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lundi 15 avril 2013

De Télé-Matin à France-Télévision


Le hasard a voulu que, levé très tôt ce matin, j'ai dû voir, à défaut de regarder l'émission, la quasi-totalité de Télé Matin de l'éternel William Leymergie qui, quoique botoxé jusqu'au trognon, n'ose pas se risquer à la teinture. Quand je pense qu'on nous bassine pour savoir si la retraite sera à 60, 62 ou 63 ans, voilà un homme qui, à 66 ans largement révolus, est dans la maison ORTF-France Télévision depuis 43 ans, puisqu'il y est entré en 1970. Bel exemple de continuité aussi puisqu'il nous fait subir son Télé Matin depuis 1985, soit depuis 28 ans, exception faite des deux semaines d'interruption consécutive, en 2007, à sa tentative de strangulation d'un de ses multiples "chroniqueurs". La chose l'occupe toutefois si peu qu'il a même le temps de chanter, sous le nom de Willy semble-t-il, ce qui n'étonne guère car il refait depuis 30 ans, sempiternellement la même émission, avec une meute, sans doute fort coûteuse, de collaborateurs dont l'abondance même a été à l'origine de ce blog.

En effet, à Télé Matin, comme dans tous les journaux télévisés de France Télévision, les présentateurs "vedettes" ne font pas grand-chose d'autre que passer les plats ; tous ont une masse invraisemblable de grouillots qu'ils sollicitent, tour à tour, pour dix secondes consacrées à la lecture d'un fragment de dépêche d'agence ou à la présentation d'un bout de vidéo qu'on a déjà vu une bonne demi-douzaine de fois. Pire encore (et cela n'avait guère frappé avant car je regarde guère ce genre de chose) à Télé Matin, en deux heures, on repasse plusieurs fois les mêmes plats, tant pour les informations que pour ce qu'on appelle fort improprement d'ailleurs les « sujets ».

Tout cela explique aisément le sureffectif dément de France-Télévision et donc le coût exorbitant du fonctionnement d'une maison ou le farniente est la règle générale comme le montre la moindre visite de cet établissement. Tout cela m'a remis en mémoire un blog que j'avais publié début octobre 2012 sous le titre "Audiovisuel français : Dies irae" à l'occasion de la grève qui y avait eu lieu et que je ne vois pas de nécessité à réécrire.

"Jour de colère ! Malédiction ! France-Télévision est en grève !

Les grèves de France-Télévision me font penser à celles du CNRS, en ce sens qu'elles n'ont pas la moindre conséquence (il y a dix ou quinze autres chaînes!) et que tout le monde s'en fout, même les grévistes puisque, comme souvent, je pense qu'elles n'ont pas d'incidence financière pour eux !

Les circonstances de la vie ont fait que j’ai eu, bien avant la création de France-Télévision(s), l’occasion de fréquenter la télévision française. J’y ai toujours constaté à la fois un personnel pléthorique et une activité très modeste, faite surtout de passages, nombreux et prolongés à la cafeteria et/ou au bistro du coin, selon les lieux et les installations. Plus récemment, il s’est trouvé que je suis retourné depuis dans les lieux parisiens de cette même société et j’ai pu y observer que les choses n’avaient guère changé.

Pour ce qui touche à l’information, qui est un point central, vu l'extravagante abondance du personnel qui est censé y être employé (je reviendrai sur les insondables mystères du personnel et des effectifs), comment ne pas être frappé, aussi, par le fait que la montagne de journalistes de France-Télévision n’accouche, le plus souvent, que de lamentables et souffreteuses souris de l'information ? Personnel pléthorique dites-vous, mais France2 vient de recruter un grand chef "pour la France", le prétendu économiste Lenglet qui ne quitte plus le plateau. Il doit tout de même gagner plus que les misérables 14.000 euros mensuels de Pujadas!

