Messages les plus consultés

jeudi 28 avril 2011

Parlementaire ou poulet fermier

Monsieur le maire de Nantes ayant retrouvé le devant de la scène grâce aux processions de Pâques , cela m'a remis en mémoire un ancien blog dont il était la vedette, ce qui me permet de pallier mon absence!
Joyeuse séance de comedia dell' arte hier, mercredi 15 septembre 2010 à l'assemblée nationale,où, faut-il le préciser, c'était le jour de télé, donc de présence massive et de pitreries parlementaires.
Faute d'avoir trouvé quelque moyen que ce soit de s'opposer au vote de la loi sur les retraites ou, en tout cas, d'en ralentir l'adoption, les députés socialistes avaient mis en oeuvre la procédure classique du blocage des débats par interventions successives. Elle est peu télégénique puisqu'elle se déroule en séance de nuit et l'on ne peut pas, comme outre-atlantique, venir simplement lire la Bible à la tribune!
Le président ayant interrompu l'obstruction sans vraiment fâcher personne car tout le monde voulait aller se coucher, ayant compris depuis longtemps, comme le ministre lui-même, que les carottes étaient cuites, les députés socialistes PS ont jugé à la fois spectaculaire (c'était jour de télé), ostentatoirement et, à peu de frais, républicain et surtout GENIAL, de venir à l'assemblée porteurs de leurs écharpes tricolores. Hélas, la plupart d'entre eux, quoique députés-maires (voire plus si affinités avec d'autres sinécures) ne peuvent porter qu'une seule écharpe. S'ils avaient pu en avoir deux, voire trois, cela aurait donné un spectacle plus coloré et surtout aurait permis de se faire une idée plus précise de la sincérité de la volonté affichée au sein de leur parti de combattre le cumul des mandats. Le spectacle était néanmoins assez joli. Le clou en a été l'intervention de M. Ayrault, député-maire de Nantes et chef du groupe parlementaire socialiste, qu'on a pu voir longuement à la tribune dans cet appareil.
Il faut dire que le bougre porte beau une soixantaine soigneusement entretenue, tant sur le plan dermatologique que capillaire. Sa fonction éminente comme le soin apporté à son apparence le recommandaient tout naturellement pour monter à la tribune, en plan américain. Si les vues générales de la gauche, tricolores et chamarrées, étaient assez réussies et riches de symboles pour la future élection, face à la grisaille de la droite sans écharpes, le spectacle de M. Ayrault, en gros plan, était, à lui seul, fort réjouissant.
Comme les volaillers avisés ont toujours soin de mettre sur le devant de la vitrine leur poulet fermier le plus dodu, le mieux paré et le plus appétissant, le parti socialiste avait envoyé à la tribune son représentant le plus avenant. Orné de son écharpe (label non pas rouge comme pour les volailles, mais à la fois rose et tricolore), Ayrault évoquait irrésistiblement un poulet de concours, fermier naturellement, quelle qu'en soit l'origine, élevé en liberté au bon air du large. Loué ou la Bresse sont, dans ce domaine, plus réputés que Nantes; cela aurait pu faire pencher en faveur de Montebourg, au mépris de la hiérarchie interne du PS.
Ce qui m'étonne le plus dans cette affaire est la méconnaissance, aussi bien par les députés socialistes que les autres, et surtout par le président de l'assemblée nationale, des dispositions strictes qui régissent, de façon très précise, le port de l'écharpe tricolore.
Aussi, pour apporter un peu de sérieux à ce débat qui tourne à la farce (pardon pour cette formule culinaire involontairement adéquate), vais-je venir à leur secours, un peu tardivement j'en conviens, en rappelant le règlement.
« Le décret n° 2000-1250 du 18 décembre 2000 (Journal officiel du 23 décembre 2000) a fixé un dispositif laissant aux élus communaux la liberté de porter l'écharpe en ceinture ou en écharpe et précise l'ordre dans lequel doivent être portées les couleurs. L'ordre retenu faisant figurer le bleu près du col a pris en compte les observations historiques, iconographiques et les usages anciens les plus répandus, par différenciation avec l'ordre adopté par les parlementaires, depuis plus d'un siècle, qui place le rouge près du col. La modification réglementaire présente donc l'avantage de distinguer optiquement un parlementaire d'un maire, étant bien entendu qu'en cas de cumul de mandat (député-maire, sénateur-maire), c'est le mandat national qui prévaut. Les dispositions de l'article D.2122-4 du code général des collectivités territoriales stipulent que les maires portent l'écharpe tricolore avec glands à franges d'or dans les cérémonies publiques».
J'avoue qu'en la circonstance la position de M. Ayrault à la tribune ne m'a pas permis de juger la présence et la position du gland de l'orateur. Je n'ai pas songé non plus, hélas, à noter la disposition des couleurs de l'écharpe, pourtant décisive en pareil cas.Je ne sais donc pas si le rouge était «près du col» ce qui est une obligation absolue pour un parlementaire. Peut-être, en cas de non respect de cette exigence, B. Accoyer aurait-il pu légitimement refuser à son collègue Ayrault l'accès à la tribune.
Le plus grave est toutefois ailleurs. En effet, les textes sont parfaitement clairs. « En ce qui concerne les parlementaires, les articles 163 du règlement de l'Assemblée nationale et 107 du règlement du Sénat précisent que les députés et les sénateurs portent des insignes « lorsqu'ils sont en mission, dans les cérémonies publiques et en toutes circonstances où ils ont à faire connaître leur qualité.» Il en résulte que le port de l'écharpe tricolore à une séance normale de l'Assemblée nationale est rigoureusement proscrit, ce que tout le monde semble ignorer, mais qui ouvre peut-être à la Gauche des possibilités de recours. Affaire à suivre.

mardi 26 avril 2011

Elections présidentielles 2007 : les dessous des candidat(e)s

La démarche raisonnable est de commencer par le plus facile.

La Poste ne fournissant à ses facteurs que le vélo, la besace, la casquette et le costume, Olivier (compte tenu de l’intimité de la démarche, j’userai ici des seuls prénoms) achète sans doute ses caleçons par trois à Prisunic lors des ventes réclames. Le port du slip est, en effet, déconseillé aux cyclistes en raison des risques d’échauffements inguinaux. Par ailleurs l’acquisition d’une authentique culotte cycliste, avec fessier en peau de chamois, est très au-delà des moyens d’un modeste préposé.

En revanche, François, pour de multiples raisons, ne peut s’accommoder que du slip kangourou blanc de notre enfance. Il le porte vigoureusement remonté en direction des aisselles comme le faisaient les enfants d’antan dans les files écolières, lors de la visite médicale scolaire. Le ferme maintien qu’assure le slip kangourou convient particulièrement à François puisque, de ce fait, il ne porte ni à droite ni à gauche, mais exactement « au miyeu ».

Jean Marie, qu’on sait nostalgique de la période où il était lieutenant en Algérie, n’aurait-il pas pieusement conservé de cette période glorieuse, quelques slips en coton kaki ? Je n’en serais pas étonné, car en dépit des interdits officiels, le militaire, à la quille, aime à garder quelques reliques vestimentaires. L’armée française équipait alors ses troupes de ces modèles de slips et ils furent les clés de nombre de nos succès militaires après, en d’autres temps, le chassepot, puis le canon de 75.

Philippe, n’en doutons pas, se fait confectionner, par de discrètes petites mains vendéennes des caleçons que la rumeur bocagère dit tricolores. L’essentiel est toutefois qu’ils soient d’une ampleur telle que celui qui les porte puisse conserver toute sa puissance reproductrice. La science a, en effet, depuis longtemps établi que la pression excessive sur les génitoires qu’implique le port du slip réduit sensiblement le nombre et le dynamisme des spermatozoïdes.

José, à n’en pas douter, à déjà mis en pratique une «insurrection contre les dessous », homologue de celle qu’il préconise contre le libéralisme économique. L’Africain sous son boubou comme le Maghrébin sous sa gandourah et l’Indien sous son dhoti ne portent ni slip ni caleçon ! L’altermondialisme refuse donc la tyrannie des dessous que nous impose le libéralisme. Dans le cas de José, sa prédilection pour la douceur du velours dans le choix du pantalon lui assure un confort sans égal dans une totale liberté.

Reste le cas de Nicolas. Le mystère est entier vu la diversité mobile du personnage. Ami de Bush et admirateur de Blum, de Jaurès et même de Guy Moquet, il échappe à toute analyse et la spéculation est hasardeuse. La référence à Moquet est de loin la plus inattendue, puisque ce jeune héros est mort, comme bien d’autres hélas, fusillé par les Allemands mais en criant, ce qui est plus singulier « Vive le Parti Communiste allemand ! ». Peut-être l’apport de ce détail historique m’épargnera-t-il les foudres du ouèbmestre. Pour en revenir à l’insaisissable Nicolas, le seul détail réellement établi sur ses dessous est qu’il se fournit toujours, en la matière, au rayon « garçonnets ».

Le cas de dames est plus délicat encore et je ne m’avance qu’en tremblant sur un terrain si difficile et si hasardeux que certains jugeront sans doute scabreux.

Arlette, née pendant la guerre, a sans doute connu, dans son enfance, les culottes que grands-mères et mères tricotaient alors, de leurs doigts usés par le travail, pour les petites Arlettes de l’époque. Son goût pour les lendemains qui chantent ne peut toutefois la conduire dans ce domaine à une attitude réactionnaire ; tout indique qu’elle doit être, comme bien des travailleuses, une fidèle cliente de la Redoute, avec une préférence marquée pour la culotte taille haute. Marie-George la rejoint sans doute sur ce terrain qui est bien le seul où elles se retrouvent.

Dominique, adepte inconditionnelle du pantalon, a sans doute une prédilection pour les culottes gainantes, de préférence renforcées, propres à contenir des formes certes généreuses, mais un peu envahissantes.

Le grand mystère reste Ségolène. J’ai naguère écrit un blog dont le titre significatif, était « Ségolènes » ; je ne puis le reproduire ici, mais il faudra que je le ressorte de l’armoire. Il soulignait déjà, à partir de quelques photos de la candidate, les divers visages qu’elle peut tout à tour offrir. L’énigme de ses dessous est plus grande encore, tant pour la matière et la couleur (blanc coton ou soie ténébreuse ?) que pour la forme (string brésilien ou Petit Bateau ?).

Je m’arrête car Marius ne peut en supporter davantage ! Il va nous concocter un de ces mélanges dont il a le secret, moitié vitriol, moitié nitroglycérine, avec une giclée d’anisette.

C’est pas moi, M’dame, c’est lui qui a commencé !

Présidentielles 2007. Les dessous de l’affaire !

Faute de temps pour me mettre à un post nouveau, je reprends un texte déjà ancien ( Putain cinq ans !), écrit à la veille des présidentielles de 2007 et qui abordait l’examen des candidat(e)s sous un angle un peu inattendu et que je vous laisse découvrir. Je n’y changes rien en espérant que Marius ait l’occasion de le lire.

« C’est pas moi M’dame ! C’est la faute à Marius !

Dans le blog du 2 février 2007 de Marius N., « Elle déteint », alors que je venais lire et causer politique, voilà que surgit, de fil en aiguille, le « joli popotin » de Ségo. D’émotion, Marius, dont la langue est toujours si juste et si précise, en perd son orthographe. Tout émoustillé (il n’en fait pas mystère), il écrit « callypige » au lieu de « callipyge ». Le terme est aussi joli que rare ; on en a usé surtout pour Vénus mais, in abstracto, il convient bien à notre Ségo. Sa beauté est celle d’Aphrodite, ainsi nommée d’abord par les Grecs, car elle serait née des eaux. Une Vénus surgissant de la mer, est dite « anadyomène ». Ségo l’est aussi, car comment ne pas voir qu’elle aussi a surgi, comme par miracle, des eaux troubles du marécage socialiste. Etre « anadyomène » n’empêche pas d’être aussi « callipyge » (« aux belles fesses ». L’étymologie grecque fixe la place de cet « y » qui est sur les fesses "-pyge-" et non sur la beauté "-calli-". On peut vérifier aisément le fondement (si j’ose dire) de mes cuistreries, en confrontant, pour les distinguer, la « callipygie » ségolinienne à la « stéatopygie » d’autres femmes politiques, particularité aussi vulgaire et déplaisante que le gros cul qu’elle désigne.

