En réalité, ces braves « intermittents du football »
(car ces professionnels du sport ne peuvent assurément pas jouer plus de 45
minutes sans être « cramés »!) sont aujourd'hui éclipsés par les
« permittents », non des terrains… mais du spectacle. Ce « mot-valise »
apparu, vers 2010-2011, est fabriqué, selon la recette bien connue, à partir du
début de « perm-anents »
et de la fin de « l'inter-mittent ».
Il désigne désormais, dans le vocabulaire français qui doit sans cesse s’enrichir
pour nommer les innovations de tous ordres, les pseudo intermittents du
spectacle qui sont en général sont en réalité des employés à plein temps mais
que les sociétés (et en particulier, contre toute attente,) les sociétés qui
dépendent de l'État, engagent, sous le
régime de l'intermittence (vraie ou fausse) pour le bénéfice commun de leurs
propres finances et parfois aussi de travailleurs qui devraient avoir des CDI, puisqu’ils
travaillent en fait à temps plein.
Dans le désert informatif de la presse française, on trouve
toutefois une information durable et étendue dans le site d’ACRIMED (entre 2003
et 2013) ; j'ai lu aussi avec le plus grand plaisir un article, un peu
ancien (Le point.fr du 27 avril 2011)
d'Emmanuel Beretta qui (comment résister à la tentation ?) révolvérise un
problème que le reste des journalistes s'emploient à présenter sous des jours
divers, mais souvent insatisfaisants.
J’en cite ici le début qui présente bien les choses et fait
apparaître, un peu trop discrètement à mon goût, que le cœur du problème n’est
pas là où on le fait croire :
« Collusions d'intérêts, fraudes, démission des politiques,
injustice sociale... Le scandale des "permittents" du spectacle coûte
chaque année 1 milliard d'euros aux salariés du privé, qui se voient ainsi
chargés de porter sur leur dos le poids social de "l'exception culturelle
française". Par "permittents", on désigne ces intermittents du
spectacle qui n'en sont pas vraiment, car leur emploi - en réalité permanent -
ne justifie pas qu'ils jouissent du statut protecteur des artistes et
techniciens du spectacle inventé à l'origine pour protéger les comédiens et
danseurs d'une carrière, par nature, aléatoire ».
Je signale d'ailleurs, quoiqu’on ne fasse guère mention de ce
détail que le statut de l'intermittence du spectacle n’est nullement récent
puisqu'il date des années 30 où il n'avait évidemment pas la place qu'il occupe
aujourd'hui pour les raisons qui
apparaitront dans la suite.
Si j'en juge par l'information que j'ai eue personnellement de
la meilleure source (le festival d'Aix-en-Provence), ce qui touche en réalité
le plus de cette affaire et dans l'immédiat, les « vrais » intermittents du spectacle est que la période de « carence »,
pendant laquelle ils ne seraient pas encore indemnisés, passerait à 30 jours
(un mois) pour les intermittents, dont l'indemnisation serait inférieure à 3.000
€ par mois, les autres conservant les privilèges antérieurs ! La chose me
paraît si ahurissante que je ne l'ai pas crue d'abord, à la fois parce que nul
n'en parle, et surtout parce que cette mesure me paraît tellement antisociale,
qu'elle ne pourrait être, en bonne logique, qu'antisocialiste, donc devrait n’avoir
que peu de chances d'émaner d'un gouvernement socialiste et cela d’autant que
l’incidence budgétaire est des plus minimes !
