samedi 23 avril 2011
OSS 117 : "Opération Libye"
Je ne suis généralement pas trop enclin à entrer d’emblée dans les délires anti-étasuniens et altermondialistes à la Michel Collon. Allez donc un jour visiter le site de ce journaliste-écrivain-polémiste-cinéaste belge, père du concept de médiamensonges, terme dont il use pour dénonce les formes diverses de propagande médiatique qui servent à justifier, au sein d’un Etat et/ou devant l’opinion mondiale, les interventions, en particulier militaires, aux yeux des opinions publiques.
Même si on peut le juger à certains égards proche d’un Michel Collon, Michel Chossudovsky me paraît un auteur plus sérieux à la fois par sa formation d’économiste et par sa carrière. Il a enseigné, en effet, dans plusieurs universités canadiennes et a fait carrière aussi comme conseiller économique ou consultant pour plusieurs gouvernements de pays en voie de développement et pour des organisations internationales comme le PNUD ou l’OMS. Désormais en retraite, il anime un « Centre de recherche sur la mondialisation », site internet consacré, en particulier, aux enjeux de « la guerre au terrorisme » et aux conflits du Moyen-Orient. Il est certes, à certains égards, voisin des partisans de la « théorie » du complot, mais dans des approches qui me semblent plus sérieusement fondées que celles qu’on trouve, dans des genres différents, chez un Michel Collon ou un Jean-Marie Bigard !
Je ne reprendrai pas ici, vu sa longueur et son intérêt, l’article original en anglais de Michel Chossudovsky : « Operation Libya" and the Battle for Oil: Redrawing the Map of Africa », paru le 9 mars 2011 et que vous pouvez trouver, traduit en français par Julie Lévesque, dans Mondialisation.ca
Je ne retiendrai ici que quelques formules qui éclairent la façon dont on a forgé le « médiamensonge » autour de l’intervention en Libye, mais que je commenterai à ma façon.
1. Premier mensonge sur l’importance et l’intérêt de la Libye dans l’économie pétrolière mondiale : Pour écarter les hypothèses fâcheuses sur les causes réelles de l’intervention, on n’a pas cessé depuis un mois de nous dire que, dans l’économie pétrolière, la Libye comptait pour du beurre. C’est faux !
« . La Libye est l’une des plus grandes économies pétrolières du monde : elle détient 3,5 % des réserves mondiales de pétrole [on n’a cessé de nous dire moins de 2%!] , soit plus du double de celles des États-Unis ».
« Avec ses 46,5 milliards de barils de réserves prouvées (10 fois plus que l’Égypte) la Libye constitue la plus grande économie pétrolière du continent africain, suivie par le Nigeria et l’Algérie (Oil and Gas Journal) [...]. Les évaluations les plus récentes estiment les réserves pétrolières de la Libye à 60 milliards de barils et ses réserves de gaz à 1500 milliards de mètres cube (m3). Sa production de pétrole se chiffre entre 1,3 et 1,7 millions de barils par jour, bien en-deçà de sa capacité de production ». [...] Le BP Statistical Energy Survey (alternatif, 2008) estimait pour sa part les réserves pétrolières prouvées de la Libye à 41,464 milliards de barils à la fin de 2007, ce qui représente 3,34 % des réserves mondiales prouvées »
En outre, autre point, plus important encore et même capital : le coût d‘exploitation du pétrole libyen est extrêmement faible et donc les profits extrêmement élevés :
« Alors que la valeur marchande du pétrole brut est actuellement bien au-delà des 100 dollars le baril, le coût du pétrole libyen est extrêmement bas, aussi bas que 1 dollar le baril (selon une estimation). Un expert du marché pétrolier l’a fait remarquer de manière plutôt cryptique : « À 110 dollars [le baril] sur le marché mondial, un simple calcul mathématique donne à la Libye une marge de profit de 109 $ [le baril]. » (EnergyandCapital.com, 12 mars 2008) ».
2. Les réactions des divers Etats dans cette affaire ont été diverses mais toutes interprétables et significatives :
« Une invasion de la Libye sous mandat humanitaire servirait les mêmes intérêts privés que l’invasion et l’occupation de l’Irak en 2003. L’objectif sous-jacent est de prendre possession des réserves de pétrole de la Libye, de déstabiliser la CPN et, en dernier lieu, de privatiser l’industrie pétrolière du pays, soit transférer le contrôle et la propriété de la richesse pétrolière libyenne dans des mains étrangères ».
