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vendredi 6 juin 2014

Le Monopoly régional : « Il fallait un calculateur, ce fut un danseur qu'il obtint ».


Comment échapper aux cérémonies du débarquement, à la multiplication des narrations des repas protocolaires ( notre président doit faire trois repas du soir et aller dîner en ville) comme celle des facettes multiples de l’affaire Bygmalion, de Menton au Quai Kennedy ? Je reviens donc sur mon blog d'avant-hier sur le « Monopoly régional » où, comme toujours, j’ai voulu être bref.

Projet de réforme dont toute la presse souligne le caractère burlesque sans toutefois poser le problème majeur. Pourquoi et comment une réforme, si invraisemblable dans sa forme, et dans laquelle on a prétendu réduire le nombre des Régions de France et les regrouper, pour « faire des économies » nous dit-on, sans savoir exactement à 20 milliards près, quel pourrait être leur montant ni de quelle façon on pourrait les opérer ni donc selon quels principes (autres celui que celui des influences diverses les uns des autres), on pourrait concevoir d’abord et effectuer ensuite cette réforme ?

Quel que soit le résultat, il ne fait pas de doute qu’on a jeté là un énorme pavé dans la mare grouillante des intérêts personnels des roitelets, des barons et des parrains de nos provinces (choisissez le terme à votre guise). Le résultat (qui est peut-être le vrai but !) est que tout ce bazar régional va occuper désormais le devant de la scène sur un fond de célébration du débarquement du 6 juin 1944, dans les festivités duquel on doit mettre un peu à l'arrière-plan cette pauvre Madame Merkel qui doit quelque peu, en pareil cas, se sentir dans ses petits souliers !

En réalité, non seulement cette réforme régionale n'apportera même pas les deux pauvres milliards d'économies que jugent possibles des évaluateurs pessimistes, mais tout indique au contraire, aux esprits un peu raisonnables et surtout objectifs, qu'elle va, en réalité, nous coûter beaucoup d'argent.
Je n'aborderai ici que quelques problèmes sur lesquels on ne semble pas avoir réfléchi ni même en avoir eu conscience.

Le premier très général et que je ne traiterai pas ici dans son détail. Les Conseils régionaux ont été créés en 1972 et le chiffre le plus significatif a été celui de la prodigieuse augmentation de la rémunération indemnitaire des conseillers régionaux qui se chiffrent en milliers de pour cent. Ainsi en 2013 (Canard enchaîné du 13/02/2013), leurs indemnités ont augmenté en moyenne de 8%, le record étant détenu par la Bretagne avec 19% !).

Il y a en France 1757 Conseillers régionaux (CR), leur nombre variant, en principe, selon la population de la Région, ce qui fait craindre que diminuer de moins de la moitié le nombre des régions n’ait pas une incidence très forte sur le nombre des CR ; on parle d’une centaine de CR par nouvelle Région, ce qui ne change guère le total, puisque l’Ile de France et PACA qu’on ne touche pas, en ont déjà à elles seules 332 ! Ces règles ne sont d’ailleurs, comme souvent chez nous, peu respectées. L’Ile de France (Paris sera toujours Paris !) a presque le double de CR (209) de la région PACA (123), quoique les populations ne soient guère différentes (6,8 millions pour la première, 6,1 pour le seconde !). On parle déjà, sans qu'on sache trop pourquoi et contre les usages qui resteront opératoires dans les régions non touchées par la réforme, d'une centaine d'élus dans chaque Conseil régional ; pour la Région Rhône-Alpes par exemple, qui a actuellement 157 CR pour 5,4 millions d’habitants, si l’on y ajoute comme prévu l'Auvergne (ce qui l'amènera à près de 7 millions d'habitants), il faudrait, en principe réduire de moitié le nombre total des conseillers régionaux actuels (157 + 47 = 214) pour la nouvelle Région. Dans ce cas, j’entends d’ici le choeur funèbre des élus locaux auvergnats ! Fouchtra !

En revanche, même s'ils restent seuls, comme le souhaite Monsieur Le Drian (ex-président du Conseil régional de Bretagne !), les Bretons vont pouvoir exiger une vingtaine d'élus régionaux supplémentaires puisqu'ils n'en ont que 83 pour une population de 3,7 millions d'habitants et, cela d’autant plus, que leurs indemnités de CR viennent juste d’augmenter de 19% !

Compte tenu du flou actuel, on ne pourrait même pas songer à faire le calcul, pourtant évident pour tout esprit raisonnable, de l'incidence réelle de cette réforme sur le coût total des indemnités des CR qui actuellement avoisinent les 60 millions par an. Il faut tout de même assurer, dans les conseils régionaux, au moins un poste d'élu par poste de vice-président, puisqu'il ne manque pas de conseils régionaux qui ont, chacun, plus d'une quarantaine de Vice-Présidents. Souvent l'un d’entre eux, (à 3000 euros net par mois, sans impôt !) est préposé spécifiquement aux questions essentielles … de fourrière et de vagabondage d’animaux). Puisque j’évoque ici le cas des animaux, je dois ajouter que nous avons encore dans notre beau pays, ce que la plupart des citoyens ignorent hélas, … des lieutenants de louveterie !

On aurait pu songer aussi à l’une des curiosités de notre système qui fixe l'indemnité des élus régionaux en fonction du nombre des habitants de la région (1520 € bruts par mois pour les régions de  moins d’un million d'habitants et 2661 euros bruts par mois pour les régions de plus de 3 millions d'habitants), comme si le nombre des habitants d’une région avait une incidence, aussi forte et aussi directe, sur les activités des conseillers régionaux.

Il est évident que sur ce point précis de la croissance des frais, toutes les Régions nouvelles iront dans le sens de l'augmentation ; pour reprendre le cas de la Région Rhône-Alpes, l'indemnité des CR auvergnats croitra, car il est évident que les Auvergnats verront leur indemnité passer au niveau de celle des Rhonalpins et donc de 1900 € à 2661 €. Je ne sais pas s'il y a des syndicats de conseillers régionaux, mais je leur signale le problème pour qu’ils mettent toute leur énorme énergie à défendre les intérêts de leurs membres, en particulier en ce sens.

Il est probable aussi qu'on aura le même problème avec la fonction publique territoriale dont les conditions de rémunération restent volontairement mystérieuses et me semble-t-il mal explicitées à dessein, comme dans la haute fonction publique d’Etat d’ailleurs, par le jeu essentiel des primes. On peut compter dans ce cas aussi, sur l'alignement sur les conditions les plus favorables d'une Région à l'autre et par conséquent sur une augmentation du coût de la réforme régionale.

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