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mardi 30 avril 2013

Du Livre blanc de la défense à la formation professionnelle : Le voyage de Monsieur Perruchot.


Hier, j'ai franchi d'un bond, en conclusion de mon post, l'espace qui sépare l'armée de la formation professionnelle, poussé que j'étais dans cette voie nouvelle tant par la relative proximité de leur budget (autour de la trentaine de milliards pour chacun), la recherche éperdue des économies budgétaires et la vocation constante qu'affirme notre armée à la formation professionnelle en prétendant, dans ses publicités, accueillir et former plus de jeunes que tout autre filière spécialisée. Il s'agissait bien sûr d'une boutade dont il fallait briser "l'os médullaire" et je vais bien finir par en venir à la formation professionnelle annoncée.

Je n'arriverai à ce sujet que par un chemin détourné sur lequel, tel un Petit Poucet politique, je tenterai de suivre les traces du cheminement de Monsieur Nicolas Perruchot, député du Nouveau Centre, parti dont il fut l'un des créateurs et même un moment le porte parole avant de démissionner de cette fonction. Avant d'être elu député et maire de Blois (où il a été battu aux dernières élections), N. Perruchot était consultant d'entreprise, ce qui explique sans doute, pour partie, son intérêt pour les comités d'entreprises.

Le chemin a été long, sinueux et heurté. L'affaire a commencé en 2007. Qu'il veuille bien me pardonner la mauvaise blague de mon titre et la référence à Labiche, mais comment suivre ses tribulations parlementaires sans évoquer Le voyage de Monsieur Perrichon. N. Perruchot propose alors de créer une commission d'enquête parlementaire sur" Les mécanismes de financement des organisations syndicales d'employeurs et de salariés".

Quoique (ou parce que ?) Nicolas Perruchot se situe au centre (Nouveau faut-il le préciser ?), sa proposition est curieusement très mal accueillie tant à gauche à droite, comme son sujet même pouvait le faire craindre. Il faut attendre donc 2010 pour que, grâce au « droit de tirage » dont dispose, depuis 1988, chaque groupe parlementaire, Nicolas Perruchot puisse faire créer sa commission d'enquête. Elle est alors mise en place rapidement, se réunit et, l'enquête achevée, le rapport en est établi et déposé par Nicolas Perruchot accompagné d'une proposition de loi.
 
Le plus étrange commence alors et ce sera le vote sur ce rapport, le 3 novembre 2011. Seuls neuf des 30 membres de la commission prennent part au vote : trois élus UMP s'abstiennent, les trois socialistes votent contre et seuls les deux centristes Francis Vercamer et Nicolas Perruchot lui-même ainsi que Arnaud Richard (le seul député UMP à voter) approuvent le texte. Tout cela confirme, s'il en est besoin, le caractère explosif de ce sujet. En tout cas, faute de majorité, le rapport est rejeté !

Pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, semble-t-il, un rapport parlementaire ne sera pas publié ; officiellement en tout cas ;  à en croire l'article de Patrick Bonanza et Mélanie Delattre (Le Point.fr  26 février 2012), ce rapport ne pourra être publié que dans 30 ans ! Néanmoins, le rapport lui-même est mis en ligne par Le Point, ce même jour. Cette publication ne comporte pas toutefois les soixante dix pages qui contiennent, entre autres, toutes les délibérations de la commission chargée de l'examen de la proposition de loi intégrée au rapport et qui ont été menées par la Commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale sous la présidence de Pierre Méhaignerie.

C'est dans cette seconde partie, non publiée par Le Point, qu'on accuse Nicolas Perruchot d'avoir organisé lui-même la fuite vers la presse, ce dont il se défend. C'est toutefois là que commence l'incompréhensible

En effet, contrairement à tout ce qui a été dit et écrit, le rapport est tout à fait accessible en ligne dans le site de l'Assemblée nationale! On y lit même en forme de présentation:

" Proposition de loi de MM. Nicolas PERRUCHOT et Yvan LACHAUD et les membres du groupe Nouveau Centre sur le financement des comités d'entreprise, n° 4090, déposée le 14 décembre 2011 (mis en ligne le 15 décembre 2011 à 12 heures 30 [souligné par moi]) et renvoyée à la commission des affaires sociales".

Le rapport est donc facilement accessible par Internet où il figure, dans son intégralité, sous le numéro 4090 et le numéro 4186 pour le rapport lui-même. La manie journalistique du scoop aurait-elle encore frappé ?

Je vous avais annoncé (et c'était mon intention initiale) que je vous donnerai quelques extraits significatifs de ce rapport, mais l'explication de l'étrange cheminement de ce texte a occupé mon post du jour. Par conséquent, les morceaux choisis du rapport Perruchot, que je vous avais promis, sont remis à demain.

lundi 29 avril 2013

Dies irae


Finalement, vous l'aurez noté, j'aime bien les titres en latin ; ça fait savant à peu de frais, même après la disparition des pages roses, ça ne mange pas de pain et souvent ça peut se prêter, en plus ("brievetas aurea"), à divers interprétations, ce qui a l'avantage de ménager l'avenir.

Dies irae. Jour de colère que ce lundi 29 avril 2013, Sainte Catherine et journée de la danse (du ventre ou du scalp au choix !). C'est aujourd'hui que va être révélée aux Français, confondus d'impatience, le Livre blanc de la défense qui a fait l'objet de tant de manœuvres et de tant d'hypothèses depuis quelques mois.

Pour les hypothèses, je reste convaincu, seul contre beaucoup, que la décision soudaine de François Hollande d'envoyer quelques milliers de soldats au Mali lui a été inspirée par l'Etat-major qui en rêvait pour toutes sortes de raisons et le lobby militairo- industriel qu'il a d'ailleurs reçu récemment en la personne des sept principaux acteurs (Dassault, EADS, Thales, DCNS, Nexter, Safran, MBDA) . Souvenons-nous que Tulle (dont F. Hollande fut le maire et qui reste chère à son coeur) est spécialisée dans des activités de défense, même si la manufacture d'armes n'y est plus ce qu'elle fut

Il était donc facile et tentant de glisser dans le tuyau de l'oreille du Président que sa situation précaire sur le plan de la popularité pourrait gagner beaucoup à une victoire éclatante au Nord-Mali (il ne pouvait guère en être autrement) et que sa visite triomphale serait, comme le sabre de Joseph Prudhomme, le plus beau jour de sa vie.

Bingo ! Les prédictions des militaires se sont naturellement réalisées (au prix de quelques centaines de millions d'euros nous avoue-t-on), mais, quand on aime, on ne compte pas ! Ce qu'on avait omis de lui préciser (mais il aurait dû le savoir ou être averti par ses conseillers spécialisés) c'est qu'il était sans doute plus facile d'entrer au Mali que d'en sortir! Notre presse nationale, qui n'a pas ménagé ses cocoricos dans les premiers mois, commence maintenant seulement de nous parler d'un "enlisement" pourtant parfaitement prévisible et pour lequel il me faut me rendre la justice que je l'ai annoncé dès mes premiers posts.

En réalité, nous sommes toujours seuls dans ce que, vu le lieu, j'hésite à appeler la galère malienne, puisque même certaines parties du Nord-Mali sont toujours interdits aux troupes maliennes elles-mêmes ; Kidal n'est toujours occupée que par des Français et des Tchadiens qui restent prudemment dans leurs camps et laissent tout le reste aux mains de ceux qu'on appelle maintenant les autonomistes tamashek après les avoir baptisés "terroristes" jusqu'à ce qu'ils se séparent des "vrais" et se rabibochent (mais pour combien de temps ?) avec nous.

Mais revenons à notre Livre blanc de la défense.

Savez-vous ( et ce point annonce déjà le sujet de mes prochains posts) qu'il y a un budget en France plus important que celui de la défense?

Je ne parle pas de celui de l'éducation nationale qui est à peu près le double (60 milliards d'euros à la louche contre une trentaine) mais celui de ... la formation professionnelle ! Ce sera mon prochain sujet et il n'est pas triste !

Le rapport Perruchot qui portait, pour une bonne partie, sur ces questions a été interdit de publication en 2012 ce qui est proprement incroyable !

Si le budget de la défense tourne autour de la trentaine de millions. Il sera donc grosso modo maintenu et l'on avait soigneusement nourri et entretenu la crainte d'une réduction pour faire du simple maintien une décision jugée heureuse. Vieille stratégie politique qui marche toujours! Celui de la formation professionnelle, en revanche, oscille entre 33 et 35 milliards d'euros selon les données, sans qu'on sache au juste, ce qui vous montre d'ailleurs soit le degré de précision de nos finances, soit les cachotteries qu'on nous fait.

