec chemise et nœud papillon blancs, sans parler de la chaîne dorée, insigne de leurs fonctions, qu’ils portent toujours si joliment.
Le problème est qu'on se demande à quoi ils servent quand ils ne sont pas dans les couloirs et les antichambres pour guider les visiteurs, ce qui n'est évidemment pas le cas de ceux l'Assemblée nationale et du Sénat. Ces derniers servaient essentiellement autrefois à apporter, en séance et sur la pointe des pieds, les petits billets que les sénateurs et députés échangeaient entre eux pour se distraire de l'éternel ennui de leurs séances. Il n'en est éventuellement plus rien désormais puisque ces représentants de la nation française passent leur temps sur leur téléphone portable et leur iPhone à échanger des SMS ou à faire leur courrier de cette nature. Les pauvres huissiers, oisifs, sont donc assis ici ou là et traînent un mortel ennui dont ils sont rarement distraits par quelque député ou sénateur rétrograde.
Vu les conditions de traitement qui sont les leurs (un huissier gagne certainement bien plus de 3000 € par mois), on pourrait aisément en réduire le nombre et surtout les convertir à des tâches plus utiles et au moins réelles, car il ne leur en reste guère à accomplir dans l'exercice traditionnel de leur fonction.


Pensez-y Monsieur Sapin, même s’il faut au moins sur cette question une commission parlementaire mixte et un groupe de réflexion, sans parler du syndicat des huissiers et du lobby des fabricants de chaînes d’huissiers et de nœuds-papillons blancs!