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samedi 2 avril 2011

La politique à la Réunion : myopes ou presbytes?

La Réunion a basculé à gauche dit la presse française (je devrais dire métropolitaine ou « zoreille » !) à la suite de l’élection à la présidence du conseil général de Nassimah Dindar qui, il faut le préciser, était DEJA présidente du précédent conseil général, ce qui limite assurément la portée du prétendu « basculement » !

Quelques mots sur la présidente qui éclairent sa personnalité et sa carrière mais aussi le climat politique réunionnais.

Carrière-éclair ! Nassimah Dindar née Mangrolia (femme et musulmane comme son nom l’indique) entre en politique comme conseillère régionale en 1998 sur la liste de Margie Sudre. Elle devient ensuite secrétaire départementale adjointe du RPR - puis troisième adjointe à la mairie de Saint-Denis sur une liste d'union. En 2004, elle devient la première femme présidente d’un conseil général.
Proche de N. Sarkozy, elle est pressentie, en 2005, comme secrétaire d'État à l'intégration lors de la constitution du gouvernement de Villepin. En juillet 2007, N. Dindar est nommée conseillère politique chargée de la diversité auprès de N. Sarkozy.
En 2008, aux cantonales, elle est réinvestie par l'UMP comme candidate à Saint-Denis, mais elle est exclue de la liste UMP par René-Paul Victoria pour les municipales !
En mars 2008, le leader de l’UMP, Victoria, est le seul candidat à la présidence mais le quorum n'est pas atteint le jour de l'élection. Finalement, N. Dindar est réélue présidente du conseil général par une majorité singulière regroupant une droite dite « sociale » (une petite partie de l’UPM dont N. Dindar, tandis que le reste fait sécession et se constitue en un nouveau parti « Objectif Réunion » et le MoDem), « Alliance » (formée par le Parti communiste réunionnais et Free-DOM) et le parti socialiste. Le bon peuple réunionnais baptisera cette majorité « zanbrokal » , du nom créole d’un plat local à base de riz ou parfois de maïs mais où entrent toutes sortes d’ingrédients divers.

On voit déjà le tableau ! Reportons-nous, pour rire un peu, au commentaire du journal du PCR, Témoignages (dans sa version singulièrement baptisée « on-ze-wéb » !) à propos de l’élection de 2011, au cours de laquelle la même majorité « zanbrokal » a renouvelé N. Dindar dans sa fonction de présidente de ce singulier conseil général réputé « de gauche » :

« Le résultat de cette confrontation est le renforcement de la majorité sortante du Conseil général, et malgré les succès ou les échecs rencontrés ici et là, ces résultats se traduisent par l’égalité mathématique des trois groupes de la majorité du Conseil général : le PCR/Alliance ; le PSD ; la troisième composante, regroupant jusqu’à maintenant le MoDem et la Droite Sociale, qui a marqué clairement sa solidarité pour continuer la politique engagée par le Conseil général et qui, pour l’avenir, se fixe comme objectif de lutter contre la politique du gouvernement et, ainsi, gagner, avec ses alliées, les élections présidentielles de 2012 » (Témoignages).

En gros et pour faire court. On prend la même équipe, toujours aussi hétéroclite (Un bout d’UMP + PCR + Free DOM + MoDem + PS) et on recommence. Le folkore électoral est cependant toujours présent et un proverbe local disait, au bon vieux temps des fraudes électorales « Koul ti poul, sort ti kanar » (= tu mets dans l’urne un poulet, il en sort un canard ! ». « Objectif Réunion », l’opposition (UMP) à la coalition « zanbrokal » comprenant 16 membres, son candidat, Hamicaro (« Nouveau centre »), comptait sur 16 voix, mais n’en a eu que 15, ce qui a conduit à s’interroger sur le seizième bulletin qui était un blanc. Le monde politique réunionnais s’interroge donc sur l’identité du conseiller général qui l’a « coulé », Hamilcaro, contre tout bon sens, ayant prétendu qu’il était lui-même l’auteur de cet étrange suffrage.

Le plus pittoresque se trouve toutefois dans les explications, un peu embarrassées on le devine, que le PCR donne de ce scrutin grâce à la plume, qu’il juge adroite, de G. Géraud-Legros. Je vous laisse juges :

« Deux éléments majeurs peuvent expliquer la longévité de la majorité du Conseil général [toute relative : trois ans !] : d’une part, la radicalisation de la politique inspirée par Nicolas Sarkozy, de l’autre, les caractéristiques objectives des formations qui composent la majorité plurielle, qui, malgré d’évidentes différences [Certes ! Mais l’accès à l’assiette au beurre départementale ( le budget du conseil général réunionnais est l’un des premiers de France) permet de passer aisément sur les divergences idéologiques !], rendent possibles une coopération et l’exercice du pouvoir ».