On parle bien entendu de la fraude qui est chez nous un sport
national car, à la louche, un « permittent » coûte deux fois moins
cher qu’un permanent même s’il l’est en fait! Après le travail noir
(clandestin et sans le moindre document !), largement dépassé, nous avons,
dans nombre de secteurs, le « travail gris » qui repose sur de faux
documents établis par accord des deux parties (surtout dans la restauration et
l’intermittence ou la « permittence » du prétendu spectacle, sans
parler de la Sécu) ! En la circonstance, la fraude est très difficile à
traquer puisque le système repose sur les déclarations conjointes des dits « intermittents »
et de leurs employeurs, lesquels peuvent avoir tous les deux intérêt à
détourner le système. Cela se passe donc comme désormais, de plus en plus, pour
la procédure des « ruptures conventionnelles » qui deviennent
des moyens de faire payer par l’Etat (désormais 4 milliards par an) des mises
en retraite anticipée, au bénéfice commun des employeurs comme des
pseudo-retraités à partir de 58 ans !
Je vous conseille très vivement de lire l'article d'Emmanuel
Beretta même s’il n’est pas tout récent. Il présente de nombreux exemples très savoureux
qui vont de celui des décorateurs qui
refont la cuisine du producteur en échange d'un emploi sur le tournage aux
combines qui permettent d'enchaîner les montages d'une production à l'autre,
sans prendre les jours de congés qui s'imposeraient pour le travailleur à plein
temps d'une entreprise. « Travailler plus pour gagner plus » ça ne
vous rappelle rien ? C’est encore mieux en grugeant l’Etat et les exemples,
de plus en plus nombreux, viennent de haut !
Un « permittent » arrive ainsi à augmenter de 30 à 50
% sa rémunération mensuelle par rapport à ses collègues en CDD ou en CDI !
Qui s’en plaindrait ? Les
« permittents » enchaînent ainsi, par exemple, les montages et les
décors, alors qu'ils ne pourraient pas travailler autant en CDI !
Comme toujours, en France, l’édiction de nouvelles mesures, qui
grossissent à l'infini le code français du travail, ne conduit qu'à faire
imaginer et mettre en œuvre, sans cesse, de nouvelles mesures et techniques de
contournement ou de fraude. La Cour des Comptes a limité en 2005 le nombre des
intermittents, pigistes et vacataires de tous poils de France-Télévision. Cette
société, championne de France ou même du monde de la « permittence »,
surtout grâce au jeu de ses multiples filiales de production dont le nombre
n’est même pas connu, parvient à
maintenir, dans les faits, son taux de personnel non permanent, en utilisant
des filiales qui échappent au champ d'application de la restriction légale.
Voilà qui rappelle un peu la technique des grandes entreprises du BTP qui n’ont
jamais employé un seul travailleur dans les grands chantiers nationaux, se
bornant à sous-æ avec sociétés qui s’en occupaient et disparaissaient, avec
leurs clandestins et leurs casseroles éventuelles, aussi rapidement qu’elles
étaient apparues !
Je me permettrai encore une fois de citer l'article d'Emmanuel
Beretta pour illustrer la « permittence » par un cas dont tout le
monde connaît le héros : Stéphane Guillon. Je cite donc Emmanuel Beretta :
« L'affaire Guillon, qui vient de frapper Radio France au
portefeuille, est une illustration des excès du système. Stéphane Guillon était
chroniqueur sur France Inter depuis 2003. Chaque saison, il était donc
reconduit depuis 7 ans quand Jean-Luc Hees décide de se séparer de lui.
Naturellement, le conseil des prud'hommes de Paris a requalifié ses contrats en
CDI. Et il en a coûté 212 011,55 euros à Radio France. On comprend que la
première saison, la collaboration de Guillon pouvait être conçue comme
temporaire puisqu'elle dépendait de son succès. Mais en renouvelant
systématiquement ses contrats durant 7 ans, forcément, Radio France a fait
peser sur la collectivité des salariés du privé les vacances de Stéphane
Guillon... »
Le français est décidemment une belle langue, élue entre
toutes ; il permet de faire si heureusement si opportunément face à des
situations toujours nouvelles comme la défaite soudaine et inattendue au Brésil
de l’Espagne, championne du monde aussi bien qu’à diversité infinie des champs
inexplorés que nos lois offrent à l'entourloupe et à la fraude.
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