Dans le demi-sommeil d’une fin de longue nuit paisible (j’avais passé la précédente dans un avion bondé, coincé comme un hareng en caque, à côté d’un marmot inlassablement hurleur), je m’interrogeais à propos la fixation de Marius sur la callipygie ségolenienne, qu’il estime d’ailleurs partager avec Black Jack, qu’on dit fort amateur du beau sexe (la callipygie de l’une l’inspirant plus que la stéatopygie de l’autre). J’ignore la source de leurs certitudes respectives car, me semble-t-il, Ségo se plaît davantage, sous cet angle, dans le flou et le fluide que dans le moulant révélateur de la marque du slip ou de son absence. D’où mon hypothèse que ces Messieurs font plus ici dans le fantasme que dans l’observation rigoureuse qui sied seule à l’analyse politique.

Craignant sur ce terrain les foudres du ouèbmestre, j’ai laissé les errances de cette méditation matinale se porter, d’une façon plus générale, sur les dessous des candidat(e)s à la prochaine élection. J’ai proposé, dans un blog précédent, la pratique de la « podomancie », dont Pierre Joxe fut l’un des précurseurs par son analyse, demeurée célèbre, des chaussettes du Premier Ministre, Pierre Bérégovoy, où il voyait la preuve irréfutable de son honnêteté. Les dessous des politiques sont-ils plus ou moins révélateurs que leurs chaussures et leurs chaussettes ? Je n’en sais rien, mais l’investigation est assurément plus hasardeuse, faute d’accès direct aux données pertinentes. Néanmoins, toute approche scientifique repose sur des hypothèses et l’on ne peut assurément rien trouver si l’on ne cherche pas quelque chose. Prenons donc des risques, en hardi découvreur de terres nouvelles.

A demain pour la suite dans le respect de mon format habituel.

dimanche 24 avril 2011

Côte d'Ivoire : l’assassinat de Philippe Rémond à Yamoussoukro

Le 31 mars 2011, à Yamoussoukro, un enseignant français, Philippe Rémond, professeur agrégé à l’Institut national polytechnique Houphouët-Boigny, était assassiné dans une chambre d’hôtel de la ville. Le fait fut rapporté, le lendemain mais sans le moindre détail sur la victime ni sur les étranges conditions de sa mort ; les médias français, qui en firent mention, parlèrent de « crime crapuleux », voire de « balle perdue », ce qui est tout de même un peu insolite dans une chambre d’hôtel, sauf au Far West à la grande époque.

L’affaire aurait sans doute mérité un peu plus d’attention car l’homme était très loin d’être un inconnu et cela s’est vite su. Président des ressortissants européens pour la Côte d’Ivoire et réputé proche de Laurent Gbagbo, il avait participé à la Radio Télévision Ivoirienne, à une émission intitulée « Raison d’Etat ». Il y avait mis en cause l’annulation des résultats de l’élection présidentielle promulgués par le Conseil constitutionnel national au profit de ceux de la Commission internationale qui donnaient comme vainqueur Alassane Ouattara. Dans le même mouvement, il avait aussi très vivement critiqué la politique de la France.

A la suite de cette émission, Philippe Rémond avait été l’objet de menaces de mort. Ce sont précisément ces menaces qui, après la prise de Yamoussoukro par les forces « républicaines » de Ouattara, l’avaient conduit, par précaution, à quitter son domicile pour se réfugier dans un hôtel. On comprend dès lors que l’explication par la « balle perdue » (mais pas pour tout le monde !) est un peu courte et cela d’autant que, comme l’ont souligné partout, à l’envi, les partisans d’ ADO, la « prise » de Yamoussoukro s’était opérée dans un calme total, ce qui y rendait très improbables les balles perdues.

Il est donc évident que l’idée d’un crime « crapuleux » est ridicule et que Philippe Rémond a été purement et simplement assassiné (même si l’on peut former diverses hypothèses sur ses assassins).

Un des points intéressants de ses déclarations à la RTI était moins ses critiques du rôle de la France dans la crise ivoirienne que son argumentation concernant la mise en cause du Conseil constitutionnel ivoirien qui avait proclamé élu Laurent Gbagbo. Philippe Rémond déclarait ainsi dans une interview ultérieure réalisée par K. Kouassi Maurice et Bamba Mafoumgbè :

« Je suis scandalisé que des pays comme la France et les USA, pour lesquels la Constitution est une loi sacro-sainte, qui n’accepteront pas qu’on touche une virgule de celle-ci, se permettent de se livrer à des déclarations et des actes qui foulent aux pieds la Constitution ivoirienne. Alors qu’à partir du moment où les résultats de l’élection présidentielle ont été proclamés dans les conditions requises par le Conseil constitutionnel, personne n’a le droit de contester cette décision irrévocable ».

L’argument majeur invoqué contre les décisions du Conseil constitutionnel ivoirien qui faisaient de Gbagbo le président élu était que ce Conseil était « à la solde » de ce même Gbagbo. Sans doute, mais, sans connaître, dans leur détail, les règles du mode de désignation du Conseil constitutionnel ivoirien, je suppose que, comme dans les cas de bien des instances africaines, on a strictement calqué sa formation et son fonctionnment sur ceux de l’institution française correspondante. Or, les neuf membres du Conseil constitutionnel français (auxquels s’ajoutent les anciens présidents de la République, membres de droit) sont désignés respectivement par le Président de la République, le Président du Sénat et le Président de l'Assemblée nationale, à raison d'un tiers chacun. On comprend aisément par là que, dans un tel conseil, la voix de l’opposition n’a guère de chances de se faire entendre, à Paris comme à Abidjan !

Mais ce que je juge le plus remarquable, mais non le plus étonnant, vu les circonstances et la couleur politique de l’assassinat, est le silence quasi absolu des médias français sur un drame qui date de moins d’un mois. Une recherche assez systématique que j’ai faite dans Google m’a montré que le fait et ses circonstances n’étaient mentionnés que dans les médias et les sites africains, le plus souvent de la mouvance de Gbagbo avant sa chute.

Je n’ai eu moi-même connaissance de ces faits que grâce à j.michel et à son site onvousditpastout.wordpress.com . Qu’il en soit ici remercié !

L’avantage avec les médias français est qu’ils sont tellement aux ordres qu’on n'a même pas besoin de leur en donner !

Post Scriptum
Par hasard et grâce à delugio (excellent connaisseur de la Côte d'Ivoire) et grâce aussi une fois encore à j.michel j'ai eu accès à une très édifiante et très détaillée biographie de Ouattara, très éclairante sur la façon dont il aurait constitué sa gigantesque fortune, naturellement planquée hors du pays.

samedi 23 avril 2011

OSS 117 : "Opération Libye"





Je ne suis généralement pas trop enclin à entrer d’emblée dans les délires anti-étasuniens et altermondialistes à la Michel Collon. Allez donc un jour visiter le site de ce journaliste-écrivain-polémiste-cinéaste belge, père du concept de médiamensonges, terme dont il use pour dénonce les formes diverses de propagande médiatique qui servent à justifier, au sein d’un Etat et/ou devant l’opinion mondiale, les interventions, en particulier militaires, aux yeux des opinions publiques.
Même si on peut le juger à certains égards proche d’un Michel Collon, Michel Chossudovsky me paraît un auteur plus sérieux à la fois par sa formation d’économiste et par sa carrière. Il a enseigné, en effet, dans plusieurs universités canadiennes et a fait carrière aussi comme conseiller économique ou consultant pour plusieurs gouvernements de pays en voie de développement et pour des organisations internationales comme le PNUD ou l’OMS. Désormais en retraite, il anime un « Centre de recherche sur la mondialisation », site internet consacré, en particulier, aux enjeux de « la guerre au terrorisme » et aux conflits du Moyen-Orient. Il est certes, à certains égards, voisin des partisans de la « théorie » du complot, mais dans des approches qui me semblent plus sérieusement fondées que celles qu’on trouve, dans des genres différents, chez un Michel Collon ou un Jean-Marie Bigard !
Je ne reprendrai pas ici, vu sa longueur et son intérêt, l’article original en anglais de Michel Chossudovsky : « Operation Libya" and the Battle for Oil: Redrawing the Map of Africa », paru le 9 mars 2011 et que vous pouvez trouver, traduit en français par Julie Lévesque, dans Mondialisation.ca

Je ne retiendrai ici que quelques formules qui éclairent la façon dont on a forgé le « médiamensonge » autour de l’intervention en Libye, mais que je commenterai à ma façon.

1. Premier mensonge sur l’importance et l’intérêt de la Libye dans l’économie pétrolière mondiale : Pour écarter les hypothèses fâcheuses sur les causes réelles de l’intervention, on n’a pas cessé depuis un mois de nous dire que, dans l’économie pétrolière, la Libye comptait pour du beurre. C’est faux !
« . La Libye est l’une des plus grandes économies pétrolières du monde : elle détient 3,5 % des réserves mondiales de pétrole [on n’a cessé de nous dire moins de 2%!] , soit plus du double de celles des États-Unis ».

« Avec ses 46,5 milliards de barils de réserves prouvées (10 fois plus que l’Égypte) la Libye constitue la plus grande économie pétrolière du continent africain, suivie par le Nigeria et l’Algérie (Oil and Gas Journal) [...]. Les évaluations les plus récentes estiment les réserves pétrolières de la Libye à 60 milliards de barils et ses réserves de gaz à 1500 milliards de mètres cube (m3). Sa production de pétrole se chiffre entre 1,3 et 1,7 millions de barils par jour, bien en-deçà de sa capacité de production ». [...] Le BP Statistical Energy Survey (alternatif, 2008) estimait pour sa part les réserves pétrolières prouvées de la Libye à 41,464 milliards de barils à la fin de 2007, ce qui représente 3,34 % des réserves mondiales prouvées »

En outre, autre point, plus important encore et même capital : le coût d‘exploitation du pétrole libyen est extrêmement faible et donc les profits extrêmement élevés :
« Alors que la valeur marchande du pétrole brut est actuellement bien au-delà des 100 dollars le baril, le coût du pétrole libyen est extrêmement bas, aussi bas que 1 dollar le baril (selon une estimation). Un expert du marché pétrolier l’a fait remarquer de manière plutôt cryptique : « À 110 dollars [le baril] sur le marché mondial, un simple calcul mathématique donne à la Libye une marge de profit de 109 $ [le baril]. » (EnergyandCapital.com, 12 mars 2008) ».

2. Les réactions des divers Etats dans cette affaire ont été diverses mais toutes interprétables et significatives :

« Une invasion de la Libye sous mandat humanitaire servirait les mêmes intérêts privés que l’invasion et l’occupation de l’Irak en 2003. L’objectif sous-jacent est de prendre possession des réserves de pétrole de la Libye, de déstabiliser la CPN et, en dernier lieu, de privatiser l’industrie pétrolière du pays, soit transférer le contrôle et la propriété de la richesse pétrolière libyenne dans des mains étrangères ».
La chose était claire et nul besoin d’insister. En revanche; il est éclairant de voir quels sont les intérêts pétroliers étrangers en Libye :

« Les compagnies pétrolières étrangères en activité en Libye avant l’insurrection comprenaient Total de France, ENI d’Italie, China National Petroleum Corp (CNPC), British Petroleum (BP), le consortium espagnol REPSOL, ExxonMobil, Chevron, Occidental Petroleum, Hess et Conoco Phillips. [...] Le fait que la Chine joue un rôle central dans l’industrie libyenne est significatif. La CNPC avait un effectif de quelque 400 employés. Les effectifs chinois totaux en Libye étaient de l’ordre de 30 000 [...]. La campagne militaire dirigée contre la Libye est destinée à exclure la Chine de l’Afrique du Nord. »

On comprend dès lors à la fois l’attitude de la Chine à l’ONU (abstention) et son opposition ferme dans la suite à toute forme d’intervention terrestre. Il en est de même pour l’Allemagne, puisque, en novembre 2010, la compagnie pétrolière allemande R.W. DIA E a signé un important accord avec la CPN libyenne.

3. Les Etats-Unis et la France.
L’attitude d’Obama a été des plus ambiguës depuis le début de l’affaire. Pour Chossudovsky, les choses sont sans mystère ; ici comme dans toute l’Afrique les Etats-Unis veulent tout contrôler (on l’a vu en Côte d’Ivoire) et donc évincer la France de son ancien pré-carré.

« Cette opération militaire vise à établir l’hégémonie étasunienne en Afrique du Nord, une région dominée historiquement par la France et, dans une moindre mesure, par l’Italie et l’Espagne.

En ce qui concerne la Tunisie, le Maroc et l’Algérie, le plan de Washington consiste à affaiblir les liens politiques de ces pays avec la France et à faire pression pour l’installation de nouveaux régimes politiques ayant des rapports étroits avec les États-Unis. Affaiblir la France fait partie des ambitions impériales étasuniennes. Il s’agit d’un processus historique remontant aux guerres d’Indochine.

