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jeudi 31 mars 2011

Haiti : Michel Martelly se proclame vainqueur

Vu l'urgence et l'importance de la nouvelle, j'espère que Frantz Duval, rédacteur en chef du Nouvelliste me pardonnera de reproduire ici, sans autre forme de procès, l'éditorial qu'il vient de publier dans son journal:

"Michel Martelly a annoncé vendredi matin sa victoire aux élections du 20 mars avec 69,74% des voix exprimées.

L'ancien chanteur s'est autoproclamé président élu de la République d'Haïti à partir d'une communication sur son compte twitter émise vers dix heures du matin [seize heures en France] vendredi quelques heures avant une conférence de presse de son équipe de campagne.

Sans opiner sur les statistiques avancées par Michel Martelly, Edmond Mulet, interrogé par Le Nouvelliste a appelé toutes les parties engagées dans le processus électoral à la patience. « Ce n'est qu'une attente de trois jours, les résultats officiels vont être proclamés. »
« Il ne faut pas tomber dans la précipitation, il faut attendre les résultats officiels, on peut tous patienter et attendre les résultats officiels du Conseil Electoral Provisoire", insiste Mulet.
Le représentant du Secrétaire général des Nations unies en Haïti se veut rassurant : « Ce qui se passe au Centre de tabulation des votes est un processus rigoureux et sérieux, attendons les résultats officiels ».

Dans sa communication sur Twitter Martelly a dit : « Vre rezilta eleksyon prezidansyel yo dapre pwose vebal yo, montre Martelly prezidan Ayiti ak 69,74%. An nou tann pou nou we sa KEP a ap di » (d'après les procès-verbaux, les vrais résultats de l'élection présidentielle montrent que Martelly est président avec 69,74% des voix. Nous attendons de voir ce que le Conseil Electoral Provisoire va publier).

Le message provient de son compte presidentmicky que le candidat alimente depuis le début de la campagne électorale sur ce réseau social.

Carel Pèdre, animateur de radio et gourou des réseaux sociaux en Haïti qui a l'habitude d'échanger avec Michel Martelly par ces médias a confirmé au Nouvelliste que « l'annonce est bien de Martelly » et que « le compte est opéré par le candidat lui-même » comme cela est de coutume sur le réseau social twitter.

Cette revendication de la victoire tombe deux jours après que le Conseil Electoral ait décidé du report au 4 avril de la proclamation des résultats préliminaires prévue pour le 31 mars et coïncide avec l'annonce le jeudi 31 mars que tous les procès-verbaux des votes pour la présidentielles ont été traités au centre de tabulation des votes.

C'est la première fois que l'un des deux candidats engagés dans la course pour la présidentielle se déclare vainqueur en avançant des pourcentages.

Les avocats et l'équipe de campagne du candidat de Repons Peyzan donnent une conférence de presse à une heure trente cet après-midi au Plaza Hotel au centre de Port-au-Prince"

mercredi 30 mars 2011

Haiti : Myrlande-Michel 0-0

Un simple communiqué du Conseil électoral provisoire (CEP), ce mardi 29 mars 2011, a, une fois de plus, reporté la publication des résultats « préliminaires » (et par là, une fois de plus, provisoires) de l’élection présidentielle : « Les dispositions qui se sont avérées nécessaires pour la fiabilité des résultats ont malheureusement affecté le rythme de travail du Centre de Tabulation, lequel n'est plus en mesure de produire son rapport à la date initialement prévue. [...]. Le Conseil Électoral Provisoire est donc amené à reporter au lundi 4 avril 2011 la publication des résultats préliminaires ».

On se souvient pourtant qu’après le 20 mars 2011, les observateurs nationaux et surtout internationaux (de l’ONU à l’UE en passant par le Canada et la France) étaient d'avis que le second tour de ce scrutin s'était déroulé dans des conditions bien meilleures que le premier, avec moins d'irrégularités et de potentialités de fraude.