Le pire est toutefois que ce budget français de la formation professionnelle qui est, dit-on, le plus élevé d'Europe et, d'après les experts et les constats que nous pouvons faire sur le chômage, également le plus inefficace. Cette filière comprend nombre de mystères dont, après d'autres (des mystères comme des experts), je vous parlerai plus longuement dans la suite.

Si je puis me permettre une suggestion à notre vénéré Président je crois qu'une façon heureuse et peut être efficace de régler à la fois les problèmes de l'armée comme de la formation professionnelle serait de fondre ces deux institutions et ces deux budgets.

Vous avez peut-être remarqué d'ailleurs que, dans la publicité de l'armée française, figure le fait que c'est l'armée qui, en France, recrute le plus de gens, tout en assurant, pour beaucoup, une formation professionnelle. (Ne serait-ce que par le passage du permis de conduire). Dès lors, pourquoi ne pas transformer l'armée qui, à mon sens, ne sert pas grand-chose (car, lorsqu'il faut vraiment intervenir, comme en Côte d'Ivoire ou au Mali, quelques milliers d'hommes, les forces dites "spéciales", suffisent et il en est point besoin de 200.000 militaires) en un système de formation professionnelle qui rendrait utiles beaucoup de militaires et formeraient professionnellement, sous un contrôle plus rigoureux, beaucoup de gens sans travail ni formation.

C'était là, comme toujours, un conseil gratuit d'Usbek & Co Consulting !

À demain donc pour l'approche du grand mystère de la formation professionnelle.

dimanche 28 avril 2013

Pour en finir avec le Qatar (suite et fin).


Ne vous méprenez pas sur ce titre, je ne suis pas passé (hélas !) au service de l'Arabie Saoudite et je ne veux en rien la mort du Qatar ; je signale simplement par là qu'après ce post, j'en aurai fini avec mes propos sur cet Etat dont je ne suis en rien spécialiste et qui ne reflète que des sentiments personnels suscités au hasard de mes lectures, des informations dont j'ai pu bénéficier ou de mes propres constats faits ici ou là.

Il est clair que la France bénéficie, de plus en plus, d'une forme de faveur de la part du Qatar. Il y a plusieurs explications à la chose mais je n'entreprendrai pas ici de les recenser et de les exposer toutes.

La première est sans doute les danses du ventre, fiscales, successives et intéressées, que les dirigeants français ont faites en direction de cet Etat, de Jacques Chirac à Nicolas Sarkozy, le comportement français étant un peu moins séducteur depuis l'élection de François Hollande.

Un deuxième élément, un peu lointain mais sans doute très important, est l'attrait que la France (et en particulier Paris, Courchevel et la Côte d'Azur plus que Guéret et Plougastel-Daoulas) exerce sur les émirs, leurs familles et surtout leurs épouses, filles ou brus. C'est en particulier le cas de la deuxième des trois épouses de l'Emir du Qatar, Cheikha Mozah bint Nasser al-Missned, classée en deuxième position parmi les femmes les plus élégantes du monde (Vanity Fair) et dans un rang plus modeste (79e) mais aussi plus important parmi "les plus puissantes" (Forbes), deux classements, flatteurs et significatifs, qui ne sont en rien contradictoires. Vous comprenez bien, de ce fait, l'attrait que peuvent susciter sur cette charmante dame l'avenue Montaigne et la place Vendôme, attraits qu'on ne trouve ni à Chicago et à Berlin.

Un troisième élément, tout différent, tient, cette fois, à la démographie qatari puisque, comme on l'a vu, la population du Qatar est en gros celle de la Corse, en bien plus jeune, et que le système éducatif n'y est pas des meilleurs ; les plus brillants éléments de ce désert éducatif sont, en outre, plus attirés par le management que par la physique quantique ou le calcul des probabilités. Le Qatar doit donc importer deux mains-d'œuvre, l'une, abondante, non spécialisée et réduite à une condition proche de l'esclavage, l'autre, plus réduite, de niveau très élevé et hautement spécialisée, mais qui, en dépit des avantages matériels considérables qu'on lui offre, hésite à venir s'installer de façon définitive dans ce pays. On a donc songé à chercher hors du Qatar et à les y attirer des esprits brillants ; c'est là, initialement, l'un des deux objectifs majeurs (mais le Qatar "bifrons" a toujours plusieurs objectifs dans une même opération) de la fameuse affaire du "fonds qatari des banlieues françaises" dont j'ai parlé dans mon post précédent. Elle visait probablement à repérer de jeunes esprits prometteurs dans ces zones à fortes populations d'origines maghrébines, de préférence arabophones (même s'il y a clairement un malentendu à ce propos) pour les attirer au Qatar, tout en conduisant, plus discrètement bien sûr, vers d'autres publics, plus abondants, des action de prosélytisme islamique.

Un mot au passage sur cette affaire, car elle a sensiblement évolué et dans un sens qui me paraît clair. En décembre 2011, l'ambassadeur du Qatar à Paris a annoncé, en effet, que ce fonds qatari de 50 millions d'euros qui devait viser, à l'origine, les banlieues, concernera, finalement, "les petites et moyennes entreprises innovantes" de tout le pays. Les Français, qui ne sont quand même pas totalement imbéciles, se sont rendus compte de la dualité de l'entreprise initiale ; ils ont donc poussé d'abord à transformer le projet dans sa zone d'application (non plus les seules banlieues mais l'ensemble national), mais surtout à éviter que les beurs soient les seuls bénéficiaires du fonds en question, de façon à prévenir les dérives qu'on avait connues trente ans auparavant, en laissant entrer en France une foule d'imams, comme je l'ai déjà dit, pour essayer de calmer les jeunes beurs, en les envoyant à la mosquée plutôt de les laisser mettre le feu aux voitures. Le repositionnement de ce fonds, dans son contenu et dans son financement comme dans ses finalités, bride un peu les intentions cachées initiales du Qatar, sans les faire toutefois disparaître complètement. Il pourra toujours attirer des esprits brillants qu'il aura pu repérer par ce biais.

L'image de la France, patrie du luxe et de l'élégance, est évidemment un élément important du choix de ce lieu pour les implantations qatari. On peut constater, on l'a vu, qu'elles ne se situent guère dans la Creuse ou le Finistère. Cet aspect sera sans doute parfaitement illustré par l'affaire actuellement en cours du rachat du Printemps Haussmann, qui fait suite à l'entrée du Qatar dans le capital de LVMH et du Tanneur, comme aux investissements massifs dans l'hôtellerie de luxe parisienne. L'affaire est extraordinairement compliquée et je ne puis que renvoyer sur ce point à l'excellente présentation qui en a été faite dans Mediapart et qu'il faut lire. La complication, évidemment conçue et réalisée à dessein pour brouiller les pistes, est telle qu'il est exclu que j'en reprenne ici, ne serait-ce que les grandes lignes. Pour résumer, très schématiquement, l'objectif du Qatar, il s'agit de racheter (en principe, pour 1,3 milliard d'euros) le Printemps Haussmann, position statégique majeure, d'en virer, sans le dire et en douce, une bonne partie du personnel, en même temps que tous les articles bas de gamme et d'usage quotidien, destinés au populo parisien pour y garder uniquement des commerces de luxe que l'on vendra, "à la découpe", aux seules activités de ce genre, ce qui permettra probablement faire considérables bénéfices sur l'achat lui-même.

On ne doit pas perdre de vue en effet que les Qatari, s'ils ne sont pas très bons dans dans l'initiative et la création technologiques, sont, en revanche, pour la plupart, des commerçants très avisés ; leur pratique est d'ailleurs résumée dans la stratégie de la "Qatar Investment Authority" (la QIA) : « Des tactiques basiques, génériques et futées" selon le mot de D. Roberts. Les Qatari appliquent, dans les investissements internationaux, les mêmes principes que dans le commerce des chameaux ou des babouches !

On peut dire, en revanche, que la chaîne de télévision qatari Al-Jazira a été l'un des rares échecs de la stratégie du Qatar et, paradoxalement, surtout dans le monde arabe. L'opportunisme, de rigueur dans son cas, n'a pas payé ; cette chaîne (Qatar bifrons !) est passée, en effet, du soutien initial aux printemps arabes et aux évolutions rêvées vers la démocratie et la liberté qu'elle affectait au début à la pure et simple propagande en faveur des régimes finalement mis en place selon ses voeux secrets, et qui sont fort loin eux-mêmes d'être démocratiques. Son audience s'en est trouvée ruinée et c'est surtout dans le monde arabe, où elle avait pris son essor, que l'audience a baissé de façon considérable. Peut-être cet échec explique-t-il l'offensive actuelle de communication menée par le Qatar à travers de nombreux médias français (Europe, RFO, Courrier international, etc...) qui doivent assurément y trouver leur compte en publicité rédactionnelle!