L’intervention des États-Unis et de l’OTAN, qui mènera tôt ou tard à la formation d’un régime fantoche étasunien, a également pour but d’exclure la Chine de la région et d’évincer la CNPC. Les géants du pétrole anglo-américains ayant signé un contrat d’exploration en 2007 avec le gouvernement Kadhafi, dont BP, font partie des potentiels « bénéficiaires » de la proposition d’opération militaire des États-Unis et de l’OTAN
».

Tout cela me semble assez bien vu et, comme je l’ai dit depuis le début, nous serons, pour finir, comme en Côte d’Ivoire, les dindons de la farce et Obama nous mène en bateau.

4. La « transition » libyenne...

Les considérations qui précèdent montrent assez clairement les vraies motivations et les finalités réelles de la prétendue transition « démocratique » de la Libye ; elle est, sans le moindre doute, le cadet des soucis des Etats engagés, à des titres divers, dans cette affaire. On s’en doutait un peu, à dire le vrai!

Il y a là un point que Michel Chossudovsky n’évoque pas et qui me semble se dessiner, actuellement, tout en étant, depuis le début, en filigranne. La Libye, en effet, comme la plupart des Etats africains, est une création artificielle de la colonisation européenne ; il serait donc sans dout envisageable et peut-être, à certains égards, raisonnable de séparer la Tripolitaine (à l’Ouest) et la Cyrénaïque (à l’Est). Un facteur est, à cet égard, essentiel. Il suffit de regarder la carte des gisements et des installations pétrolières ci-dessus pour faire une remarque que notre auteur ne manque pas de mentionner : « Près de 80 % des réserves pétrolières de la Libye se trouvent dans le bassin du golfe de Syrte à l’Est de la Libye » donc ....en Cyrénaïque! La transition pourrait donc bien finir en partition!

Tunisie, Côte d’Ivoire, Haïti. De l'usage de la démocratie.

On vient d'apprendre, en ce matin du samedi 23 avril 2011, que le président élu en Haïti Michel Martelly, jusque là silencieux sur cette question, demandait à la communauté internationale de ne pas reconnaître les résultats finaux, enfin plus ou moins connus, des élections législatives, très favorables au président sortant René Préval, qui les aurait largement manipulés en faveur des candidats de son parti.

La chose survient au moment même où on voit naître une crise au sein de l’Union Européenne face à l’arrivée de dizaines de milliers de Tunisiens fuyant leur pays en marche vers la démocratie, régime dont on nous avait dit qu’ils souhaitaient pourtant, ardemment et depuis longtemps, l'avènement. Cette chère démocratie ne semble donc pas suffire au bonheur des citoyens de Tunisie.

Tout cela n'est évidemment pas sans nous rappeler les événements de Côte d'Ivoire et en particulier le spectacle, insolite et cocasse, d'un représentant du Conseil constitutionnel ivoirien s'emparant, pour les froisser et les déchirer rageusement, des feuillets que le président de la commission électorale internationale s'apprêtait à lire et qui proclamaient la victoire de Ouattara Certes, dans la suite, toutes les instances internationales, qui avaient en principe surveillé le scrutin, ont confirmé la régularité du vote et donc, par là même, cette victoire. Toutefois, même sans ajouter foi aux déclarations, sans grand fondement, de Dumas et de Vergès, on ne peut cependant pas être tout à fait sûr que les élections, lors du deuxième tour, se sont déroulées de façon totalement normale, étant donné les résultats, au moins dans certaines régions du pays.

Proclamer officiellement la démocratie est une chose, la faire fonctionner dans des conditions normales en est une autre.

Le cas d'Haïti est à cet égard tout à fait exemplaire puisque, dans le comptage comme dans le dépouillement des bulletins, à grands frais, on a déployé des moyens importants et surtout extrêmement rapides et modernes, allant des ordinateurs aux scanners, sans que ces outils puissants aient permis une proclamation rapide des résultats. Dès lors, même si le scrutin s'est déroulé, en gros, dans des conditions à peu près normales (ce qui n’est pas simple dans un pays comme Haïti ravagé, un an avant, par un gigantesque séisme causant 230.000 morts), nul ne peut s'empêcher de penser à tout ce qui peut se passer dans une période de dix ou quinze jours qui sépare le vote lui-même de la proclamation des résultats finaux.

Lors de la dernière élection haïtienne où étaient couplées, le même jour, l'élection présidentielle et des élections législatives (pour les député et les sénateurs), on ne peut être qu'étonné de constater que le fort mouvement de rejet de l'équipe au pouvoir (celle du président René Préval), qui avait conduit, au premier tour, son candidat déclaré Jude Célestin à devoir se contenter de la troisième place (alors que les premiers résultats lui avaient accordé d’emblée la deuxième !) a amené une très large majorité à se prononcer en faveur de Michel Martelly (plus de 67 % des voix au deuxième tour) mais avec un total insuccès ou presque lors de l'élection législative (trois élus seulement !). La chose n'est pas très logique même si, naturellement, dans ce type de vote, la personnalité des candidats locaux joue un rôle important.

Michel Martelly, inévitablement contraint à la recherche d'un accord politique avec René Préval, dont il a donné des signes ostensibles par des embrassades publiques et des rencontres plus discrètes, n'a d’abord pas contesté les résultats des élections législatives. Désormais fort du soutien extérieur unanime, il vient de le faire, de la façon la plus nette, en appelant même à la communauté internationale. S'il n'y avait pas eu trop d'incidents lors de la première proclamation des résultats de ces élections (un mort cependant, mais en Haïti c'est un résultat très convenable), il risque d'y en avoir désormais, puisque le président élu met officiellement en cause les résultats et surtout le rôle qu'a pu jouer dans cette affaire le président Préval.

Il faut dire que, du côté gouvernemental, on a poussé un peu loin le bouchon en inversant les résultats pour 18 circonscriptions, ce qui fait passer le nombre des élus du parti de Préval, « Inite » ( = l'unité), d’une petite trentaine à 46. On cite même un cas où le candidat d’Inite est finalement élu alors qu’il avait, lors du premier dépouillement, 15.000 voix de retard ! Ces manoeuvres donneraient donc une position extrêmement forte à Inite pour la suite des événements.

Il en est résulté un déchaînement médiatique de la part des victimes de ces « corrections », dans les radios locales surtout ; on est allé jusqu'à parler d'« assassinat politique » et d'une « conspiration pour replonger le pays dans le chaos » en empêchant toute action du président élu dont la prise de fonction est prévue pour le 10 mai. Il en résulte que l'élection de Michel Martelly que tout le monde avait saluée avec soulagement et espoir et dont on pensait qu’elle pouvait amener une ère, sinon de prospérité, du moins de calme politique, risque fort d'ouvrir une nouvelle période de troubles voire de violences.

La démocratie serait-elle, comme la langue selon Esope, la meilleure et la pire des choses ?

Dernière minute à propos d'Haïti :

"Selon les Etats-Unis dans un communiqué, « Après avoir réexaminé les résultats et les matériels fournis par le CEP, les Nations Unies, et les observateurs internationaux, nous n'avons trouvé aucune explication quant au revirement observé dans les résultats définitifs pour 18 cas des législatives, et lesquels cas, à l'exception de deux, profitent au parti au pouvoir [INITE} . Ces revirements incluent, parmi d'autres, le cas d'un candidat du parti au pouvoir qui avait été placé en troisième position selon les résultats préliminaires, et qui aujourd'hui remporte la première place suivant les résultats définitifs. Dans son cas, les résultats montrent une augmentation de 55.000 votes; de 90.000 votes obtenus pour les préliminaires, il a gagné avec plus de 145.000 votes. »

« Deux autres candidats du parti au pouvoir avaient été placés en deuxième position suivant les résultats préliminaires, et les résultats définitifs du CEP montrent que le total de leur vote est le double de ce qu'ils avaient obtenu pour les préliminaires, et pour l'un d'entre eux, ces résultats montrent également que ses votes dépassent le total des votes enregistrés pour toute sa région », a poursuivit le communiqué des Etats-Unis". Robenson Geffrard dans le Nouvelliste.
rgeffrard@lenouvelliste.com

vendredi 22 avril 2011

Libye : après l'« 0dyssée », les « contes de ma mère l’Oye »

Une fois encore, la Côte d’Ivoire ne suffisant pas, la France s'est mise avec l’affaire libyenne, dans un mauvais pas dont elle ne saura plus comment sortir.

Moustapha Abdeljalil, le président du mouvement révolutionnaire libyen, désormais dit « Conseil National de Transition », (même si l’on ne sait pas trop vers quoi s’opère la dite transition ni même si elle s’opère réellement) a été longuement reçu à Paris ce mercredi. BHL, le nouveau conseiller expert es-Libye, se dit en contact avec notre président et laisse entendre qu’il a suggéré le principe de cette réception, après avoir pris part à de récentes réunions antérieures, nocturnes et secrètes. A-t-on profité de la visite d’Alain Juppé en Tunisie pour tenir cette dernière réunion, officielle cette fois ? On n’ose le croire ! On espère que BHl a conseillé de ne pas trop évoquer au cours de la conversation avec Moustapha Abdeljalil la précédente visite officielle libyenne à Paris, tellement plus médiatisée, amicale et fastueuse.

Tout cela est logique puisque nous avons été les premiers à reconnaître le CNT, non sans imprudence et précipitation (déjà BHL !) ; nous n’avons guère été suivis dans cette voie que par le Qatar et, depuis peu, par l'Italie qui, dans cette affaire, est sans doute tenaillée par quelques remords concernant son comportement d’autrefois en Cyrénaïque.

La délégation du CNT a expliqué que ses armes, encore insuffisantes, ont été achetées avec de « l'argent libyen » ou fournies par des « amis » sur lesquels on est resté discrets. Obama, qui persiste dans l’ambiguité sur ce dossier, a annoncé que les Etats-Unis fourniraient 25 millions de dollars d'équipements « non létaux » aux forces du CNT, ce qui, en matière d’armes n’est pas sans mérite.

Faute de pouvoir faire une guerre, fût-elle exclusivement aérienne (nous n'avons déjà plus ni munitions, ni sans doute les moyens de faire voler nos avions de guerre dont l'utilisation est ruineuse pour notre budget militaire) et moins encore une guerre terrestre que la résolution 1973 nous interdit, mais surtout qu'aucun des grands Etats ne tolérerait de notre part, on parle de l’envoi de « conseillers » (comme autrefois au Viêt-Nam ?). On vient toutefois de nous faire savoir, en haut lieu, que cet envoi serait regardé comme une action de guerre terrestre !

Il ne nous reste donc plus guère que l’action psychologique. Elle repose surtout sur des images tournées on ne sait comment par des équipes de photographes et de journalistes. Ils doivent exalter les hauts faits des libérateurs et « l’enlisement » des forces kadhafiennes, mais ils s'abstiennent soigneusement d'approcher de trop près les terrains d'opérations et ne changent guère le menu iconographique. On reste extrêmement discret sur des dommages collatéraux qu'on s’obstinr à nier, comme l’OTAN jeudi 21 avril 2011, mais qu’on est bien forcé d’imaginer, faute de les connaître. Kadhafi n’est d’ailleurs pas assez stupide pour ne pas utiliser les boucliers humains, mais il est assez cruel pour ne pas hésiter un instant à le faire.

Quant aux images des valeureuses forces révolutionnaires, elles ne sont pas sans rappeler celles des troupes « républicaines » de Ouattara en Côte d’Ivoire. Cette armée de libération est pitoyable quand elle n’est pas comique. Je pense ici, du côte de Misrata, au spectacle tout récent de deux ou trois jeunes gens brandissant des pétoires sous l’oeil attendri et vigilant de leur imam qui, nous dit-on, ne les quitte jamais et qui est assis par terre à l’ombre d’un parapluie de dame bleu ciel. Pittoresque !

On nous parle sans cesse de « bombardements intensifs » mais comme Kadhafi n'a plus d'avions il s’agit sans doute de tirs d’artillerie, sans doute légère, à voir les dégâts. Si désolantes que soient ces scènes de guerre, on est très loin des spectacles de ruines et de désolation qu'on a pu connaître au Liban ou à Gaza ! Toutes les images qu'on rapporte des activités des combattants du CNT loin de saper le moral de Kadhafi et de ses partisans doivent au contraire les faire mourir de rire et on devrait s’employer à en empêcher la diffusion locale. En tout cas, les munitions ne doivent pas manquer car on ne cesse, comme souvent dans ces pays, de lâcher, en direction du ciel, des rafales de Kalashnikov. On a même vu, dans un passé récent, que cette pratique pouvait être interprétée par les aviateurs de la coalition en basse altitude comme une agression et non comme une manifestation d’enthousiasme, ce qui a conduit nos aviateurs à lâcher quelques rafales et à tuer ainsi plusieurs de leurs alliés trop démonstratifs !