Or voici qu’on avance le chiffre de 18 à 20% de mises en cause voire d’invalidations des suffrages. Selon le collectif des organisations d'observation électorale, près de 15 000 procès-verbaux sur environ 25 000 ( élections présidentielles et législatives) ont été mis en examen au Centre de tabulation, alors qu’à peine plus du tiers des procès-verbaux auraient été traités.

Comme souvent, une des meilleures analyses locales est celle que donne Frantz Duval, rédacteur en chef du Nouvelliste, dans un éditorial qu’il intitule avec humour « Coup d’étau ». En voici quelques extraits significatifs.

« Toutes les spéculations sont permises après la publication de cette note [celle que j’ai citée en commençant] qui tombe comme une douche froide. Ceux qui croient que le CEP est constitué d'une collection d'incapables estiment ce retard normal: ils ne peuvent pas remettre leur devoir à temps, ironisent-ils.Ceux qui pensent que le Conseil est aux ordres de la communauté internationale, du pouvoir sortant ou d'une coalition d'intérêts inavouables, avancent que le CEP a besoin de temps pour modifier les résultats dans le sens des diktats de ses tuteurs. Ce maquillage prend du temps.D'autres voient dans le renvoi une manoeuvre pour pousser à la faute l'un ou l'autre des candidats engagés dans la course. Les stratèges espèrent que la population chauffée à blanc par un candidat inquiet provoquera des troubles pour faire disqualifier celui qu'elle tentera d'imposer.Enfin, il y a une partie des observateurs qui pensent que tout va bien. Les résultats sont si massivement exprimés dans un sens ou si proches qu'il faut regarder à deux fois avant de les proclamer. La prudence et le souci de bien faire seraient les seuls guides du CEP.Toutes ces spéculations ont une seule source, l'étau d'acier trempé que le CEP a dressé autour du processus dont il a la charge et qui empêche les informations de circuler. [...]. Ce coup d'étau est-il les premières prémices d'un coup d'Etat comme les black-out précèdent les coups de force en Haïti ? Trop tôt pour le dire. »

Revenant sur l’absence d’observations au moment même du vote, Frantz Duval poursuit : « Le CNO et ses près de cinq mille observateurs, comme les autres observateurs en provenance de l'OEA, du Caricom, de l'Union Européenne et tutti quanti ont donc tous raté l'observation de la journée du vote, le dimanche 20 mars ?Tous ces observateurs qui engloutissent des millions ont-ils mal fait leur travail, lundi et mardi dernier, pendant le transport des procès-verbaux ? Le niveau élevé de fraudes et d'irrégularités de diverses natures décelées lors de la tabulation des votes ce mardi 29 mars par le CEP, a-t-il échappé à leurs radars ? Que vont-ils nous annoncer encore qu'ils n'avaient pas vu ces acteurs du processus électoral ?Vous avez bien lu acteurs. C'est bien le mot qui convient dans cette affaire ».

Quant aux équipes et aux partisans des deux candidats, selon la loi du genre, ils se montrent à la fois optimistes et déjà soupçonneux.

Du côté de Mirlande Manigat, le CTV doit « prendre le temps de bien faire son travail ». Du côté de Michel Martelly, on pense que le CEP est une boîte noire [au sens anthropologique du terme, c’est-à-dire un lieu à l’abri des observations, où l’on voit ce qui entre et ce qui sort sans savoir ce qui s’y passe] et on a du mal à comprendre les mobiles réels de tels retards. « Le CEP est une boîte noire. Il ne travaille pas pour son compte personnel, mais il travaille pour nous et avec nous. Quand il prend les décisions, il devrait avoir la décence de nous contacter pour nous mettre au courant des changements », a déclaré Fritz Jean-Louis, membre de « Repons Peyizan » et qui croit fermement en la victoire finale de « Tèt kale ».

Le responsable de la « l’Initiative de la Société civile », l’ancien ministre de l’éducation nationale, Rosny Desroches observe, avec raison, sans prendre parti : « Il est à craindre, que le secret d'Etat ne devienne raison d'Etat et que, pour raison d'Etat, on décide de qui va remporter les présidentielles ». R. Desroches, dans le même esprit, avait déjà critiqué la décision du CEP d'interdire aux médias, sous peine de poursuites, de publier les résultats partiels affichés.

