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vendredi 28 février 2014

Usbek Consulting & Co

À l'époque où je publiais mes blogs sous le pseudonyme d’Usbek  (ce que je fais d'ailleurs toujours, dans « nouvelles persaneries.blogspot.com »), j'avais une rubrique de conseils gratuits qui émanait d’Usbek Consulting & Co. Il me semble qu'il faut que je réactive cette rubrique car la nécessité de le faire s’avère chaque jour plus pressante.
Je l’ai déjà fait, d'une certaine façon, sans le dire, dans mon précédent billet, dont j'ai oublié le titre exact, mais qui devait être quelque chose comme « Stages en RCA ». J’y suggérais de  rapprocher deux réflexions de nos gouvernants et ainsi de faire bénéficier nos dirigeants et nos généraux en situation de responsabilité, de stages en République Centrafricaine, de façon à ce qu'ils s'informent, d'une façon directe et par là plus précise, des réalités de la situation de ce malheureux pays. Tout démontre en effet qu'ils sont fort mal informés dans la mesure où toutes les décisions qu'ils prennent sont successivement invalidées par les événements qui les suivent.
L'affaire du chômage, dont les chiffres définitifs sont tombés mardi 27 février 2013 à 18 heures, tels le couperet de la guillotine politique (il est vrai que le récipiendaire sentait déjà le Sapin !),  me confirme dans la nécessité de réactiver Usbek Consulting & Co ; ce n'est pas d'avoir entendu hier le ministre du travail tenir son nouveau discours sur l'inversion de la courbe du chômage qui m’a fait changer d'avis.
À court de métaphores, ce que l’on comprend aisément, sur la protéiforme « inversion de la courbe du chômage », il a plaidé, sans grand succès, l'erreur de calendrier, puisque l’inversion de ladite courbe est désormais reportée à fin 2014.
L'irruption imprévue de 9.000 chômeurs de plus durant le mois de décembre 2013 aurait pu toutefois trouver des justifications plus adroites. Mon Dragon 12 m’avait suggéré ici « plus à droite », ce qui n’était pas si mal trouvé après tout, mais me fait découvrir soudain que mon logiciel de dictée est un crypto-socialiste ! Je me permets donc de proposer à MM. Hollande et Sapin, quelques conseils, un peu plus nouveaux et  naturellement gratuits
Fin 2013, on avait beaucoup parlé, sinon de la fin du chômage, du  moins de celle de notre monde lui-même, annoncée depuis longtemps par le calendrier maya, de façon d'ailleurs relativement inadéquate puisque rien ne s’est passé. J'ai cru comprendre aux explications avancées ensuite qu’il y avait plusieurs calendriers mayas et que les Mayas un peu, comme nos Epicuriens (les vrais !) avec leurs Grandes Années, avaient leurs calendriers dans les différents âges, sans que pour autant le cycle calendaire en soit interrompu.
Monsieur Sapin est-il, sans le dire, comme son condisciple et ami Hollande, un Epicurien, ce que donne à penser leurs errances conjugales ? En tout état de cause et en la circonstance, moyennant quelques études rapides des chronologies mayas, de toute façon aussi mouvantes que peu familière aux Français, il aurait bien pu trouver là-dedans, vu les incertitudes qui y règnent, une année 2013 qui ne nous arrive,  en fait, qu'en 2014, voire en 2015 et, après tout, pourquoi pas en 2017. Il aurait eu à la fois ainsi une explication à la fois savante et convaincante à l'erreur chronologique commise par notre président durant sa campagne électorale, où il avait quand même autre chose à faire que d'aller visiter, les uns après les autres, les calendriers mayas. Variante du conseil précédent : on aurait pu d’emblée et, dès l’année 2013 (vu à quel point les choses étaient mal barrées et sans s’obstiner dans un optimime sans fondement !) allèguer déjà les calendriers mayas.
Les voyages africains de notre président me suggèrent aussi une autre explication qui certes est un peu boiteuse au plan géographique du moins, quand il s'agit du Nigéria mais, après tout, François Hollande ayant été fin 2013 en Afrique du Sud, on peut néanmoins la plaider. En effet, comme vous le savez, les obsèques de Mandela se sont déroulées en RSA, donc au Sud de l'équateur. Or, le savoir populaire (fautif en la circonstance sur le plan proprement scientifique) nous donne à croire que, dans l'hémisphère sud, l'eau, dans un lavabo plein qu’on vide, coule dans le sens contraire de celui qui s’observe dans l'hémisphère nord, en raison de la fameuse force de Coriolis. Ce n'est pas vrai, mais ne comptez pas sur moi ici pour le dire, puisque je ruinerai du même coup mon argumentaire. Si la force de Coriolis est censée inverser de sens de l'eau qui s'écoule dans les lavabos, pourquoi n’inverserait-elle pas aussi pas aussi la courbe du chômage ? Celle-ci doit donc, dans l'hémisphère sud, se lire à l'envers. CQFD ! Donc le chômage, loin d'avoir augmenté fin 2013 de 9000 unités, s'est donc trouvé au contraire diminué d'autant.
Cette remarque souligne que, dans  le problème du chômage et de l’inversion promise de sa courbe, se pose un problème bien plus général qui concerne directement, en fait, la gestion de l'agenda présidentiel.
On aura observé que, dans toutes les circonstances où se déroulent des événements politiques ou diplomatiques importants, il est prudent que nos hommes politiques majeurs (Président de la République et Premier Ministre)  se trouvent en voyage officiel, loin du pays, avec le double effet, toujours très positif, de ne pas être interrogés à ce propos et d'échapper aux critiques qu’on ne manque pas de formuler alors mais qui sont oubliées dès le lendemain. Ce principe est certes mis en oeuvre, mais sans rigueur ni calcul ! On aura ainsi observé que les voyages de François Hollande se situent (qu'il s'agisse des obsèques de Mandela ou de l'actuelle excursion nigériane, en passant par le week-end de charme chez les Obama), à des  moments où l'on pourrait croire particulièrement nécessaire la présence de son président aux commandes de la France.
Bien entendu, il peut arriver que survienne un événement impromptu et inattendu, mais, à ce moment-là, on peut toujours dégoter (voire organiser) une catastrophe nationale de taille appropriée, qui permette à la France d’oublier tout le reste, à l’écoute attentive d’un discours vibrant et plein d’émotion patriotique de notre Président.  Les opérations africaines offrent toujours, par chance, des opportunités en ce domaine, ne serait-ce que par quelque banale aventure en véhicule blindé de bidasses en folie, ronds comme des queues de pelles. Vous qui n'avez pas fait, comme moi, votre service militaire dans l’infanterie de marine (Corps d’élite ! Marsouin !) ne savez pas que, dans ce genre d'opérations, ce qu’on craint le plus est bien moins la perfide embuscade ennemie que la banale conduite en état d'ivresse avancée qui est un risque autrement fréquent.
Voilà quelques exemples des suggestions gratuites que peut faire, à la demande, Usbek Consulting & Co qui est toujours à la disposition de chacun !


mercredi 26 février 2014

Stages en RCA

J'ai toujours pensé que tout  gouvernement devrait prendre en compte davantage, comme le faisaient les Anciens, les signes discrets que le hasard nous accorde pour orienter nos choix et nos décisions et parfois pour nous en faire prendre certaines que nous n’avions pas envisagées. 