Il semble clair que les combattants des forces de libération ne se livrent à ces exercices belliqueux que lorsqu'ils sont en présence de journalistes-photographes et qu'ils veulent par là signifier au monde leur volonté et leur capacité de combattre. J’ai vu récemment, dans un tel contexte, une démonstration de tir au mortier. Les servants de la pièce entendaient faire, de façon gratuite, une démonstration, in situ et in vivo, de leur talent à utiliser cette arme. Ils ont donc expédié, devant les caméras, quelques obus sur des objectifs indéterminés, pour le seul plaisir de se servir de leur mortier dont il était clair qu’ils n’avaient qu’une pratique des plus incertaines. Compte tenu du lieu d’où étaient effectués ces tirs, ils n’avaient aucune chance d’atteindre des troupes de Kadhafi, mais, en revanche, les obus ont pu tomber n'importe où, y compris sur des populations civiles, voire des soldats du même camp que les artilleurs ou même, qui sait, sur les deux « photo-reporters » anglo-saxons qui ont été récemment tués dans des circonstances mal déterminées.

Comme disait Napoléon « l'art de la guerre est simple et tout d’exécution » mais encore faut-il un peu savoir ce qu'on y fait !

mercredi 20 avril 2011

Les fondamentaux ! Les fondamentaux !

Comme vous le savez sans doute je suis à la fois émotif, distrait et, faut-il ajouter, un peu trop occupé, ce qui me conduit, le plus souvent, à faire deux choses en même temps, dont l'une, qui est parfois la troisième, est d’écouter la radio.

Ce matin, occupé à je ne sais quoi vers 8:00, alors que, dans le poste, on causait de l'Ukraine, j'ai soudain entendu prononcer le mot « dome » dans un contexte que je n'avais pas identifié. Ayant lu la veille un texte sur Mayotte (pour des problèmes d'ordre linguistique et anthropologique), dans un probable instant d’aberration, j’ai soudain cru que l'Ukraine, outre quelques dizaines de millions qu’elle nous avait soutirés et que notre Premier Ministre était venu en personne lui apporter, avait demandé et obtenu, comme Mayotte, le statut de département d’outre-mer français (D.O.M) car je ne voyais pas à quoi pouvait renvoyer en français la séquence phonétique « dome ». Rendu soudain plus attentif par l’émotion, j'ai compris qu'en fait il était question de Tchernobyl et que le « D.O.M. » en question qu’évoquait la « journaliste » n’était pas un D.O.M (département d’outre-mer mais ici peut-être d’outre-mur !) était, en réalité, un « dôme » car la France allait en construire un d’acier et de béton pour couvrir d'une façon plus efficace le « dôme » actuel qui ne protège guère des radiations que persistent à produire les restes de la centrale nucléaire.

Heureusement pour moi, je ne suis pas trop attaché à la stricte correction phonétique lexicale et syntaxique de notre langue bien que, dans le passé, j'aie consacré quelques blogs à cette pauvre langue française. J'ai un vague souvenir de l'un d'entre eux que j'avais dédié à Marie Jeanne Bécu, comtesse Du Barry et que j'avais intitulé « La France, ton français fout le camp ! » en parodiant la fameuse formule par laquelle elle prévenait Louis XV que son café allait bouillir « La France ! Ton café fout le camp ! ». L’explication de cette apostrophe que je ne donne ici qu’à l’usage des nobles étrangers qui fréquentent ce blog, est que, dans l'intimité, la Du Barry appelait « la France » son royal amant et que, selon une des formules de nos campagnes, « Café bouillu ! Café foutu !».

L'absence d'opposition est devenue fréquente, surtout sur nos antennes, entre l’« o » fermé (celui qu’on devrait avoir dans « dôme ») que je n’ose gloser par une équivalence avec « au » car, au-dessous de la Loire, la « paume » devient une « pomme » comme le « saule » se change en « sol » et l’« o » ouvert, qui, lui, me pose, à l’inverse, les mêmes problèmes. La chose est parfois fâcheuse, même hors de mon émotion ukrainienne du matin, quand, dans des cas plus fréquents que celui que j'ai évoqué à propos de Tchernobyl, cette neutralisation conduit, par exemple, à confondre la « cote » du kilo de boeuf ou d'agneau, à l'achat ou à la vente, avec la « côte » de ces mêmes animaux qui d’ailleurs a elle-même en outre une « cote » spécifique par rapport à de moins nobles morceaux.

Les fondamentaux ! Toujours les fondamentaux !

Mais il est des cas plus fâcheux encore d’ordre arithmétique cette fois. Ils concernent tout bêtement les opérations les plus simples du calcul mental qui ont désormais disparu du registre intellectuel et pratique de la plupart des Français. La faute en est sans doute aux instruments électroniques (des caisses enregistreuses des commerçants, qui proposent les rendus de monnaie, aux calculettes des élèves) qui font qu’un ancien ministre de l'éducation nationale montre à la France médusée qu’il ne sait pas poser une règle de trois des plus simples et, pis encore, que le président de notre Cour des Comptes ignore les tables de multiplication, estimant, si je me souviens bien, que sept fois huit font 63 !

Hier, chez Calvi, dans « C dans l'air », j'ai entendu un respectable professeur d’université, géographe il est vrai, faire observer que deux-tiers font moins que la moitié ! C'est un peu étonnant, mais ça n'est pas dramatique.

En revanche, j’ai entendu, à plusieurs reprises, des politiques et même un général, devenu, au terme de sa carrière, directeur de je ne sais quelles recherches « stratégiques », spéculer sur le pourcentage de chars libyens que nos attaques aériennes avaient pu détruire. L'estimation était, dans leurs propos, qu'environ un tiers des blindés de Kadhafi avait été détruit. Si l'on admet, selon les données les plus communes et les plus sûres, qu'il en avait, au départ, 2000 et qu’au mieux (ou au pire selon lui) une centaine ont été détruits, il faudrait, à moins qu’on ne fasse de la guerre psychologique, que ces politiques et ses militaires révisent d’urgence leurs fondamentaux arithmétiques faute de quoi nous risquons les pires ennuis dans cette affaire libyenne !

Les fondamentaux que diable ! Les fondamentaux !

mardi 19 avril 2011

Les meilleures blagues de la radio.


Je ne sais pas si vous connaissez la chaîne de radio « Rires et chansons » ? En tout cas, c'est là son slogan publicitaire : « Les meilleures blagues sont sur « Rires et chansons » ». Eh bien, je vais vous confier que cela n'est pas vrai. Les meilleures blagues sont, contre toute attente, sur les concurrentes de cette chaîne spécialisée qui, elles, se veulent sérieuses, et en particulier RMC et Europe 1.

Le matin, en faisant autre chose bien sûr, j'écoute souvent les informations sur ces chaînes ainsi que sur France Info, car, sur mon micro-poste et en FM, ces stations sont très voisines. Je le fais en zappant sans cesse, pour échapper à la fois à la répétition insupportable des mêmes nouvelles, et, pis encore, aux incessantes publicités qui constituent l'essentiel de leurs programmes des heures de grande écoute.

Ce matin, voici qu’était arrivé « le moment fatidique » (comme on écrivait autrefois dans les rédactions du CE2 ) c'est-à-dire le jour où Médiamétrie (ou quelque officine de la même farine) publie les audiences des différentes chaînes, calculées scientifiquement, Dieu seul et les employés des « instituts » qui vendent ce genre de fariboles savent comment. Il était du plus haut comique d'entendre, exactement au même moment, l'animateur de service sur Europe1 se réjouir du fait que sa chaîne avait 300.000 auditeurs de plus, tandis que, sur la chaîne concurrente RMC, le remplaçant de Jean-Jacques Bourdin parti en vacances de Pâques chez son pépé gardois comme souvent, se réjouissait, au même instant et de la même façon, d'avoir gagné un nombre d'auditeurs d’ailleurs à peu près identique.

Je ne sais pas ce qu'il en est pour RMC, mais j’avais cru comprendre que Marc-Olivier Fogiel avait quitté l'Europe 1 (ou en avait été viré) en raison de la forte baisse de son audience. Va comprendre Charles !

Sauf si les hordes d’immigrés clandestins qui nous envahissent, venus de l’Est comme du Sud, s’érigent aussitôt avec leurs familles en auditeurs assidus de ces chaînes, il doit bien y avoir, quelque part dans notre beau pays, des chaînes qui perdent, elles, des auditeurs et dont les animateurs doivent verser des larmes secrètes.

Le plus clair me paraît qu’on nous prend, nous auditeurs, pour des imbéciles mais que ce petit commerce statistico-médiatique, comme celui des instituts de sondages, se nourrit de la feinte naïveté de leurs clients, aussi complaisante que calculée.

On se demande, de ce fait et par ailleurs, quelle est la nécessité qui conduit à ce que coexistent parallèlement ces chaînes de radio qui, comme à la télévision, font exactement et aussi mal, la même chose au même moment, en se félicitant, sans cesse et sans vergogne (un de mes chers zeugmas !) de la qualité extraordinaire, pour ne pas dire exceptionnelle, de leurs prestations, en évitant, selon la formule classique, de « se méfier des imitations ». Mais, chers journalistes de RMC dont c’est la formule favorite (pierre dans le jardin d’Europe1), ce ne sont pas des « imitations » puisque les deux produits sont identiques et sans la moindre originalité !

On comprend après cela pourquoi nos médias apprécient tellement ces fameuses soirées électorales où l'on réunit autour d'une table une demi-douzaine de représentants de partis qui tous se félicitent, avec autant d'enthousiasme et de verve, du succès qu'ils ont tous eu, en même temps, dans l'élection en cause. Nos journalistes (si on peut les nommer ainsi) ont une grande habitude de se féliciter de tout, en particulier quand ce tout n'est rien !

Je vous avais, en quelque, sorte promis une blague ; aussi vais-je tenir parole. Passant devant la télé allumée, j’y ai vu Fidel Castro apparemment plus ou moins ressuscité, en tout cas assez pour passer la main en faveur de son petit frère. Cela m’a rappelé une facétie de Jules Edouard Moustic (de Groland !) qui pratique, parfois avec bonheur, le détournement d’images. C’était la première photo de Fidel après sa maladie. On le voyait, en survêtement bleu et rouge, esquissant quelques pas chancelants dans un couloir.

Et Moustic de commenter « Fidel Castro a signé au PSG » !



Post-scriptum : Revoyant, par hasard, les images du passage de (faux) témoin entre les frères Castro, j'ai constaté que Fidel, quoique chancelant, était à nouveau en survêt', mais cette fois-ci bleu. Quitterait-il le PSG ?

jeudi 14 avril 2011

La fin des vacances de Monsieur Hulot ou le « visiteur du mercredi »

Explication de titre, sinon de texte

On ne le dit guère, faute de le savoir sans doute, mais Jacques Tati aurait créé son fameux personnage de « Monsieur Hulot » (« Les vacances de Monsieur Hulot », 1953) à partir du modèle que lui avait offert le grand-père paternel de notre Nicolas Hulot, architecte de son état, qui habitait le même immeuble que le cinéaste.

Nicolas Hulot, quant à lui, a-t-il choisi le mercredi (13 avril 2011) pour faire son entrée sur la scène de l’élection présidentielle de 2012, en souvenir de ses débuts à la télévision, en 1980, dans une émission pour enfants qui s’intitulait « Les visiteurs du mercredi » ?

Cela valait sans doute mieux, de toute façon, que de s’inspirer du titre de sa deuxième intervention dans les médias car, à France-Inter, la chronique sur la moto qui avait fait suite à sa première expérience, avait pour titre « La poignée dans le coin » !

Son premier succès à la télé, plus tardif (en 1987), fut sur TF1, « Ushuaïa, le magazine de l’extrême », titre qui n’était pas prémonitoire puisqu’il se cantonna plutôt, dans la suite, au centre.

Belle opération en tout cas pour TF1 et pour Hulot, en dépit du coût très élevé d’« Ushuaïa Nature » (un million d’euros en moyenne par émission), puisque les seuls revenus de la marque Ushuaïa, vendu de tous côtés (de l’Oréal à Atol) pour des produits dérivés de toutes sortes (des gels-douches au jeu de société en passant par les lunettes de soleil, les draps de bain et les sacs à dos ) s’élèvent, dit-on, très au delà des coûts de réalisation de l’émission. Disons-le tout net car c’est tout à son honneur, Nicolas Hulot n’est pas impliqué dans ce bizness ; toutefois, il assume et, en s’efforçant de garder sa liberté, il donne, le cas échéant et de temps en temps, son avis. Il est vrai que 33.000 euros mensuels l’aident un peu à se faire une raison !