Comble du "bifrontisme" quatari : on vient de tenir à Doha le Salon de la lutte contre le terrorisme !!!!!

samedi 27 avril 2013

Qatar : "Timeo Danaos et dona ferentes" (2 ; reprise nécessaire d'un post antérieur).


"Timeo Danaos et dona ferentes" : "Je crains les Grecs, même quand ils apportent des cadeaux". Ce fut, dit-on, mais pas en latin, la prudente réflexion d'un sage Troyen à la réception du cheval de Troie offert par les Grecs. Il me semble qu'elle s'impose particulièrement en ce moment avec l'affaire de l'offre de 50 millions d'euros que fait le Qatar en faveur des jeunes beurs de nos banlieues.

On associe souvent, un peu mécaniquement, le Qatar à l'Arabie Saoudite, dont il est proche en effet puisqu'il ne constitue qu'un minuscule appendice, prenant la forme d'une infime péninsule accrochée à l'immensité saoudienne. La disproportion est tout aussi grande en ce qui concerne les populations : 1,9 million d'habitants pour le Qatar contre plus de 26 millions pour l'Arabie Saoudite. Il faut ajouter que dans la population du Qatar, seuls 10 % des habitants sont de véritables Qatari, les autres étant des immigrants fournissant au pays les indispensables forces de travail. Il en résulte aussi que les deux Etats diffèrent sur le plan religieux ; si l'Arabie Saoudite est musulmane à 100 % (je serais presque tenté de dire à 150 % puisque s'y trouvent deux des trois lieux saints de l'Islam !), il n'y a au Qatar que 78 % de Musulmans, le reste étant de religions différentes (dont 18 % environ de Chrétiens). Le Qatar, en outre, a choisi d'investir surtout hors de ses frontières sans se développer tellement puisque, si l'on examine deux domaines assez significatifs à cet égard, on constate qu'il se classe, dans le monde, dans le peloton de queue des Etats pour ce qui concerne l'éducation (120e) et la santé (184e), ce qui le met à cet égard assez loin derrière son voisin saoudien dont les places, à cet égard, sont beaucoup plus flatteuses.

C'est assez dire que les deux Etats, quoique voisins, sont très différents et que les relations, complexes, entre le David Qatari et le Goliath saoudien ne sont pas nécessairement des meilleures, loin de là, le premier éprouvant nécessairement une forme de crainte salutaire à l'égard du second.

L'exiguïté même de son territoire et la nature de ses ressources conduisent le Qatar a adopter une politique, résolument pour ne pas dire exclusivement, tournée vers l'international, afin d'y trouver à la fois des ressources futures lorsque ses richesses naturelles seront épuisées (dans un siécle et demi si Dieu le veut), et surtout une image internationale salvatrice (les Etats où il investit, sont, de ce fait, ses protecteurs naturels) qui constitue, en même temps, une forme de garantie contre la menace latente que fait peser sur lui son trop puissant voisin.

Le Qatar s'est donc engagé dans une politique résolue d'investissement à l'extérieur (la France y tient un rang flatteur, nous y reviendrons) y cherchant à la fois des revenus à long terme et une forme de sécurité des dits investissements.

La France s'est d'ailleurs mise sur les rangs depuis bien longtemps ; c'est sous Jacques Chirac qu'a été négocié un accord extrêmement avantageux pour le Qatar puisque tous ses investissements en France (on peut penser que les footballeurs y sont inclus) ne sont pas soumis à l'impôt, qu'il s'agisse des revenus ou des plus-values. On comprend dès lors la nature d'une bonne partie de ces investissements qatari, aussi bien dans les palaces parisiens que dans des participations au sein des sociétés les mieux cotées et les plus sûres de notre CAC 40, mais qui ne sont pas si avantageux pour la France qu'on nous le serine. Je crois me souvenir que cet accord a été négocié avec comme Premier Ministre Monsieur de Villepin qui, par un heureux hasard, se trouve être désormais, en dépit de la brièveté de son expérience professionnelle, l'avocat du Qatar pour la France, ce qui doit suffire à lui assurer sa quotidienne.

J'en viens enfin à mon titre et à l'investissement de 50 millions d'euros qui, si j'ai bien compris, doit susciter des vocations de jeunes entrepreneurs novateurs dans ce que nous appelons désormais les "quartiers" et dont les symboles sont le 93 et les quartiers Nord de Marseille.

Il faut reconnaître que ce choix est assez étrange a priori ; il semble procéder, contre toute attente, de la même logique humanitaro-sociale qui a parfois dirigé certains choix de même nature chez nos gouvernants et qui, il faut bien le dire, n'ont guère porté de fruits. On peut se demander, en effet, si ces banlieues et les jeunes beurs qui en sont issus et semblent, une fois encore, être les cibles de cette action sont aptes et/ou décidés à devenir des Bill Gates ou des Steve Job. Je pense personnellement la chose assez peu probable, compte tenu de la majorité des profils rencontrés dans cette catégorie sociale qui me semble plus portée à "chouraver", "chouffer" ou "charbonner" qu'à se lancer dans l'aventure des start-up novatrices. Comme on ne peut pas toutefois faire un procès d'intention au Qatar ("présumé innocent"), je pense qu'il vaut mieux laisser cette question en suspens et faire, en lieu et place, un petit rappel de ce qui s'est passé, dans ces mêmes zones, il y a une trentaine d'années.

A cette époque, on a favorisé l'arrivée non pas d'un riche investisseur qatari mais d'une flopée d'imams de tous poils (si j'ose dire!) qui devaient venir, dans ces mêmes banlieues, pour orienter les jeunes beurs vers la prière et l'Islam, les détournant ainsi, par la fréquentation de la mosquée, de l'idée même d'incendier les voitures et de caillasser la police. Je dois rappeler ici, qu'au moment même où l'on facilitait de cette façon la venue de ces imams, on refusait régulièrement les visas d'accès pour notre pays à des chercheurs ou des professeurs du Maghreb. Ces imams ont bien réussi dans leur tâche de prosélytisme, mais ils ont en revanche totalement échoué sur le plan de la pacification dont ils ne se souciaient pas plus que de leur premier turban ! On a vu et on voit chaque jour le résultat et je n'y reviens donc pas.

Ce débat est assez confus car tout résidera, en fait, dans la nature même de cette opération dont on espère que les autorités françaises ne se désintéresseront pas, une fois l'effet de com'  passé, ou du moins qu'elles ne se laisseront pas abuser par des argumentations fallacieuses, en particulier dans le choix des bénéficiaires de ces mesures.

Il y a tout de même eu un bon moment dans ce débat lorsque j'ai entendu, sur je ne sais quelle radio, Monsieur Éric Raoult, maire du Raincy et qui a été, à deux reprises ministre de l'intégration (!!!!!!,,!!!), expliquer que le choix singulier du Qatar s'expliquait par le "bilinguisme" des jeunes de ces banlieues, qui parlent à la fois le français et l'arabe. Je ne suis pas totalement sûr de la chose pour le français, mais je suis, en tout cas, tout à fait certain qu'ils ne parlent pas l'arabe dans leur immense majorité, en tout cas, pas la langue que les Qatari eux-mêmes appellent "l'arabe" et qui n'est en rien un arabe dialectal maghrébin qu'ils ne comprennent même pas. Ajoutons que, pour la plupart d'entre eux, non seulement leurs compétences en arabe se limitent à quelques injures ou expressions familières, mais qu'une partie notable de la population maghrébine immigrée en France est kabyle et donc de langue non pas arabe mais amazigh.

Une fois de plus MDR! Toujours à suivre !

vendredi 26 avril 2013

Qatar "bifrons" (1)


J'aime bien le titre du livre de Nicolas Beau et Jacques-Marie Bourget qui vient de paraître chez Fayard : Le vilain petit Qatar. Il est assurément bien trouvé, mais je lui préfère néanmoins celui que j'ai donné à ce post, même s'il est un peu pédant. L'épithète "bifrons" était celle que les Romains donnaient au dieu Janus qui, vous vous en souvenez peut-être, avait deux visages. Je crois assurément que si le Qatar est incontestablement petit, peut-être vilain, il est en tout cas, assurément, "bifrons" et en joue de façon systématique et, il faut bien le dire, assez réussie, pour l'instant du moins.

On l'a dit et écrit cent fois déjà, le Qatar est grand comme la Corse et il a, en gros, la population ; aux alentours de 200 000 habitants pour ne prendre en compte que ceux qui sont d'authentiques nationaux, les deux millions n'étant atteints que par l'adjonction 1.600.000 émigrés dont la grande majorité, les plus humbles, sont dans une condition qui est proche de celle de l'esclavage. En revanche ses richesses pétrolières et surtout gazières lui garantissent, selon les experts, le maintien de la manne financière dont il bénéficie pour cent soixante dix ans ! Le Qatar n'est dépassé, dans le classement des pays les plus riches, que par le Luxembourg qui assurément n'a pas de gaz, mais beaucoup de sociétés fort occupée à l''évasion et à la fraude fiscales.

