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dimanche 8 juin 2014

UNEF : l'enquête sur l'université française (n° 2 ; suite et fin)


J'aurais pu aborder, en introduction comme en conclusion de ma lecture critique de ce rapport d'enquête sur l’université française, un aspect latent, mais essentiel et inévitable, qui est la situation de la conclusion de cette enquête, par rapport au changement survenu dans la direction de l'UNEF en 2013.

Traditionnellement, ce syndicat a toujours été partagé par des conflits en particulier entre communistes et socialistes, les seconds étant depuis longtemps dominants dans cette organisation, mais divisés. La lutte se circonscrit donc désormais plutôt entre les courants du PS, situation compliquée encore par l’élection présidentielle de 2012. À l’UNEF,  ce changement a été symbolisé par l'éviction récente d’Emmanuel Zemmour, élu en 2011 à la présidence, pourtant réélu en avril 2013, mais qui a dû céder sa place, en décembre 2013, à William Martinet, proche de G. Fioraso durant la préparation de sa loi alors que V. Pécresse avait joué à fond la carte des présidents et se les était gagnés en faisant siennes toutes leurs revendications (Cf. R. Chaudenson, 2013, L'université, l’impossible réforme. Edgard, Valérie Geneviève et les autres…, Paris, l’Harmattan).

Cette enquête sur l'université avait été mise en place par E. Zemmour, alors président mais il est revenu à W. Martinet d'en présenter les résultats, alors que les relations avec la ministre avaient notablement évolué. C’est ce qui explique sans doute l'aspect un peu amphigourique voire contradictoire de nombre de formulations de ce document ; il s'agit à la fois de s’y montrer critique, tout en ménageant du mieux possible le personnel enseignant donc, en somme, de ménager la chèvre et le chou sans oublier le loup !

C'est ainsi que le tableau sans concession qui y est fait du système universitaire français s'achève sur des formules, aussi lénifiantes qu’inattendues, comme par exemple « l'université regorge de talents, mais les enseignants très motivés n’ont ni appui ni moyen » ou « l'université est pleine de bonnes intentions » ou, mieux encore et c'est là sans doute la formule la plus savoureuse, « même si l'institution évolue rapidement depuis quelques années, l'action gouvernementale n'est pas vraiment reconnue ». Madame la ministre, qu’est-ce qu’on dit au gentil Monsieur Martinet ?

Mais revenons à notre texte :
« Le manque de proximité entre universitaires et étudiants, qui ne concerne pas que les professeurs mais aussi les personnels administratifs ou les bibliothécaires, pas suffisamment disponibles, est plus cruellement ressenti par les enfants d'ouvriers », détaille M. Martinet, pour qui « le ministère doit absolument accorder des postes supplémentaires, réellement pourvus, qui ne soient pas utilisés à des fins autres que la réussite des étudiants », comme cela se passe parfois dans les établissements ».

On retrouve ici l'antienne favorite de tous les syndicats d’enseignants sur le manque de moyens et  de personnel. Je ne rappellerai pas ici, qu’un peu avant dans ce même texte, il était fait allusion au « manque d'effectifs étudiants », particulièrement criant dans certaines sections comme les langues slaves ou les lettres classiques où il y a quelquefois autant d'enseignants voire plus que d’étudiants. Dans mon livre de 2013 déjà évoqué ci-dessus , je fais état de mes expériences passées, à propos des bibliothèques et des installations sportives, qui souvent chez nous sont fermées aux étudiants au moment de la semaine ou de l'année où ceux-ci sont susceptibles de fréquenter ces lieux. Au cours divers séjours professionnels  américains et canadiens, j'ai pu mesurer la différence avec les universités d'Amérique du Nord dont on ne cesse pourtant d'invoquer le modèle. L'incapacité totale voire le refus des universités françaises de gérer réellement et en fonction des besoins effectifs les emplois, d’enseignants comme d’ATOS, qui leur sont affectés, est évidemment la cause majeure de telles situations.

