J'ai fait part
hier de l'intérêt que j'ai trouvé à la lecture de Mediapart et du regret que
j'ai d'avoir tant tardé à m'abonner à ce média. J'y ai tout particulièrement
apprécié la lecture du blog d'Antoine Peillon, grand reporter à La Croix (ce qui est un peu inattendu)
et qui occupe, depuis deux jours, beaucoup de place dans les médias puisqu'on l'a
entendu, après l'avoir lu dans divers journaux, à France-Inter chez P. Cohen
puis vu longuement chez Calvi sur la Cinq.
Compte tenu de
certains de ses propos, je pense qu'il ne doit pas être des plus faciles et des
plus opportuns d'organiser, en ce moment, un déjeuner de famille chez les
Peillon, où les deux frères, Antoine et Vincent, auraient toutes chances de se
retrouver face à face et de ne pas être d'accord sur un certain nombre de
questions majeures, dont, en particulier, la connaissance qu'ont pu avoir de
l'affaire Cahuzac Messieurs Hollande, Ayrault et Moscovici.
A partir des «
révélations d'un financier suisse » qu'il a interrogé suite, semble-t-il, à la
publication de son livre, Ces 600
milliards qui manquent à la France, paru au Seuil en 2012, Antoine Peillon
expliqué, dans son détail, le fonctionnement complexe des procédures de «
l'ingénierie bancaire» qui permettent pratiquement de dissimuler, totalement et
définitivement, d'éventuels dépôts d'actifs financiers non déclarés au fisc
dans une banque et déposés dans une banque étrangère. Nous n'en sommes plus au
temps des pauvres comptes numérotés, à peine anonymes !
La Suisse, avec
ses 340 établissements financiers, a été longtemps la spécialiste de ce type de
dépôt, en particulier bien entendu pour les gens qu'on appelle joliment des «
personnes politiquement exposées ». Elle continue à avoir une sorte de primauté
absolue dans ce domaine, à en croire aussi François d'Aubert, spécialiste de
la question dont les propos et les explications vont, sur tous les points, dans le même sens que ceux d'Antoine Peillon (cf. finances.fr.msn.com) ; la Suisse attirait encore, en 2010, 27 % des capitaux privés de cette
nature dans le monde, suivie de près par un groupe constitué du Royaume-Uni de
l'Irlande et des Iles anglo-normandes qui en drainait lui un petit quart. Même si
la Suisse (ou plus précisément la Confédération Suisse qui n'est désormais plus
Helvétique) a tenté de moraliser le secteur en distinguant entre les fraudeurs
fiscaux "actifs" qui utilisent des moyens illicites pour exporter
leurs capitaux et les fraudeurs fiscaux "passifs" qui oublient
simplement de déclarer leurs avoirs au fisc de leur pays, le fameux secret
bancaire suisse n'est que très partiellement levé et surtout la mondialisation
a ouvert des perspectives nouvelles ; les comptes dits "omnibus" rassemblent désormais les actifs de plusieurs clients pour mieux brouiller les pistes comme on le fait, en amont, sur le plan géographique, des Iles Cayman à Hong-Kong en passant par Singapour !
À lire Antoine
Peillon, on comprend que la formule par laquelle Bercy a interrogé la Suisse
sur le fameux compte de Cahuzac était tout à fait inadéquate et ne pouvait
entraîner de la part d'UBS qu'une réponse négative, qui pouvait un moment
donner à croire qu'il était" blanchi" (ce qui était peut-être le but
recherché). Il aurait fallu envoyer un tout autre message d'une autre forme qui
est celui qu'Antoine Peillon a envoyé et dont il nous donne copie du contenu
comme de la réponse ; je reproduis ci-dessous son texte en l'empruntant au blog
de Mediapart :
"Extrait de mon message de questions à UBS (Suisse) :
- Pouvez-vous me confirmer que M. Jérôme Cahuzac (actuel
ministre du Budget, en France) a été, au moins jusqu'en 2010, l'ayant droit
économique (bénéficiaire) d'un compte ouvert à l'UBS, en Suisse ?
- Dans le cas ou vous ne pouvez ou ne voulez pas confirmer
cette information, pouvez-vous la démentir catégoriquement ?
La réponse d’UBS :
« Monsieur, Comme vous le savez, nous ne pouvons pas donner
suite à vos questions. »".
C'est la même
que commence le mystère ou plutôt un des mystères de l'affaire.
Pourquoi J.
Cahuzac a-t-il fait l'aveu et sollicité le pardon, alors qu'il était totalement
sûr que les avoirs de ce compte avaient
été transférés à Singapour en 2010 avec une procédure qui permet de les dissimuler
totalement et d'en garder secrète l'origine ?
J'incline à
croire, sans le moindre élément de preuve naturellement, qu'on ne sait pas tout
et qu'il doit y avoir, quelque part, des documents destinés à l'origine au seul Monsieur
Jérôme Cahuzac et qui ont dû être soustraits et/ou photocopiés par une personne
en mesure et en position de le faire, c'est-à-dire probablement son épouse avec
laquelle il est engagé dans une procédure de divorce très difficile.
Un autre point
évoqué par Antoine Peillon et qui est fort susceptible de le mettre en
désaccord avec son frère Vincent, est la mise en cause du gouvernement français
et en l'occurrence de François Hollande, d'Ayrault et de Moscovici qui ne
pouvaient guère ignorer, sur la fin, l'existence de ce fameux compte, à moins
d'un complot ourdi à Bercy à cette fin par un lobby interne post-sarkozyste ; en outre, comme A. Peillon le suggère,
je pourrais même dire l'affirme, il est impensable qu'on ait mis en place une
procédure d'ingénierie bancaire, si compliquée, si lourde et par là si coûteuse,
pour une somme de 600 000 € qui est totalement dérisoire dans une telle
perspective. A en croire A. Peillon, qui sait manifestement de quoi il parle,
le ticket d'entrée pour des fraudeurs qui veulent bénéficier d'un tel
dispositif est au minimum de 10 millions d'euros. On a même avancé le chiffre
de 16 millions pris je ne sais où pour le cas en cause. L'aveu des 600.000 euros aurait donné le temps d'allumer un contre-feu.
Si les sommes
sont de ce nouvel ordre, il pourrait se faire alors qu'il ne s'agisse pas d'argent
résultant des simples activités personnelles de Monsieur Cahuzac, mais plutôt
d'un projet politique bien plus vaste, lié peut-être à une présidentielle
passée, ce qui donnerait à Jérôme Cahuzac des moyens de pression sur d'autres
personnalités politiques et expliquerait peut-être la forfanterie qui est la
sienne, quand il prétend revenir à l'Assemblée nationale le jour où il sera en
mesure d'y retrouver son fauteuil.
L'affaire est à
suivre à moins que Monsieur Cahuzac, comme d'autres dans le passé, ne soit
victime d'un fâcheux accident qui mettrait un terme inattendu à toute cette
affaire.
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