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mardi 3 juin 2014

De la Catalogne à la Bretagne : le Monopoly régional

On ne peut qu'être frappé de la coïncidence entre l'abdication du Roi d'Espagne, qui amène à poser la question du choix éventuel entre la république et la monarchie et fait resurgir la question du fédéralisme, traditionnel en Espagne, et que ranime, périodiquement, la politique de l’UE qui voit, assez sottement dans le régionalisme un affaiblissement des Etats-nations et le débat (si on peut appeler cela un débat) sur le nouveau découpage de la France en régions qu’on précipite soudain, sans réflexion, pour faire oublier un peu les déculottées électorales successives du PS.
Il faut pourtant toujours, dans les cas difficiles, faire appel à des spécialistes compétents mais plus encore objectifs, ce qui n’est en rien le cas, loin de là !

Quand la Grèce, lors de son entrée dans la Communauté européenne, a eu besoin de truquer ses comptes publics pour donner à croire qu’elle était dans les clous européens, elle n’a pas chargé de cette opération des popes et des armateurs, même s’ils devaient être, dans la suite, les principaux bénéficiaires de ce changement. Elle a demandé, moyennant finance (coût : 600 millions d’euros !), à Goldman-Sachs de s'occuper de cette affaire. Les banquiers américains l’ont fait à la grande satisfaction des dirigeants de l’Europe (en particulier de ce cher Jacques Delors) qui, de toute façon, ne demandaient qu'à être trompés, dans des vues purement politiciennes, tout en étant parfaitement informés de la situation et de l’état réels de la Grèce.

Au moment d'élaborer soudain, en 48 heures, une carte des futures régions dont on ne sait même pas le nombre prévu réellement (11, 14, va savoir ?), la chose s’est discutée pour l’essentiel, semble-t-il, entre le Président de la République, le Premier Ministre, l'antépénultième des « ex » du premier, Madame Royal (Julie n’a pas été consultée, le scooter étant à la révision !) et quelques éléphants solfériniens et présidents de conseils régionaux ou généraux en sursis.

Tous ces gens-là sont naturellement bien placés pour prendre de telles décisions, à cela près qu’ils entendent surtout servir leurs propres intérêts et réaliser, au choix du lecteur, leurs perspectives ou leurs fantasmes, comme celles et ceux de leurs amis ou protégés! On aurait dû bien plutôt mettre en place une commission internationale d'experts, assurément pas du style des nôtres. En effet, tous sont du style des militaires ou des fonctionnaires en retraite qui font des piges en passant d'une station de radio à une chaîne de télé pour parler de tout et n'importe quoi. Tous, pour se faire quatre sous , ont ouvert des sociétés d'expertise bidon dans leur garage de banlieue, aussitôt  leur retraite acquise, encore que, vous le savez sans doute, nos généraux n'ont pas de retraite et continuent à percevoir leur solde entière de la fin de leurs jours, aucun ,hélas, n’étant mort à la guerre depuis des siècles.

Pour cette affaire, il aurait fallu choisir de préférence des Brésiliens ou des Russes pour que les propositions émanent de gens aussi éloignés que possible des pressions nationales qui se manifestent dans tous les sens, même si elles ne se fondaient que sur une connaissance, pourquoi pas uniquement livresque, de la situation de notre beau pays où, faut-il le rappeler, il y eut autrefois des provinces avant les régions. Sans avoir de près étudié la question ni même y avoir réfléchi, quand je vois qu'on envisage de réunir la Picardie et la Champagne ou l'Auvergne et Rhône-Alpes, je ne peux m'empêcher de me tapoter le menton.

Même sans le moindre examen, des faits exemplaires me sautent aux yeux.

Par exemple, le problème de la Bretagne. Dans le projet, cette région est réduite à la portion congrue ; on a pris soin de la séparer de toute sa partie orientale et continentale, en envisageant peut-être, sans le dire pour le moment, la construction d'un mur qui l’isolerait totalement. Cela réglerait le problème de l'écotaxe et permettrait aux Bretons de régler entre eux leurs problèmes, en particulier linguistiques que je me permets d'évoquer au souvenir des discussions infinies que j'ai entendues à propos du breton (je devrais dire des bretons car il y en a au moins trois) à l’époque où je siégeais (comme membre nommé je précise !) au Conseil national des universités (CNU) dans la section des langues régionales ! Je crois aussi me souvenir, suite à mes rares visites à Nantes, charmante ville au demeurant, que c'est là que se trouve pourtant le château des Ducs de Bretagne !

La prise en compte de ce choix amène d'ailleurs à considérer l’une des questions les plus débattues qui est celle de savoir ce qu'on fait des Pays de Loire dont on ne sait pas trop si on cherche à les annexer ou à s’en défaire ! L'hypothèse de les rapprocher de la Bretagne est écartée, semble-t-il, sous l'influence décisive de Ségolène Royal, alors que la plupart des grosses nuques socialistes seraient d'avis de les unir logiquement  avec la Bretagne ce que conteste, contre toute attente, le bretonnant Jean-Yves Le Driant. Ségolène, qui lorgne sur les Pays de la Loire pour son cher Poitou-Charentes, est du même avis, mais pour des raisons totalement différentes et veut donc au premier chef éviter que cette région ne rejoigne la Bretagne. On voit déjà sur quelles bases et pour quelles causes  s'opèrent de tels choix dans ce grotesque Monopoly régionaliste, dont les bénéfices (le but est en principe de faire des économies !) n’ont même pas été sérieusement évalués ( à la louche entre deux et vingt deux milliards !)
En réalité, la véritable leçon qu'il faut tirer est que, comme la plupart du temps,  personne ne veut réellement de cette réforme. Pas un seul politique qui prenne en compte, dans les propositions qu'il avance ou dans les décisions qu'il suggère, autre chose qu’un intérêt personnel et des perspectives qui sont propres à lui-même et/ou à sa mouvance.

C'est d'ailleurs là toute la différence entre la France et l’Espagne où existe un véritable régionalisme qui peut prendre des aspects extrêmes comme en Catalogne et au Pays Basque, mais qui s'accompagne de formes diverses de vraies régionalisations y compris sur le plan fiscal et économique. La chose est  démontrée par le fait que toutes les fois que le gouvernement central a besoin de l'appui des régions pour prendre des décisions, constitutionnelles par exemple, il est obligé de négocier leur accord par l'octroi de quelques avantages particuliers. Le jacobinisme français, fondamental et radical, pas forcément mauvais d’ailleurs s’il était mis en pratique de façon intelligente par exemple hors du principe absurde de la folle « compétence générale », avait déjà triomphé  de la prétendue décentralisation des années 1982-1983. Nul doute qu'il en sera de même cette fois puisque qu’alors que le vrai problème n’est en rien le nombre des régions, on n’a même pas réussi à savoir combien de nouvelles super régions seront substituées aux vingt-deux actuelles pas plus, de ce fait même, que la nature et donc le montant des économies qu’on voudrait faire !

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