La réunion de ces élus, issus du PCR, du PS et de formations identifiées à droite, répondait à une tentative de prise de pouvoir organisée en coulisse par Didier Robert [devenu président du conseil régional en lieu et place de Paul Vergès, patron du PCR, à cause de la rebellion du PS local] et menée, au grand jour, par Jean-Louis Lagourgue [qu’il ne faut pas confondre avec son cousin Michel Lagourgue, du MoDem ; ce dernier est dans le camp Vergès, pour des raisons aussi anciennes qu’insolites et qui remontent aux patriarches des deux familles, tous deux « fils de la Veuve »].

L’analyse marxiste n’est pas tout à fait morte, en tout cas pas à la Réunion comme le montre la suite :

« Historiquement, le PCR, plus vaste formation politique réunionnaise, est au confluent de forces sociales issues du monde ouvrier et de la paysannerie.». Le PCR est donc, dans le « zanbrokal » en, cause, le riz qui est le fond de l’affaire !

Lentilles, « pois » et haricots (qui en la circonstance ne sont pas rouges, couleur éminemment révolutionnaire) sont les ingrédients entrant dans le zambrokal. En la circonstance, ce sont « les composantes revendiquées de la droite « sociale » ou « centristes » susceptibles de s’allier aux forces de gauche [ces forces doivent, dans ce zanbrokal, constituer le « safran » - qui, à la Réunion, est, en fait, le curcuma ou « safran de terre » - jaune comme le vrai safran. On sait que cette couleur est traditionnellement celle des traîtres (dans les grèves)... et des cocus (dans la vie courante) !] [ces forces de droite] se composent, quant à elles des porte-paroles de la classe [sic] des entrepreneurs et commerçants réunionnais, dont les intérêts matériels et moraux sont profondément ancrés dans l’Histoire [notez la majuscule flatteuse] et le marché réunionnais ».

C’est donc une logique profonde [Ben voyons !] qui commande tant le rassemblement que la confrontation. Inscrite dans le courant de l’histoire [qui a perdu son H] économique, politique et sociale de notre pays, elle dépasse les questions individuelles auxquelles on assigne souvent les évolutions du jeu politique réunionnais »[Qui oserait penser une chose pareille !].

Jdanov et Thorez ne sont décidément pas morts... du moins à la Réunion et à Témoignages !

Le PCR a toutefois fait deux jolis coups.

Le premier a consisté à berner l’UNESCO en faisant inscrire au patrimoine de l’humanité la Réunion au titre du « PCR ». Ce sigle veut dire « Pitons.Cirques.Remparts » ce qui est évidemment non seulement absurde mais inintelligible, puisque ces trois mots, dont la signification est spécifiquement réunionnaise, ont un tout autre sens dans le français standard en usage à l’UNESCO et ailleurs. Je vois d’ici les pauvres touristes cherchant à photographier les « remparts » médiévaux réunionnais ! On s’est évidemment gardé de dire aux experts de l’UNESCO, peu au fait des réalités locales, que PCR veut dire d’abord et surtout pour ne pas dire exclusivement « Parti Communiste Réunionnais » !

Second joli coup du PCR qui aime tant à fricoter avec la « droite » désormais sociale ! L’éviction d’Huguette Bello. Dans la tribu Vergès, les filles ne comptent que pour du beurre et le pauvre Pierre Vergès (« Petit Pierre ») ne tient guère la route devant Huguette Bello.
Les désaccords entre Huguette Bello et Paul Vergès, longtemps cachés, sont présents depuis très longtemps, mais ils ont été accrus encore par le déclin physique de Paul Vergès. Avérés dès le moment où Popaul voulait soutenir la candidature Sarkozy à la présidentielle de 2007, ils ont éclaté au grand jour à l'occasion des régionales, mais aussi et surtout depuis la décision du toujours patron du PCR d'imposer la présence de Joseph Sinimalé au sein de la majorité départementale.

Un signe clair ? Si vous voulez être au courant de l’actualité politique réunionnaise au sein du PCR, allez donc lire le blog d’Huguette Bello dans Témoignages. La dernière livraison date de septembre... 2009 ! A la trappe Huguette !

Le conseil général de la Réunion ne serait-il pas un modèle, voire un exemple, pour la France en 2012 ?

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