Durant l'été, j'ai mon nez dans le rapport de la Cour des comptes, mais ses 222 pages m’ont découragé ainsi que le ton prudentissime de ses formulations. Je vous déconseille donc d'autant plus vous y risquer que j'en ai donné quelques extraits significatifs. J'ai en effet écrit, suite à cette lecture, trois posts, publiés en août 2012 dans ce même blog ; je ne puis donc qu'y renvoyer les lecteurs intéressés par les "comptes drolatiques de France-Télévision".

Selon feu Ph. Seguin, alors président de dite Cour des Comptes et esprit plus libre : "Les journaux télévisés et magazines d’information de France 2, France 3 et RFO représentent un coût annuel de 560 M€. Avec près de 5 000 collaborateurs – dont 2500 journalistes (les soulignements sont de moi)– au sein des rédactions nationales et régionales des chaînes, l’information mobilise près de la moitié des effectifs du groupe France Télévisions ». "

Non, il n’y a pas de coquilles ou de fautes ; j’ai fait ici un simple copier/coller ; ne vous frottez donc pas les yeux et/ou n'essuyez pas vos lunettes ; vous avez bien lu : 2500 journalistes auxquels s'ajoutent 2500 techniciens pour ça !

La grève d'aujourd'hui (je viens de l'entendre de la bouche même d'un syndicaliste-maison) tient au refus de la "mutualisation" des moyens, humains surtout, comme matériels! Personne ne veut naturellement de cette « mutualisation ». Un technicien qui travaille à "Télématin" a fini sa journée à 9 heures du matin ! Et les centaines de journalistes et de techniciens du journal du soir de France3 se consacrent entièrement à cette noble tâche qui ne commence qu'à la nuit close.

Ecoutons à nouveau Ph. Seguin, voix de la raison :
« Seule une redéfinition de l’offre d’information permettra de faire travailler une même équipe de techniciens mais aussi de journalistes, en plateau mais aussi en reportage, pour plusieurs éditions, nationales ou régionales. [Quel farceur ce Philippe Seguin! Et il a de ces mots "Travailler" ! Fi donc].

J'avais commencé un de mes posts de l'été par cette devinette : "Quelle différence y a-t-il entre le ministère français de l'éducation nationale et le groupe France-Télévision ?" Vous devinez déjà je pense que la réponse est « Aucune », même si vous ne savez pas encore pourquoi! Je vais donc devoir vous le dire à nouveau : l'une et l'autre de ces belles institutions françaises ignorent à la fois leur mode de fonctionnement réel et, pire encore, le nombre exact de personnes qu'elles emploient!

Rappel des faits (le gras est de moi) :

"France Télévisions est un groupe audiovisuel français, dont le capital est exclusivement détenu par l'État français. Constitué à partir du rapprochement, sous une présidence commune, des chaînes télévisées publiques France 2 (ex-Antenne 2) et France 3 (ex-France Régions 3), il comprend notamment, France 5 (ex-La Cinquième) depuis le 2 août 2000, RFO (Réseau France Outre-mer) depuis le 9 juillet 2004, France Ô (ex RFO Sat) depuis le 25 février 2005 et France 4 (ex-Festival) depuis le 31 mars 2005. Ces sociétés nationales de programmes de télévision (et de radiodiffusion dans le cas de RFO), sont des filiales détenues en totalité par France Télévisions SA . En 2007, le périmètre économique du groupe comprend environ quarante sociétés et emploie près de 11 000 personnes".

J'ai mis en gras les prudents "modalisateurs", tout à fait étranges quand il s'agit de données aussi précises que le NOMBRE des sociétés du groupe ou les EFFECTIFS de leurs personnels.

Pour faire court, je résume les données qui circulent ici ou là : les effectifs de France Télévision oscillent entre 10 500 et 19 900, le nombre des sociétés qui appartiennent à ce groupe allant, selon les sources, de 30 à 63.

