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samedi 7 juin 2014

Le rapport UNEF sur l'université française

Je m’étonne (Est-ce l’effet soporifique ou euphorisant de l’approche du week-end de la Pentecôte ?) que Mediapart  n'ait même pas fait mention, sous une forme ou sous une autre, du compte rendu de l'enquête de l'UNEF qui a été rendu public le 4 juin 2014 et publié dans Le Monde le 5 juin.

Cette enquête est fort intéressante moins par sa méthode que par ses conclusions et certains de ses diagnostics ; elle a été conduite auprès de 10 700 étudiants sur leurs conditions de formation, mais on ne nous informe guère sur les modalités de sa conception et de sa mise en œuvre (ce qui est pourtant de règle dans l’enquête sociologique) ; 6500 réponses ont été obtenues sans qu'on sache exactement de quelle façon on a procédé tant au choix  des questions qu’à celui des sujets consultés. Ainsi, par exemple, une remarque méthodologique importante est-elle noyée, en passant, à mi-article alors qu’on l’attendrait au tout début: 

 « Le fait que l'enquête repose sur le volontariat, qui favorise toujours l'expression des mécontents, peut contribuer à noircir le tableau, mais notre propre appel à témoignages laisse aussi place à ce type de récriminations. ».

Décidément la formation universitaire de nos sociologues laisse en effet à désirer ! Faute de pouvoir reproduire l'intégralité de ce long et dense document, je n'en ferai que les citations que j'envisage de commenter.

« Pour William Martinet, le président de l'Union nationale des étudiants de France (UNEF), « étudier à l'université est trop souvent un parcours du combattant, surtout pour les jeunes issus des classes populaires ». Premier syndicat chez les étudiants [Un peu de pub ne saurait faire de mal !], l'UNEF a interrogé, début mai par courriel, 10 700 étudiants [de l’UNEF ?] sur leurs conditions de formation et a retenu 6 500 réponses pour qu'elles soient représentatives des différents cursus et universités. ».

L'UNEF, qui a désormais l'intention de rééditer cette enquête chaque année, a engagé ce questionnaire après avoir « senti un fort besoin d'expression au cours des nombreux forums du premier semestre », poursuit M. Martinet. Le constat est plutôt sévère. De l'encadrement à la pédagogie, de l'insertion professionnelle aux modalités d'évaluation, les étudiants ne sont pas satisfaits. Seuls les instituts universitaires de technologie (IUT) échappent à leurs critiques. »

Les IUT échappent, comme souvent, à la critique. Forcément ! La chose n'est pas pour étonner puisque l'on sait que les IUT jouissent d'une réputation flatteuse vu la faiblesse de leurs effectifs et, de ce fait, d'un meilleur encadrement et d'autre part surtout en raison des moyens abondants dont ils ont pu disposer grâce à la taxe professionnelle dont ne bénéficiaient pas, en revanche, la plupart des autres filières universitaires. On doit toutefois faire une remarque qui ne figure pas dans le rapport et qui est cependant essentielle, c'est que l'immense majorité des étudiants titulaires du DUT final demande à continuer dans les filières longues … ce qui est la négation même du principe de ces IUT qui sont censés être des filières courtes !

« Etudier à l'université est trop souvent un parcours du combattant surtout pour les jeunes issus des classes populaires ».

Remarque étonnante et qui demanderait à être revue puisque le baccalauréat étant le « premier grade de l'enseignement supérieur », les portes des universités sont, en principe, grandes ouvertes à tout titulaire de ce diplôme (désormais donné à plus de 90% des candidats !).

D'autre part, les études universitaires françaises sont pratiquement gratuites puisque les droits d'inscription sont quasi symboliques (moins de 200 €, en théorie du moins). Ce faible coût des droits d’inscription explique d'ailleurs la présence, dans nos établissements universitaires, d'un pourcentage très élevé d'étudiants-fantômes, étrangers en particulier, (ils s'inscrivent pour avoir une carte de séjour) ou français (inscrits pour la sécurité sociale et les diverses réductions ou avantages que donne la carte d'étudiant).