Secret d’Etat (ou d’étau !) et coup d’Etat ? Espérons ne pas voir se reproduire, une fois de plus, des événements si présents dans l’histoire d’Haïti !

Dernière minute : « Quatorze pour cent des procès-verbaux constatant les résultats du deuxième tour des élections législatives et présidentielle en Haïti du 20 mars sont frauduleux, a annoncé mercredi le Conseil électoral provisoire.

Concernant le seul scrutin présidentiel, quelque 1.518 procès-verbaux envoyés par les différents centres de vote ont été "jugés visiblement frauduleux" et mis à l'écart, en attendant une décision du tribunal électoral à leur sujet, a indiqué un responsable du CEP, Widmack Matador, lors d'une conférence de presse à Port-au-Prince.

Interrogé pour savoir si le taux de fraude pouvait remettre en question le 2e tour des élections, il n'a pas répondu. ». Le nouvelliste, 30 mars 2011.

mardi 29 mars 2011

Libye. Lubie. Alibi. N°4.

Avec la conférence de Londres qui s'est ouverte aujourd'hui, mardi 29 mars 2011, en début d'après-midi, on pouvait espérer voir les choses se clarifier un peu et surtout l'information gagner en cohérence et en fiabilité.

Il n'en est rien ; au poker diplomatique menteur, à la guerre psychologique fondée sur les rumeurs et les fausses nouvelles volontaires, aux reportages de terrain que les envoyés spéciaux, prudents, font à 50 km du théâtre des opérations (c’est mieux qu’au Japon où ils se tiennent à 200 km de Fukushima) s'ajoutent désormais les présentations nationales fallacieuses qui visent, pour toutes sortes de raisons, à favoriser les points de vue des uns ou des autres.

Ainsi sur Europe 1, ce matin, a-t-on pu entendre Pascal Boniface, spécialiste de géopolitique et de football, tenir des propos un peu insolites comme « Ce qui est important, c'est de montrer qu'il y a une option politique [sic] et qu'il y a une vaste coalition [resic] qui soutient un projet global, que ça n'est pas une guerre occidentale contre un pays arabe [re-re-sic] ». Comment a-t-il pu échapper à P. Boniface que, dans un choc fratricide entre équipes musulmanes, la Lybie vient de battre les Comores 3-0, dans le cadre de la Coupe d’Afrique des Nations, au cours d’un match délocalisé au Mali. On apprend que le nom de Kadhafi a été scandé avec enthousiasme dans les tribunes par le public malien ! On espère qu’avec « l’exclusion aérienne », les footballeurs libyens n’ont pas dû faire à pied le trajet Tripoli-Bamako !

Pour laisser ce sujet sérieux , on se demande comment peuvent s'accorder Obama qui, aux Etats-Unis, dans une déclaration télévisée, déclarait hier que « Les Etats-Unis ne peuvent pas se permettre de refaire les erreurs de la guerre d’Irak en essayant de renverser militairement le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi » et Hillary Clinton qui, à Londres, s'entretient avec l'émissaire de la rébellion Mahmoud Jibril. Il est à craindre qu’elle ne lui tienne des propos un peu différents de ceux de son président ; on voit en cela la grande sagesse d’Obama qui l’a envoyée à sa place à Londres.

Comment peut-on raisonnablement discuter à Londres du départ de Kadhafi et du sort de la Lybie ou faire croire qu'on en discute ou en discuter en feignant de parler d'autre chose, alors que la résolution 1973 de l'ONU, leur bible à tous, n'évoquait en rien ce problème? Le porte-parole du gouvernement français François Baroin est bien le seul à juger qu’on « ne s'éloigne en aucune façon de la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies".

Si vous voulez, sinon comprendre quelque chose à tout cela, du moins être un peu objectivement informé, ne comptez pas sur la presse française, une fois de plus aux ordres du pouvoir, même quand ce dernier ne lui demande rien. Mieux vaut donc, ce qui est facile grâce à Internet, aller lire le Devoir de Montréal, le Washington Post ou , plus près de nous, la Tribune de Genève.

