La chose vous a
peut-être échappé, mais, fort heureusement, Usbek veille. C'est en effet
aujourd'hui la journée de la compassion qu'il faut naturellement se garder, comme
vous allez le voir, de confondre avec la pitié.
Dans la
situation où se trouve notre pauvre et malheureux pays, le problème est de
choisir, parmi les innombrables cas qui pourraient être l'objet de notre
compassion, ceux ou celui qui la mérite le plus. Face à cette immense
difficulté, j'ai donc fait le choix d'exprimer ma compassion pour ceux qui le
méritent le moins, ce qui, sans résoudre le problème précédent que j'ai jugé
insoluble, permet au moins de l'éviter.
Il ne vous a, en
revanche, pas échappé qu'en avril 2012, juste avant l'élection présidentielle que
d'aucuns redoutaient sans le dire, le gouvernement Fillon avait prit la
décision de permettre aux parlementaires et anciens ministres de devenir avocats,
sans formation ni examen spécifiques. Il leur suffisait d'être titulaires d'une
maîtrise en droit (même acquise trente ans avant!) et de prouver huit années
d'exercice de "responsabilités publiques", sans que celles-ci soient
d'ailleurs nécessairement liées à une élection ni à une activité juridique.
Point n'était donc besoin du fameux CAPA (Certificat d'Aptitude à la Profession
d'Avocat) qui constituait le vrai mode d'accès à cette profession. Inutile de
vous dire que les avocats, qui sont fort légitimement attachés au CAPA, ont
protesté de toutes leurs forces, sans le moindre résultat bien entendu.
Certains ont donc
profité de cette facilité dont Monsieur de Villepin qui, en outre, ne s'est pas
trompé dans le choix de ses clients, en se faisant avocat du Qatar. Le nouveau
gouvernement n'a pas tardé à revenir sur cette décision et, dès janvier 2013,
la Garde des Sceaux a fait l'annonce de la future mesure d'abrogation de ce
décret qui est intervenue le 17 avril de cette même année. Coïncidence du
calendrier, cette mesure a été prise au moment même où l'on envisageait des
dispositions sur les conflits d'intérêts et la "transparence" des
activités des élus ; une des professions mises en cause et visées est
précisément celle d'avocat (d'affaires, même s'il n'y a pas là une catégorie
spécifique dans la profession).
C'est sans doute
ce qui a conduit le président de l'UMP, Jean-François Copé a annoncer, dès le
lundi 22 avril 2013 qu'il mettait un terme à sa fonction d'avocat dans une
déclaration qui vaut son pesant de plaidoiries :
"A
titre personnel, j'ai pris la décision de me consacrer maintenant exclusivement à ma famille politique et à mon pays,
je vais donc cesser mes fonctions d'avocat. Je vais les
cesser maintenant, parce que je considère que la situation de
la France est tellement grave qu'il faut nous mobiliser."
Je me dis que je
suis peut-être le seul à trouver drolatique une telle déclaration, car j'ai
entendu plusieurs journalistes en donner lecture en gardant le plus grand
sérieux.
Compatissons donc
aujourd'hui au moins avec ces anciens élus ou ministres qui vont peut-être,
dans la suite, être conduits à interrompre ou à limiter des activités fort
rémunératrices, en se disant toutefois qu'ils auront eu la chance de profiter de l'année
d'existence du décret Fillon pour accéder définitivement à une profession à
laquelle rien ne les avait ni préparés, ni qualifiés. C'est toujours ça de pris
et cela devrait d'ailleurs quelque peu tempérer la compassion que j'éprouve à
leur endroit.
Monsieur
Copé peut toutefois susciter la compassion. Après avoir été égratigné par
Martin Hirsch dans son livre, et étant, ces derniers temps, déjà fort bas dans l'opinion,
il a même été l'objet, dans son propre parti, de critiques discrètes sur sa "transparence". Ainsi,
Laurent Wauquiez, son propre vice-président de l'UMP, a-t-il suggéré (suivez mon
regard !) que tout parlementaire exerçant, par exemple, la profession d'avocat
communique le nom de ses clients et ses honoraires.
Or les honoraires de J.F. Copé avaient déjà fait débat, il y a trois ans. En effet, en 2007, M. Copé était entré dans le grand cabinet d'affaires parisien Gide-Loyrette-Nouel, comme collaborateur à temps partiel. Cela avait fait jaser à gauche bien entendu, mais aussi chez certains UMP, qui jugeaient une telle activité incompatible avec la fonction de président de groupe à l'Assemblée Nationale. Sa rémunération au sein de ce cabinet (qui bien entendu restait, sur ce point, aussi muet que l'intéressé) avait été évoquée, dans Rue89 comme dans Mediapart, 200.000 euros annuels étant le montant le plus souvent avancé, sans qu'il soit confirmé. Devenu Secrétaire Général de l'UMP en novembre 2010,J.-F. Copé avait abandonné son activité d'avocat dans ce cabinet, mais décidé de poursuivre cette activité à titre individuel, en tant qu'avocat indépendant.
Il
vient de se résoudre à y renoncer, pour assurer le salut national... Dont acte
!
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