Sur ce point, je m’amuse de lire dans ce texte de l’UNEF : « Comment informer les étudiants des nombreux dispositifs d'aide existant au moment où ils en ont besoin ? », explique Carole Vouille, directrice du Service commun universitaire d'information et d'orientation. ». Il n’y a bien qu’une pauvre « directrice du Service commun universitaire d'information et d'orientation » pour ne pas savoir à quel point tous les étudiants connaissent à fond  toutes les filières, voire toutes les combines, donnant accès « aux dispositifs d’aide ». Leur connaissance sans failles de ce domaine m’a toujours laissé pantois !

Poursuivons : «  29 % des étudiants doivent s'inscrire dans une filière qu'ils ne souhaitent pas, » « 22 % de l'ensemble des étudiants sont orientés par défaut ».

Ce point est illustré par des exemples pittoresques que je ne résiste pas à la tentation de citer :
« Des histoires comme celle de Gaétan, il en existe beaucoup. Avec son bac professionnel, le lycéen s'est vu refuser toute place en BTS et a échoué en cinéma, à l'université de Lille. « Je suis très déçu par l'université, avec ses cours trop théoriques, parfois très éloignés du sujet… Je compte arrêter net », témoigne-t-il.
Le droit attire aussi à la sortie du lycée, car c'est une matière nouvelle. Mais il déçoit aussi beaucoup, à l'image de Madeleine. « J'ai choisi le droit à Montpellier pour le prestige, me voyant avocate, défendant la veuve et l'orphelin, mais les cours arides et théoriques m'ont rapidement découragée », raconte celle qui est repartie à zéro en se dirigeant vers une hypokhâgne ».
Un bac pro ne conduit pas nécessairement à une université littéraire et, a fortiori à une filière « cinéma » ; les khâgnes ne sont décidément plus ce qu’elles étaient (Où ? À Pampérigouste peut-être, si l’on y entre en étant rebutée par quelques semaines de droit. C’est vraiment tout ignorer du système et tomber,sans le savoir, de Charrybde en Scylla !
Sur le fonctionnement même de l'université en général et l’activité des enseignants , le constat est tout aussi sévère :
« Le constat est affligeant : Du personnel à la fois formateur, enseignant, secrétaire, conférencier et, enfin, responsable du plus important : le service après-vente. Obligé d'arranger des emplois du temps constamment pour pallier le manque d'effectifs [??? En général c’est plutôt le manque de locaux]. La qualité de la formation en pâtit, la motivation des élèves aussi. Dès lors, nous nous rendons compte que nous ne sommes que de simples pions », raconte Jonathan, qui s'est inscrit à Grenoble en master des métiers de l'enseignement ». 

Ces remarques sont un peu étranges, surtout de la part d'un étudiant de « master des métiers de l’enseignement » qui est presque au terme de sa formation et s'étonne de voir qu’un enseignant d’université, surtout dans un tel master, soit à la fois « formateur, enseignant et conférencier » en même temps ; pour ce qui est du secrétariat, le développement de l'informatique et son usage quotidien par chacun des enseignants, fait que les activités des secrétariats universitaires ont beaucoup changé. Un certain nombre de tâches qui leur étaient dévolues autrefois sont effectivement accomplies par les enseignants eux-mêmes. Quel enseignant dicte son courrier ou fait taper ses sujets d’examens ? Quant au « service après-vente », il pose effectivement un vrai problème dans bien des sections, mais assurément pas dans celle des métiers de l'enseignement, où la crise des vocations a conduit à la remise en état de filières de formation comme les ESPE, qui ne font que redécouvrir les IPES de la fin des années 50, alors créés dans le même contexte et aux mêmes fins !

Le commentaire complet de ce texte est assurément trop long pour cette forme brève qu'est le blog, d'autant que des points généraux sont aussi abordés dans la suite ; je continuerai donc demain ce qui laissera à quelques militants de Mediapart le temps et l’opportunité de m'administrer une volée de bois vert !

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