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mercredi 16 avril 2014

Université : l'impossible réforme. Edgar, Valérie, Geneviève et les autres...

Université : l'impossible réforme. Edgar, Valérie, Geneviève et les autres.... Comment ne pas être tenté de reprendre pour ce billet le titre même du livre que je viens de faire paraître à l'Harmattan tout récemment et qui recueillait une bonne partie des billets que j'avais consacrés à l'université française durant les dernières années ?
Je n'avais pourtant guère l'intention de revenir sur le sujet, tant ce que j'y ai écrit peut être repris, sans y changer une virgule, dans les circonstances actuelles, l’université française ayant mis deux ans à sortir de sa précédente torpeur quant à la loi dite « LRU ». Je dois dire que je m'amuse beaucoup de la soudaine prise de conscience, (mais le terme est-il bien propre ?), par le plus grand nombre, que Valérie ou Geneviève, c'est, à très peu près, la même chose et que les dispositions de la loi Pécresse ont été très largement rconduites dans le gouvernement actuel en dépit de quelques replâtrages mineurs. Vincent Peillon, plus malin et/ou mieux placé que d'autres, s’est employé à rejoindre Strasbourg en vitesse, avant que les choses tournent trop au vinaigre.
Madame Fioraso, en revanche, lors du prétendu remaniement, a nettement senti le vent du boulet ! Je ne reviens sur le sujet que pour la seule et fortuite raison que je l'ai entendue ce matin sur France-Culture, pendant une demi-heure, entre 8h15 et 8h45, en promenant mon chien, ce qui me condamne à l'oisiveté et m’a donc conduit à l’écouter jusqu'au bout.
Faisant allusion à la pétition ouverte par deux enseignants de Paris 3 et Lyon 3 (Choix hardi mais politiquement habile !) et signée par plusieurs milliers d'universitaires, Madame Fioraso a laissé entendre que ce mouvement visait moins sa politique qu’il ne tendait à pousser la candidature d'un autre au poste qu'elle occupe, même rétrogradé au rang de Secrétaire d'État. Je me suis demandé si, bien qu’aucun nom n’ait été donné, s'il ne s'agissait pas de Thomas Piketty qu’on a pas mal entendu sur ces questions. Je pense toutefois que notre Président,  à moins qu’il ne veuille faire pendant a son inattendue cohabitation gouvernementale avec Ségolène, est suffisamment informé de la chronique people française pour ne pas songer à réunir, dans le même gouvernement et autour de la même table, ne fût-ce que, par moments, Thomas Piketty et notre  ministre de la culture, qui a eu avec lui  des problèmes de couple qui, pires encore que les siens, sont même allés jusqu'à la justice.
Je me suis amusé d’entendre Madame Fioraso, auprès de qui on faisait état de la grande misère de nos universités, nous dire qu'elle avait visité près de la moitié des universités françaises (c’est bien la moindre des choses, même si l’on ne sait pas combien il y en a exactement, après la réduction drastique de leur nombre à coups de regroupements visant à nous faire mieux apprécier par les Chinois, sans changer quoi que ce soit, sinon alourdir encore le système). Au cours de ces visites, nous a-t-elle confié, elle avait été frappée par le confort et le bien-être des étudiants ! Quel humour ! Je pense qu'elle aurait été mieux inspirée d'aller visiter, pour établir une comparaison plus solide, des universités américaines ou canadiennes. En effet, pour ne prendre que l'exemple que je connais le mieux et qui est plus proche de moi, ce n'est assurément pas le cas de l'université d'Aix-Marseille, désormais l’AMU, et dans laquelle les étudiants en sont réduits à s'installer dans les escaliers ou sur l'asphalte des circulations faute d'avoir un endroit quelconque pour travailler ou lire. Il est vrai que, comme très peu d'entre eux, sont tentés par ce genre d'occupation, ils ne souffrent pas trop de cette situation et s’en accommodent. Au passage, l’américanomanie, qui a conduit à nommer l’ensemble universitaire d’Aix-Marseille AMU (Aix-Marseille Université/y), a empêché de voir que ce sigle, des plus communs, est aussi celui de nombre d’autres organismes et même de l’Aligarh Muslim University !
Je ne veux pas m'étendre sur l'ensemble des propos de Madame Fioraso, dans la mesure où j'ai déjà traité de toutes ces questions dans mon livre, mais je n'en retiendrai que deux parmi les plus significatifs.