Comme l’un des futurs rivaux (suivez mon regard), Monsieur Hulot « n’aime pas les riches ». L’aisance matérielle n’empêche pas d’avoir une « sensiblité sociale », désormais quasi épidémique, comme le montre la floraison actuelle des mesures soudain proposées de toutes parts, en faveur de la garantie de primes annuelles et de minima sociaux. On se croirait dans une salle des ventes au moment des enchères : « 850 euros » de Monsieur à ma droite ; « 1000 euros sur ma gauche » ! Qui dit mieux ! Le Monsieur au fond ?

Le cap choisi par Monsieur Hulot est clair : « Je n’ai pas d’autre ambition que de contribuer à ouvrir la voie d’une société nouvelle, écologique et sociale ». « Vaste programme » comme disait l’autre ! Il est vrai que dans son cas, comme dans tous les autres, par miracle, la perspective de l’élection dessillent soudain les yeux : « En France aussi les conditions de vie se dégradent. Les difficultés s'accumulent. La précarité devient un sentiment prégnant. C'est, pour beaucoup de nos compatriotes, la peur quotidienne du chômage, du déclassement, de l'exclusion, c'est l'angoisse des factures et des fins de mois difficiles, le piège de l'endettement, le stress de la compétition, le mal être récurrent, la perte des repères, la dissolution du lien collectif et des solidarités. » Ce n’est pas du Mélanchon mais du pur Hulot !

L’émotion n’empêche pas toutefois la lucité et la détemination, bien au contraire : « Des moyens existent pour faire décroître l’empreinte écologique, protéger la santé, soustraire les biens communs à la spéculation, remettre la finance à sa place, tisser les solidarités ici et avec les pays du Sud, fortifier la démocratie. ». Que n’y a –t-on pas songé avant ? Au fond pourquoi ne pas construire les villes à la campagne ?

« Aux peurs et aux pulsions identitaires qui désagrègent les liens du vivre ensemble, il faut opposer un projet de société constructif et partagé ». Et de conclure : « J’ai donc décidé d’être candidat à l’élection présidentielle et de mettre au service du changement le capital de confiance que j’ai pu accumuler auprès des Françaises et des Français. ».

Une seule chose est sûre en tout cas : les adversaires ne lui manqueront pas, au moins dans la mouvance écologique qui est censée être la sienne. Eva Joly, dès ce matin, s’est employée à le dézinguer sur RMC, en particulier à propos de son silence sur le nucléaire dans sa déclaration de candidature. Pour les autres partis, ce sera sans doute moins net, la Gauche comme la Droite espérant récupérer au second tour ses éventuels électeurs, si toutefois il va jusqu’au bout de son projet.

Vous allez vite regretter vos belles vacances Monsieur Hulot !

mercredi 13 avril 2011

Abidjan : le commencement de la fin.

Comme souvent, on ne peut guère compter sur les médias français pour être informé sur autre chose que la chronique de Clochemerle où les faits-divers métropolitains !

Ce matin, sur l’une des radios d'information quasi continue du matin, j'ai appris, par hasard, dans un communiqué présenté, comme toujours, comme exclusif (ces radios se nourrissent de scoops qui traînent partout depuis la veille) qu'un ministre de Gbagbo, Désiré Tagro, avait été assassiné, ce qui fait, j’en conviens un peu désordre, dans le climat officiel franco-ivoirien de justice et de réconciliation. En fait, on le savait partout depuis la veille (le 12 avril 2011) et la nouvelle était dans la plupart des bulletins internet du paysage audiovisuel sans que les grands médias veuillent trop en parler.

Il s'agit pourtant de l’un des ministres les plus proches de Gbagbo qui avait été l’un des négociateurs des accords passés naguère avec Guillaume Soro. Inutile donc de se référer à la presse française qui n'en parle guère pas et préfère évoquer le ralliement, un peu ridicule, des chefs militaires, mais on trouve plus de détails dans des sites africains, hors de Côte d’Ivoire bien sûr, les médias officiels ivoiriens faisant naturellement le silence sur l’affaire.

La version officielle, qui circule dans les milieux proches du gouvernement est que D. Tagro se serait suicidé, d’une seule balle semble-t-il, à la différence de nombre d’autres « suicidés » célèbres de l’histoire. Selon des versions, concordantes, plus détaillées et moins officielles, Tagro était présent dans le bunker au moment de l'attaque et avait été conduit, un peu brutalement, à l'Hôtel du golf. Là, il aurait été tabassé à coups de crosse par des soldats, puis achevé d'une balle. Ce sort aurait également été celui du docteur Bley, le médecin personnel de Gbagbo ; on a même parlé de deux autres ministres qui auraient également été sommairement exécutés. Difficile d’y voir clair entre les rumeurs que diffusent les partisans de Gbagbo et les demi-vérités ou gros mensonges des communiqués officiels !

Les bruits qui ont couru à propos de Gbagbo lui-même sont aussi, à certains égards, un peu étranges. Le porte-parole des Nations- Unies a ainsi annoncé d'abord (avant de se rétracter) que Laurent Gbagbo avait quitté l’Hôtel du golf et avait été mis en sécurité ailleurs ; selon certaines rumeurs, on le disait conduit dans le Nord du pays (le fief d'ADO), pour prévenir toute tentative de libération. Toutefois, le bruit du suicide du président déchu a également couru, ce qui a donné à penser à certains que l'on pourrait tout à fait, par là, préparer l'opinion à la nouvelle de sa mort.

Va-t-on assister à une épidémie de crises cardiaques chez les anciens dictateurs, Ben Ali d'abord, Moubarak ensuite et enfin Laurent Gbagbo ? Kadhafi, qui a perdu son opulente infirmière, rentrée au pays, a convoqué d’urgence son cardiologue.

DERNIERES NOUVELLES (de Politicosn.com)

"Le mystère Charles Blé Goudé.
Parmi les personnes arrêtées avec Laurent Gbagbo et placées avec lui sous la protection de la police de l’ONU au Golf Hôtel, se trouvent sa mère, Marguerite Lélé Gado, sa femme Simone, ses deux filles, les jumelles Marie-Patrick et Marie-Laurence, ainsi que son fils Michel. Des correspondants de médias français ayant cru voir, comme de nombreuses personnes, Charles Blé Goudé, la rumeur se répand que le leader des « jeunes patriotes » fait partie des détenus. En fait, il n’en est rien et le « fils spirituel » de Gbagbo restait introuvable dans la journée de mardi. Interrogé par RFI mardi matin, le président du Front populaire ivoirien, Pascal Affi N’Guessan n’a pas dévoilé l'endroit où il se trouvait, mais plusieurs sources le disent au 43e BIMA de Port-Bouët sous bonne garde, avec l’ancien ministre de l’Économie et des Finances, Paul-Antoine Bohoun Bouabré, et le porte-parole de l’ex-gouvernement Gbagbo, Ahoua Don Mello. Le général Philippe Mangou, ex-chef d'état-major des armées du président sortant, a, quant à lui, fait allégeance à Alassane Ouattara dans l'après-midi".
Mercredi 13 Avril 2011 - 06:57

mardi 12 avril 2011

Côte d'Ivoire : Ouattara ou Mandela ?

Le sinistre feuilleton ivoirien entamé il y a quatre mois a enfin pris fin ; à cet égard, on ne peut que se réjouir que l'intervention militaire des forces française ait pu accélérer le processus, conduire à l’issue finale à moindres frais et surtout épargner des vies humaines.

Naturellement on essaye maintenant de nous faire prendre les vessies pour des lanternes mais l’éloquence et la conviction conjuguées des ministres français concernés n’y font rien. Leur stratégie consiste à invoquer le « mandat » de l’ONU, mais il excluait totalement la capture de Gbagbo et il y avait peu de « populations innocentes » à sauver dans son bunker assiégé – sauf, au mieux, lui-même et les siens. Il n’est pas plus convaincant de faire état, dans l’investissement du bunker, du rôle des forces de l'ONU. On sait qu'elles n'ont aucun moyen logistique sérieux en dehors de ceux de Licorne, mis au couleurs internationales provisoires grâce à quelques seaux de peintures blanche et bleue. Nul n’ignore en outre qu’il s’agit là de troupes hétéroclites de divers Etats, sans formation ni expérience, bien incapables d’actions militaires sérieuses. Ne parlons même pas ici des forces « républicaines » de Ouattara, armée d’opérette, qu’un expert militaire français que j’entendais Dieu sait où, disait même « incapables de tenir une position » !

Une maladresse de communication majeure a été, au matin même de l'attaque contre le refuge de Gbagbo, d’exhiber fièrement, sur tous nos écrans de télévisions, les martiales colonnes de blindés français qui se mettaient fièrement en route, fleur au fusil, pour attaquer la résidence de l'usurpateur. Ces images deviennent fâcheuses, a posteriori, quand on veut nous faire croire ensuite que ces forces françaises n’ont joué aucun rôle dans l'affaire, alors qu'on sait très bien que, sans elles, les troupes « républicaines » d’ADO, avec leurs pétoires, leurs bonnets disparates et leurs accoutrements hétéroclites, auraient été bien incapables de forcer le blocus du bunker, ce qu'on ne cessait de nous répéter depuis huit jours.

De ce point de vue, l'intervention française, en épargnant des vies ivoiriennes, a été bénéfique et elle était assurément indispensable. Reste toutefois maintenant à en payer le prix sur le plan politique et diplomatique, car il est clair que le meilleur moyen de réconcilier les partisans des deux camps est d'opérer cette réconciliation sur le dos des Français, ce qui est à la fois traditionnel et bien commode, compte tenu du passé colonial, du passif de la Françafrique et plus récemment, de ce qui s’est passé en Côte d'Ivoire au début des années 2000 !

En ce qui concerne les images de l’arrestation proprement dite de Laurent en « marcel » blanc et de Simone effondrée dans son fauteuil, aucun doute que le service photographique des armées françaises avait été convoqué pour opérer en la circonstance . Comme l'annonçait M. Longuet ce matin, nous aurons bientôt des images (pas du tout exclusives, comme d’habitude, mais diffusées aux quatre vents des médias) de l'arrestation de Laurent et Simone avec de bons Ivoiriens pur sucre leur mettant la main au collet devant les objectifs des caméras de l'armée française, nos bidasses restant prudemment hors du champ et dans l'ombre. Ne comptez pas sur des papararazzi pour voler des photos de la scène dans son ensemble !

Il est clair, et il a tout à fait raison en cela, que le modèle que s'est donné Ouattara est Nelson Mandela. Il est même allé jusqu'à lui reprendre, sans le citer, la formule de la commission « vérité et réconciliation » que ce dernier avait mise en place au moment de son arrivée au pouvoir en RSA. Reste à savoir si ADO est l'homme politique exceptionnel (sans doute l'homme du siècle !) qu'a été Nelson Mandela qui, après des dizaines d'années en prison, a été capable de concevoir et de conduire une politique réelle et effective de réconciliation nationale.

Il est permis d'en douter car, si ses vingt-sept années de prison avaient forgé l'esprit, la volonté et les convictions de Nelson Mandela au point de lui permettre de gouverner son pays sans haine, en passant de la cellule à l'exercice du pouvoir, il risque d'en être tout autrement en ce qui concerne ADO. Les luxueux bureaux du FMI, les salons VIP et la contemplation des flots du Potomac n'ont peut-être pas eu les mêmes effets sur son caractère que les carrières de chaux de Robben Island et la solitude d'une cellule au milieu des eaux sinistres du Cap des tempêtes sur Nelson Mandela. La boxe et la lutte sociale et politique d'abord, la terrible captivité ensuite, ont assurément forgé le coeur et l'esprit de Mandela, homme en tous points exceptionnel et qui, en outre et c’est le plus admirable de tout, a même su résister, pour finir, à la folie de l’exercice du pouvoir.