Cela dit l'un et l'autre de ces leaders de la richesse mondiale pourraient être menacés dans leurs œuvres vives financières. Le Luxembourg par une réforme enfin sérieuse de la finance internationale qui assurément prendra beaucoup de temps et ne parviendra pas nécessairement son terme. Le Qatar par le fait que le fabuleux trésor gazier de North Dôme qu'il partage avec l'Iran, en dépit de son immensité et de sa richesse, est une ressource, sinon fragile du moins menacée, en raison de la folie belliqueuse de l'autre co-exploitant, l'Iran. En effet, si les événements liés aux ambitions nucléaires de l'Iran entraînaient des réactions violentes des États-Unis, probablement via Israël, les menaces sur le Golfe Persique et une éventuelle fermeture du détroit d'Ormuz pourraient, du jour au lendemain, interrompre les activités et les exportations gazières dans cette région, suspendant par là même la manne financière dont bénéficie le Qatar.

Contre toute attente, le Qatar a donc deux ennemis, bien différents, avec lesquels il vit pourtant en relativement bonne intelligence surtout le premier : l'Iran et l'Arabie Saoudite. Il est clair que la présence de ce puissant voisin qu'est l'Arabie saoudite est la menace la plus réelle. Une bonne partie de la politique du Qatar vise d'abord à s'assurer contre tout risque de ce côté-là. C'est probablement ce qui a conduit le Qatar accueillir deux bases américaines sur son territoire et même, semble-t-il, à assumer une bonne partie du coût de leur fonctionnement.

Il y a également une autre menace plus lointaine et d'un tout autre ordre. Elle tient à l'exploitation de nouvelles ressources pétrolières ou gazières ; on pourrait même dire que le principal ennemi, sur le plan économique, est pour le Qatar le gaz de schiste qui a déjà rendu les Américains quasi autarciques en matière d'énergie et dont l'exploitation ne peut qu'aller croissant malgré les cris des écologistes. Par ailleurs l'Australie va développer considérablement, dans les années à venir, ses infrastructures en matière de production gazière et concurrencer de plus en plus le Qatar en Asie. Dès lors, le principal client du Qatar pour son gaz ne peut être que l'Europe et il ne peut l'y acheminer facilement, comme il pourrait le faire, si l'Arabie Saoudite lui permettait d'établir des gazoducs sur son territoire, ce que refuse bien évidemment ce grand méchant voisin au gentil petit Qatar!

Il faut bien tout de même que j'en vienne à justifier cette insolite épithète latine dont j'ai affublé ce pauvre Qatar. On peut dire que les relations que le Qatar entretient avec les États-Unis illustrent parfaitement le double jeu du Qatar. En effet des relations bilatérales, comme on dit chez les diplomates, sont bonnes en apparence et les deux Etats ont même un pacte de défense. Pourtant, en même temps, le Qatar soutient, un peu partout, les Frères musulmans, ce qui est un peu étonnant vu la guerre que les États-Unis font au terrorisme. Ce double jeu est apparu nettement, comme j'ai eu l'occasion de le préciser dans l'un de mes posts intitulés "Honni soit qui Mali pense", à travers l'aide que le Qatar, sous couvert d'action humanitaire, a apporté aux djihadistes du Nord-Mali pourtant baptisés terroristes par la France et les USA.

Les choses sont toutefois rendues très compliquées par le fait que, non seulement le Qatar soutient des mouvements islamistes réputés terroristes, mais, en même temps, garde, ici ou là, des objectifs nationaux spécifiques qui l'ont conduit, par exemple, en Libye, à apporter son aide à la France et à la Grande-Bretagne dans la lutte contre le colonel Kadhafi. Il en est de même en Syrie où le Qatar soutient et arme les mouvements contre Assad, alors que naturellement l'Arabie Saoudite favorise le régime en place. La chose tient, dans le premier cas, à ce que le Qatar avait fait des investissements importants et entendait les protéger et même les faire fructifier, quelle que soit l'issue du conflit. Il n'a donc pas mis tous ses oeufs dans le même panierr, comme souvent ("bifrons"). En Syrie, les choses se présentent un peu différemment, même si le Qatar souhaite le départ d'Assad  dans l'espoir d'installer là-bas aussi les Frères musulmans.

Le double jeu qatari est illustré parfaitement aussi dans leur comportement à l'égard du football. Il est bien évident que ce sport n'est en rien enraciné dans la culture du Qatar; il y a là, sous couvert d'intérêt sportif, des ambitions à la fois financières et géopolitiques comme toujours avec le Qatar. L'affaire s'est jouée en particulier à travers les "influences" individuelles sur des personnages que ne tourmentent pas exagérément la déontologie et la question des conflits d'intérêts. C'est ainsi que, après Zidane, Michel Platini, membre du comité exécutif de la FIFA, qui a soutenu l'étrange projet du Qatar pour l'organisation de la Coupe du monde 2022, a vu son fils nommé conseiller juridique de Qatar Sports Investment ....par le plus grand et les plus heureux des hasards. De la même façon, le gendre du roi d'Espagne, accusé dans son pays de détournement de fonds publics, vient de se voir offrir la proposition d'être le coach de l'équipe de handball du Qatar. Tout cela permet naturellement de favoriser des décisions qui pourraient être discutables ou incertaines, car les traditions sportives, tant pour le football que pour le handball, ne sont pas totalement ancrées dans la culture de cet émirat.

Le vrai sport auquel devrait s'intéresser le Qatar est plutôt le billard, car il y possède manifestement des dispositions pour jouer à la fois sur plusieurs bandes.

(A suivre)

jeudi 25 avril 2013

Le mur des cons au Syndicat de la magistrature.


L'affaire du mariage gay étant fort heureuserment enfin terminée, pour le moment du moins, voilà que celle du "mur des cons" dont la présence a été révélée au siège du Syndicat de la magistrature la remplace. Atlantico, magazine d'information numérique de droite, a en effet publié une petite video ("volée", semble-t-il, à l'aide d'un téléphone" au syndicat de la magistrature, lui-même logé au ministère de la justice). On y voit un mur tapissé de photos que les habitués du lieu appellent, nous dit-on, le "mur des cons" et que chacun est invité à enrichir à sa guise, en évitant toutefois les doublons.

Compte tenu de l'orientation globale des membres de ce Syndicat (plutôt à gauche) et de l'attitude générale de notre président Sarkozy à l'égard de la magistrature, il n'est pas étonnant que la plupart de ceux qui figurent sur ce "mur des cons" soient réputés être de droite, même si l'on n'y trouve aussi, semble-t-il, Michel Charasse et Jack Lang ; les images étant d'assez mauvaise qualité, je n'ai pas pu vérifier ce dernier point que j'ai toutefois entendu évoquer. On a parlé ici ou là de cette affaire et elle a fourni son sujet du jour à Monsieur Brunet, pour son émission « Carrément Brunet », sur RMC, la radio des bignoles. Un peu à court d'idées en ce moment, il a choisi cette affaire comme thème de son débat quotidien et lui même étant proche d'Atlantico, il y avait invité le directeur comme intervenant liminaire et majeur,

Que faut-il en penser? Il y a là, aux yeux de Brunet, une horrible menace sur le fonctionnement et l'objectivité de la magistrature qui révèle, par là, qu'elle est majoritairement et même scandaleusement de gauche. Je n'ai évidemment pas eu le courage d'écouter toute cette émission, mais j'en ai entendu suffisamment pour y relever quelques étrangetés et de sensibles sottises et erreurs.

La première chose qui m'a étonné est que Monsieur Brunet, qui se présente comme "polémiste" voire comme "écrivain" (auteur Albin Michel !) n'a de la langue française qu'une connaissance très approximative ; c'est ainsi qu'il pense que sont de gauche les magistrats qui, selon ses propres termes (si je puis dire !), "émargent au syndicat de la magistrature" (je pense que, faute de connaître le sens du verbe "émarger", il a voulu dire "sont membres du syndicat de la magistrature", sans sous-entendre, perfidement, qu'ils sont les stipendiés de quelque puissance étrangère) ; de la même façon, il ignore la signification du mot "pré-requis" auquel il attribue, bien à tort, le sens de "préjugé". Passons sur ces points de détail, car, comme je ne lis pas les livres de Monsieur Éric Brunet, ces erreurs ne me gênent guère.