Elle a déploré, en particulier, que ne soit pas plus reconnu professionnellement chez nous le titre de « docteur », qui, même au plan académique, ne donne pas la qualification, ajoutant au passage que les docteurs les plus nombreux sont maintenant ceux qui sont issus de la francophonie du Sud. Elle a esquissé alors une comparaison avec l'Allemagne où le titre de docteur est mieux et plus reconnu. Si Madame Fioraso était mieux informée de la situation universitaire nationale et internationale, elle saurait que la plupart des doctorats décernés en France, tous pourvus ou presque, de la mention « très honorable », souvent en outre « à l'unanimité » (quand on n'y ajoute pas les « félicitations du jury » qui normalement ne devraient concerner que moins de 10 % des thèses !) ; ces doctorats sont décernés dans des conditions qui s'apparentent plus à l'échange de séné et de rhubarbe entre les membres du jury qu'à une véritable analyse critique des thèses présentées. Une bonne partie de ces thèses ne mérite d'ailleurs en rien ce nom et est d'une nullité et d’un vide à pleurer ; un certain nombre d'entre elles, pour les disciplines littéraires, sont même à peine rédigées en français. Puisque Madame Fioraso a évoqué cette comparaison, je puis lui dire, pour avoir participé à des jurys de thèse en France et en Allemagne, que les procédures allemandes sont très différentes des nôtres ; si la procédure de soutenance ne s'éternise pas comme en France, des heures durant, pour permettre aux membres du jury de faire leur numéro personnel, on y est beaucoup plus rigoureux et attentif au contenu des thèses et l'évaluation repose avant tout sur un certain nombre de notes dont on fait la moyenne en fin d'exercice. Rien de tel en France où on se contente de vagues appréciations, avec le vieux truc des références précises et détaillées à trois pages des trois cents du travail, le reste ayant été à peine lu, avec dans 95 % des cas la mention « très honorable » qui ne veut évidemment rien dire.
Madame Fioraso a aussi souligné l'intérêt du regroupement des universités (on a fait les communautés d'universités, comme on avait fait des communautés de communes) que l'on a multipliées, des années durant, sur tout le territoire, sans la moindre logique ni vision d’ensemble. Le ministère a échoué totalement à constituer une vraie carte universitaire (j’ai pris part autrefois au groupe d’études sur ce point) ; on aurait pu y donner des spécialités scientifiques précises à quelques universités, au lieu de les laisser se répandre, à faire tout et n’importe quoi,  sur tout le territoire national avec les moyens inévitablement réduits, en raison même de multiplication de ces prétendus centres d'excellence. Non seulement, il n'y a eu aucune logique dans cette dissémination des universités, mais on a, des années durant, cédé aux pressions de municipalités qui toutes voulaient leur embryon d’université ou au moins leur IUT. Le mouvement qu’avait esquissé la loi Edgar Faure, avant laquelle il n'y avait qu'une université par académie, a conduit à multiplier les établissements, ce qui a diminué évidemment d'autant les moyens qu'on était en mesure de leur accorder. Comme toujours en France, on a passé d’abord quelques décennies à multiplier les établissements et on en passe ensuite quelques autres à réduire leur nombre, en étouffant en douce ceux qu’on veut supprimer, sans oser le dire. Comme disait ma bonne grand mère, « Faire et défaire, c'est toujours travailler ».
Bref, Madame Fioraso, quoique rétrogradée au Secrétariat d'État pour des raisons aussi sottes qu’inavouables, reste en place, ce qui ne changera rigoureusement rien, mais la met sur la scène, son ministre n’y entendant rien. La gauche universitaire, dont on perçoit, une fois de plus la pertinence et la clarté du jugement, s'élève contre la loi LRU dont un certain nombre de ses représentants, et non des moindres, ont approuvé la mise en place, surtout parce qu'elle favorisait leurs  revendications personnelles, comme, en particulier les présidents d'université que la ministre avait été assez habile pour mettre dans son jeu, ce qui a été à peu près la principale pour ne pas dire la seule de ses réussites.

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