Il est à craindre qu'il en soit tout autrement dans le cas d'ADO et ce n’est même pas de ma part une critique. Il est aussi à craindre que l'éphémère unité, qui a régné, depuis quatre mois, dans son camp (avec comme Premier Ministre l’inattendu Guillaume Soro, qu’on voyait plutôt, au départ, dans le camp Gbagbo), ne résiste pas à la victoire. Le pouvoir suscite déjà les convoitises et, de ce fait, les rivalités. On voit réapparaître des ambitions masquées un moment par l'épisode Gbagbo, mais aussi des exigences, plus légitimes ou, en tout cas, plus fondées, comme celle d'un Henri Konan Bédié, leader politique des Baoulés et inventeur contre Ouattara de "l'ivoirité". Classé troisième lors du premier tour de la présidentielle et contestant le vote, il a pourtant été clairement l'instrument majeur, final et inattendu, de la victoire électorale de ce même Ouattara au second tour, en faisant voter pour lui des zones qui, a priori, ne lui étaient en rien acquises.

Nul doute que la plupart des Ivoiriens sont soulagés de la fin de cette guerre civile ! Il serait imprudent d'en conclure que tout est réglé et que le cours normal des choses va reprendre sans nuages.

dimanche 10 avril 2011

De la relativité de la notion de massacre ou bons et mauvais morts

Les tensions politiques qui se sont étendues, depuis le début de 2011, de la Tunisie au Moyen-Orient en passant par l’Egypte et la Libye (le tsunami des révoltes populaires doit composer, en effet, entre le politique, le chronologique et le géographique ce qui fait que sa progression n’est donc pas linéaire), a même fini par toucher la Jordanie et surtout la Syrie, bastion d’un gouvernement dictatorial qu’on jugeait inexpugnable.

J’ai souvent choqué, dans des blogs, me faisant même traiter de sioniste, en déclarant que, si j’étais un Palestinien (ce qu’à Dieu ne plaise !) et si l’on me donnait la possibilité de choisir, au sein de la zone, mon lieu de vie entre (dans le désordre) la Jordanie, la Syrie, le Liban, la Cisjordanie, Gaza et Israël (ce dont rêvent sans doute nombre de Palestiniens), je choisirais, sans la moindre hésitation, Israël ! Je me suis déjà expliqué sur ce point et je suis tout prêt à le faire à nouveau mais, compte tenu du titre de ce post, je voudrais aborder cette question par la sinistre comptabilité des victimes palestiniennes du conflit moyen oriental qui reste, contre toute attente, le meilleur moyen de faire descendre dans les rues les foules des Etats islamiques.

Après une période de calme relatif, les tirs vers Israël ont repris et donc, inévitablement, les représailles israéliennes sur Gaza. Depuis vendredi dernier, 12 Palestiniens (désormais 18 en ce dimanche 10 avril 2011), dont des combattants du Hamas, ont péri lors de raids israéliens, ce qui, pour Gaza, constitue les jours les plus meurtriers depuis la fin de l'opération israélienne de 2008-2009. Selon B’Tselem, ONG israélienne de défense des droits de l’Homme, plus de la moitié des 1.387 morts palestiniens qui avaient été tués lors de « Plomb durci », entre le 7 décembre 2008 et le 18 janvier 2009, étaient des civils. C’était évidemment énorme, mais il s’agissait là d’une opération de guerre contre l’ennnemi juré Israël et elle avait duré un mois et demi.

Toutefois et on l’oublie, dans le sinistre palmarès que j’évoque ici, Israël est loin derrière le Liban où les milices chrétiennes ont, en trois jours, dans les camps de Sabra et de Chatila, causé la mort de centaines voire de milliers de réfugiés palestiniens (les estimations vont de 700 à 3.500).

Dans les massacres de Palestiniens, peuple si précieux et si présent dans l’idéologie des foules arabes, nul ne songe à disputer à la Jordanie la première place dans les massacres de Palestiniens avec son « Septembre noir ». Mais qui s’en souvient encore, surtout après avoir vu, dans la suite, Yasser Arafat se tordre les mains de chagrin derrière le cercueil d’Hussein de Jordanie, l'auteur même de "Septembre noir" ?

Très bref rappel des faits. C'est l'époque où Yasser Arafat appelait ouvertement au renversement de la monarchie hachémite pour s'emparer lui-même de la Jordanie. Le 12 septembre 1970, le leader de l’OLP/Fatah qui porte ses coups aussi bien sur Israël que sur Hussein, fait exploser devant la presse internationale les trois avions d’El Al (vides !) qui avaient été détournés. Hussein doit agir. Le 17 septembre, l'armée jordanienne attaque les fedayins en bombardant camps de réfugiés et sièges d’organisations palestiniennes. Aprés dix jours de bombardements, ces camps sont rasés et les Palestiniens doivent fuir au Liban et même en Israël pour échapper au massacre. La Syrie envoie alors ses blindés à la frontière afin de leur venir en aide, mais Hussein appelle à son secours les États-Unis et même Israël (grâce au Plan Rogers). Les avions israéliens menaçent les chars syriens qui battent en retraite, abandonnant les Palestiniens à leur funeste sort.

C’est Nasser qui, dix jours plus tard, obtient la cessation des hostilités entre la Jordanie et l'OLP. Durant ce mois désormais nommé « Septembre Noir », le nombre de victimes palestiniennes varie, selon les sources, entre 3.500 (sources jordaniennes) et 10.000 (sources palestiniennes), la seconde estimation étant sans doute plus proche de la vérité que la première.

Dernier exemple, différent et plus actuel. Le tsunami « démocratique » ayant touché la Syrie, on évoque désormais chaque jour ou presque des victimes parmi les manifestants. Ainsi, à Deraa (cent kilomètres au Sud de Damas), on a parlé, selon les sources, de 17 ou 27 morts enterrés vendredi dernier. Là encore toutes ces morts sont déplorables, mais Deraa (2011 et le fils Bachar el-Assad) peut-il faire oublier Hama (1982 et le père Hafez el-Assad) ? Dans ce dernier cas, il ne s’agissait pas de simples forces de police et de quelques coups de feu dans des manifestations ! En 1982, Hafez el-Assad avait lancé, non pas la police mais son armée et ses Forces spéciales, sur Hama. Pendant trois semaines, des combats avec bombardements et canonnades, avaient opposé les troupes syriennes aux Frères musulmans et à la population de la ville.

Là aussi, le nombre de victimes demeure inconnu mais il est, en tout cas, énorme. R. Fisk parle de 20 000 morts, The Economist en compte 30 000 et le Comité syrien des droits de l’homme le situe entre 30.000 et 40.000. Le seul point que je veux souligner ici est que ce froid massacre n’a alors suscité nulle réaction de la communauté internationale qui semble s’émouvoir des 17 morts (infiniment regrettables) de Deraa.

En d’autres termes, il y a pour l’opinion internationale et donc pour les médias, des mauvais morts et des bons morts !

Bien plus, pour les premiers, on compte, sans trop d'émotion, en milliers (comme à Hama), en centaines de milliers voire en millions (comme en Afrique Centrale, où l’on ne sait même pas si les génocides ont fait trois, quatre ou cinq millions de victimes), alors qu’ailleurs deux ou trois morts pourvu qu’ils soient du bon côté font les gros titres et tirent des larmes au bon peuple.

Remarque banale de ma part mais que je voudrais extrapoler aux événements actuels et en particulier à ceux de la Libye et de la Côte d’Ivoire où diverses organisations (l’ONU et l’OTAN qui opère là, notons-le, bien loin de son champ d’intervention désigné, à moins que « Atlantique Nord » ne soit devenu « Afrique Noire » !) et la France, accompagnée de quelques Etats, d’ailleurs de plus en plus rares, ont jugé bon d’intervenir militairement dans des conflits intérieurs (ce que, comme on l’a vu ni Hussein de Jordanie ni Hafez el-Assad ni bien d’autres n’avaient pas eu à craindre !).

Là aussi, il y a les bons et les mauvais morts.

Les premiers sont les morts qui auraient pu se trouver dans les forces d’intervention et, fort heureusement, il n’y en a pas eu pour le moment, vu la nature de ces interventions (aériennes ou lointaines en Libye ; quelque peu symboliques en Côte d’Ivoire à en juger par les images et les résultats). Parmi les bons morts se comptent aussi les victimes civiles, sauf bien entendu celles des dommages « collatéraux », mais on n’en sait pas grand chose, car les « envoyés spéciaux » répugnent, de toute évidence et par prudence, à s’approcher des vrais théâtres d’opérations.

Les mauvais sont une catégorie plus mouvante. Ainsi les centaines de morts des massacres de Dokoué, en Côte d’Ivoire, qu’on avait d’abord mis au compte des « mercenaires » de Gbagbo s’étant révélées des victimes des « troupes républicaines » de Ouattara, ces morts ont brusquement vu changer leur statut de « bons morts » en celui de « mauvais morts ». Le récent discours d'ADO évoquant les « exactions » de ses troupes et les « sanctions » qui frapperaient leurs auteurs a été une confirmation indirecte de cette mutation. En Libye, les frappes si efficaces et si destructrices de notre artillerie de marine, des missiles américains ou de nos propres missiles air-sol n’ont pas pu ne pas faire nombre de victimes. Ce sont là sont assurément des mauvais morts que, de ce fait même, on passe totalement sous silence. Ces soldats libyens, rôtis dans leurs camions ou leurs véhicules blindés, tués dans leurs casernes ou derrière leurs pièces d’artillerie n’étaient pourtant pas nécessairement tous de farouches partisans de Kadhafi ; de toute façon, tous avaient, eux-aussi, des parents et des amis que leur mort n’a pas nécessirement gagnés à la cause de la révolution libyenne et de l'intervention extérieure !

« Quelle connerie la guerre ! »
Et celles-ci plus que les autres, car les protagonistes majeurs ne seront pas longs à se réconcilier.
En Lybie, autour des barils de pétrole et de quelques contrats, d’armement de préférence, puisque, sur le terrain libyen, nous aurons pu faire la démonstration « éclatante » de l’efficacité de nos produits.
En Côte d’Ivoire, ce sera plus simple encore car la haine de la France est le sujet déjà programmé pour la réconciliation générale !

LUNDI 11 avril au matin

Le point que j'évoquais en finissant (la réconciliation ivoirienne contre la France et sur son dos) est en marche avec l'intervention, nocturne et absurde, des armes françaises contre la résidence de Gbagbo qui doit bien rire, même si c'est un peu jaune. L'ONU et les "troupes républicaines de ADO" comptent pour du beurre! A qui fera-t-on croire que samedi 9 avril 2011 à 17 heures, on a pu tirer des missiles ou envoyer des obus sur l'Hôtel du Golf, surpeuplé jusque dans ses pelouses, sans faire la moindre victime?

vendredi 8 avril 2011

Haïti : Docteur Aristide. Félicitations ? (suite et fin)

Il est clair que la mise en cause de la thèse de Jean-Bertrand Aristide comporte des aspects sur lesquels il est bien difficile de se prononcer. Les universités sud-africaines ont en effet connu et connaissent encore, semble-t-il, des séquelles de la situation de la RSA du temps passé ; l’UNISA elle-même, de création récente, du moins dans sa forme et sa structure actuelles, n’a eu son premier chancelier noir qu’en 2001 !

En Afrique du Sud, la mise en cause de la thèse de J-B Aristide, qui a pour titre « Umoya Wamagama » (sans italiques puisque la thèse ne semble pas encore publiée), porte essentiellement sur les données zoulou d’une part, et, d’autre part, sur le septième chapitre du travail (intitulé, de façon inattendue pour une thèse qui, dans le système français, serait rattachée aux sciences du langage), « A theological explanation », est qualifié de «désastre » par les trois professeurs (blancs précise-t-on) qui ont critiqué la thèse.

Faute de connaissances et de compétence tant en ce qui concerne la langue et la culture zoulou qu’en ce qui regarde la théologie, je me limiterai à un examen qui ne prendra en compte (et, rassurez-vous de façon très sommaire) que deux domaines qui me sont plus familiers et qui sont la créolistique (en particulier sous l’angle de la genèse des créoles) et la « méthode comparative » (le chapitre cinquième étant intitulé « Comparative Linguistic Features and Translation »).

On pourrait presque prétendre que, dans cette thèse, tout est dit dès les premiers paragraphes du résumé qui ouvre ce travail et qui en est plutôt, en quelque sorte, la conclusion. Je me risque à donner en ici ma traduction personnelle.

« Cette thèse intitulée Umoya Wamagama vise à établir la nature de la relation entre l’IsiZulu et le Kreyòl haïtien. Membre du groupe Nguni, l’IsiZulu est parlé par des Africains. D’autre part, le Kreyòl l’est par des descendants d’Africains en Haïti, la première République noire indépendante dans le monde.

