Autrefois, les sophistes
grecs formaient leurs élèves à plaider tour à tour le "dikon" et l'"adikon"
(le "juste" et l'"injuste") sur le même sujet. Jusqu'à
présent, dans ce blog, j'ai surtout critiqué Jérôme Cahuzac ; il est donc
normal que je lui fournisse aujourd'hui des éléments de défense, encore que je
pense que ses avocats (à défaut de ses amis) soient tout à fait en mesure de le
faire eux-mêmes.
On l'a beaucoup
accusé de mensonges, et de toutes sortes ; ce point de vue me paraît tout à
fait discutable.
Le premier
reproche, qui lui a été fait, était celui d'avoir un compte en Suisse, où il n'en
a plus depuis quelques années, puisqu'il est désormais client de la Banque Bär à
Singapour. Nous voilà bien loin du Léman. On avait toutefois élargi ce reproche,
en disant qu'il avait "un compte à l'étranger", ce qui était plus en
accord avec la situation réelle. Toutefois, Jérôme
Cahuzac pourrait fort bien soutenir le point de vue qu'il n'a pas de compte à
l'étranger (ce qu'il a d'ailleurs fait), puisque les fraudeurs fiscaux qui se
réfugient à l'étranger (car il n'en manque pas dans l'hexagone, coachés par des
conseillers fiscaux souvent anciens des impôts!) ont, depuis longtemps,
renoncé au principe du compte personnel, même anonyme et fût-il numéroté. La
pratique actuelle est celle du compte dit " omnibus" et c'est
probablement dans cette situation que se trouve Jérôme Cahuzac. Il n'a donc pas
de compte personnel en fait, comme il le soutient, puisque son dépôt est en
quelque sorte mêlé à d'autres dans un compte commun.
Les 15 ou 17
millions d'euros, qui y sont déposés, ne proviennent évidemment pas des menues fraudes
fiscales qu'il a pu faire, en pratiquant des implantations capillaires payées
en liquide (l'avantage de ce genre d'opération chirurgicale est que ceux qui en
sont les bénéficiaires, cherchent, de toute évidence, à les dissimuler et ne
mentionnent donc pas ce genre de détail dans les dîners en ville, de peur
d'attirer l'attention des autres convives sur leur moumoute) . Ils ne proviennent
pas davantage de bakchichs venant des laboratoires pharmaceutiques dont les présents,
si incontestables qu'ils soient, ne sont manifestement pas de cet ordre.
Si l'hypothèse
que j'ai présentée à deux reprises dans ce même blog est valide (et elle semble
confirmée par Edwy Plenel, toujours le mieux informé sur ces questions), cet
argent n'est peut-être même pas à lui ! Jérôme Cahuzac n'en est que le dépositaire ;
il s'est même, en la circonstance, sacrifié pour une cause politique et le
parti socialiste, loin de l'accabler, devrait lui être reconnaissant de ce
geste, même si la tendance qu'il a servie n'y est plus dominante.
On a beaucoup
parlé, dans un bord politique comme dans l'autre, du mensonge qu'il aurait fait « devant
la représentation nationale », comme ils disent, en faisait allusion à ses
déclarations répétées au Palais-Bourbon. On prétend maintenant l'empêcher d'y
revenir pour y occuper son siège, alors que rien ne s'y oppose ; il y sera
accueilli inévitablement, s'il n'a pas préalablement déclaré, officiellement et
par lettre, qu'il renonce à son mandat. C'est la règle ; il n'a donc rien d'autre à
faire que de se présenter, le jour venu, aux portes de l'Assemblée nationale.
Il pourrait même ajouter
que, si l'Assemblée nationale était si sourcilleuse quant aux mensonges qui
peuvent être proférés en son sein, elle aurait pris elle-même (c'est sa
prérogative et son rôle) des dispositions légales pour que se rendre coupable de ce
genre de faits soit punissable. Ce n'est pas le cas, puisque mentir à
l'Assemblée nationale n'est pas un délit ! On pourrait ajouter
que c'est la moindre des précautions dans un lieu qui n'est fréquenté que par
des députés et les politiques !
Jérôme Cahuzac pourrait
même conclure sa défense en soulignant que son cas a enfin permis de mettre en
évidence, comme déjà auparavant celui de son ami Dominique Strauss-Kahn, la
lâcheté et le culot de l'essentiel de la presse française qui se déclare toujours,
après la révélation d'une affaire scandaleuse, en avoir été parfaitement au
courant, alors qu'elle n'en a jamais dit le moindre mot. Edwy Plenel, chez Ardisson samedi
dernier, n'a pas manqué de le faire remarquer avec vigueur à Philippe Tesson qui
en est resté coi.
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