La révolution libyenne avait pris, nous disait-on il y a quelques jours, la ville de Syrte, patrie et bastion de Khadafi, mais voilà qu'hier on nous montre des images et on nous fait des récits de la tournée dans Syrte organisée par le pouvoir de Tripoli pour la presse étrangère. Il y a quelques jours, on avait fait grand cas aussi de la mort du plus redouté des fils du colonel, Khamis, chef du groupe le plus féroce de la garde du Colonel ; on le prétendait tué par l'une de nos frappes aériennes. Or Khamis est apparu en public lundi soir, à la télévision nationale libyenne, filmé à Bab el-Aziziya à Tripoli, « en direct, en live et en uniforme ».

On se demande comment cette télévision libyenne, cible première et facile, peut continuer à fonctionner, comme si de rien n'était, après les frappes aériennes dont on ne cesse de louer la précision et l’efficacité.

La coalition gagnerait en cohérence et en étendue, nous dit-on, du côté français surtout, mais force est de constater que, seuls des 190 Etats du monde, la France et le Qatar ont, à ce jour, reconnu le Conseil révolutionnaire. On sait naturellement que, dans les conflits, ce qui se trame en coulisses est souvent plus important que ce qui est montré sur le devant de la scène et on ne peut que constater la singulière convergence, dont nul ne parle, entre les propositions qui semblent s'être fait jour durant le week-end à Addis-Abeba au sein de l'Union Africaine et les perspectives qui paraissent s’ouvrir dans le cadre de la conférence de Londres où se trouve précisément aussi, par le plus grand hasard, le président de la commission de l'Union Africaine.

Tout cela n'est toutefois pas non plus sans rapport avec ce qui se passe en Libye même et l'offensive manifestement lancée à nouveau par Kadhafi n'a probablement pas d'autre but que de renforcer sa position dans les négociations qui ont lieu en ce moment.

Dernière minute. Les espoirs évoqués ci-dessus reculent. Les "révolutionnaires libyens", quoique invités et présents à Londres, n'ont pas pris part aux séances et l'Union Africaine, invitée et présente, n'a pas été intégrée au "groupe de contact" mis en place en cette occasion. Tout cela n'a guère de cohérence et reflète, en fait, les désccords de fond entre les principaux protagonistes. On le savait déjà!

lundi 28 mars 2011

Libye. Lubie. Alibi (N° 3). « Enfin plus seuls... »

Au moment où j'écris ce texte, et c'est d'ailleurs cette nouvelle qui m'a poussé à l’écrire car je n’avais pas prévu de le faire en ces termes, ce lundi 28 mars à 12:07, j’apprends qu’enfin nous ne sommes plus seuls.

« Que veux-je dire par là ? » vous impatientez-vous déjà, fougueuse lectrice et impétueux lecteur !

Vous ne savez donc pas ? Je me sens donc enfin utile à mon pays. Le Qatar est, en effet, selon Al-Jazira, le deuxième Etat du monde, après la France (observez que je n'ose pas dire le second car cela tendrait à insinuer qu'il n'y aura pas de troisième) à reconnaître le « Conseil national de transition » qui est l'organe de direction de la rébellion libyenne contre le colonel Kadhafi.

Si nous ne sommes plus seuls depuis une vingtaine de minutes puisque le Qatar nous a rejoints pour reconnaître, avec nous, le Conseil national de transition, en revanche cette information majeure faisait immédiatement suite à une autre qui témoignait d’un point de vue très différent.

A 11 heures 30, on a en effet appris, de la bouche même du ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, dans une conférence de presse, que la Russie contestait la légitimité de l'intervention en Libye et que cet Etat jugeait cette action non conforme au mandat du Conseil de sécurité de l'ONU.

Si vous voulez, sur la situation en Libye et dans le monde, des informations autres que celles des ministères français, ne comptez pas sur nos médias pour vous en donner. Une rapide recherche dans Google, ce matin, m'a montré que les seules informations sur les activités diplomatiques essentielles qui se tiennent à Addis-Abeba depuis le vendredi 25 mars 2007 se trouvent, en tout et pour tout, dans deux dépêches de l'AFP du 25 mars et dans de brèves notes du journal électronique du Nouvel Observateur.