Le problème est qu'il n'est guère plus fort en arithmétique qu'en français! Il n'a cessé de répéter, dans les quelques minutes de son émission que j'ai suivies, que le Syndicat de la magistrature, qui regrouperait les magistrats de gauche, est majoritaire dans cette corporation. Pour connaître un peu ce milieu, j'en serais fort étonné, car j'ai plutôt le sentiment que la plupart des magistrats que j'ai connus se situaient bien plutôt à droite. Peu importe d'ailleurs puisque Éric Brunet, sans se rendre compte des sottises qu'il avance, a indiqué que ce Syndicat était le deuxième syndicat de magistrats de France, ce qui est exact puisque le plus nombreux est l'Union Syndicale des magistrats. Comment le deuxième syndicat peut-il compter plus de membres que le premier et donc  comment peut-il y avoir plus de magistrats de gauche que de droite ? Si Monsieur Brunet ne parvient pas à comprendre cela et que vous le connaissiez, soyez assez gentils pour lui expliquer.

Je ne trouve pas personnellement géniale cette idée de mur des cons, mais je la comprends tout à fait dans un contexte collectif un peu "potache" ; je pense que les magistrats ont trouvé là un moyen, amusant et "défoulant" à leurs yeux, de se venger des avanies que leur a infligées les précédents président et gouvernement et donc, en grois, la droite. Ce lieu n'étant pas ouvert au public (local syndical), cette plaisanterie pouvait, sans risque, avoir un caractère un peu corporatiste, comme on en trouve d'autres exemples dans d'autres professions. Par ailleurs, j'ajouterais, et ce point pourrait contribuer à améliorer la connaissance que Monsieur Brunel a de la langue française, que l'usage actuel du mot "con" se fait souvent dans un contexte d'irritation, voire de colère, et qu'il n'implique pas véritablement toujours un jugement réfléchi sur la "connerie" de celui à l'égard duquel on le profère. L'automobiliste qui traite de "con" un autre automobiliste qui lui a refusé la priorité, n'a pas fait subir à l'insulté un test d'intelligence avant de proférer cette injure. Cette émission ne témoigne donc que de l'incapacité d'Éric Bruner de trouver un autre sujet propre à lui permettre d'exprimer sa haine de la gauche..

Il faut bien dire que Monsieur Brunet, avec la disparition du Président Sarkozy ( il avait écrit un livre pour annoncer sa victoire Pourquoi Sarko va gagner, Albin Michel, 2012) a perdu en mai 2012 l'essentiel de son activité qui consistait à cirer les pompes présidentielles. Il faut dire qu'il en avait été récompensé puisque, le 1er janvier 2012 (juste à temps !), il avait reçu la Légion d'honneur au titre de la "culture", ce qui me paraît pittoresque ou ironique à votre choix.

Les fragments d'émission que j'ai entendus m'ont conduit à regarder un peu la biographie et les états de service d'Éric Brunet qui sont en effet parfaitement conformes formes à l'image que je m'en faisais.

L'homme avère extrêmement satisfait de son physique, ce qui explique que, dans son émission, il prenne le plus grand soin, toutes les fois qu'il est question de public féminin, de distribuer des baisers qu'il juge sans doute attendus et propres à séduire toute sa clientèle féminine. Au plan professionnel, comme on pouvait s'y attendre, après de vagues études de journalisme à Tours, il a assidûment fréquenté Paris2-Assas, temple de la droite estudiantine et universitaire et il y a décroché un mastère et un DEA, pour lesquels la connaissance précise de la langue française n'est sans doute pas un élément déterminant, pas plus que les règles élémentaires de l'arithmétique). Quant à son premier livre, paru en 1996, déjà chez Albin Michel, il a pour titre et c'est tout un programme Enquête chez les S.M. : Six mois chez les sadomasos !

Ce qui est le plus amusant est la condition de journaliste qu'il a longtemps revendiquée et qu'il aurait, à l'en croire abandonnée de son plein gré, en 2003, en ne reprenant pas sa carte de presse. Toutefois, selon l'enquête qu'a menée Rue89 à ce sujet en 2012, cette carte "n’aurait pas été renouvelée depuis 2001" et "en fait, Eric Brunet n’aurait probablement pas pu garder sa carte très longtemps. Pour en bénéficier, il n’est pas nécessaire d’être journaliste à plein temps, mais il faut en tirer plus de 50 % de ses revenus". Il est en outre précisé, selon la même source, qu'on ne doit pas exercer comme second métier celui d’attaché de presse ou de responsable des relations publiques.

Or, comme ce n'est assurément pas la préparation de ses émissions qui doit l'occuper beaucoup, Eric Brunet semble pouvoir se consacrer à des activités rédactionnelles de cette dernière nature ; il est directeur de publication du "magazine" des cliniques Vitalia, et a été, jusqu'en 2009, directeur de la communication de « Vitalia, deuxième groupe d’hospitalisation privée en France".

Grand bien lui fasse, mais qu'il ne compte pas sur moi pour le traiter de con et moins encore pour afficher sa photo dans ma salle de bains!

mercredi 24 avril 2013

Le triste automne des printemps arabes


Vous aurez comme moi observé, si vous avez regardé la demi-finale de la Coupe d'Europe de football, la publicité du Qatar sur les maillots du Barça. On a dû, là-bas, pour une fois, regretter cet investissement au spectacle de la dérouillée que les Barcelonais se sont vus infliger par les Bavarois. Petite remarque personnelle, en passant, liée à la nouvelle que le futur entraîneur du Bayern sera, sans doute, l'ancien entraîneur de Barcelone, Guardiola : ce dernier a dû commencer à conseiller ses anciens joueurs, ne serait-ce qu'à voir le pourcentage d'interceptions sur les passes qui a été réalisé par les Munichois. Il est vrai que la tactique du Barça a été toujours aussi stupide et que menés successivement 2, 3 puis 4 à zéro, ils ont continué à jouer à la passe à dix dans le rond central, ce qui n'est pas la meilleure façon de marquer des buts.

Mais laissons ce sujet qui n'est pas celui dont j'envisageais de traiter.

J'écoutais ce matin sur Europe, à 8h15, Monsieur Jean Glavany (député PS) qui causait de la Libye où il se trouvait en mission au moment de l'attentat contre l'ambassade de France à Tripoli. Monsieur Glavany est un homme sympathique, simple et franc dans ses propos en général et contre lequel je n'ai absolument rien.

Il avait passé, en mission parlementaire, deux jours à Tripoli et il s'y trouvait encore au moment où l'attentat eut lieu. Interrogé sur son origine, il l'a portée plutôt au compte des "terroristes" djihadistes contre lesquels la France a engagé la guerre au Mali. Son hypothèse n'est pas absurde, mais, en revanche, je me suis tapoté quelque peu le menton en écoutant Monsieur Glavany exalter l'image positive et même flatteuse qu'aurait conservée la France au sein du peuple libyen, ce qui le détourne de voir dans cette population l'origine de l'attentat.

Monsieur Glavany, homme de bon sens en général, s'engage beaucoup toutefois quand, après un séjour de 48 heures à l'ambassade de France à Tripoli, il s'avance hardiment pour parler de l'image de la France au sein du peuple libyen. Qu'en sait-il qu'il n'ait pas entendu, en réalité, dans les milieux diplomatiques locaux qui ne sont pas toujours, loin de là, le meilleur témoignage sur l'état d'esprit de la population locale dont ils sont fort éloignés ?

J'ai trop vu, et partout, ces représentations françaises à l'étranger, pour ne pas savoir que l'essentiel de ces 48 heures de la mission se sont passées entre soi et que Glavany n'a probablement pas eu le moindre contact avec la population libyenne. On se demande évidemment où il aurait pu la rencontrer et dans quelle langue il aurait pu avoir des entretiens avec des Libyens de la rue. Le monde diplomatique français vit la plupart du temps, là comme ailleurs, dans une bulle où le tennis et le bridge tiennent plus de place que les contacts avec la rue et j'ai toujours été confondu de son ignorance dramatique des réalités nationales qui l'entourent.

En réalité, tout le monde sait, sauf le Quai d'Orsay, que les prétendus révolutions arabes ("du jasmin" ou de toute autre désignation poéitique) ne conduiront qu'à la montée des divers islamismes, qu'ils soient celui des Frères musulmans ou celui des salafistes selon que les tireurs de ficelles sont le Qatar dans le premier cas où l'Arabie saoudite dans le second.

Ce qui vient de se passer en Libye se passe déjà, de façon moins spectaculaire ailleurs (ça a commencé au Yémen) et il suffit de regarder un peu ce qui l'évolution des situations en Tunisie, en Egypte ou en Syrie pour imaginer la suite des événements. Il faut une singulière naïveté ou une totale cécité ( l'une n'excluant pas l'autre) pour tenir des propos semblables à ceux de Monsieur Glavany, surtout au terme d'un simple séjour de 48 heures dans la résidence de l'ambassadeur de France ! Il a d'ailleurs lui-même illustré ce point en soulignant que le thème majeur du dîner du soir à l'ambassade, quelques heures seulement avant l'attentat, avait été la parfaite sécurité du pays qui commandait de faire passer du rouge au vert la Lybie dans les caretes des conseils aux voyageurs !