Ainsi, les Grecs ou les Latins prenaient-ils une décision selon qu'ils avaient vu tel ou tel oiseau à droite et à gauche ou que les entrailles d’un animal sacrifié à cette fin avaient une apparence ou une autre. Plus près de nous, nos aïeux passaient une journée d’inquiétude s‘ils avait vu un chat noir le matin sur leur gauche ou, pire encore, redoutaient sept ans de malheur pour avoir cassé un miroir !
Sans aller jusque-là, on pourrait toutefois tirer un meilleur profit des signes discrets que nous adresse le hasard. Ainsi notre Assemblée nationale a-t-elle délibéré en 24 heures à la fois, sur la rémunération des stagiaires (lundi 21février) et sur le contingent français en RCA (mardi 22). Comment ne pas voir en cette curieuse conjonction un signe discret du destin ? « Quel rapport entre la RCA et la rémunération des stages ? », vous impatientez-vous déjà, suspicieux lecteur et impétueuse  lectrice ? La relation me paraît pourtant évidente !

Quelques mots d'introduction sur l’un et l’autre de ces sujets vont assurément vous éclairer et je l'espère vous convaincre!

Les stages sont devenus une spécialité française en matière d'éducation et de formation, comme les fromages et les grenouilles le sont en matière gastronomique. Le stage a de gros et multiples avantages : soulager les enseignants (les cours disparaissent parfois pendant les périodes de stage en particulier pour les étudiants dans les universités) ; fournir la matière d'un vague travail final personnel pompeusement et fallacieusement baptisé rapport de stage ; mais surtout le stage a l'immense avantage de donner à penser que, par là, les jeunes (car maintenant on est en stage à partir de la troisième) sont, par cette voie concrète, initiés à la vie professionnelle et bénéficient d'éléments de formation qu'ils pourront faire figurer dans leur curriculum vitae. Chacun sait bien que, le plus souvent, tout cela n'est que de la foutaise et que la plupart des stagiaires n’acquièrent guère une réelle expérience professionnelle que dans la photocopie et le café. Les seuls à recevoir quelque formation que ce soit sont les malheureux enseignants quand ils ont la conscience étrange de vouloir trouver des stages pour leurs élèves ou leurs étudiants qui en ont besoin, mais dont nul ne veut.

00Ce point de vue date un peu bien sûr, puisque depuis que notre assemblée nationale s'est penchée, lundi 21 février 2013, sur ce problème. Le rapporteur Chaynesse Khirouni (les Chinois sont décidément partout) est, en fait, une rapporteuse qui a découvert, non sans mérite, la vraie vérité sur les stages à l'occasion des nombreuses auditions auxquelles elle s'est livrée, même s'il n'était guère besoin d'en faire tant pour se rendre compte de ce qu’il en est.

Madame Chaynesse a rendu la gratification obligatoire pour tous les stages à partir de deux mois ; elle sera due, dès le premier jour, grâce à un amendement à la proposition de loi socialiste sur les stages. Le PS n'a pas condescendu à laisser passer le modeste amendement du Front de gauche qui voulait étendre cette généreuse initiative au premier jour de tout  stage ; il en a été de même pour l'amendement écologiste visant à d'abaisser le seuil minimal de la rémunération. Voilà qui ne va pas améliorer les relations du gouvernement avec son aile écologique qui profite odieusement de son avantage stratégique avant les élections.

 On aurait pu aisément traiter dans la foulée de la réforme des stages, en ce lundi 21 février 2013, les modifications de la durée du séjour et de l'importance du contingent français en République Centrafricaine qui sont, au fond, une espèce de stage pour nos bidasses mais dont on a traité que le mardi !

 Il est vrai que, dans ce cas des militaires, le problème des rémunérations ne se pose guère ! Les soldes sont très largement augmentées pendant ces périodes de stage baptisées "opérations", sans compter les bonifications d'ancienneté. On constate, depuis décembre 2013, que ces stages sur le terrain devraient être faits bien plutôt par les responsables de notre armée et du ministère de la défense, avant qu’ils conçoivent et décident eux mêmes des stages destinés à nos soldats dans les pays en cause, dont nos décideurs semblent tout ignorer.

On se souvient, en effet, qu'au moment de l'envoi des 400 premiers soldats français en RCA, nos plus hautes autorités gouvernementale et militaires nous avait assuré, le torse bombé, que ce stage centrafricain serait de courte durée, ne nécessiterait la présence que de faibles contingents de stagiaires et qu'au fond, il serait dans un genre différent, sur le modèle classique « photocopies café »), la seule présence de nos beaux militaires suffisant à terrifier les fauteurs de troubles, d’un bout à l’autre de la RCA, grande comme la France et sans frontières bien sûres !

Le nombre de nos stagiaires militaires a déjà pratiquement doublé ou triplé, comme la durée de leur stage qui devait être compté, au départ en mois, et semble devoir désormais être évaluée en années. Je pense que si l’on avait eu la prudence d'envoyer en stage à Bangui Messieurs Hollande, Le Driant, Fabius et quelques généraux dont l'amiral qui commandait à ce moment-là nos forces armées, ils auraient pu, à condition toutefois, de sortir du Salon VIP de l’aéroport de Bangui, de l’ambassade de France comme du Hilton et du Hyatt, prendre une connaissance un peu plus précise et étendue du terrain centrafricain.

 Dans un pays sans gouvernement réel depuis des décennies et qui accueillait sans contrôle ni autorité tous les traîneurs de kalachnikovs des Etats limitrophes, les conflits interethniques traditionnels ont pris désormais l’allure d'une insolite guerre de religions. Cette particularité est d’autant plus étrange qu’elle est en fait plus sociale que religieuse et qu’elle oppose des croyances minoritaires (les animistes ou réputés représentent 35 % de la population - en fait bien plus - et les protestants 25 %, les catholiques n'étant que 25 % et les musulmans 15 %.  (Ces données viennent du site de la CIA, dont je recommande la lecture à nos gouvernants comme à nos militaires plutôt que celle des rapports de nos postes diplomatiques). Tout cela  n'a d'ailleurs pas grand sens dans le contexte africain, car les problèmes de la RCA sont venus pour une bonne part de l'extérieur, lointain (Emirats) ou proche. À partir du moment où les conflits soudanais puis libyen et enfin malien ont rendus disponibles et oisifs des milliers de mercenaires fortement armés, il leur fallait bien de nouveaux terrains pour leurs exactions et leurs pillages !