Le Figaro en a parlé que de façon très indirecte, le 24 mars et essentiellement de façon assez curieuse à l'occasion d'une conférence faite à l'École normale supérieure, sans doute à l'occasion de la Journée de la francophonie organisée en ce lieu par le cercle francophone de l'ENS. Cette conférence a été donnée par Jean Ping, un diplomate gabonais qui est depuis 2008 à la tête de la Commision de l'Union Africaine. Il était sans doute de passage à Paris, précisément en partance pour Addis-Abeba où le vendredi 25 mars s'ouvrait la conférence en cause.

En termes mesurés mais clairs, il a dénoncé « l'intervention militaire extérieure en Libye » et évoqué les travaux qui devaient s'ouvrir à Addis-Abeba, tout en marquant son scepticisme à l'égard de la suite des opérations militaires consécutives à la mise en place de la zone d'exclusion aérienne. « On se dispute, on se querelle entre membres de la coalition » a-t-il affirmé, non sans bon sens. Il a, par ailleurs, déploré que les Africains n'aient pas été suffisamment consultés par la coalition et aient été absents lors du sommet international de Paris convoqué par Nicolas Sarkozy, juste avant le déclenchement des frappes.

Il est très curieux que la presse française soit manifestement si peu intéressée par la réunion de l’Union africaine et qu’elle fasse le silence à son propos, alors que au-delà même des membres de l'Union africaine s'y trouvent réunis, outre cinq membres du gouvernement libyen (le Conseil national de transition invité n'est pas venu), des représentants de la Ligue arabe, de l’Organisation de la conférence islamique (OCI), de l’ONU et même peut-être aujourd'hui de l'Union européenne.

Je vous conseille donc, si vous voulez des informations sur tout cela, de vous adresser aux médias électroniques non français et en particulier africains ou algériens, dans la mesure où l'Algérie a été une participante très active à la réunion d'Addis-Abeba.

Un autre problème tout différent consiste dans la validité de l’information sur ce qui se passe effectivement en Libye.

On ne peut être qu’étonné en constatant que, semble-t-il, la télévision libyenne continue à fonctionner, alors que ses installations auraient dû constituer l'une des premières cibles des frappes de la coalition, puisqu'elle est l'outil d'information majeur dans ce pays et qu'elle est totalement aux mains du colonel Kadhafi.

La situation militaire n’est pas des plus claires. Ainsi, hier, les autorités libyennes de Tripoli ont pu organiser et faire filmer à Syrte, qu'on disait, la veille, aux mains de la rébellion, une visite guidée officielle où ont été invités des journalistes non libyens, dont en particulier un correspondant de l'agence Reuters. Il n’a constaté à Syrte aucun signe de combat et la visite s'est déroulée en présence de policiers et de militaires qui étaient toujours présents sur place.

L’information est désormais une arme plus puissante et plus efficace que les autres. On le sait depuis Timisoara où quelques images, d’ailleurs fabriquées à cette fin, ont suffi à renverser Ceaucescu !

Dernière minute : reçu un courriel anonyme d'un certain Mouamar K. : "Cher Usbek, Puis-je reprendre ton titre du jour car moi aussi "enfin je ne suis plus seul!". Dieudonné vient d'arriver à Tripoli. Dieu (donné) seul sait comment il est venu avec cette foutue zone d'exclusion aérienne! Il a dû passer dans le noir ! Il va me distraire un peu avec ses histoires juives! Mouamar K."

dimanche 27 mars 2011

Libye. Lubie. Alibi. (suite et sans doute pas fin !)



Silence assourdissant dans les médias français sur la réunion qui se poursuit à Addis-Abeba sous la direction de l’Union africaine (voir hier le premier post sur le sujet), en présence d’une importante délégation libyenne du plus haut niveau. Les « révolutionnaires », eux, ont jugé sage ou prudent de ne pas venir en dépit des invitations qui leur ont été adressées. En France, il faut aller sur BFM pour entendre une vague allusion à cette réunion qui a commencé vendredi 25 mars au matin, s’est poursuivie depuis et continuera demain.