Jean Glavany s'est aussi félicité de l'action de la France au Mali et l'opinion nationale est quasi unanime ; tout baigne encore pour le moment, mais nous sommes loin d'en avoir fini et, comme je l'ai déjà souvent écrit dans ce même blog, nous ne sommes pas près de sortir de l'auberge sahélienne !

mardi 23 avril 2013

Compatissons, que diable !


La chose vous a peut-être échappé, mais, fort heureusement, Usbek veille. C'est en effet aujourd'hui la journée de la compassion qu'il faut naturellement se garder, comme vous allez le voir, de confondre avec la pitié.

Dans la situation où se trouve notre pauvre et malheureux pays, le problème est de choisir, parmi les innombrables cas qui pourraient être l'objet de notre compassion, ceux ou celui qui la mérite le plus. Face à cette immense difficulté, j'ai donc fait le choix d'exprimer ma compassion pour ceux qui le méritent le moins, ce qui, sans résoudre le problème précédent que j'ai jugé insoluble, permet au moins de l'éviter.

Il ne vous a, en revanche, pas échappé qu'en avril 2012, juste avant l'élection présidentielle que d'aucuns redoutaient sans le dire, le gouvernement Fillon avait prit la décision de permettre aux parlementaires et anciens ministres de devenir avocats, sans formation ni examen spécifiques. Il leur suffisait d'être titulaires d'une maîtrise en droit (même acquise trente ans avant!) et de prouver huit années d'exercice de "responsabilités publiques", sans que celles-ci soient d'ailleurs nécessairement liées à une élection ni à une activité juridique. Point n'était donc besoin du fameux CAPA (Certificat d'Aptitude à la Profession d'Avocat) qui constituait le vrai mode d'accès à cette profession. Inutile de vous dire que les avocats, qui sont fort légitimement attachés au CAPA, ont protesté de toutes leurs forces, sans le moindre résultat bien entendu.

Certains ont donc profité de cette facilité dont Monsieur de Villepin qui, en outre, ne s'est pas trompé dans le choix de ses clients, en se faisant avocat du Qatar. Le nouveau gouvernement n'a pas tardé à revenir sur cette décision et, dès janvier 2013, la Garde des Sceaux a fait l'annonce de la future mesure d'abrogation de ce décret qui est intervenue le 17 avril de cette même année. Coïncidence du calendrier, cette mesure a été prise au moment même où l'on envisageait des dispositions sur les conflits d'intérêts et la "transparence" des activités des élus ; une des professions mises en cause et visées est précisément celle d'avocat (d'affaires, même s'il n'y a pas là une catégorie spécifique dans la profession).

C'est sans doute ce qui a conduit le président de l'UMP, Jean-François Copé a annoncer, dès le lundi 22 avril 2013 qu'il mettait un terme à sa fonction d'avocat dans une déclaration qui vaut son pesant de plaidoiries :

"A titre personnel, j'ai pris la décision de me consacrer maintenant exclusivement à ma famille politique et à mon pays, je vais donc cesser mes fonctions d'avocat. Je vais les cesser maintenant, parce que je considère que la situation de la France est tellement grave qu'il faut nous mobiliser."
Je me dis que je suis peut-être le seul à trouver drolatique une telle déclaration, car j'ai entendu plusieurs journalistes en donner lecture en gardant le plus grand sérieux.

Compatissons donc aujourd'hui au moins avec ces anciens élus ou ministres qui vont peut-être, dans la suite, être conduits à interrompre ou à limiter des activités fort rémunératrices, en se disant toutefois qu'ils auront eu la chance de profiter de l'année d'existence du décret Fillon pour accéder définitivement à une profession à laquelle rien ne les avait ni préparés, ni qualifiés. C'est toujours ça de pris et cela devrait d'ailleurs quelque peu tempérer la compassion que j'éprouve à leur endroit.

Monsieur Copé peut toutefois susciter la compassion. Après avoir été égratigné par Martin Hirsch dans son livre, et étant, ces derniers temps, déjà fort bas dans l'opinion, il a même été l'objet, dans son propre parti, de critiques discrètes sur sa "transparence". Ainsi, Laurent Wauquiez, son propre vice-président de l'UMP, a-t-il suggéré (suivez mon regard !) que tout parlementaire exerçant, par exemple, la profession d'avocat communique le nom de ses clients et ses honoraires.

Or les honoraires de J.F. Copé avaient déjà fait débat, il y a trois ans. En effet, en 2007, M. Copé était entré dans le grand cabinet d'affaires parisien Gide-Loyrette-Nouel, comme collaborateur à temps partiel. Cela avait fait jaser à gauche bien entendu, mais aussi chez certains UMP, qui jugeaient une telle activité incompatible avec la fonction de président de groupe à l'Assemblée Nationale. Sa rémunération au sein de ce cabinet (qui bien entendu restait, sur ce point, aussi muet que l'intéressé) avait été évoquée, dans Rue89 comme dans Mediapart, 200.000 euros annuels étant le montant le plus souvent avancé, sans qu'il soit confirmé. Devenu Secrétaire Général de l'UMP en novembre 2010,J.-F. Copé avait abandonné son activité d'avocat dans ce cabinet, mais décidé de poursuivre cette activité à titre individuel, en tant qu'avocat indépendant.
Il vient de se résoudre à y renoncer, pour assurer le salut national... Dont acte !

 

lundi 22 avril 2013

La télé rend con !

"La télé rend con!" ai-je titré ce post, mais c'est là une remarque d'une consternante banalité et que vous avez vous-même faite cent fois, sans la formuler toujours en ces termes.

La chose n'est pas surprenante, quand on constate l'extravagante nullité de la plupart des émissions qu'on y propose et ce n'est assurément pas la multiplication des chaînes qui a arrangé les choses en ce domaine.. Mises à part trois ou quatre chaînes (et vous avez là, une fois de plus, la preuve éclatante de mon indulgence), pour le reste, on peut dire de notre PAF, comme Alceste, "franchement, il est bon à mettre au cabinet".

En réalité, quand je dis que "la télé rend con", je ne fais même pas allusion au spectacle répété de ces bulletins d'information, consacrés aux chiens écrasés et émaillés de fautes de français par des présentateurs aussi incultes qu'ignorants ou aux jeux télévisés, tous plus nuls les uns que les autres, sans même parler de la désormais si populaire et si consternante "télé-réalité" ; cela va de soi mais ce n'est pas tellement à tout cela que je pense, mais bien plutôt aux étranges comportements de ceux et celles que, pour quelque "télé trottoir" à propos de n'importe quoi, on met devant une caméra de télévision en présence d'un prétendu journaliste.

Vous l'aurez sans doute remarqué comme moi, une telle situation engendre des comportements bizarres de la part d'individus qu'on pourrait supposer normaux puisque on est censé les avoir pris au hasard dans la rue. Je me rends bien compte que je m'avance beaucoup en disant "au hasard", car il est infiniment probable que les trois ou quatre spécimens qu'on présente sur les écrans résultent de l'éviction préalable de témoins qui n'ont pas eu le comportement souhaité ou qui ont, plus ou moins poliment, envoyé se faire foutre le journaleux qui prétendait les interviewer.

Ce qui me paraît significatif dans tout cela est plutôt le comportement de ceux et celles qui se laissent filmer et qu'on nous produit ensuite comme témoins d'un événement quelconque. En général, les individus, au lieu de se comporter normalement et, si je prends le cas le plus courant, celui d'un incident de transport (du genre panne de TGV ou de métro) c'est-à-dire d'exprimer, banalement, leur mécontentement voire leur fureur, optent pour une toute autre attitude et visent à donner une image cool et décontractée, avec sourire à la clé et formule aimable, sans doute de façon à donner, dans la suite, une représentation d'eux-mêmes très positive à leur concierge ou à leur boulanger. C'est donc, de toute évidence, la situation même de prises de vues et l'espérance d'un passage à la télé qui conduisent ces gens à adopter une attitude si inattendue et si étrangement stupide, alors qu'il serait parfaitement légitime de leur part d'exprimer un mécontentement que tout semble justifier.

Je pense à tout cela surtout pour avoir, ce matin même, entendu un témoignage de cet acabit à propos des incidents et des retards des TGV sur la ligne Paris-Lyon où comme toujours, la SNCF a laissé en carafe, des heures durant, les passagers de ces trains, sans leur dire quoi que ce soit et sans même les aviser de la réalité de la situation, voire du retard qu'ils allaient devoir subir. Rien à dire car c'est sa pratique habituelle ! Or tout juste si le client interviewé ne se réjouissait pas de l'inattendu délicieux de la situation.