Le Mali a tourné la tête à nos gouvernants qui ont, de plus, en ligne de mire les imminents chiffres du chômage 2013, alors que l’Ukraine commence à se régler pour leur malheur et  sans doute aussi plus encore pour le nôtre car nous allons, si j'ose dire, "casquer" ! Quant aux généraux, ils ne pensent qu’au budget de la défense au plan collectif, et aux intérêts immédiats les leur et  de l’armée  (supplément de soldes et de retraite en opération). 

A quoi bon avoir une armée si coûteuse si l’on ne s’en sert pas, scrongneugneu !

lundi 24 février 2014

De la Réunion à l'Australie en passant par le Vél’ d’Hiv’ : Les enfants de la Creuse (suite et fin)

Il me paraît inutile d'insister davantage sur les faits eux-mêmes qui, on l’a vu, ont été considérablement déformés, voire falsifiés, y compris dans la presse métropolitaine réputée sérieuse comme le Monde et Libération.

J’ai été amené à traiter ce sujet, indépendamment de la relation personnelle que j'ai avec lui et que j'ai déjà évoquée, par la publication, dans des journaux ou sur des sites, de photographies de deux des principaux personnages de cette affaire des « enfants de la Creuse », Jean-Jacques Martial et Marie-Thérèse Gasp.
Ma première remarque concerne le phénotype de ces deux personnes qui, l'un et l'autre, ont naturellement la cinquantaine puisqu’ils ont fait partie des premiers contingents d’enfants envoyés dans la Creuse par le Bumidom. Ces photographies confirment tout à fait que ni l'une ni l'autre ne peuvent être regardés comme des « afro-descendants ». Ce sont des métis, comme une bonne partie de la population réunionnaise, que ne caractérise nullement de façon nette un type africain quelconque. Marie-Thérèse Gasp est d’ailleurs originaire d’Étang-Salé-Les Hauts (comme Valérie Bègue, Miss France, précise-t-elle elle-même).
Cette affaire les a mis, en tout cas, sur la scène médiatique, ce qui a permis de découvrir leur visage, avec même pour J.J. Martial, une photo d'enfance, sans doute à son arrivée en métropole, qui confirme tout à fait l'impression qu'on peut avoir quant au degré précis de son métissage. On constate surtout que l'un et l'autre ont su surfer avec adresse sur la « vague mémorielle » et la « repentance » puisque chacun a déjà écrit un roman à partir de son histoire (la première cherchant actuellement un coéditeur pour publier une nouvelle version et Jean-Jacques Martial a fait également le sien, consultable et vendu sur Internet). On peut donc voir que ces expériences n'ont pas été si funestes qu'on pourrait le croire, puisqu'il est évident que, s'ils étaient restés dans leur DASS d’origine, ils n'auraient probablement jamais vécu de telles promotions et connu un tel succès, même si l’on comprend tout à fait qu'ils puissent avoir des problèmes personnels à la suite de ces aventures de leur enfance. On les attend à 20 heures chez Ardisson !
Le cas de Dominique Foucher (qui a repris son nom d'origine Marie-Thérèse Gasp) est d'une certaine façon plus banal quoiqu’elle prétende, sans donner beaucoup de détails, avoir été une athlète de haut niveau ce niveau (Elle présente d’ailleurs une vague ressemblance avec Marie-José Pérec, son métissage étant toutefois moins marqué). En se fondant sur le témoignage, inévitablement un peu suspect, de sa mère biologique qu’elle a fini par retrouver, elle avance qu’elle n’a jamais été abandonnée par elle ; celle-ci, malade, à l’en croire, l'avait placée, en raison de sa maladie, à la Providence, dans un foyer bien connu tenu par des religieuses. Marie-Thérèse ne l'avait quitté pour être remise à la DASS que parce qu'elle avait atteint trois ans, qui était la limite d'âge pour cet établissement. Son cas est celui donc de tous ces  enfants qui étaient non pas dans leurs familles, mais dans divers foyers. On peut donc penser que, comme pour beaucoup d’autres, la vie de Marie-Thérèse Gasp a été, somme toute, grâce à ses mérites personnels, plutôt meilleure que celle qu'elle aurait pu avoir, dans son île natale, même si, dans ce cas précis, ses rapports avec sa famille d'adoption ont été mauvais. Toujours est-il qu'aujourd'hui, tout en étant toujours célibataire et la mère de trois enfants, elle a un métier (agent d'enquêtes au CREDOC à Paris où elle réside depuis cinq ans), elle écrit et nourrit, en outre, divers projets.
Le cas de Jean Jacques Martial est différent ; la version qu'il donne de son départ de la Réunion est tout à fait autre, un peu étonnante ; je la soupçonne même d’être romanesco-idéologique. En effet, il aurait été pratiquement enlevé par « la lwa » (comme on disait là-bas !) ;  « arraché », dans des conditions un peu rocambolesques, à l’âge de six (ou sept) ans, à sa grand-mère qui l’élevait en compagnie de son frère et sa sœur, il se retrouve, un matin de novembre, à Guéret, « en short et en tongs ». Je suis également  étonné par le port de ces « tongs » qui, à cette époque, étaient bien rares à la Réunion et cela surtout dans « les Hauts » où tout le monde ou presque, et les enfants surtout, marchait pieds nus que par les conditions rocambolesques de cette « enlèvement » qui paraît s'inscrire, d'une façon un peu trop parfaite, dans la version moderne, anticolonialiste et antifrançaise, des faits en cause.
J.J. Martial semble vouloir, à travers la narration qu'il fait de sa venue en France, à la fois nourrir sa légende personnelle mais surtout fonder la plainte qu'il a déposée en 2002 contre l'État français pour « enlèvement, séquestration de mineur, rafles et déportation » et qui s'assortit de la demande d'un milliard d'euros de dommages-intérêts ! Le bougre n’y va pas de mainmorte.  D'autres plaintes ont suivi jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme, sans succès jusqu'à présent et Marie-Thérèse Gasp s'est, semble-t-il, à son tour victimisée et inscrite dans cette lignée procédurière . Elle intente elle aussi un procès à l'État français, sans préciser davantage toutefois les dommages-intérêts demandés.
Ces événements et ces procédures n'ont rien d'étonnant dans le mouvement de « repentance » qui s'est développé dans les DOM au cours des dernières années, depuis la loi Taubira, et dont la récente « résolution mémorielle » sur les « enfants de la Creuse » (à l’initiative d’une députée de gauche réunionnaise) n'est sans doute pas sans rapport avec les futures élections !


dimanche 23 février 2014

De la Réunion à l'Australie en passant par le Vél’ d’Hiv’ : Les enfants de la Creuse (suite)

Avant d'aborder de façon plus étendue et précise cette affaire dont on a vu que les « spécialistes » comme les médias qui les suivent (y compris le Monde qu'on a connu plus sérieux!) la présentent souvent de façon très spécieuse, sinon parfaitement mensongère, il semble logique d'essayer d'établir d’abord les faits qui sont bien loin de l'être.