Je vois que vous ne me croyez pas et force m'est donc de vous infliger une démonstration que j'accompagnerai, pour égayer un peu l'aridité du propos, de quelques formules d'explication qui seront insérées dans les textes cités entre crochets et en italiques comme c'est la règle.

Je commencerai par les sociétés ; il est évident que cet aspect est premier puisque, si l'on ne sait pas exactement quelles sociétés composent ce groupe, il devient difficile de calculer avec précision les effectifs totaux.

Le document que j'ai cité ci-dessus précise joliment (je ne peux résister au plaisir de répéter la formule) qu'« en 2007, le périmètre [notion géométrique qui s'accommode mal du flou de la suite] économique du groupe comprend environ [souligné par moi du fait de ma stupeur] 40 sociétés et emploie près de [souligné par moi toujours du fait de ma stupeur]11 000 personnes ». Encore d'autres chiffres, seule l'imprécision est la même !

Prenons le problème par un autre bout : "Sur l’ensemble des sociétés intégrées globalement aux comptes
2006 du groupe France Télévisions : dix-sept ont leur siège 7 esplanade Henry de France (dont France 2, France 3 et France 4), six ont leur siège sur d'autres sites à Paris, cinq ont leur siège dans les Hauts-de-Seine (dont France 5, à Issy-les-Moulineaux et RFO à Malakoff), deux ont leur siège en Nouvelle-Calédonie."
Simplifions les choses : 17 + 6 + 5+ 2 = 30 alors que, quelques lignes auparavant, on nous annonce que le groupe comprend, on l'a vu, environ 40 sociétés. Qui aurait l'idée de dire que 30 équivaut à "environ 40" ? En réalité, mais selon d'autres sources, il y aurait 63 sociétés (je vous en épargne la liste) qui seraient, plus ou moins rattachées, au groupe en cause. De 30 ( le chiffre le plus officiel) à 63, la marge est considérable, mais en jouant sur la disparité des rattachements et des statuts, on peut jongler à loisir avec les effectifs et les coûts.

Toutes ces zones de flous me paraissent destinées surtout à masquer des réalités comme surtout cette surabondance de personnel grâce à des opérations comptables qui cachent que France Télévision est un gouffre financier. En réalité, dans les causes profondes d'une telle situation, il y a surtout, si je puis dire sans salir ce beau mot, la "culture d'entreprise"; chaque société agrégée, au fil du temps, à ce groupe entend maintenir les privilèges qu'elle s'était donnés auparavant, tout en tentant d'annexer ceux qu'elle voudrait obtenir à l'imitation des autres ; il en résulte que les conventions collectives sont différentes d'une société à l'autre, sans parler des conventions de branche. De ce fait, les salariés de France2, France3 et RFO n'ont pas les mêmes conditions de travail, d'emploi et de rémunération que ceux de France5 ou France 4, chacun voulant les avantages de l'autre sans bien sûr renoncer aux siens propres.

Mais le plus beau est la conclusion de ce panorama qui, comme toujours témoigne, de la plus grande prudence dans le constat de l'impuissance qu'on trouvait déjà dans le rapport de la Cour des comptes :
"Dès lors que le législateur [je suis tenté d'ajouter ici, selon la formule consacrée, "dans sa grande sagesse"] se prononçait clairement pour la constitution d'un groupe public de télévision et dotait France Télévisions de la personnalité morale et de pouvoirs étendus de direction sur les sociétés du groupe, l’éventualité d’une négociation sociale se situant au niveau du groupe, et non plus au niveau de chacune des sociétés le composant, devait être envisagée [c'est en effet le bon sens]. À l’heure actuelle, cette question n’a pas reçu de réponse concrète. Elle se heurte aux fortes particularités qui caractérisent chacune des sociétés |"Ah qu'en termes galants ces choses-là sont dites!"]. Le risque d’un alignement systématique des dispositions sur les plus coûteuses d’entre elles demeure suffisamment important pour que cette question soit traitée avec une grande prudence.".

MDR !!!!!

 

 

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