De la part d'un responsable d'un syndicat étudiant, il est curieux de voir invoquer le témoignage d'un étudiant en master (certes de Lyon III, si plaisamment nommée Jean Moulin !) pour s'indigner de ne pouvoir y rencontrer un administratif responsable « pour créer un annuaire des anciens ». N'est-ce pas là le rôle même d'un syndicat d'étudiants ?

Et la pédagogie dans tout cela ?
« 35 % des étudiants désertent les amphis, 27 % les travaux dirigés, non pas faute de temps [Ah bon, ! Ne sont-ils pas là pour ça ?] mais parce qu'ils trouvent, à 40 %, les cours « ennuyeux et théoriques », à 52 %, « pas assez interactifs », ou estiment, à 68 %, que « la présence de l'enseignant n'apporte pas de plus-value ». « Ces résultats doivent être perçus comme une alerte. Il faut remettre les étudiants au centre de la mission de l'université et valoriser enfin les enseignants qui s'impliquent à [ sic ! Lire « dans ». Présider l’UNEF n’implique pas, semble-t-il, une pratique minimale du français !]  leur service », avertit M. Martinet. ».

Le rédacteur manque singulièrement de logique (sans évoquer même dans le même développement sa pratique du français quelque peu incertaine ). Si la présence de l'enseignant n'apporte pas de « plus-value » à des « cours ennuyeux et théoriques » et « pas assez interactifs », a quoi bon demander les postes puisque l'augmentation de leur nombre ne rendra en rien l’enseignement plus efficace ? Mieux vaut investir dans les « moocs » et le « FUN » dont la mode semble s'établir, sans qu'on en perçoive clairement les résultats. La seule exception semble être dans nombre d'enseignements de première année de médecine, car  les redoublants de première année viennent perturber les amphis pour empêcher leurs nouveaux concurrents, bacheliers plus récents, de venir les concurrencer dans les examens où règne toujours le numerus clausus.

0Les contradictions de ce texte tiennent-elles, comme je le soulignais en commençant, à l'éventuel changement de direction, d'appréciation et de rédaction en particulier à propos de la Loi Fioraso qui, ayant porté un instant, au début du mandat de François Hollande, les espoirs de la gauche universitaire, les a rapidement déçus, comme on devait s'y attendre, seuls les naïfs pouvant espérer un changement sensible par rapport à la loi Pécresse.
De toute façon depuis longtemps l'objectif majeur pour ne pas dire unique est de faire des économies et de revenir, aussi discrètement que possible, sur une politique universitaire, irréfléchie voire absurde, dont le principe directeur a été la multiplication des établissements universitaires (à la louche de 20 à 85 !), inévitablement génératrice de coûts exponentiellement croissants. En l’absence totale de projet et même de carte universitaires, tous les embryons ou croupion d'universités, créés ici ou là, au gré absolu des exigences des roitelets politiques locaux (comme pour les hôpitaux !), dans des villes moyennes ou même petites, ont tendu inévitablement à vouloir accroître et diversifier leurs domaines d'exercice.

« Quelque 68 % des étudiants estiment que leur université ne les aide pas suffisamment à s'insérer dans un emploi. Dans ce domaine, les établissements ont pourtant fait de grands progrès. Ainsi, 61 % des étudiants ont suivi un stage, d'en moyenne neuf semaines, qu'ils ont le plus souvent décroché eux-mêmes. Car 44 % des répondants à l'enquête UNEF ignorent qu'il existe un bureau des stages sur leur campus. Ils sont 52 % à déclarer avoir bénéficié des modules de préparation aux entretiens d'embauche ou à la rédaction d'un CV, mais 45 % se disent sceptiques sur leur utilité. ».