 Je n'ai pas pour habitude de raconter ma vie dans mes billets ; il est toutefois très curieux de voir que cette affaire commence en 1963 qui est précisément l'année où je suis moi-même arrivé à la Réunion. Je dois dire que je n'ai que très récemment perçu le rapport, direct et étroit quoiqu’invisible, qu'il y a entre ces deux faits. L’affaire des « enfants réunionnais de la Creuse » commence, en effet, précisément en 1963 et, sans que j’ai jamais perçu ce rapport, ce n'est pas par hasard qu’en sens inverse,  je suis moi-même arrivé à la Réunion en cette  même année. J’y ai, en effet, été envoyé au titre du Service Militaire Adapté, le SMA,  qui était une des mesures que Michel Debré avait prévues dans le cadre des réformes qu'il envisageait de faire dans les DOM. J’y reviendrai dans la suite, mais il est clair que les deux événements, si éloignés l'un de l'autre qu'ils puissent paraître, sont en fait en rapport étroit.

 On a vu que contrairement à ce qu'affirme, non sans calcul  mais de la façon la plus mensongère, le journal communiste de la Réunion, Témoignages, le nombre d'enfants ou d'adolescents de ce DOM concernés par cette affaire est très loin de constituer « la majorité de la jeunesse réunionnaise ». Je ne discuterai même pas ce chiffre dans son détail tant il est grotesque ! On a en effet  souvent mis en avant le cas de ces « enfants de la Creuse » qui est naturellement le plus susceptible de toucher et d'émouvoir les lecteurs, mais il n’est pas, ni numériquement ni même humainement, comme on va le voir, le principal. En réalité, d'après les informations que j'ai pu recueillir et qui me semblent les plus sérieuses, le nombre des jeunes Réunionnais qui ont transité par Guéret n’a pas dépassé, en tout, 300. « Au total, environ 300 enfants réunionnais ont été envoyés par la DDASS, entre 1960 et 1971, à Guéret, dans la Creuse. Ils étaient majoritairement issus des foyers de Hell-Bourg et de la Plaine des Cafres, d’autres enfants provenant de familles nombreuses et en difficulté (Quotidien de la Réunion, 20 février 1993).

 Je laisse de côté le détail des chiffres qu’il serait sans doute possible de préciser puisque nous disposons sur ce problème d'archives qui ne semblent guère avoir été consultées par les « chercheurs ». Curieusement, les aspects socio-anthropologiques de la question ont même été négligés. Deux éléments me paraissent ici essentiels. On lit en effet que les « enfants de la Creuse » étaient « majoritairement issus des foyers de Hell-Bourg et de la Plaine des Cafres ». Omettre ou ignorer un tel détail relève sans doute d’un choix idéologique à propos de cette question et vise à fonder le caractère « esclavagiste » de ces « déportations » en prétendant qu’elles ont concerné « une grande majorité d’afro-descendants ». 

 Cette falsification est évidemment destinée à renforcer l'hypothèse d'un nouvel esclavage ; en effet ces « enfants de la Creuse » venaient, en réalité, essentiellement des « Hauts »de la Réunion (où se trouvent Hell Bourg et la Plaine des Cafres ) qui sont peuplés par une population plutôt blanche ou faiblement métissée ; y vivaient alors surtout des « petits blancs des hauts », à cette époque, la catégorie sociale la plus pauvre qu'on accable,  dans le créole local, d’épithètes dépréciatives :  « yab », « yab sousout », « pat zonn », « litone »,  etc. Cette simple remarque écarte l'hypothèse fallacieuse d'un choix racial des enfants destinés à la migration . Ce détail souligne aussi l’étendue de l’ignorance des réalités sociales locales de la part de ces auteurs. Ce point est d'ailleurs confirmé par les phénotypes mêmes de quelques quinquagénaires issus de cette migration dont on a pu voir les images dans la presse ou à la télévision.

L'idée même des « enlèvements » et des « rafles » est tout aussi absurde et imaginaire puisque, en réalité ces enfants, souvent des pupilles de la nation, étaient en réalité choisis dans des établissement sociaux de la DASS, créée à la même époque par le même Michel Debré et nombre d'entre eux venaient de ce qui était à l'époque une véritable institution, l'APPECA, dont il faut dire un mot ici.
APECA signifiait « Association pour l’enfance coupable et abandonnée » ; on se demande aujourd’hui comment on a pu choisir une telle dénomination qui offre l’unique avantage de montrer que les enfants qu’on y a trouvés pour les envoyer en métropole n’étaient en rien arrachés à l’affection de leurs familles, comme nos sociologues de service et quelques médias essayent de nous le faire croire !

Le principal foyer de l’APECA se trouvait alors, en effet, à la Plaine des Cafres et cet établissements était dirigé par une figure mythique de la tradition populaire réunionnaise, le Frère Polycarpe. Naturellement la discipline de cet établissement était extrêmement sévère et dans les familles populaires, on en menaçait souvent les enfants turbulents de « lapéka » comme du « Sat maron » ou de la « Granmerkal ». Les anciens élèves en avaient des opinions fortement contrastées, les ans regardant l’APECA comme une sorte de bagne, les autres lui attribuant leur réussite dans la vie l'APECA les ayant détournés de la délinquance et orientés vers le travail car on y apprenait un métier.

Le second point que je voudrais traiter ici est que cette opération du BUMIDOM ne relève en rien des fantaisies d’un décideur fou et/ou sadique, qui, en l'occurrence, aurait été Michel Debré. En réalité, même si le BUMIDOM a disparu en tant que tel avec l'arrivée de la gauche en 1981, cette décision a été sans doute inspirée à l’Union de la Gauche, sous l'influence du Parti communiste réunionnais, dont les motivations en la matière n’étaient pas tout à fait claires, mais dont le résultat a été incontestablement fâcheux sur le plan démographique et social.

