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dimanche 28 avril 2013

Pour en finir avec le Qatar (suite et fin).


Ne vous méprenez pas sur ce titre, je ne suis pas passé (hélas !) au service de l'Arabie Saoudite et je ne veux en rien la mort du Qatar ; je signale simplement par là qu'après ce post, j'en aurai fini avec mes propos sur cet Etat dont je ne suis en rien spécialiste et qui ne reflète que des sentiments personnels suscités au hasard de mes lectures, des informations dont j'ai pu bénéficier ou de mes propres constats faits ici ou là.

Il est clair que la France bénéficie, de plus en plus, d'une forme de faveur de la part du Qatar. Il y a plusieurs explications à la chose mais je n'entreprendrai pas ici de les recenser et de les exposer toutes.

La première est sans doute les danses du ventre, fiscales, successives et intéressées, que les dirigeants français ont faites en direction de cet Etat, de Jacques Chirac à Nicolas Sarkozy, le comportement français étant un peu moins séducteur depuis l'élection de François Hollande.

Un deuxième élément, un peu lointain mais sans doute très important, est l'attrait que la France (et en particulier Paris, Courchevel et la Côte d'Azur plus que Guéret et Plougastel-Daoulas) exerce sur les émirs, leurs familles et surtout leurs épouses, filles ou brus. C'est en particulier le cas de la deuxième des trois épouses de l'Emir du Qatar, Cheikha Mozah bint Nasser al-Missned, classée en deuxième position parmi les femmes les plus élégantes du monde (Vanity Fair) et dans un rang plus modeste (79e) mais aussi plus important parmi "les plus puissantes" (Forbes), deux classements, flatteurs et significatifs, qui ne sont en rien contradictoires. Vous comprenez bien, de ce fait, l'attrait que peuvent susciter sur cette charmante dame l'avenue Montaigne et la place Vendôme, attraits qu'on ne trouve ni à Chicago et à Berlin.

Un troisième élément, tout différent, tient, cette fois, à la démographie qatari puisque, comme on l'a vu, la population du Qatar est en gros celle de la Corse, en bien plus jeune, et que le système éducatif n'y est pas des meilleurs ; les plus brillants éléments de ce désert éducatif sont, en outre, plus attirés par le management que par la physique quantique ou le calcul des probabilités. Le Qatar doit donc importer deux mains-d'œuvre, l'une, abondante, non spécialisée et réduite à une condition proche de l'esclavage, l'autre, plus réduite, de niveau très élevé et hautement spécialisée, mais qui, en dépit des avantages matériels considérables qu'on lui offre, hésite à venir s'installer de façon définitive dans ce pays. On a donc songé à chercher hors du Qatar et à les y attirer des esprits brillants ; c'est là, initialement, l'un des deux objectifs majeurs (mais le Qatar "bifrons" a toujours plusieurs objectifs dans une même opération) de la fameuse affaire du "fonds qatari des banlieues françaises" dont j'ai parlé dans mon post précédent. Elle visait probablement à repérer de jeunes esprits prometteurs dans ces zones à fortes populations d'origines maghrébines, de préférence arabophones (même s'il y a clairement un malentendu à ce propos) pour les attirer au Qatar, tout en conduisant, plus discrètement bien sûr, vers d'autres publics, plus abondants, des action de prosélytisme islamique.

Un mot au passage sur cette affaire, car elle a sensiblement évolué et dans un sens qui me paraît clair. En décembre 2011, l'ambassadeur du Qatar à Paris a annoncé, en effet, que ce fonds qatari de 50 millions d'euros qui devait viser, à l'origine, les banlieues, concernera, finalement, "les petites et moyennes entreprises innovantes" de tout le pays. Les Français, qui ne sont quand même pas totalement imbéciles, se sont rendus compte de la dualité de l'entreprise initiale ; ils ont donc poussé d'abord à transformer le projet dans sa zone d'application (non plus les seules banlieues mais l'ensemble national), mais surtout à éviter que les beurs soient les seuls bénéficiaires du fonds en question, de façon à prévenir les dérives qu'on avait connues trente ans auparavant, en laissant entrer en France une foule d'imams, comme je l'ai déjà dit, pour essayer de calmer les jeunes beurs, en les envoyant à la mosquée plutôt de les laisser mettre le feu aux voitures. Le repositionnement de ce fonds, dans son contenu et dans son financement comme dans ses finalités, bride un peu les intentions cachées initiales du Qatar, sans les faire toutefois disparaître complètement. Il pourra toujours attirer des esprits brillants qu'il aura pu repérer par ce biais.

L'image de la France, patrie du luxe et de l'élégance, est évidemment un élément important du choix de ce lieu pour les implantations qatari. On peut constater, on l'a vu, qu'elles ne se situent guère dans la Creuse ou le Finistère. Cet aspect sera sans doute parfaitement illustré par l'affaire actuellement en cours du rachat du Printemps Haussmann, qui fait suite à l'entrée du Qatar dans le capital de LVMH et du Tanneur, comme aux investissements massifs dans l'hôtellerie de luxe parisienne. L'affaire est extraordinairement compliquée et je ne puis que renvoyer sur ce point à l'excellente présentation qui en a été faite dans Mediapart et qu'il faut lire. La complication, évidemment conçue et réalisée à dessein pour brouiller les pistes, est telle qu'il est exclu que j'en reprenne ici, ne serait-ce que les grandes lignes. Pour résumer, très schématiquement, l'objectif du Qatar, il s'agit de racheter (en principe, pour 1,3 milliard d'euros) le Printemps Haussmann, position statégique majeure, d'en virer, sans le dire et en douce, une bonne partie du personnel, en même temps que tous les articles bas de gamme et d'usage quotidien, destinés au populo parisien pour y garder uniquement des commerces de luxe que l'on vendra, "à la découpe", aux seules activités de ce genre, ce qui permettra probablement faire considérables bénéfices sur l'achat lui-même.

On ne doit pas perdre de vue en effet que les Qatari, s'ils ne sont pas très bons dans dans l'initiative et la création technologiques, sont, en revanche, pour la plupart, des commerçants très avisés ; leur pratique est d'ailleurs résumée dans la stratégie de la "Qatar Investment Authority" (la QIA) : « Des tactiques basiques, génériques et futées" selon le mot de D. Roberts. Les Qatari appliquent, dans les investissements internationaux, les mêmes principes que dans le commerce des chameaux ou des babouches !

On peut dire, en revanche, que la chaîne de télévision qatari Al-Jazira a été l'un des rares échecs de la stratégie du Qatar et, paradoxalement, surtout dans le monde arabe. L'opportunisme, de rigueur dans son cas, n'a pas payé ; cette chaîne (Qatar bifrons !) est passée, en effet, du soutien initial aux printemps arabes et aux évolutions rêvées vers la démocratie et la liberté qu'elle affectait au début à la pure et simple propagande en faveur des régimes finalement mis en place selon ses voeux secrets, et qui sont fort loin eux-mêmes d'être démocratiques. Son audience s'en est trouvée ruinée et c'est surtout dans le monde arabe, où elle avait pris son essor, que l'audience a baissé de façon considérable. Peut-être cet échec explique-t-il l'offensive actuelle de communication menée par le Qatar à travers de nombreux médias français (Europe, RFO, Courrier international, etc...) qui doivent assurément y trouver leur compte en publicité rédactionnelle!

Comble du "bifrontisme" quatari : on vient de tenir à Doha le Salon de la lutte contre le terrorisme !!!!!

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