Dans nos médias, il n’est bruit que de la querelle infantile entre, d’une part, une « coalition », dont le nom se justifie de moins en moins (la Norvège, dont la participation était un symbole fort, a retiré ses six avions et les Etats-Unis se livrent à un pas de deux, dont on peut craindre qu’il laisse bientôt seules la France – qui s’accroche désespérement à l’opération- et la Grande Bretagne) d'une part et l’OTAN d’autre part.

Cette affaire permet surtout de régler avec la France quelques comptes dont le rapport avec la Libye est des plus lointains et incertains.

La Turquie n’a pas manqué, pour faire payer à la France son attitude sur l’adhésion turque à l’Union européenne, de faire estimer par son Premier Ministre que le transfert à l’OTAN du commandement des opérations militaires internationales en Libye, qui mettra la France « hors-circuit » (selon ses termes) est un développement « positif » (toujours en turc dans le texte).

Même les Anglais s’y mettent et William Hague, contre l’avis français, estime prochaine l’attribution à l’OTAN de l’ensemble du commandement complet des opérations militaires internationales en Libye.

La chose convient tout à fait à Obama (« We can ! ») car il pourra, du sein même de l’OTAN, tirer discrètement toutes les ficelles qu’il veut ; en revanche, « the man in the street », la droite de son propre camp, les Républicains et le « Tea Party » ne seront plus fondés à lui reprocher de ne pas se limiter à la bonne vieille politique de Monroe !

Que fait donc Bernard Henry Levy ! La France est en train de se faire doubler sur toute la ligne, y compris par l’Union Européenne elle-même puisque celle-ci, qui est en contact avec l’Union Africaine, dont l’action peut offir une chance de sortir, sans trop de ridicule, du guêpier libyen, pourrait même aider financièrement celle-ci, dont Kadhafi a toujours été le principal bailleur de fonds. Ici l’UA ne peut pas trop le solliciter pour une action qui conduira sans doute, à terme, à le mettre sur la touche.

Samedi 26 mars 2011, mais vous ne l’avez pas entendu sur TF1 ou France 2, des sources européennes anonymes laissaient entendre que l’UE pourrait ouvrir sa bourse à hauteur d’un quart de million d’euros qui manque à l’UA, mais surtout prendre directement part, lundi 28 mars, aux discussions concernant la fin des hostilités et la mise en place d’une période qu’on dit pudiquement de « transition », on ne sait pas trop vers quoi.

Il faut d’urgence prévenir les Italiens et les Allemands, qui préparent pour mardi 29 mars, une réunion à Londres sur un thème identique et qui ne sont au courant de rien, à moins qu’ils ne veuillent sauver la face et feindre ensuite la surprise : « Vouz-ici ! Je vous croyais zozo ! ».

Aux dernières nouvelles, Berlusconi, qui, comme on a pu le voir sur la photo ci-dessus, était allé en repérage en Libye, serait prêt à accueillir Kadhafi... à condition toutefois qu'il vienne en Sardaigne avec ses amazones et en uniformes. Vous pouvez aller juger sur pièces et sur photo ici même dans un blog précédent et illustré "Kadhafi raconté aux petits enfants".

vendredi 25 mars 2011

Libye. Lubie. Alibi

Le subit engagement de la France, le 11 mars 2011, en faveur de la « révolution » libyenne a eu toutes les allures d’une lubie et se veut par ailleurs un alibi, ce qui confirme, que, comme le disait Mallarmé, il faut « laisser l’initiative aux mots ». Libye, lubie, alibi...

Libye. Lubie ?
Le 11 mars 2011, le soudain choix présidentiel, sans la moindre concertation avec l’Europe, en faveur de la « révolution » libyenne était inattendu, ce qui est le propre, banal, de toute lubie. Le mouvement politique en cause, est d’ailleurs plus celui de la Cyrénaïque que de la Libye dans son ensemble, puisque cet Etat regroupe, en fait, dans un agrégat colonial classique, la Tripolitaine, la Cyrénaïque et le Fezzan, ce qu’on tend un peu trop à oublier.

