"Timeo Danaos et dona ferentes" :
"Je crains les Grecs, même quand ils apportent des cadeaux". Ce fut,
dit-on, mais pas en latin, la prudente réflexion d'un sage Troyen à la
réception du cheval de Troie offert par les Grecs. Il me semble qu'elle
s'impose particulièrement en ce moment avec l'affaire de l'offre de 50 millions
d'euros que fait le Qatar en faveur des jeunes beurs de nos banlieues.
On associe
souvent, un peu mécaniquement, le Qatar à l'Arabie Saoudite, dont il est proche
en effet puisqu'il ne constitue qu'un minuscule appendice, prenant la forme
d'une infime péninsule accrochée à l'immensité saoudienne. La disproportion est
tout aussi grande en ce qui concerne les populations : 1,9 million
d'habitants pour le Qatar contre plus de 26 millions pour l'Arabie Saoudite. Il
faut ajouter que dans la population du Qatar, seuls 10 % des habitants sont de
véritables Qatari, les autres étant des immigrants fournissant au pays les
indispensables forces de travail. Il en résulte aussi que les deux Etats diffèrent
sur le plan religieux ; si l'Arabie Saoudite est musulmane à 100 % (je serais
presque tenté de dire à 150 % puisque s'y trouvent deux des trois lieux saints
de l'Islam !), il n'y a au Qatar que 78 % de Musulmans, le reste étant de
religions différentes (dont 18 % environ de Chrétiens). Le Qatar, en outre, a
choisi d'investir surtout hors de ses frontières sans se développer tellement
puisque, si l'on examine deux domaines assez significatifs à cet égard, on
constate qu'il se classe, dans le monde, dans le peloton de queue des Etats
pour ce qui concerne l'éducation (120e) et la santé (184e), ce qui le met à cet
égard assez loin derrière son voisin saoudien dont les places, à cet égard,
sont beaucoup plus flatteuses.
C'est assez dire
que les deux Etats, quoique voisins, sont très différents et que les relations,
complexes, entre le David Qatari et le Goliath saoudien ne sont pas
nécessairement des meilleures, loin de là, le premier éprouvant nécessairement
une forme de crainte salutaire à l'égard du second.
L'exiguïté même
de son territoire et la nature de ses ressources conduisent le Qatar a adopter
une politique, résolument pour ne pas dire exclusivement, tournée vers
l'international, afin d'y trouver à la fois des ressources futures lorsque ses
richesses naturelles seront épuisées (dans un siécle et demi si Dieu le veut), et
surtout une image internationale salvatrice (les Etats où il investit, sont, de
ce fait, ses protecteurs naturels) qui constitue, en même temps, une forme de
garantie contre la menace latente que fait peser sur lui son trop puissant
voisin.
Le Qatar s'est
donc engagé dans une politique résolue d'investissement à l'extérieur (la
France y tient un rang flatteur, nous y reviendrons) y cherchant à la fois des
revenus à long terme et une forme de sécurité des dits investissements.
La France s'est d'ailleurs
mise sur les rangs depuis bien longtemps ; c'est sous Jacques Chirac qu'a été
négocié un accord extrêmement avantageux pour le Qatar puisque tous ses investissements
en France (on peut penser que les footballeurs y sont inclus) ne sont pas
soumis à l'impôt, qu'il s'agisse des revenus ou des plus-values. On comprend
dès lors la nature d'une bonne partie de ces investissements qatari, aussi bien
dans les palaces parisiens que dans des participations au sein des sociétés les
mieux cotées et les plus sûres de notre CAC 40, mais qui ne sont pas si
avantageux pour la France qu'on nous le serine. Je crois me souvenir que cet accord
a été négocié avec comme Premier Ministre Monsieur de Villepin qui, par un
heureux hasard, se trouve être désormais, en dépit de la brièveté de son
expérience professionnelle, l'avocat du Qatar pour la France, ce qui doit
suffire à lui assurer sa quotidienne.
J'en viens enfin
à mon titre et à l'investissement de 50 millions d'euros qui, si j'ai bien
compris, doit susciter des vocations de jeunes entrepreneurs novateurs dans ce
que nous appelons désormais les "quartiers" et dont les symboles sont
le 93 et les quartiers Nord de Marseille.
Il faut
reconnaître que ce choix est assez étrange a priori ; il semble procéder,
contre toute attente, de la même logique humanitaro-sociale qui a parfois
dirigé certains choix de même nature chez nos gouvernants et qui, il faut bien
le dire, n'ont guère porté de fruits. On peut se demander, en effet, si ces
banlieues et les jeunes beurs qui en sont issus et semblent, une fois encore, être
les cibles de cette action sont aptes et/ou décidés à devenir des Bill Gates ou
des Steve Job. Je pense personnellement la chose assez peu probable, compte
tenu de la majorité des profils rencontrés dans cette catégorie sociale qui me
semble plus portée à "chouraver", "chouffer" ou
"charbonner" qu'à se lancer dans l'aventure des start-up novatrices.
Comme on ne peut pas toutefois faire un procès d'intention au Qatar
("présumé innocent"), je pense qu'il vaut mieux laisser cette
question en suspens et faire, en lieu et place, un petit rappel de ce qui s'est
passé, dans ces mêmes zones, il y a une trentaine d'années.
A cette époque,
on a favorisé l'arrivée non pas d'un riche investisseur qatari mais d'une
flopée d'imams de tous poils (si j'ose dire!) qui devaient venir, dans ces
mêmes banlieues, pour orienter les jeunes beurs vers la prière et l'Islam, les
détournant ainsi, par la fréquentation de la mosquée, de l'idée même
d'incendier les voitures et de caillasser la police. Je dois rappeler ici,
qu'au moment même où l'on facilitait de cette façon la venue de ces imams, on
refusait régulièrement les visas d'accès pour notre pays à des chercheurs ou
des professeurs du Maghreb. Ces imams ont bien réussi dans leur tâche de
prosélytisme, mais ils ont en revanche totalement échoué sur le plan de la
pacification dont ils ne se souciaient pas plus que de leur premier turban ! On
a vu et on voit chaque jour le résultat et je n'y reviens donc pas.
Ce débat est
assez confus car tout résidera, en fait, dans la nature même de cette opération
dont on espère que les autorités françaises ne se désintéresseront pas, une
fois l'effet de com' passé, ou du moins qu'elles
ne se laisseront pas abuser par des argumentations fallacieuses, en particulier
dans le choix des bénéficiaires de ces mesures.
Il y a tout de
même eu un bon moment dans ce débat lorsque j'ai entendu, sur je ne sais quelle
radio, Monsieur Éric Raoult, maire du Raincy et qui a été, à deux reprises
ministre de l'intégration (!!!!!!,,!!!), expliquer que le choix singulier du
Qatar s'expliquait par le "bilinguisme" des jeunes de ces banlieues,
qui parlent à la fois le français et l'arabe. Je ne suis pas totalement sûr de
la chose pour le français, mais je suis, en tout cas, tout à fait certain qu'ils
ne parlent pas l'arabe dans leur immense majorité, en tout cas, pas la langue que
les Qatari eux-mêmes appellent "l'arabe" et qui n'est en rien un
arabe dialectal maghrébin qu'ils ne comprennent même pas. Ajoutons que, pour la
plupart d'entre eux, non seulement leurs compétences en arabe se limitent à
quelques injures ou expressions familières, mais qu'une partie notable de la
population maghrébine immigrée en France est kabyle et donc de langue non pas
arabe mais amazigh.
Une fois de plus
MDR! Toujours à suivre !
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