Michel Debré, qui est alors un homme politique français très important, a découvert la Réunion qu’il ne connaissait pas et surtout ses problèmes à l’occasion de sa visite dans l’île, comme Premier Ministre, en 1959, pour y accompagner le Général de Gaulle. Suite à des circonstances sans importance ici, il s’y fera élire député en 1963 et le restera jusqu’en 1987, s’étant pris d’une véritable passion pour ce pays. Ayant dès le départ conscience de la catastrophe démographique, économique et sociale qui menaçait ce département et jouant en France un rôle politique majeur qui faisait que toutes les portes lui étaient ouvertes, il s'emploie dès lors à concevoir et à mettre en œuvre un véritable plan de sauvetage de l’île. Il est, en effet, convaincu qu'il faut absolument y créer des emplois et empêcher l'explosion du nombre de chômeurs qui, naturellement, fait le jeu du PCR, le parti communiste local, alors autonomiste, à un moment où nombre de nos anciennes colonies accèdent à l’indépendance.

Debré va donc assez logiquement mettre l'accent à la fois sur l'émigration vers la métropole et en particulier celle des jeunes susceptibles, à terme, de faire monter le taux de croissance démographique des zones de l’hexagone qui se dépeuplent et sur l’éducation et la formation, indispensables à ses yeux pour tous les migrants en vue de leur intégration sociale.
C'est ainsi que, assez logiquement, la guerre d’Algérie prenant fin, M. Debré va mettre en place le Service Militaire Adapté. Ce SMA, expérimenté dès 1961 aux Antilles, est étendu en 1963 à la Réunion. La première vague y amènera une bonne vingtaine de professeurs qui doivent y faire leur service militaire selon cette nouvelle formule. Tous sont des enseignants titulaires, certifiés ou agrégés (espèces alors rarissimes dans l’île) qui enseigneront dans l’unique lycée et qui, pour les agrégés, constitueront le point de départ du futur centre universitaire de la Réunion où n’existait alors qu’une simple Ecole de droit.

 Quelle que soit l’opinion qu’on peut avoir sur ce projet (Aux Antilles, il sera approuvé par Césaire !), force est de constater qu'il était logique à la lumière de la situation de la Réunion à cette époque. On voit du même coup que l'idée de faire partir en métropole des enfants et des adolescents, que l'on arrache nullement à leurs familles puisqu’ils sont déjà recueillis dans des structures sociales comme l’APECA, pour avoir été soit abandonnés, soit retirés à leurs parents génétiques, n'est pas non plus une si mauvaise solution. Tout en évitant les risques ultérieurs du chômage, de l’analphabétisme et de l’alcoolisme (on consomme alors dans l’île 13 litres d’alcool pur par an… » en comptant les femmes et les petits enfants » !), ils s'adapteront plus facilement à la vie métropolitaine qu'on leur destine et en particulier ils apprendront le français qui, à cette époque, n'est encore que la langue d'usage d'une fraction très réduite de la population réunionnaise, alors que le système éducatif est très loin de ce qu’il deviendra dans la suite grâce à Michel Debré !

(Suite et fin demain).

vendredi 21 février 2014

De la Réunion à l'Australie en passant par le Vél’ d’Hiv’ : les enfants de la Creuse


