Dans mon enfance, en passant devant les kiosques à journaux, je jetais toujours un oeil curieux à la une d'un magazine qui ne manquait jamais d'attirer les regards. Cet hedomadaire, que je crois n’avoir jamais lu mais dont le contenu était clairement affiché par la couverture, avait pour titre Détective. Il offrait toujours en couverture quelque drame horrible, de préférence sanglant, avec parfois une légère touche sexuelle, le tout accompagné d'un titre qui devait attirer les regards et susciter la convoitise du client. C'était donc du genre « Il coupe sa femme en morceaux et la donne à manger à leur chien », « Il a violé toutes les grands-mères du quartier » ou toute autre accroche de la même farine.
A l’époque, les illustrations du thème, toujours pertinentes, hyper-réalistes et, par là-même, expressives, étaient faites à la main par un artiste spécialisé.
Il me semble que, dans la suite, Détective a cessé de paraître et lui a succédé un rival du même tonneau dont le titre était, si je me souviens bien, « Qui Police ? », ce qui est à la fois clair et sibyllin ! Tous ces hebdomadaires ont tour à tour disparu. Leur a succédé, car le genre semble indestructible, une autre publication dont le titre est Le nouveau détective, dont le contenu et la forme ne sont en revanche pas très nouveaux. Je vous donne le titre du dernier numéro, sans pouvoir hélas, par crainte d’un procès de plus, vous reproduire les images de la couverture : « Nancy : derrière la porte, on assassine ses deux enfants, une maman crucifiée ». Le tout est illustré par la photo (on est passé du dessin à la photo !) d’une brune capiteuse (car l’horreur n’interdit pas le glamour) qui hurle en découvrant une superbe denture dont la taille et l'éclat témoignent de l'immensité de son désespoir.
Je laisse aux sociologues spécialistes du journalisme et de la presse en général, (si, si, ça existe !) le soin de se pencher sur les destins, funestes et successifs, de ces magazines. Je pense, en ce qui me concerne, qu'ils ont subi, de plein fouet, la concurrence de nos médias audiovisuels majeurs qui leur offrent, à la maison et souvent à table, la matière richement illustrée de tels faits divers qui faisaient la fortune de ces publications spécialisées. Je ne parle pas ici des multiples « enquêtes » qui se régalent de faits divers, si possible croustillants ou graveleux, mais des journaux télévisés.
Vous pensez que, comme toujours, j'exagère ? Et bien prenons l'exemple du jour en examinant, rapidement je vous l’assure, le journal télévisé de France2, la chaîne nationale, en ce jeudi 31 mars 2011.
Je reconnais que la tâche de la rédaction n'était pas simple. Allait-on ouvrir le journal de 13 heures sur la crise politique française à propos du débat sur la laïcité ? Sur la catastrophe nucléaire du Japon qui, quoique déjà un peu éloignée, s'est néanmoins remise au premier plan puisque notre Président de la République est aujourd'hui même au Japon ? Sur la Libye et les mouvements internationaux qui se succèdent dans la recherche de solutions militaires et/ou politiques ? Sur la Côte d'Ivoire où la situation est grave puisque désormais les troupes de Laurent Gbagbo et celle de Ouattara s'affrontent militairement et probablement vont finir par le faire, ce qui est pire encore, à Abidjan même ? Sur la Syrie puisque Bachar el-Assad, mettant un terme à toutes ses prétendues promesses sur la réforme du régime, a décidé de ne rien faire et de maintenir dans son intégralité l’extravagant régime policier local ? Bref, j’admets qu’il n'était pas facile d'ouvrir le journal télévisé de 13 heures, alors que tant de sujets graves se bousculaient au portillon.
Madame Lucet a fini par choisir et il faut reconnaître que ce choix, pour inattendu qu'il est, mérite qu'on s'y arrête.
Le sujet d'ouverture (le choix le plus délicat) a été la plainte déposée par une mère de famille contre un buraliste qui avait vendu un paquet de cigarettes à sa fille âgée de moins de 16 ans. Elle a déposé officiellement plainte et espère obtenir, je crois, 30.000 euros de dommages-intérêts. Diable, cela met à un prix très élevé le profit de la vente illégale d'un paquet de cigarettes à une fille que son papa avait peut-être chargée de cet achat.
Après un sujet d'une telle importance, il était difficile d'aborder un deuxième sujet. Fort heureusement, une autre mère de famille (elles sont décidément à l'honneur) porte plainte, elle, contre l’établissement scolaire que fréquente son fils. En effet, dans des circonstances encore mal élucidées (mais la police scientifique est sur le coup et la « scène de crime » a été bouclée), il y avait dans la trousse de son fils, enveloppée dans du papier d'aluminium, une barrette de shit (mon imbécile de logiciel Dragon a écrit « chiite » au risque de me faire taxer de racisme !) que le gamin a dévoré en croyant, à l’en croire, que c'était du chocolat. La mère de famille a illico porté plainte contre l'établissement, scandalisée qu'elle est qu’une fouille systématique et totale de tous les cartables et de toutes les trousses de tous les élèves ne soit pas organisée chaque jour, matin et soir, dans cet établissement (sans oublier les poches bien entendu).
On comprendra qu’après ces deux sujets majeurs, il ait été difficile de retenir un troisième sujet. Fort heureusement, on a retrouvé d'abord et identifié ensuite la joggeuse qui avait disparu, il y a trois semaines, dans notre Sud-Ouest. On manque encore un peu de détails sur sa tenue, ses blessures et surtout les sévices qui lui ont été infligés, mais cette ignorance ne durera assurément pas !
Je crains fort que devant une concurrence aussi redoutable, « le nouveau détective » ne soit à son tour, comme ses prédécesseurs, contraints de fermer boutique ; il faut reconnaître qu'il est difficile de rivaliser sur ce terrain avec Mme Elise Lucet. Ces sujets majeurs une fois traités dans leur détail, on a pu dire, en passant, quelques mots de la politique nationale et internationale, qui sont, vous en conviendrez, des sujets mineurs par rapport aux trois dossiers qui ont permis d'ouvrir « votre » journal, comme se plaît à dire Mme Lucet.
En tout cas, je conteste tout à fait l’usage de ce possessif de deuxième personne qu’elle croit habile mais qui me met directement en cause. Je ne voudrais en aucun cas qu’un pareil ramassis de propos lamentables soit, en quoi que ce soit, « mon » journal. C'est, de toute évidence, le « sien » et je lui interdis donc le droit de m’associer à pareille entreprise et d'affirmer que ce prétendu journal pourrait être le « mien » !
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