Dans une perspective multidisciplimaire, ces deux langues offrent une parenté significative ; de là, une importante observation. IziZulu – Kreyòl haïtien. Si Près, Cependant si Loin ! [je respecte scrupuleusement les majuscules et la ponctuation]. En d’autres termes; ils sont loin d’un point de vue linguistique mais près dans une perspective psycho-théologique. (1) Si Loin : la linguistique comparative montre que le Kreyòl est génétiquement rattaché au français et au latin. (2) Si Près. Né en Haïti, durant la traite négrière transatlantique, le Kreyòl a gardé vivant l’esprit des ancêtres africains et contient encore les racines linguistiques des langues ancestrales.

Vibrante et vitale est cette relation historique entre les deux langues. Tandis que le Kreyòl haïtien est génétiquement lié au français et au latin, il partage avec l’IsiZulu une psychodynamique ancestrale et des paradigmes théologiques profondément enracinés dans l’Ubuntu » (2006 : iii).

On aura déjà compris que la démarche de J-B Aristide est sans le moindre rapport, en dépit des apparences, avec les théories substratistes ou, dans le cas haïtien, afrogénétistes dont l’origine première se trouve dans l’hypothèse d’une linguiste haïtienne, Suzanne Comhaire-Sylvain (1936) dont, curieusement, l’ouvrage, pourtant un grand classique, ne figure pas dans les références de la thèse en cause ici !

Si le deuxième chapitre de cette thèse s’intitule « Racines historiques. Racines linguistiques » sa briéveté (moins de 20 pages dans un travail qui en comporte plus de 450 !) est déjà fort inquiétante puisqu’il touche à un aspect essentiel du problème (les modalités de la genèse du créole haïtien). Ce sentiment est de courte durée car on constate très vite que ce chapitre est à peu près vide mises à part quelques rêveries sur les Taïnos (« the Amerindians », les occupants d’Haïti avant la colonisation européenne), l’un de thèmes favoris de l’idéologie caribéenne visant, non sans naïveté, à l’éviction de l’apport européen et quelques sornettes concernant l’origine des esclaves amenés. Il s’agit sur ces points de faire apparaître l’importance de l’apport bantou (cf. en particulier page 23 « African Roots of Haitian Kweyòl » où un « camembert » aux superbes couleur, sous-titré hardiment « Haitian Kweyòl rooted in Bantu people and Bantu language » fait apparaître que la moitié des esclaves étaient des Bantous !

Une référence, purement décorative, est faite ici à un ouvrage estimable mais très ancien (Curtin Philip, Feierman Steven, Thompson Leonard et Vansina Jan, African History, Londres 1978), mais J-B Aristide se garde de préciser que la remarque des auteurs cités ne concerne en aucune façon Haïti ! Il suffit de rappeler ici que C. Lefebvre (dont l’auteur signale, mais sans doute sans l’avoir lu, le livre de 1998 dont le point de vue, tout différent, n’aurait pu être que discuté comme on va le voir), tout en aboutissant à une hypothèse aussi fausse, s’est attachée depuis des décennies à démontrer que le créole haïtien n’était que du fongbe relexifié en français. Il suffit d’ailleurs de regarder une des cartes linguistiques de l’Afrique que reproduit la thèse pour constater que l’aire d’usage du zoulou se trouvant dans la partie quasi extrême du Sud-Est de la RSA, il y a peu de chances qu’au XVIIe et au XVIIIème siècles des esclaves aient parcouru, même si on les tranportait parfois sur « 1000 milles », les 6000 kilomètres qui les séparaient des ports de traite du Golfe de Guinée, et cela d’autant que la traite est-orientale était elle-même fort active. Ajoutons, pour conclure, même si la messe est dite (si j’ose dire !) que quand on parle de « Bantous » dans la traite ouest-atlantique, il ne peut donc en aucun cas s’agir de « Zoulous » ! Comme J-B Aristide ne se préoccupe guère de détails comme l’origine des esclaves et les langues qu'ils pouvaient parler, je ne juge pas utile de m’en soucier à sa place, tout ce chapitre pouvant être considéré comme à peu près nul, en dehors des images ou cartes et d’un poème de Dante « Per me si va nella città dolente... » sur la présence duquel je continue à m’interroger !

Sur la « méthode comparative » ; il est stupéfiant de ne trouver aucune des références classiques. A vrai dire, il n’y a même pas de références du tout, car les deux seuls noms cités dans le chapitre en cause sont ceux de H.D Duncan
( Language and Literature in Society, 1953) mais il s’agit là bien plutôt de sociolinguistique (un peu avant la lettre) que de comparatisme et de A. Fox (je traduis le titre de son ouvrage « La linguistique historique, linguistique comparative, la reconstruction (linguistique); Typologie (linguistique); Méthodologie ») qui se veut plutôt un manuel pour étudiants un peu avancés qu’une référence de recherche proprement dite, surtout au niveau du doctorat.

Cette remarque conduit d’ailleurs à une autre, plus générale, concernant les références du travail qui sont des plus étonnantes. On n’y trouve pas en effet des ouvrages qui apparaissent incontournables (pas plus ceux d'afro-génétistes comme S. Sylvain – cas déjà mentionné- ou A. Bentolila que d'auteurs majeurs comme M.DeGraff, D. Fattier, J. Faine, R. Hall Jr, M. Herskovits, S. Mufwene - dont JBA cite le livre de 2001 mais pas celui de 1993 bien plus directement en rapport avec son sujet et qu'il ignore manifestement - Pradel Pompilus, etc.). Le cas le plus drôle est que se trouve mentionné (mais omis dans les références finales), comme un défenseur des « racines africaines du créole haïtien » (2006 : 25), André-Marc [sic] d’Ans, 1968. il s’agit naturellement d'André-Marcel d'Ans et de sa première thèse préparée, dans sa jeunesse, à Kinshasa et dont le point de vue est d’ailleurs tout autre, mais, en revanche, son grand livre Haïti. Paysage et société, est ignoré !

On ne doit pas, dit-on, tirer sur les ambulances et tout le reste est à l’avenant, avec pour atteindre sans doute les dimensions d’une thèse sud-africaine des tas d’éléments inutiles ou dont la pertinence n’apparaît pas comme ces poèmes zoulou traduits en anglais ou les listes, multiples et interminables d’éléments linguistiques zoulou et kweyòl. Le cas le plus fou est, en une vingtaine de pages, une liste de 1152 mots sous leur forme « kweyòl », française et latine ! De sa formation ecclesistique, J-B Aristide a assurément gardé une vaste culture, des clartés dans beaucoup de domaines, et une incontestable agilité intellectuelle mais il est clair qu’il n’entend rien au sujet linguistique dont il prétend traiter.

jeudi 7 avril 2011

Haïti : les thèses d'Aristide (suite)




Commençons par une citation d’« haïtinet »
« Quand un fils d'Haïti est honoré, c'est le peuple haïtien et le pays tout entier qui est à l'honneur!

Le 25 avril 2007, au cours d'une cérémonie officielle marquée par la présence du Président Thabo M'béki et de son épouse, d' autres membres de son Cabinet privé, de Mme Mildred Trouillot-Aristide et de ses enfants, du Ministre de l'Education, de diplomates, du Dr Maryse Narcisse membre du Comité Exécutif National de Fanmi Lavalas et porte parole du Président Jean-Bertrand Aristide, et d'une trentaine de haut cadres professionnels et dirigeants de l'Université, le Président Aristide recevait le titre académique de Docteur en Littérature et Philosophie. ».

La suite est une traduction par « Haitinet » de propos (tenus en anglais) du Professeur Dave Mutasa, membre du jury de la thèse :

« Son projet de recherche de 456 pages sur les langues africaines, qui sera prochainement publié par l'Université, a utilisé une approche multidisciplinaire pour démontrer que le créole haïtien et le isizulu sud-africain sont connectés sur un terrain commun lié à notre psychodynamique ancestrale. Dans son étude, Dr Aristide montre aussi l'échec des missionnaires et maîtres d'esclaves en cherchant à imposer leur propre langue, leur culture et en ignorant les références linguistiques et théologiques des esclaves africains. Ses recherches ont été conduites sur le terrain de manière à approfondir la dimension sociologique, théologique et psychologique des langues étudiées.
Docteur Aristide, Félicitations! ».

On lit aussi que « Dr Aristide parle plusieurs langues dont le zoulou qu'il maîtrise parfaitement et qu'il apprend le swahili. Dr Aristide travaille actuellement sur un projet de recherche où il développe des méthodes psychologiques qui permettront à un polyglotte d'apprendre une autre langue rapidement. Il est train de codifier le temps nécessaire pour apprendre une langue additionnelle avec les méthodes qu'il a développées comparées aux autres méthodes. Haïti a besoin de professionnels qualifiés en éducation. Doktè Aristide, nap tann ou san pèdi tan! ».

Comme je l’ai dit, la question des deux thèses demeure posée et pas très claire, même pour les dates. Ni l’une ni l’autre n’a été publiée et je n’ai eu accès personnellement qu’à la version électronique de Umoya Wamagama, (2006) qu’a dirigée le Professeur N. Saule et qui a été soutenue à l’UNISA.

Cette thèse à suscité très vite, en Afrique du Sud, une vive controverse dans laquelle N. Saule s’est trouvé engagé et dont s’est fait l’écho l’Afrikaans Sunday Rapport . En effet, trois professeurs sud-africains, tous spécialistes des langues africaines, le Professeur Lionel Posthumus de Université de Johannesburg, le Professeur Louis Louwrens de l’UNISA (en retraite) et le Professeur Arnett Wilkes de l’Université de Pretoria (en retraite) ont soutenu que Umoya Wamagama était, selon leur propre terme, « a mockery of Africain languages » (j’hésite à traduire le mot anglais, hésitant entre « travestissement », « farce », « parodie », etc.), le chapitre sur la « théologie » étant un désastre (« disaster »). Ils ont aussi relevé des erreurs graphiques dans des mots zoulou qui affaiblissent la démonstration, en dépit des corrections qui auraient faites par le directeur de la thèse lui-même.

Sans entrer dans le fond du débat, N. Saule a affirmé, en forme de réponse, que ces « opinions étaient un signe du type de préjudice que les étudiants noirs avaient à subir du fait des enseignants blancs qui s’estiment experts en langues africaines ». Cette controverse n’a pas toutefois entraîné une remise en cause du doctorat décerné.

La suite demain!

mercredi 6 avril 2011

Haiti : J-B Aristide un miracle académique !


Même si on l’a oublié, le parcours religieux de Jean-Bertrand Aristide a été été chaotique, déjà quelque peu à l’image de ce que devait être, dans la suite, sa carrière politique. Sa vie, « par sauts et gambades », comme disait Montaigne, n’a pas rompu avec ces habitudes, le faisant passer de la « bourrique » à la Cadillac !


En 1988, le Vatican l’exclut de la congrégation des Salésiens en raison de ses activités politiques mais, un peu plus tard, ce même Vatican l’autorise, en revanche, à retourner à l’état laïc et à épouser, en 1996, une avocate, Mildred Trouillot, d’origine haïtienne mais de nationalité américaine.

Elu à deux reprises président de la République d’Haïti (de 1991 à 1995 puis de 2001 à 2004), son second mandat s’achève de façon rocambolesque, sans qu’on sache si les soldats américains, qui lui font alors quitter le pays, l’enlèvent (c’est sa version des faits) ou lui évitent les conséquences funestes d’un coup d’Etat !

Réfugié en République Sud-Africaine, J-B Aristide va curieusement reprendre dans ce pays, à plus de cinquante ans, des études universitaires qu’il avait interrompues depuis bien longtemps. Elles l’avaient occupé jusqu’au début des année 80 (il est ordonné prêtre en 1982) et sont alors aussi sérieuses que diverses. Lors de son noviciat, en 1975-1977, à la section de philosophie du Grand Séminaire Notre-Dame, il se consacre à la scholastique, avant de se vouer de 1978 à 1979 à la psychologie dans le cadre d’une licence passée à l’Université d’Etat d’Haïti. Curieusement, il achèvera sa formation universitaire sacerdotale en Israël où il se tourne vers les études théologiques. Il complétera sa formation universitaire dans la suite en 1985, en soutenant un Master of Arts en théologie biblique à l’université de Montréal.

Jean-Bertrand Aristide arrive en RSA en mars 2004 ; on ne sait pas non plus très bien quelles y seront ses conditions d’existence ; on le dit hébergé par l’Etat (on ne trouve trace que d’une bourse de recherche au « College of Human Sciences » de Université d'Afrique du Sud (UNISA) en octobre 2004), tandis que d’autres sources laissent entendre qu’il disposerait d’un trésor de guerre (il reviendra en Haïti en 2011 en jet privé !).