Le 18 février 2014, l'Assemblée Nationale française a voté une étrange « résolution mémorielle » sur la déportation d’enfants réunionnais vers la métropole. À la Réunion, le moribond quotidien communiste local, 
Témoignages, en vente dans quelques boulangeries, a fait, de ce vote et des événements auxquels il se rattache, un récit qui mérite qu'on s'y attarde quelque peu, car il vaut son pesant de « pistaches » (les cacahuètes dans les idiomes domiens !). La limitation de l’espace éditorial fait que je n'en citerai ici que quelques éléments qui me paraissent propres, à divers titre, à retenir l'attention. Comme toujours, mes remarques seront entre crochets et en italiques.
« 51 ans après les premières rafles [Témoignages ignore apparemment le sens et la connotation du mot « rafle ». Cela n’a rien d’étonnant quand on sait que le fondateur de ce journal, Raymond Vergès, membre de la Légion française des combattants, créée dès août 1940 par Pétain, écrivait, dès le 5 octobre 1940, dans une lettre au gouverneur vichyste Aubert « Je m’engage donc personnellement à suivre, avec un entier loyalisme, le gouvernement français, ainsi que son chef, le maréchal Pétain. Pour le détail, cf. R. Chaudenson, Vergès, père, frère et fils, l’Harmattan, 2007, pp. 57-63] d’enfants réunionnais, l’Assemblée nationale a débattu hier d’une proposition de résolution sur les Enfants de la Creuse. Le texte demande d’approfondir la connaissance historique [La formule, on le verra, ne manque pas de pittoresque ; elle répond en tout cas parfaitement aux principes staliniens de la réécriture de l’histoire !] de ces faits, et considère que « l’Etat a manqué à sa responsabilité morale envers ces pupilles ».
A l’heure où nous mettons sous presse, cette proposition ne fait pas l’unanimité. Contrairement à la loi reconnaissant l’esclavage en tant que crime contre l’humanité [Faut-il rappeler aux « historiens » de ce journal que les faits évoqués ici datent, en gros, de 1970 et que l’esclavage a été aboli à la Réunion en 1848 ! ], un groupe parlementaire a décidé d’expliquer son refus de voter pour. Il s’agit de l’UMP pour qui le texte est considéré comme une attaque portée à Michel Debré. ».
« Les enlèvements d’enfants réunionnais [Il n’y a jamais eu d’« enlèvements » pas plus que de « rafles » ! ] ont duré aussi longtemps que le BUMIDOM, près de 20 ans. Au bout de 5 ans, "Témoignages" arrivait à briser le mur du silence. Il était combattu par le pouvoir de l’époque, qui tentait à grand peine d’organiser le transfert de la majorité de la jeunesse réunionnaise vers la France. ». 
 (Témoignages, 19/2.2014).
Une attention particulière doit être apportée aux faits eux-mêmes, naturellement peu connus en métropole, en raison de la présentation très particulière qu'on a pu en faire, comme on vient de le voir. Je ne puis donc me limiter à des notes de détail !
D’abord un mot sur Michel Debré et le BUMIDOM qu’il créée, en1963, peu après son élection comme député de la Réunion. Ce programme de migration des DOM (et non de la seule Réunion) vers la métropole est mis en place à l'initiative de Michel Debré que préoccupait certes le dépeuplement de divers secteurs ruraux de l’hexagone,  mais, d’abord et surtout, la démographie réunionnaise galopante qui conduisait, à très court terme, ce département  à de très graves problèmes démographiques, économiques et sociaux.
Si le Bumidom, entre 1963 et fin 1981, contribua à la freiner, elle reprit de plus belle après sa suppression, à l’arrivée de la Gauche au pouvoir. Selon A. Técher, le Bumidom a organisé la venue en métropole de 70 615 personnes entre sa création et décembre1981. « Cela représente 44,7 % d'un total de 157.000 migrants venus d'outre-mer s'installer en France métropolitaine durant cette période, les autres se déplaçant dans le cadre de leur service militaire, d'une mutation de la fonction publique ou d'une migration plus spontanée ».
Pour être précis, 1.630 enfants réunionnais d’âges divers (les plus jeunes avaient de trois ans, « abandonnés ou non » et recueillis à la Réunion par la Direction départementale de l'action sanitaire et sociale (la DASS), pour des raisons diverses (abandonnés ou retirés à leurs familles) furent envoyés en métropole, soit environ 2% du total de la  migration au titre du Bumidom et non la « majorité de la jeunesse réunionnaise », comme l’écrit de façon grotesque,Témoignages. Ils furent envoyés, surtout vers des départements métropolitains, caractérisés  par un exode rural et le dépeuplement, comme la Creuse, le Tarn, Gers, la Lorraine et les Pyrénées orientales.
La plupart de ces enfants réunionnais qui, au départ, n’avaient en rien été ni « enlevésé « ni « raflés » ; après un bref séjour dans un foyer, ils étaient envoyés dans des familles d'accueil, dans des conditions qui sans doute rappelaient souvent celle des enfants qui, au XIXe siècle encore, étaient « placés » par leurs parents dans des familles autres que leur, pour y faire plus ou moins fonction de domestiques non-salariés, seuls « le gîte et le couvert » leur étant assurés.
Il ne s’agit pas de ma part d’établir un rapport quelconque entre le principe mis en œuvre dans le BUMIDOM et une tradition française ancienne de « plaçage », mais il est curieux de constater que dans des cas aussi divers que ceux de la Creuse (je ne prends ce cas que parce qu’il a servi à donner leur titre à des travaux sur cette question), d'Haïti et des Seychelles, on retrouve cette tradition française de l'utilisation comme domestiques, sous couvert de charité, d'enfants placés dans des familles qui ne sont pas les leurs.
J'ai écrit plusieurs billets sur le cas des « restavèk » haïtiens (les dits « restavèk » sont des enfants qui « restent » (= habitent) avec une famille qui n’est pas la leur). Leur cas a été mis en évidence à l'occasion du séisme qui, en janvier 2010,  a frappé ce malheureux Etat et du refus stupide de la France (Bravo Monsieur Kouchner !) de laisser partir, en vue de leur adoption en France, des enfants haïtiens qu’on a, par là même, condamnés à grossir la foule infortunée des « restavek » qui, en Haïti, se comptent par centaines de milliers! Je ne m'attarde pas sur ce point car j'en ai longuement parlé dans mon blog d’alors et aussi dans le livre que j’ai publié sur Haïti à partir de ces textes (R. Chaudenson, Haïti. Goudou-Goudou ! Un an de terreurs, d’erreurs et de rumeurs, L’Harmattan, 2011).
Moins évident et moins connu est le cas des Seychelles, où l'on trouve aussi cette pratique et où ces enfants sont nommés  « sonnyin » (« soignés » dans le créole local très nasalisé). Aux Seychelles, mais je doute un peu que cette coutume existe encore, on nommait ainsi l’équivalent local d’un restavek haïtien, donc un enfant recueilli dans une famille qui n'est pas la sienne et qui se trouve souvent réduit à une condition proche de celle d'un domestique (notons que ce même verbe « soigner », comme autrefois dans nos campagnes françaises, s’emploie aussi là-bas, comme en français, pour les animaux ).
Ce fut sans doute le cas d'un certain nombre d'enfants réunionnais dans les campagnes françaises , mais ce ne fut pas le cas de toutes et tous, puisque, comme on le verra plus tard, on a pu trouver quelques réussites tout à fait remarquables chez ces exilés de force âgés aujourd'hui d'une cinquantaine d'années.
Je reviendrai demain sur cette affaire mais je voudrais tout de même souligner ici un fait relativement curieux.
Pour des raisons qui m'échappent personnellement, ce sujet n’attiré l'attention en France que vers 2004, à la suite de la publication de deux livres . La déportation des Réunionnais de la Creuse, Elise Lemai, Éditions L'Harmattan, 2004 et Tristes tropiques de la Creuse, Gilles Ascaride, Corine Spagnoli, Philippe Vitale, Edition K'A, 2004.

Je ne sais rien d’Elise Lemai mais la présentation qu’elle fait d’elle-même m’inquiète quelque peu, tant par son vague que par ses précisions  : « Autodidacte professionnelle, webmastrice depuis 2000 (Cariboost, Joomla, Wordpress), bloggeuse depuis 2005 (Overblog), administratrice de forum depuis 2008 (Module Joomla, Forumactif), diplômée de second cycle universitaire en psychologie et en lettres modernes, enseignante en BTS, en préparation aux concours sanitaires et sociaux, ainsi qu’en université, auteur d’une trentaine d’articles et d'une dizaine de livres publiés à compte d’éditeur, relectrice d’édition depuis 2011, photographe depuis 2009, monteuse de vidéos du dimanche (Pinnacle Studio 9, Sony Vegas), floodeuse à mes heures perdues, je mets ma formation et mes expériences au service du community management des entreprises et de leurs projets. Ainsi que ma capacité à écrire des phrases courtes ».
En revanche, j’ai souvent entrevu  Gilles Ascaride et Philippe Vitale qui ont été, l'un de l'autre, dans mon université (le premier au titre du CNRS, même s'il se montre fort discret sur cet aspect, l’autre comme maître de conférences en sociologie). Il se trouve que je suis regardé, à tort ou à raison, comme un des bons connaisseurs de la culture et de la langue réunionnaises. Sans grand mérite d’ailleurs puisque j'ai passé 17 ans à la Réunion (1963-1980), que j'ai consacré ma thèse d'État au créole réunionnais (1972, 1243 pages parues en deux volumes chez Champion), que j’ai dirigé des décennies durant la principale équipe de recherche sur les créoles associée au CNRS, que je suis co-auteur avec Michel Carayol et Christian Barat de 0l’Atlas linguistique et ethnographique de la Réunion (paru en trois volumes au CNRS) et que j'ai publié un grand nombre d'ouvrages et d'articles sur cette île (dont une Encyclopédie de la Réunion en neuf volumes). J'ai donc toujours été très étonné que l'Institut d'études créoles que j'ai créé à l'université d'Aix-Marseille 1 (où se trouvait également ces deux auteurs) n’ait jamais reçu la visite de ces deux chercheurs, qui pourtant auraient pu trouver des documents et des informations qui auraient dû les intéresser (en particulier sur la langue créole réunionnaise dont ils semblent n'avoir qu'une idée assez lointaine, quoiqu'ils aient réalisé des interviews dans une langue dont j'ignore ce qu'elle peut être).
Quant au troisième co-auteur de leurs travaux, Corinne Spagnoli (dont le nom de famille semble Bègue ; elle est donc d’origine réunionnaise comme notre tapageuse Miss France), elle est spécialisée exclusivement dans la cuisine, son ouvrage sur la cuisine réunionnaise étant la seule référence bibliographique dont j'ai pu trouver trace sous son nom. Il semble donc que dans cette affaire elle ne serve guère que de caution réunionnaise car je doute fort qu'elle puisse y avoir un autre rôle.
A demain donc pour la suite !