On retrouve la le sempiternel discours sur la relation entre l'université et l'emploi. L'université cherche-t-elle à se rapprocher de l'industrie ou plus globalement du secteur économique ? On lui reproche de se mettre au service du « grand capital ». Si elle se tient soigneusement éloignée du secteur économique, on lui fait le reproche inverse « de ne pas aider suffisamment les étudiants à s'insérer dans un emploi ». Je m'étonne personnellement d'apprendre par ce texte que 61 % des étudiants ont suivi un stage d’en moyenne neuf semaines » ! Je demande à voir ! Si 44 % des répondants à l'enquête « ignorent  qu'il existe un bureau des stages sur leur campus », je suis personnellement dans la même ignorance et à voir l'activité et l’efficacité moyennes du Service universitaire d'information et d'orientation, je ne puis qu'être étonné de l'apprendre !

En conclusion ; on peut dire que ce document, amphigourique et contradictoire, ne donne pas une image très flatteuse de l'activité ni des capacités du syndicalisme étudiant. Trop souvent en France, il apparaît, en fait, comme la voie la plus rapide et la plus sûre vers le professionnalisme politique. Je n'aurai ici ni le loisir ni la cruauté d'énumérer les innombrables illustrations de ce type de carrière. Je me bornerai à un cas, oublié de tous comme de moi-même !

Tout récemment en effet et par hasard, j'ai pu revoir à la télévision l'image d'Isabelle Thomas qui, sous le règne de Tonton, en fut une des premières illustrations pour le PS et qui dispense donc d'invoquer la foule des autres restés sur le devant de la scène. Je dois dire que cette image inattendue n'était pas très réjouissante ; j’ai eu quelque mal à reconnaître dans cette grosse dame la charmante Isabelle qui avait tant plu à François Mitterrand. Quoiqu’il eût l’âge d’être son grand père, sa promotion fulgurante fut quelque peu « canapé », à en croire la presse pipole ! Ayant eu la curiosité malsaine de consulter son curriculum vitae, j'ai pu voir que, comme bien d'autres, elle n'a jamais rien fait d'autre que du syndicalisme et de la politique. Ce n'est peut-être pas la meilleure voie pour une action politique réaliste et efficace.

Un simple résumé, emprunté à Wikipedia, mais très éclairant,  pour conclure cette conclusion ;
« Isabelle Thomas, née le 26 novembre 1961 au Blanc-Mesnil (Seine-et-Oise), est une femme politique française.
Elle fait des études de droit [ résultat des courses ?] à l'Université de Paris XIII Villetaneuse. En 1981, elle adhère à l’Union nationale des étudiants de France - Indépendante et démocratique (UNEF-ID) et, peu après, est élue au conseil de gestion de son UFR. En 1983,  elle adhère au Parti socialiste.
En 1986, Isabelle Thomas est vice-présidente de l'UNEF-ID ».

« Le mouvement de 1986 a été aussi l’occasion pour le Président de la République François Mitterrand de remarquer Isabelle Thomas. Dès l’année suivante, il la fait entrer au Conseil national du Parti socialiste, et l'intègre à son comité de campagne. Dès lors, elle doit renoncer à son poste au bureau national de l’UNEF-ID pour éviter la confusion de genres. Une fois la réélection du président assurée, il en fait sa chargée de mission pour les problèmes de la jeunesse ».

« Elle se présente aux élections législatives de 1988 en banlieue parisienne mais elle est battue. Elle est candidate lors des législatives de 2012 dans la 7e circonscription d'Ille-et-Vilaine, mais elle est battue de quelques centaines de voix au second tour ».
« Isabelle Thomas s’implante finalement en Bretagne, où elle est conseillère municipale de Saint-Malo et conseillère régionale. Dans ce dernier organe, elle fut présidente de la commission environnement et cadre de vie de 2004 à 2010. Elle est vice-présidente du conseil régional de Bretagne chargée de la mer et de la protection du littoral de 2010 à 2012 ».

«  Isabelle Thomas devient députée européenne en 2012 à la suite de la nomination de Stéphane Le Foll à la tête du ministère de l'agriculture. ». 

Et en plus, avec l’Europe, même pas besoin de se faire élire ! Trop beau !

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