La chose était claire et nul besoin d’insister. En revanche; il est éclairant de voir quels sont les intérêts pétroliers étrangers en Libye :
« Les compagnies pétrolières étrangères en activité en Libye avant l’insurrection comprenaient Total de France, ENI d’Italie, China National Petroleum Corp (CNPC), British Petroleum (BP), le consortium espagnol REPSOL, ExxonMobil, Chevron, Occidental Petroleum, Hess et Conoco Phillips. [...] Le fait que la Chine joue un rôle central dans l’industrie libyenne est significatif. La CNPC avait un effectif de quelque 400 employés. Les effectifs chinois totaux en Libye étaient de l’ordre de 30 000 [...]. La campagne militaire dirigée contre la Libye est destinée à exclure la Chine de l’Afrique du Nord. »
On comprend dès lors à la fois l’attitude de la Chine à l’ONU (abstention) et son opposition ferme dans la suite à toute forme d’intervention terrestre. Il en est de même pour l’Allemagne, puisque, en novembre 2010, la compagnie pétrolière allemande R.W. DIA E a signé un important accord avec la CPN libyenne.
3. Les Etats-Unis et la France.
L’attitude d’Obama a été des plus ambiguës depuis le début de l’affaire. Pour Chossudovsky, les choses sont sans mystère ; ici comme dans toute l’Afrique les Etats-Unis veulent tout contrôler (on l’a vu en Côte d’Ivoire) et donc évincer la France de son ancien pré-carré.
« Cette opération militaire vise à établir l’hégémonie étasunienne en Afrique du Nord, une région dominée historiquement par la France et, dans une moindre mesure, par l’Italie et l’Espagne.
En ce qui concerne la Tunisie, le Maroc et l’Algérie, le plan de Washington consiste à affaiblir les liens politiques de ces pays avec la France et à faire pression pour l’installation de nouveaux régimes politiques ayant des rapports étroits avec les États-Unis. Affaiblir la France fait partie des ambitions impériales étasuniennes. Il s’agit d’un processus historique remontant aux guerres d’Indochine.
L’intervention des États-Unis et de l’OTAN, qui mènera tôt ou tard à la formation d’un régime fantoche étasunien, a également pour but d’exclure la Chine de la région et d’évincer la CNPC. Les géants du pétrole anglo-américains ayant signé un contrat d’exploration en 2007 avec le gouvernement Kadhafi, dont BP, font partie des potentiels « bénéficiaires » de la proposition d’opération militaire des États-Unis et de l’OTAN ».
Tout cela me semble assez bien vu et, comme je l’ai dit depuis le début, nous serons, pour finir, comme en Côte d’Ivoire, les dindons de la farce et Obama nous mène en bateau.
4. La « transition » libyenne...
Les considérations qui précèdent montrent assez clairement les vraies motivations et les finalités réelles de la prétendue transition « démocratique » de la Libye ; elle est, sans le moindre doute, le cadet des soucis des Etats engagés, à des titres divers, dans cette affaire. On s’en doutait un peu, à dire le vrai!
Il y a là un point que Michel Chossudovsky n’évoque pas et qui me semble se dessiner, actuellement, tout en étant, depuis le début, en filigranne. La Libye, en effet, comme la plupart des Etats africains, est une création artificielle de la colonisation européenne ; il serait donc sans dout envisageable et peut-être, à certains égards, raisonnable de séparer la Tripolitaine (à l’Ouest) et la Cyrénaïque (à l’Est). Un facteur est, à cet égard, essentiel. Il suffit de regarder la carte des gisements et des installations pétrolières ci-dessus pour faire une remarque que notre auteur ne manque pas de mentionner : « Près de 80 % des réserves pétrolières de la Libye se trouvent dans le bassin du golfe de Syrte à l’Est de la Libye » donc ....en Cyrénaïque! La transition pourrait donc bien finir en partition!
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1 commentaire:
NOUS ARRIVONS FIN MAI et cela fait deux bons mois que mouhamar khadafi recoit chaque nuit son contingent de bombes et de rockets a laser ..MON PETIT DOIGT ME DIT QUE SA POPULATION EST LASSE SINON EPUISEE ET SES MERCENAIRES COMMENCENT A DEMANDER DES HAUSSES DE SALAIRES ......
OLIVIER
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