La télévision exploite déjà le téléthon, à quand le "télécon" ?

dimanche 21 avril 2013

Brèves dominicales : Fabius au Cameroun


Comment échapper à la libération de la famille française enlevée au Cameroun qui occupe, depuis vendredi, toutes les radios et toutes les télévisions? Ce n'est pourtant pas qu'il ne se passe rien d'autre dans le monde, mais ça arrange tout le monde et c'est si facile de jouer sur l'émotion (ce qu'approuvent, à l'évidence, nos gouvernants). On a pu, au départ, à défaut des intéressés, interviewer toute la famille, jusqu'aux cousins les plus éloignés ; cela dispensait d'évoquer des sujets plus importants à travers le monde mais devenait vite lassant à force de dégouliner d'inévitables bons sentiments, répétés à l'envi..

Par chance en plus, cette famille est plus française que nature ! Comment pourrait-il en être autrement quand on s'appelle Moulin-Fournier (mieux encore que Dupont-Dupond), même si les prénoms des protagonistes font quelque peu feuilleton télévisé ? Cela dit, dans la conjoncture politique actuelle, ça vaut encore la peine pour un Président de la République de se lever, avec Madame, à cinq heures du matin pour aller à Orly plutôt que d'aller, à une heure même plus convenable, visiter une usine ou annoncer un plan social.

La seule chose qui m'étonne dans cette affaire, c'est le rôle de Monsieur Fabius, ministre des affaires étrangères. Il était déjà allé au Cameroun mi-mars et il y est retourné à nouveau pour la libération des otages. Un instant, je me suis demandé si nous avions bien, dans notre gouvernement, un ministre de la coopération ; vérification faite, nous en avons même DEUX, un homme et une femme, Monsieur Canfin (je crois) et Madame Benguigui (je suis sûr), ce qui en outre assure la parité. des sexes (et non des genres comme on dit bien à tort!). Voilà qui rend d'autant plus étonnant le double déplacement de Monsieur Laurent Fabius. Je me demande si compte tenu de la large médiatisation de la chose, il n'a pas voulu, à leurs dépens, jouer les premiers rôles dans les médias N'aurait-il pas quelque intention cachée et, après avoir été le plus jeune Premier Ministre de la France, caresserait-il le dessein d'en être le plus riche?

Je pense que nos instituts de sondages ont dû faire une étude spécifique pour déterminer avec précision le rôle de ce genre d'événement sur l'évolution des opinions ; il serait bien dommage en effet que François Hollande se soit levé si tôt un samedi matin, sans que cela ait quelque incidence sur sa popularité, même si, selon les premières informations, ça ne semble pas être le cas. En revanche, si ça marche, pourquoi ne pas en programmer un tel coup, de temps en temps?

Le pire est que cet événement, heureux en soi (surtout pour les pauvres gamins embarqués dans cette aventure), fait oublier la façon fort imprudente qui a conduit leurs parents à les emmener à cet endroit. Chacun sait, au Cameroun, qu'aller faire du tourisme à proximité de la frontière du Nigéria n'est pas un choix très recommandable. On ne rappelle pas ce genre de remarque sensée et utile, alors que les commentaires que suscite l'événement sont littéralement ineptes, quand ils ne sont pas faux.

Je n'ai regardé que quelques minutes, samedi 20 avril 2013 au soir, du long "sujet" consacré par Monsieur Delahousse sur France 2 à la question. On y avait invité pas moins de trois membres de la famille (les imprudents parents !) pour leur poser des questions du genre "Qu'est-ce que vous avez éprouvé en la circonstance lors de votre libération ?". On aurait pu s'amuser ou s'étonner s'ils avaient répondu qu'ils avaient été consternés d'être libérés ou qu'ils espéraient être dévorés par leurs kidnappeurs Il n'en a évidemment rien été et j'en suis resté là sans vouloir voir la suite.

En pareil cas, nos journalistes sont ce qu'ils sont, c'est-à-dire globalement nuls ; j'ai même pu observer, en même temps qu'ils ignorent la géographie et sont trop occupés pour regarder une carte de temps en temps. Ainsi, ai-je entendu, à plusieurs reprises, des confusions entre le Nigéria et le Niger, alors que le Niger n'a évidemment pas de frontière commune avec le Cameroun. Mais c'est si loin et ce ne sont, après tout, que des nègres ! A propos de journaliste et de Cameroun, à TF1, par prudence, tous les reportages exotiques, du Moyen Orient à l'Afrique sont assurés désormais par Patrick Fandio, reporter d'origine camerounaise. On ne se mouille pas à TF1 mais le pauvre doit être surbooké!

samedi 20 avril 2013

Ah quel malheur de ne plus être président !


On se souvient des malheurs de ce pauvre Président de la République Jules Grévy, après que son gendre se soit établi marchand de décorations à son insu. On le brocardait par les chansonnettes sur le thème « Ah quel malheur d'avoir un gendre ! ». Je n'ose suggérer à Carla de faire une chansonnette du même genre sur le thème : « Ah quel malheur de ne plus être Président de la République !».

Il faut dire que ça n'a pas traîné et que comme disait le Père Hugo "Ces choses là sont rudes", même quand on a fait des études. Mitterrand lui a eu le bon goût de mourir et Chirac d'opter pour la sénilité. Pour ne pas être taxé de sectarisme politique, je rappellerai quand même, sur ce point, la scène inénarrable, fort heureusement fixée à jamais dans les images, de Tonton, dans son bureau présidentiel, interviewé par la télévision belge. L'un de ces journalistes malotrus d'Outre-Quiévrain (ce n'est pas Mourousi qui aurait fait ça !) ayant eu l'outrecuidance de l'interroger sur les écoutes téléphoniques, Mitterrand nous avait joué la grande scène de l'acte 2, avec la légitime et irrépressible colère d'un président qui n'entendait point que ce genre de questions lui fût posé ! Pour cette seule scène, François Mitterrand aurait assurément mérité, sinon un Oscar du moins un César, ce qui lui aurait sans doute davantage plu, ne serait-ce que pour le nom de la récompense, l'empire romain lui convenant mieux que Louis de Funés.

Notre Nicolas, une fois effacé le traumatisme de l'échec électoral, espérait (il ne s'en est pas caché) une retraite paisible et surtout dorée, ne serait-ce que par les conférences internationales qui lui seraient rémunérées à un tarif meilleur que celui d'une année de séjour à l'Élysée. Je me demande d'ailleurs, en passant, en quelle langue, il fait de telles conférences "internationales", en espérant, pour son auditoire, que ce n'est pas en anglais, depuis que je l'ai entendu, sur le perron de l'Élysée, pour une fois ensoleillé, faire remarquer à Angela Merkel "the good time" dont l'honorait le ciel parisien ! Cette anecdote m'en rappelle une autre, qui ne fut narrée par un collègue angliciste qui avait enseigné à West Point où Paul Claudel était venu faire une conférence. Claudel avait fait sa conférence en anglais mais les collègues américains de mon ami lui avaient fait remarquer qu'il était vraiment dommage que le conférencier n'ait pas choisi de parler leur langue plutôt que la sienne !

Poor little thing ! À peine a-t-on fini de l'accuser d'abus de faiblesse sur une vieille milliardaire, qu'on lui reproche d'avoir fait fricoté pour le financement de sa campagne avec feu l'infâme Kadhafi (au moins, sage précaution, les services ont clos le bec à ce Kadhafi, dont on avait laisser s'installer la tente bédouine au coeur de Paris mais qui ne pourra confirmer ces ragots) avant qu'éclate (et cela ne saurait tarder à en croire Mediapart) le scandale de l'affaire Tapie, dont Madame Lagarde risque fort d'être le fusible, même s'il n'échappe à personne qu'on a fait acheter par l'Etat le coûteux passage de Nanard d'un socialisme mollasson à un uèmpisme qui ne valait guère mieux. En fait, vous le noterez, dans tout ça, notre Nicola est victime de son bon fonds et de ses mauvaises fréquentations. Ses avocats sauront le souligner, j'en suis sûr !

Là encore la couverture photographique universelle du moindre incident est redoutable pour les mensonges des hommes politiques qui sont fixés désormais pour l'éternité. Ce cas a été celui de Cahuzac qu'on a revu cent fois jurer ses grands dieux devant l'Assemblée nationale qu'il n'avait pas de compte à l'étranger ; on verra sans doute autant de fois Nicolas Sarkozy envoyer, avec hauteur, dans les balustrades la pauvre Laurence Ferrari qui se permettait une question sur l'un de ses probables sujets futurs de mise en examen.