En tout état de cause, à son arrivée, mi-2004, il ne connaît naturellement rien ni au zoulou ni aux langues bantoues. Or, dès 2006, il obtient un doctorat en littérature et philosophie (DLitt et Phil) de l’UNISA, pour avoir soutenu une thèse: Umoya Wamagama (L’esprit des mots), qui vise à mettre en évidence des relations linguistiques, inattendues et insoupçonnées jusqu’alors, entre le zoulou et le créole haïtien.

Les choses sont peu claires car on parle de deux thèses, l’une en 2006 , l’autre en avril 2007. L’une est celle de 2006 qu’on mentionne le plus souvent à son propos ; il s’agit d’un Doctorat en Littérature et Philosophie (DLitt et Phil) de cette même université, Umoya Wamagama , cette étude démontrant une relation linguistique entre le zoulou et le créole haïtien. L’autre, de 2007, serait un doctorat en langues africaines de cette même Université d'Afrique du Sud (UNISA), et il y démontrerait une solide connaissance du zoulou ce qui semble le moins qu'on puisse exiger d'un doctorat en linguistique!

On ne peut que constater que la thèse de linguistique (sur le zoulou) ne figure pas dans les références de la thèse de 2006, détail qui donne à penser qu’elle a été soutenue dans la suite, donc en 2007. En tout état de cause, tout cela est un peu étonnant. En Europe et en Amérique du Nord en effet, on admet que la préparation d’une thèse de doctorat prend au minimum trois ans. JB Aristide lui, sur des sujets dont il ignorait tout (y compris la principale langue en cause) aurait fait DEUX thèses en moins de trois ans, ce qui, compte tenu des procédures d’inscription, de réalisation technique et de soutenance, est proprement miraculeux.

On nage en plein mystère. La suite demain!

mardi 5 avril 2011

Haïti : Michel Martelly Président !

Depuis cette nuit (j'ai entendu la nouvelle à trois heures et demie sur France-Infos) Michel Martelly a remporté l'élection présidentielle en Haïti avec 67,57% des suffrages exprimés, selon les résultats préliminaires du Conseil électoral provisoire (CEP). Ces résultats, quoique attendus puisqu'il avait lui-même annoncé sa victoire avec un score voisin, a donné lieu à des manifestations de joie à Port-au-Prince.

A Pétionville, des centaines de partisans de "Tèt kale", dont le nom de scène est "Sweet Micky", se sont rassemblés, après que le CEP a annoncé vers 18 heures locales les résultats, toujours provisoires sous réserve de contestations, du second tour de l'élection présidentielle.

Mirlande Manigat, a obtenu 31,74% des suffrages exprimés. Les résultats définitifs doivent être annoncés le 16 avril 2011, à l'issue d'une période au cours de laquelle les deux candidats peuvent contester ces résultats. Il semble peu probable que Mirlande Manigat, qui a repris, à l'université Quisqueya, ses enseignements de droit constitutionnel fasse un recours.

lundi 4 avril 2011

Election présidentielle, rumeurs et bruits de rangers en Haïti.

Comme on pouvait le redouter, les multiples et incessants délais apportés à la proclamation des résultats du second tour de l'élection présidentielle sont une cause majeure de perturbations et pourraient être, une fois encore, à l'origine d'incidents infiniment plus graves.

La leçon du premier tour fin novembre début décembre 2010 n'a assurément pas été tirée. On se souvient que l'annonce que le candidat Michel Martelly, le populaire « tèt kale », n'arrivait qu'en troisième position, avait déclenché des violences qui avaient fait plusieurs morts. La solution imaginée (procéder à des recomptages amenant à écarter de la deuxième place Jude Célestin au profit de Michel Martelly), était, d'une certaine façon, un mal potentiel puisqu'elle donnait à penser qu'il suffisait de jeter quelques milliers de manifestants dans les rues pour amener à modifier les résultats proclamés en première instance. On comprend aussi que cela jetait, du même coup, comme en Côte d’Ivoire, un sérieux doute sur la validité des dépouillements et des comptages.

Le deuxième tour de l'élection présidentielle a remis la politique haïtienne dans la même ornière ; les résultats du vote du 20 mars, qui devaient être proclamés fin mars, ont été d’abord différés au 4 avril ; il semble maintenant que les résultats définitifs ne sont attendus que pour le 16 avril 2011. Comment peut-on prendre au sérieux de tels atermoiements, sauf à penser qu’ils permettent d’accommoder les résultats à des volontés occultes dont on ne perçoit pas très bien ni la nature ni l’origine ni les buts?

Michel Martelly et ses partisans, instruits par les événements du premier tour, ont pris les devants et annoncé, depuis plusieurs jours, leur victoire, précisant même qu'elle était obtenue avec plus de 64 % des voix. De cette façon, ou bien ils auront eu raison et les résultats définitifs confirmeront leur victoire ; ou bien ils auront eu tort et naturellement ils seront alors d'autant plus portés à crier à la fraude ou à la tricherie et à déclencher des incidents qui conduiront, sans doute, à nouveau, à des violences.

Il semble bien qu'on le craigne comme le montrent différentes mesures d'ordre public qui vont du retrait des machettes des magasins spécialisés au contrôle des réunions publiques. Le bruit a même récemment couru que des troupes américaines allaient débarquer en Haïti, sans qu'on sache trop à quelle fin exacte elles étaient acheminées. Si l’on se réfère sur ce point à Frantz Duval et au Nouvelliste qui demeurent la meilleurs source d’information, cette rumeur vient d’être confirmée par l'arrivée, dimanche 3 avril 2011 au matin, par un vol de Delta Air Lines, d'un groupe de soldats américains. Officiellement, ils constituent les premiers contingents d'une Task Force nommée « Bon vwazen » qui devrait être déployée dans le pays dans le cadre d'une mission humanitaire. Elle devrait réunir, en tout, 500 soldats et comprendre des militaires d'autres pays que les États-Unis dont en particulier le Canada.

On allègue dans les milieux officiels que ces militaires sont envoyés en particulier pour intervenir, à titre préventif, en cas de cyclone. On ne manque pas toutefois de faire observer sur ce point que la saison cyclonique ne commence guère qu'au mois de juin et que nous ne sommes qu'au tout début du mois d'avril. En revanche a été démentie officiellement la rumeur de la présence d'un bateau de l'US Navy au large de Port-au-Prince.

Il n’empêche que, dans le contexte actuel, ces « bruits de rangers » ne contribuent pas à calmer les esprits et donnent à penser qu’on redoute que les résultats du second tour de l’élection présidentielle ne soient pas publiés dans le calme, mais, une fois de plus, dans « dans le bruit et la fureur ».

DERNIERE MINUTE (d'après le Nouvelliste en version internet)

"Le gouvernement haïtien a lancé un appel au calme lundi [aujourdhui] avant l'annonce des résultats préliminaires du second tour de l'élection présidentielle, redoutant des violences comme celles qui avaient suivi les résultats du premier tour en décembre dernier.

Le secrétaire d'Etat à la Sécurité publique, Aramick Louis, a demandé aux candidats d'inviter leurs partisans "à ne pas manifester violemment dans les rues" quel que soit le résultat.

[...]

Interrogé par l'AFP, le Conseil électoral haïtien n'a pas voulu préciser l'heure à laquelle les résultats seraient annoncés. "Les résultats seront proclamés au cours de la journée" s'est borné à déclarer un fonctionnaire du Conseil électoral provisoire (CEP).

Le CEP avait annoncé la semaine dernière que la consultation avait été entachée de fraudes et que plusieurs centaines de procès-verbaux envoyés par différents centres de vote avaient été annulés."

dimanche 3 avril 2011

Encore la Côte d’Ivoire.

Je suis trop souvent porté à faire la critique de la presse française pour ne pas lui rendre justice, voire hommage, lorsqu'elle produit une information de qualité. C'est le cas de l'article de ce matin, dimanche 3 avril 2011, dans la livraison de « Marianne2 » où l’on peut lire un article d'Alain Léauthier sur la situation en Côte d'Ivoire, intitulé « Quatre leçons et quelques illusions sur la chute de Gbagbo ». Objectif, pertinent et surtout bien informé, ce texte dispense de répéter ce qu'il dit lui-même excellemment; je n'insisterai donc ici que sur des points annexes que me suggèrent une certaine connaissance du terrain et la consultation des médias électroniques africains qui sont de bien meilleures sources que nos propres médias.

La presse française s'est en effet extasiée sur la percée rapide, apparemment sans problème et quasi triomphale que les forces « républicaines » de Ouattara (désormais par abbréviation ADO, comme on l'appelle familièrement là-bas ) ont fait, en une petite semaine, en direction d'Abidjan. Même un très fin connaisseur de l'Afrique comme Antoine Glaser a souligné avec admiration la rapidité de l'avance de ces troupes, bien équipées et organisées, en direction du sud. Cette analyse faisait irrésistiblement penser aux dithyrambes sur les premiers succès des « révolutionnaires libyens » en Cyrénaïque. C'était, en Côte d’Ivoire, oublier un peu trop que cette marche à travers le Nord du pays se faisait dans la région où dominait ADO et où il avait obtenu, lors du second tour de l'élection présidentielle, des scores si étonnants que Gbagbo avait pu y trouver les motifs à faire annuler une bonne partie des votes obtenus par ADO.

Il n’était donc pas étonnant que la marche de ses troupes ait été facile et rapide dans une zone qui lui était acquise et où se trouvent, en outre, la plupart des musulmans qui constituent un gros tiers de la population du pays. Les problèmes ont commencé surtout lorsque ces troupes sont sorties de cette zone. Du côté de Yamoussoukro, la capitale fantôme de l'État, choisie en 1983 par Houphouët-Boigny pour cette fonction dans la mesure où elle l'avait vu naître ((fantasme courant chez les potentats africains), les choses ne sont pas trop mal passées. En revanche il a été tout autrement du côté de Duékoué, carrefour stratégique de l'Ouest ivoirien ; les combats y ont été très durs et surtout y ont eu lieu des « violences intercommunautaires » qui auraient fait de 300 à 1000 victimes. Des accusations sont portées contre les deux camps mais elles sont majoritairement adressées aux troupes d’ADO et paraissent mieux fondées. L'O.N.G catholique Caritas parle d'un millier de tués ou disparus sans désigner clairement de responsables tandis que l'ONU, dont les chiffres de victimes sont inférieurs, met en cause clairement les troupes d’ADO. Ce dernier se défend toutefois en affirmant s’en être pris à des « miliciens » et non à des civils, la distinction n'étant pas toujours aisée à établir en pareil cas.

Même si des spécialistes comme A. Glaser contestent formellement qu’il y ait là, en quoi que ce soit, des élements d’affrontements à caractère ethnico-religieux, on ne peut écarter totalement et définitivment de telles hypothèses.

Toujours est-il que la marche des forces « républicaines » d’ADO qui avait été sans problème et quasi triomphale dans le Nord et dont on avait pensé qu'elles ne feraient qu'une bouchée des troupes favorables à Gbagbo qui occupaient Abidjan a brusquement ralenti et a même cessé lors de l'entrée dans la métropole ivoirienne qui regroupe un tiers de la population nationale. Des combats très rudes ont alors eu lieu et un lieu stratégique comme la télévision nationale, qui avait d'abord été prise par les troupes d’ADO, a été, semble-t-il, reprise par les partisans de Gbagbo, à moins que les émissions soient assurées par des installations mobiles, selon une hypothèse qui a été avancée.

Pour Gbagbo, le principal problème et la raison majeure du commencement de sa fin tient à ce que, depuis les derniers mois, le paiement des fonctionnaires (la masse salariale se situe aux alentours de 60 à 70 milliards de francs CFA) a été ralenti ou retardé. Si, fin 2010, tout le monde avait encore été payé régulièrement, dès janvier 2011, il y a eu des retards voire des suspensions dans le paiement des salaires des enseignants et des pensions des retraités. En dépit des promesses qui ont été faites, les fonctionnaires s'impatientent et bon nombre d'entre eux commencent à souhaiter la victoire d’ADO dont ils espèrent fermement qu'elle rétablira, sinon la démocratie, du moins le paiement de leurs salaires ou de leurs retraites.

Cet aspect est sans doute essentiel dans l'évolution actuelle des choses. Il est en tout cas plus important que la prise ou la perte de tel ou tel bâtiment public, qui peut changer de mains en quelques heures sans que la chose ait une grande importance. C’est probablement, en amont, la raison majeure du déclenchement de l’offensive des troupes d’ADO qui compte désormais plus sur le lâchage de Gbagbo par des partisans et des troupes qui ne sont plus payés, que sur une réelle victoire militaire sur le terrain.