mercredi 19 février 2014

Help ! Burn out au CNRS


« Le burn-out des  labos » (Monde science et techno ; 17 février 2014) est le titre d'un article de Camille Thomine (Monde Académie) sur les suicides au CNRS. L'article est tout aussi inattendu que le titre ; pour la clarté de mes propos, j’en reproduis ci-dessous quelques éléments (en italiques) que je fais suivre de mes commentaires.

« Le Syndicat national des travailleurs de la recherche scientifique (SNTRS-CGT) s’inquiétait dans un communiqué « de la survenue, pour le seul mois de janvier, de trois suicides de personnes travaillant dans des laboratoires et l’administration du CNRS ». Et se demandait s’ils n’étaient pas un prélude à « une vague de suicides ».
Si la direction de l’organisme tient à rappeler qu’aucun de ces drames ne s’est produit sur les lieux de travail et que rien ne permet pour l’instant de les relier à leur activité professionnelle, ils surviennent dans un climat de détresse psychologique répandu dans la recherche publique ».

Cet article me fait penser à une vieille blague concernant le CNRS que je vous fais courte faute d'espace. Un lion est embauché un jour au CNRS ; quelques mois plus tard, il est traduit en commission de discipline après avoir mangé trois femmes de ménage. La commission lui en fait reproche et lui signifie clairement qu’au prochain incident de ce genre, il sera sévèrement châtié. Le lion interroge alors le président de  la commission et demande: « J'avoue que j'ai bien mangé ces trois femmes de ménage et que je mérite donc d'être puni, mais comment se fait-il que personne n'a rien dit pour les sept chercheurs que j'avais mangés auparavant ? ».

Si l'on se suicide au CNRS et dans les EPST françaises à cause du stress et de l’excès de travail, il faut s'attendre au pire dans la plupart de nos administrations. Je reconnais que l'article d'une grande prudence comme le montre la suite et le rappel de la position des instances dirigeantes :
« La direction du CNRS rappelle que le taux de suicides y est inférieur à la moyenne nationale et que le nombre des arrêts maladie reste stable depuis 2010. Elle craint que l’évocation, même avec un point d’interrogation, d’une « vague de suicides » dans le communiqué syndical soit elle-même potentiellement suicidogène pour des personnes fragiles. Elle ne nie pas que la situation actuelle de la recherche publique – tensions sur l’emploi et les budgets – crée des situations difficiles, mais estime avoir fait face à la montée des risques psychosociaux ».

Je suis rassuré par la mise au point de la direction du CNRS. Pour les sciences humaines et sociales, qui constituent le secteur qui m'est le plus familier, un certain nombre de chercheurs du CNRS n'ont pas de raison d'invoquer des arrêts-maladie pour rester chez eux, puisqu'ils sont déjà, dans nombre de cas, des travailleurs à domicile et que le contrôle de l'activité de recherche, pour le moins discret, est pour l’essentiel effectué par eux-mêmes. Toutefois cet article, quoique hautement spécialisé, témoigne d'une confusion, permanente et très fâcheuse, entre le statut du chercheur au CNRS ou à l’IRD et celui d'enseignant-chercheur des universités. On doit se garder pourtant de les confondre, même si par définition et depuis Edgar Faure, les enseignants des universités sont des enseignants et des chercheurs (à mi-temps en quelque sorte pour chacune de ces deux activités) et si un certain nombre de chercheurs du CNRS viennent faire, sur leur temps de travail de recherche, des heures complémentaires à l'université pour se faire de l'argent de poche !

Remarque plus étonnante encore ; cet article observe qu’« un chercheur passe donc beaucoup de temps à remplir des formulaires ultra précis d'organismes européens ou de l'Agence nationale de recherche. ».

Ce reproche est clairement pittoresque de la part du CNRS, puisque les documents que toute équipe, soit du CNRS soit associée au CNRS, doit régulièrement fournir à son administration centrale ont toujours été d'une précision parfois ubuesque, allant par exemple, pour une équipe associée, jusqu’à devoir évaluer le coût de financement de l'université d’accueil à l'équipe en cause pour ce qui touche le  balayage des locaux. Je crois qu’en matière de complication et de pinaillage administratif, le CNRS n'a de leçon à recevoir de personne ; tout cela n'a pas changé d'ailleurs depuis l'apparition des crédits européens et de l’ANR. Je n’ai pas le temps de m’étendre sur ces aspects  qui visent en fait à décourager les solliciteurs, les bénéfiaires étant choisis à l'avance sur la base du copinage. Tout cela n’a pas grand-chose à voir avec la recherche comme je l'ai montré, dans son détail, dans mon récent livre, CNRS : le Jurassic Park de la science stalinienne auquel je ne peux d'ailleurs que renvoyer pour l'ensemble de ces problèmes (Paris, l'Harmattan, 2013).  En outre, pour quiconque a l'expérience de ces domaines, il est clair que tous ces formulaires de description de recherche sont taillés sur le même modèle, qui est d'ailleurs, de toute évidence d'inspiration américaine (NSF et alii), les organismes européens ou français étant arrivés bien après les organismes des États-Unis dont les procédures d'évaluation et de contrôle, essentielles en pareils cas, sont d'ailleurs infiniment plus sérieuses.

« Chaque année, un chercheur passe donc plusieurs mois à remplir des formulaires ultraprécis beaucoup de temps d’organismes européens ou de l’Agence nationale de recherche (ANR) avec, chaque fois, neuf chances sur dix de voir son projet retoqué. « Pour chaque projet échelonné sur trois-quatre ans, il faut développer, mois par mois, le temps consacré par chaque membre à chaque activité, explique Anne Atlan, chargée de recherche CNRS en biologie évolutive à Rennes. Comme s’il était possible d’anticiper à ce degré de précision ! En recherche, par définition, on ne sait jamais ce qu’on va trouver… »
Face aux plaintes répétées, l’ANR a bien établi, en juillet 2013, un appel à projets simplifié, visant à établir un premier tri parmi les demandes. Mais à la clôture des dossiers, en octobre, elle annonçait 8 444 prépropositions éligibles. Un chiffre décourageant pour Anne Atlan, dont les onze projets déposés ces deux dernières années ont tous été refusés ».