On serait tenté de parodier Ravachol, en changeant sa formule, et de conseiller aux hommes politiques; non pas "N'avouez jamais !", mais "Ne mentez jamais !", si naturellement la chose leur était  possible.

vendredi 19 avril 2013

Essence vs gazole. Et vive la Père Ubu !


 

Faut-il que je rappelle une fois de plus que je suis nullement spécialiste de certaines des questions dont je parle mais que je me borne, à la différence de la plupart de nos médias, à une simple consultation des organes et des documents spécialisés.

Commençons donc par le plus simple et le plus évident : la France consomme chaque année,10 millions de tonnes d'essence qu'elle produit en excès, et plus de 33 millions de tonnes de gazole dont elle manque ; selon d'autres sources (l'Union française des industries pétrolières, mais les ordres de grandeur sont, en gros, les mêmes), en 2012, le gazole aurait représenté 80,1% des carburants consommés en France, ce qui constitue un record. La chose est, en somme, assez normale puisqu'en 2012, 72,9 % des voitures particulières vendues en France étaient des modèles diesel contre 55,2 % en moyenne en Europe de l'Ouest, seuls le Luxembourg et l'Irlande devançant la France sur ce terrain.

Jusque-là, au fond rien d'anormal, si ce n'est que cette situation dure depuis trente ans et que la France est totalement incapable de produire de telles quantités de gazole et que, pire encore, elle doit en importer des quantités de plus en plus considérables. Y-a-t-il un pilote dans l'avion ?  Entre 2002 et 2010, ses importations françaises de gazole (en valeur) ont été multipliées par plus de trois, tandis qu'en revanche, elle persiste à  produire trop d'essence et doit en exporter. Toutefois, en valeur (ce qui est une autre dimension très importante du problème), le déficit des échanges est très inégal ! La valeur des importations de gazole, qui était de 8,9 milliards d'euros en 2010, serait proche de 13 milliards pour 2011, tandis que les exportations d'essence, pour la même année 2011, ne seraient que de 2,8 milliards. Notre déficit énergétique est là !

Nous nous trouvons ainsi en face d'une situation absurde, puisque, dans le même temps où nous importons du gazole en quantités énormes, nous fermons des raffineries avec tous les problèmes sociaux qui en découlent (cette situation étant illustrée par le cas de Petroplus), ce qui amène à une réflexion sur ce problème, réflexion que nos compagnies pétrolières ont apparemment négligé ou refusé de prendre en compte – en fonction de leurs intérêts propres bien entendu.

Commençons assez logiquement la question du prix de revient et d'achat de ces produits. Hors-taxes, le gazole n'est pas moins cher que l'essence comme on pourrait le croire. Il est même un peu plus cher puisque sur le marché de Rotterdam, il coûte 64 centimes en moyenne contre 61 pour l'essence sans plomb 95. On pourrait même dire que ce coût relativement moins élevé de l'essence est largement annulé par le fait que la consommation de diesel est moindre, puisque sur un même trajet automobile et à motorisation équivalente, on consomme 15 % de moins de gazole que d'essence.

Comme je le disais précédemment, la France est donc obligée d'acheter à l'étranger du gazole et d'y vendre, sans doute à perte, ses surplus d'essence. Jusque vers 2006, ce trafic se faisait essentiellement en direction des États-Unis ; les navires transportant, les uns notre essence vers les États-Unis, les autres le gazole américain vers la France, devaient se croiser au milieu de l'Atlantique, à moins qu'on ait eu l'idée ingénieuse de charger en gazole américain au retour, les navires une fois vidés de leur essence française. Depuis 2006, ce commerce transatlantique s'est étiolé, la consommation d'essence américaine s'étant réduite et les échanges se faisant désormais essentiellement avec la Russie et l'Asie pour le gazole que nous importons, tandis que l'Europe constitue le principal client à l'exportation notre essence qui est achetée essentiellement par les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Belgique.

Il faut évidemment mettre en évidence l'explication historique d'une situation aussi absurde qui a conduit à multiplier par trois en gros nos importations de gazole et par deux nos exportations d'essence, sans que nous ayons jamais songé à changer les productions de nos raffineries, alors que nous développions, d'une façon totalement artificielle et volontariste au départ, la production française de véhicules diesel.

Les choses remontent en fait à la décision du général De Gaulle sur le nucléaire français qui a conduit, en particulier, à promouvoir massivement le chauffage électrique en France et par là a diminué les besoins en fioul domestique. Le choix du moteur diesel dans la suite allait dans le même sens. Le grand propagandiste en fut Jacques Calvet, le patron du groupe PSA, partisan si enthousiaste du gazole et adversaire si résolu de la publication de ses propres augmentations de salaires. il joua avec assez d'adresse sur le chauvinisme français qui est une réaction qui ne fait jamais défaut chez nous, en affirmant que nous étions "les meilleurs du monde en matière de diesel". L'industrie automobile française s'est donc employée, à partir des années 80-90, à améliorer avec succès les moteurs diesel, ce qui d'ailleurs conduisait à se gagner le puissant lobby des transporteurs routiers si prompts, pour appuyer leurs revendications, à bloquer les routes. Cette victoire du lobby routier a été marquée en 2007 lorsque l'Union européenne a accepté le principe du "gazole professionnel", pratiqué par la France, qui permettait aux transporteurs de se faire rembourser une partie de la taxe sur les produits pétroliers, à raison de cinq euros par hectolitre.

Les prix très bas du gazole en France résultent donc purement et simplement de la défiscalisation, ce qui veut dire, en d'autres termes, que c'est l'Etat c'est-à-dire l'ensemble des citoyens français (y compris ceux qui roulent avec des véhicules à essence) qui finance depuis trente ans les divers abaissements du prix du diesel.

Le vrai, et pourrait-on dire, le seul problème est le suivant : pourquoi l'industrie pétrolière française, dont on a souvent l'occasion souvent de sécher les larmes tout en constatant les colossaux bénéfices, ne s'est pas adaptée à cette situation?

Un mot sur la production de l'essence et du diesel ; les données sont, sur ce point,. à la fois précises mais variables selon les experts. Suivant sa masse volumique, 1 tonne de pétrole brut représente entre 7 et 9,3 barils, puisque curieusement le pétrole n'est pas vendu au kilo mais au litre ! La moyenne mondiale se situe aux alentours de 7,6 barils par tonne de pétrole Arabian Light courant ; on en tire 22 % d'essence, 9 % de kérosène et 27 % de gazole ; selon l'Institut français du pétrole, c'est plutôt 12 % d'essence, 37 % de kérosène de diesel et de fuel léger et 47 % de fuel lourd. Bizarre m'enfin !
 
Le problème est que, à partir des années 80, quant la France a fait le choix du diesel de façon massive, les pétroliers, en bonne logique, auraient dû s'adapter et tenter d'augmenter la proportion de production du gazole par rapport à celle de l'essence. Ils n'en ont clairement rien fait pour des raisons qu'ils sont sans doute les seuls à connaître, mais qui sont probablement d'ordre financier. On peut penser que, pressentant la crise mondiale liée surtout à la montée des producteurs asiatiques qui raffinent leur essence et leur gazole à moindres coûts, ils ont préféré (comme Monsieur Mittal et pour les mêmes raisons) fermer les raffineries françaises pour en ouvrir ailleurs plutôt que d'investir en France pour modifier leurs productions.

Le plus bel exemple et la preuve évidente est la future raffinerie Total en Arabie Saoudite qui permettra non seulement des coûts bien moindres, mais surtout est un outil moderne et efficace, susceptible de faire varier le ratio de la production entre le gazole et essence. Pourquoi ne pas l'avoir fait en France puisque différents outils techniques permettent de modifier ce ratio ? L'outil le plus commode et le plus efficace est sans doute "l'hydrocraqueur" qui permet de faire plus de gazole qu'une raffinerie classique. Deux raffineries seulement en ont en France, celle de Gonfreville et celle de Lavera (qui produit deux fois moins de gazole que la première). Un hydrocraqueur qui permet d'augmenter le pourcentage de production du gazole coûte certes, dit-on, 600 millions d'euros, mais vu les profits de Total, un tel investissement n'apparaît pas considérable et l'Etat qui engloutit en vain des dizaines de milliards depuis trente ans aurait pu intervenir!

On se trouve, une fois de plus, en présence d'une absence totale de vision et de stratégie industrielles de la part de ces grands patrons, que le monde entier nous envierait, mais qui, apparemment, sont surtout attentifs à leurs propres rémunérations comme à celles de leurs actionnaires, surtout quand par ailleurs, comme toujours chez nous, c'est l'État qui crache au bassinet comme dans le présent cas, à travers la défiscalisation du gazole dont je n'ose même pas imaginer ce qu'elle a pu coûter à la France depuis 30 ans !