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dimanche 3 avril 2011

Encore la Côte d’Ivoire.

Je suis trop souvent porté à faire la critique de la presse française pour ne pas lui rendre justice, voire hommage, lorsqu'elle produit une information de qualité. C'est le cas de l'article de ce matin, dimanche 3 avril 2011, dans la livraison de « Marianne2 » où l’on peut lire un article d'Alain Léauthier sur la situation en Côte d'Ivoire, intitulé « Quatre leçons et quelques illusions sur la chute de Gbagbo ». Objectif, pertinent et surtout bien informé, ce texte dispense de répéter ce qu'il dit lui-même excellemment; je n'insisterai donc ici que sur des points annexes que me suggèrent une certaine connaissance du terrain et la consultation des médias électroniques africains qui sont de bien meilleures sources que nos propres médias.

La presse française s'est en effet extasiée sur la percée rapide, apparemment sans problème et quasi triomphale que les forces « républicaines » de Ouattara (désormais par abbréviation ADO, comme on l'appelle familièrement là-bas ) ont fait, en une petite semaine, en direction d'Abidjan. Même un très fin connaisseur de l'Afrique comme Antoine Glaser a souligné avec admiration la rapidité de l'avance de ces troupes, bien équipées et organisées, en direction du sud. Cette analyse faisait irrésistiblement penser aux dithyrambes sur les premiers succès des « révolutionnaires libyens » en Cyrénaïque. C'était, en Côte d’Ivoire, oublier un peu trop que cette marche à travers le Nord du pays se faisait dans la région où dominait ADO et où il avait obtenu, lors du second tour de l'élection présidentielle, des scores si étonnants que Gbagbo avait pu y trouver les motifs à faire annuler une bonne partie des votes obtenus par ADO.

Il n’était donc pas étonnant que la marche de ses troupes ait été facile et rapide dans une zone qui lui était acquise et où se trouvent, en outre, la plupart des musulmans qui constituent un gros tiers de la population du pays. Les problèmes ont commencé surtout lorsque ces troupes sont sorties de cette zone. Du côté de Yamoussoukro, la capitale fantôme de l'État, choisie en 1983 par Houphouët-Boigny pour cette fonction dans la mesure où elle l'avait vu naître ((fantasme courant chez les potentats africains), les choses ne sont pas trop mal passées. En revanche il a été tout autrement du côté de Duékoué, carrefour stratégique de l'Ouest ivoirien ; les combats y ont été très durs et surtout y ont eu lieu des « violences intercommunautaires » qui auraient fait de 300 à 1000 victimes. Des accusations sont portées contre les deux camps mais elles sont majoritairement adressées aux troupes d’ADO et paraissent mieux fondées. L'O.N.G catholique Caritas parle d'un millier de tués ou disparus sans désigner clairement de responsables tandis que l'ONU, dont les chiffres de victimes sont inférieurs, met en cause clairement les troupes d’ADO. Ce dernier se défend toutefois en affirmant s’en être pris à des « miliciens » et non à des civils, la distinction n'étant pas toujours aisée à établir en pareil cas.

Même si des spécialistes comme A. Glaser contestent formellement qu’il y ait là, en quoi que ce soit, des élements d’affrontements à caractère ethnico-religieux, on ne peut écarter totalement et définitivment de telles hypothèses.

Toujours est-il que la marche des forces « républicaines » d’ADO qui avait été sans problème et quasi triomphale dans le Nord et dont on avait pensé qu'elles ne feraient qu'une bouchée des troupes favorables à Gbagbo qui occupaient Abidjan a brusquement ralenti et a même cessé lors de l'entrée dans la métropole ivoirienne qui regroupe un tiers de la population nationale. Des combats très rudes ont alors eu lieu et un lieu stratégique comme la télévision nationale, qui avait d'abord été prise par les troupes d’ADO, a été, semble-t-il, reprise par les partisans de Gbagbo, à moins que les émissions soient assurées par des installations mobiles, selon une hypothèse qui a été avancée.

Pour Gbagbo, le principal problème et la raison majeure du commencement de sa fin tient à ce que, depuis les derniers mois, le paiement des fonctionnaires (la masse salariale se situe aux alentours de 60 à 70 milliards de francs CFA) a été ralenti ou retardé. Si, fin 2010, tout le monde avait encore été payé régulièrement, dès janvier 2011, il y a eu des retards voire des suspensions dans le paiement des salaires des enseignants et des pensions des retraités. En dépit des promesses qui ont été faites, les fonctionnaires s'impatientent et bon nombre d'entre eux commencent à souhaiter la victoire d’ADO dont ils espèrent fermement qu'elle rétablira, sinon la démocratie, du moins le paiement de leurs salaires ou de leurs retraites.

Cet aspect est sans doute essentiel dans l'évolution actuelle des choses. Il est en tout cas plus important que la prise ou la perte de tel ou tel bâtiment public, qui peut changer de mains en quelques heures sans que la chose ait une grande importance. C’est probablement, en amont, la raison majeure du déclenchement de l’offensive des troupes d’ADO qui compte désormais plus sur le lâchage de Gbagbo par des partisans et des troupes qui ne sont plus payés, que sur une réelle victoire militaire sur le terrain.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Ce sont donc les banques occidentales qui tiennent encore le pays. Mais bientôt les banques chinoises prendront la relève.