Ce qu’on demande, dans les projets, est moins ce qu’on va trouver que ce qu’on cherche et comment on le fait ! Une fois encore, tout cela n'est pas très nouveau et je ne puis sur ce point que renvoyer à mon livre. En réalité, la situation n'a guère changé depuis 30 ans car les chercheurs n'ont que de trois solutions : 1. se tenir tranquilles dans leurs coins faire son jardin, aller au labo ou à la « cafet’ » selon ses habitudes « professionnelles », 2. se glisser dans un projet d'une équipe, largement financée sans grand examen, dans la mesure où son responsable est arrivé à se faufiler dans les instances directives directions de direction du CNRS ou y a des copains  (vous voulez des noms ?) ; 3. Cas le plus rare : aller chercher l'argent ailleurs qu’au CNRS et parfois en trouver, à condition bien sûr d’en avoir recherché. Ce fut personnellement toujours mon cas, le CNRS se refusant à prendre en compte pour les équipes, la « valeur ajoutée », c’est-à-dire les crédits trouvés ailleurs qu’au CNRS !

« Mais si prestigieuses que soient les publications, elles ne suffisent plus : le chercheur doit encore mener une activité éditoriale – par exemple en tant que relecteur desdites revues –, participer à des animations scientifiques de type congrès ou conférences, faire partie de jurys, concourir à la vulgarisation de la science par des débats citoyens, des associations, des blogs ou des wikis et bien sûr encadrer des étudiants en thèse ou en master… »

Autres sottises et ignorances ! On relève encore ici la confusion permanente entre chercheurs et professeurs d'université.
Les thèses qu'on évoque ici ne peuvent être soutenues que dans les universités et non au CNRS,  ce que ne savent généralement pas toutes celles et tous ceux ce qui nous abreuvent du poncif « Le CNRS pépinière de Nobels » ! Vaste blague dont je traite dans son détail mon livre que j'ai déjà cité et où je consacre deux textes à cette question.

Un chercheur doit avoir une activité de production scientifique (les publications) ; c’est en effet le minimum mais rien ne lui impose comme le prétend cet article d’être «  relecteur des dites revues ». Il n'y a plus d'édition scientifique en France. La plupart des revues scientifiques, imprimées de façon traditionnelle, sont à l'agonie ; pour avoir été, longtemps et à de multiples reprises, soit moi-même responsable de revue, soit membre de comité de rédaction, je puis vous dire qu'il est de plus en plus difficile, voire totalement impossible, d'obtenir des collaborations pour ce qui concerne la relecture et de l'évaluation des articles. Les facilités de la publication électronique rendent à la fois insupportables les délais des publications papier (souvent plusieurs années) et surtout extrêmement susceptibles les auteurs qui ne supportent pas, pour la plupart, de la part des relecteurs, la moindre critique ou demande de correction. Toutes celles et tous ceux qui connaissent ces problèmes me comprendront sur ce point sans que j'aie besoin d'insister.

« Une activité d’enseignement qui, dans le cas des enseignants-chercheurs, vaut à elle seule « un temps-plein bien rempli », confie Anne Atlan [chargée de recherche au CNRS et non universitaire ! ]. En plus des 192 heures de présence devant les étudiants (sans compter les trois-quatre heures de préparation et les corrections pour chaque cours), ses confrères enseignants-chercheurs doivent désormais gérer les emplois du temps… »
Concernant l’évaluation quadriennale des laboratoires par l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Aeres), certaines pratiques des labos font froid dans le dos, comme celle qui consiste à gommer des organigrammes les noms de certains collaborateurs « non publiants ». Une méthode violente pour éviter la note sanction, qui consiste tout simplement à nier l’existence de certains chercheurs, tenus un temps éloignés de la course à l’article pour des raisons aussi banales qu’un sujet d’étude moins fructueux ou un congé parental… ».

Je comprends mal les remarques de cet article concernant l'évaluation des laboratoires par l’AERES (création récente et, en principe, elle était faite auparavant par le CNRS !) et en particulier celle qui consisterait « a gommer » des organigrammes des « chercheurs non-publiants » ! Ce sont en effet les « labos » eux-mêmes qui établissent les documents départ à partir desquels le CNRS ou l’AERES réalise leurs propres évaluations bidon en général ; une fois de plus cf. mon livre !). Il est clair les auteur(e)s de ces textes ne connaissent pas grand-chose au problème dont elles parlent, ce qui est souvent malheureusement le cas dans notre presse.

 « Le CNRS est un gros paquebot, il lui faudra du temps et, surtout, une réelle volonté politique non seulement de la direction, mais au-dessus d’elle, de la haute administration. »
Aujourd’hui, les mesures de prévention, prévues par la loi, se multiplient dans les EPST : mise en place de cellules régionales et de formation des responsables d’unités, tant aux fonctions de management qu’à la détection des risques psychosociaux, à l’Institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea, ex-Cemagref), comme à l’Inserm ou au CNRS. Cela suffira-t-il ? Tout comme la recherche elle-même, trouver les bons remèdes demande du temps… ».

Le CNRS n’est pas un « gros paquebot » courant sur son erre, c’est le cuirassé Potemkine ! Je préfère personnellement, de beaucoup, à défaut du Potemkine,  la métaphore du « Jurassic Park de la recherche stalinienne ».

Cet article me paraît d'ailleurs oublier l’aspect essentiel, volontairement ou non. Depuis la loi LRU qui est au centre de mon autre livre récent (Universités : l’impossible réforme , Edgar, Valérie, Geneviève et les autres, Paris, l’Harmattan, 2013), toutes les mesures qui touchent à l'enseignement supérieur comme à la recherche visent en fait à en réduire les coûts sous le fallacieux prétexte d'une autonomie et de réformes qui sont les masques dérisoires de la privatisation et/ou de l'étranglement. Ces manœuvres sont encore plus claires, j'en conviens, pour le CNRS dont on se demande à quoi peut bien servir les milliards qu’il nous coûte et quel rôle ont les dizaines de milliers de personnes qu'il emploie, surtout quand on rapporte l'énormité de ces coûts à la faiblesse, pour ne pas dire au caractère dérisoire de ses résultats, quand on prend en compte pour les évaluer les ressources spécifiques que procurent à la France les brevets et les contrats autres que ceux qui ne sont pas en fait des subventions supplémentaires cachées.