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samedi 6 avril 2013

Les nouveaux mystères de l'affaire Cahuzac


J'ai fait part hier de l'intérêt que j'ai trouvé à la lecture de Mediapart et du regret que j'ai d'avoir tant tardé à m'abonner à ce média. J'y ai tout particulièrement apprécié la lecture du blog d'Antoine Peillon, grand reporter à La Croix (ce qui est un peu inattendu) et qui occupe, depuis deux jours, beaucoup de place dans les médias puisqu'on l'a entendu, après l'avoir lu dans divers journaux, à France-Inter chez P. Cohen puis vu longuement chez Calvi sur la Cinq.

Compte tenu de certains de ses propos, je pense qu'il ne doit pas être des plus faciles et des plus opportuns d'organiser, en ce moment, un déjeuner de famille chez les Peillon, où les deux frères, Antoine et Vincent, auraient toutes chances de se retrouver face à face et de ne pas être d'accord sur un certain nombre de questions majeures, dont, en particulier, la connaissance qu'ont pu avoir de l'affaire Cahuzac Messieurs Hollande, Ayrault et Moscovici.

A partir des « révélations d'un financier suisse » qu'il a interrogé suite, semble-t-il, à la publication de son livre, Ces 600 milliards qui manquent à la France, paru au Seuil en 2012, Antoine Peillon expliqué, dans son détail, le fonctionnement complexe des procédures de « l'ingénierie bancaire» qui permettent pratiquement de dissimuler, totalement et définitivement, d'éventuels dépôts d'actifs financiers non déclarés au fisc dans une banque et déposés dans une banque étrangère. Nous n'en sommes plus au temps des pauvres comptes numérotés, à peine anonymes !

La Suisse, avec ses 340 établissements financiers, a été longtemps la spécialiste de ce type de dépôt, en particulier bien entendu pour les gens qu'on appelle joliment des « personnes politiquement exposées ». Elle continue à avoir une sorte de primauté absolue dans ce domaine, à en croire aussi François d'Aubert, spécialiste de la question dont les propos et les explications vont, sur tous les points, dans le même sens que ceux d'Antoine Peillon (cf. finances.fr.msn.com) ; la Suisse attirait encore, en 2010, 27 % des capitaux privés de cette nature dans le monde, suivie de près par un groupe constitué du Royaume-Uni de l'Irlande et des Iles anglo-normandes qui en drainait lui un petit quart. Même si la Suisse (ou plus précisément la Confédération Suisse qui n'est désormais plus Helvétique) a tenté de moraliser le secteur en distinguant entre les fraudeurs fiscaux "actifs" qui utilisent des moyens illicites pour exporter leurs capitaux et les fraudeurs fiscaux "passifs" qui oublient simplement de déclarer leurs avoirs au fisc de leur pays, le fameux secret bancaire suisse n'est que très partiellement levé et surtout la mondialisation a ouvert des perspectives nouvelles ; les comptes dits "omnibus" rassemblent désormais les actifs de plusieurs clients pour mieux brouiller les pistes comme on le fait, en amont, sur le plan géographique, des Iles Cayman à Hong-Kong en passant par Singapour !

À lire Antoine Peillon, on comprend que la formule par laquelle Bercy a interrogé la Suisse sur le fameux compte de Cahuzac était tout à fait inadéquate et ne pouvait entraîner de la part d'UBS qu'une réponse négative, qui pouvait un moment donner à croire qu'il était" blanchi" (ce qui était peut-être le but recherché). Il aurait fallu envoyer un tout autre message d'une autre forme qui est celui qu'Antoine Peillon a envoyé et dont il nous donne copie du contenu comme de la réponse ; je reproduis ci-dessous son texte en l'empruntant au blog de Mediapart :

"Extrait de mon message de questions à UBS (Suisse) :

- Pouvez-vous me confirmer que M. Jérôme Cahuzac (actuel ministre du Budget, en France) a été, au moins jusqu'en 2010, l'ayant droit économique (bénéficiaire) d'un compte ouvert à l'UBS, en Suisse ?

- Dans le cas ou vous ne pouvez ou ne voulez pas confirmer cette information, pouvez-vous la démentir catégoriquement ?

La réponse d’UBS :

« Monsieur, Comme vous le savez, nous ne pouvons pas donner suite à vos questions. »".

C'est la même que commence le mystère ou plutôt un des mystères de l'affaire.

Pourquoi J. Cahuzac a-t-il fait l'aveu et sollicité le pardon, alors qu'il était totalement sûr que les avoirs de ce compte avaient été transférés à Singapour en 2010 avec une procédure qui permet de les dissimuler totalement et d'en garder secrète l'origine ?

J'incline à croire, sans le moindre élément de preuve naturellement, qu'on ne sait pas tout et qu'il doit y avoir, quelque part, des documents destinés à l'origine au seul Monsieur Jérôme Cahuzac et qui ont dû être soustraits et/ou photocopiés par une personne en mesure et en position de le faire, c'est-à-dire probablement son épouse avec laquelle il est engagé dans une procédure de divorce très difficile.

Un autre point évoqué par Antoine Peillon et qui est fort susceptible de le mettre en désaccord avec son frère Vincent, est la mise en cause du gouvernement français et en l'occurrence de François Hollande, d'Ayrault et de Moscovici qui ne pouvaient guère ignorer, sur la fin, l'existence de ce fameux compte, à moins d'un complot ourdi à Bercy à cette fin par un lobby interne post-sarkozyste ; en outre, comme A. Peillon le suggère, je pourrais même dire l'affirme, il est impensable qu'on ait mis en place une procédure d'ingénierie bancaire, si compliquée, si lourde et par là si coûteuse, pour une somme de 600 000 € qui est totalement dérisoire dans une telle perspective. A en croire A. Peillon, qui sait manifestement de quoi il parle, le ticket d'entrée pour des fraudeurs qui veulent bénéficier d'un tel dispositif est au minimum de 10 millions d'euros. On a même avancé le chiffre de 16 millions pris je ne sais où pour le cas en cause. L'aveu des 600.000 euros aurait donné le temps d'allumer un contre-feu.

Si les sommes sont de ce nouvel ordre, il pourrait se faire alors qu'il ne s'agisse pas d'argent résultant des simples activités personnelles de Monsieur Cahuzac, mais plutôt d'un projet politique bien plus vaste, lié peut-être à une présidentielle passée, ce qui donnerait à Jérôme Cahuzac des moyens de pression sur d'autres personnalités politiques et expliquerait peut-être la forfanterie qui est la sienne, quand il prétend revenir à l'Assemblée nationale le jour où il sera en mesure d'y retrouver son fauteuil.

L'affaire est à suivre à moins que Monsieur Cahuzac, comme d'autres dans le passé, ne soit victime d'un fâcheux accident qui mettrait un terme inattendu à toute cette affaire.

 

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