Inspirée ou non par Bernard-Henri Levy, comme certains l’ont laissé entendre, cette option soudaine n’a pas manqué de surprendre et d’étonner, et sans doute au premier chef, le ministre des affaires étrangères. Souvenons-nous qu’Emile Littré que son épouse, rentrée inopinément, venait de trouver au lit avec la bonne et qui lui disait combien elle était surprise, lui fit observer du fond de la couche adultère, non sans bon sens et sang-froid : « Non, Madame, vous êtes étonnée ; c’est nous qui sommes surpris ! ».

Sans être étonné sans doute, Alain Juppé a dû néanmoins être surpris par la soudaineté et l’étrangeté de la décision présidentielle ; lui-même, trois jours avant, dans une revue officielle de la situation politique globale, s’il évoquait l’Afghanistan, la Côte d’Ivoire et quelques autres lieux « chauds » du monde, n’avait pas eu un mot sur la Libye. Il lui a donc fallu, au plus vite, ravaler son amertume pour préparer son vol et son discours pour New-York !

Ah Libye ! Alibi !
A la veille de cantonales difficiles et au lendemain de deux insuccès majeurs et voisins en Tunisie et en Egypte, il fallait bien tenter de reprendre un peu la main par un coup d’éclat. Tout cela a dû être déjà dit cent fois partout et je ne vois guère l’intérêt d’y revenir, sinon que l’affaire prend un tour pire encore que tout ce que l’on pouvait imaginer, vu que la hâte de se retirer succède chez Obama à l’enthousisasme plus que mesuré du début. Les Chinois et les Russes, dont l’abstention initiale, un peu inattendue, résultait, sait-on désormais, de divergences internes, ont , dès le jour des premières frappes, manifesté leur désapprobation, suivis en cela par les Allemands ! La discussion finale à Bruxelles sur les rôles respectifs de la « coalition » et de l’OTAN est une tentative pitoyable de la France pour sauver des apparences depuis longtemps évanouies. Tout cela n’interesse personne sauf Kadhafi qui, dans son bunker et devant la télé, à dû se faire attacher sur sa chaise pour éviter d’en tomber ...mort de rire !

Devant l’évidence du fiasco (il suffir de voir les troupes de cette révolution d’opérette !) et l’indifférence, narquoise ou ironique, des mondes arabe et africain, dont les dictateurs ne sont pas assez fous pour aider à scier la branche sur laquelle ils sont, pour la plupart, assis, on va pousser en avant les diplomates après l’échec patent des militaires !

Très bon moment de rigolade télévisuelle sur le sujet dans « C dans l’air » chez Calvi, jeudi 24 mars 2011. Allez voir ça en podcast ça vaut le détour. La vedette était un diplomate Nassif Hitti, ambassadeur de la Ligue arabe, qui s’opposa fermement à Frédéric Pons qui avait le mauvais goût de souligner l’absence des Etats africains et arabes dans la coalition contre la Libye. Il n’en a rien été, selon le Monsieur de Norpois arabe, et d’ailleurs, il a rappelé que, durant l’interview du représentant de la Ligue arabe, ce dernier, à plusieurs reprises, avait froncé le sourcil gauche en signe de violent désaccord intérieur (attention, Votre Excellence, pas de procès, je blague !).

Plus sérieusement, à huis-clos ce vendredi 25 mars 2011, à la réunion de l’Union Africaine, à Addis-Abeba (où les "révolutionnaires libyens", pas fous, ont préféré ne pas venir) des négociations de sortie de crise se sont engagées avec une importante délégation gouvernementale libyenne, conduite par Mohamed Abou el-Kassim Zouaï, accompagné de quatre ministres. On y a confirmé l'opposition à "l'intervention militaire extérieure"! Et pendant ce temps, les modernes Godefroi de Bouillon se disputent sur le commandement d’une action qu’on va sans doute les prier gentiment sous peu d’interrompre, même si nos médias ignorent superbement la réunion africaine d'Addis-Abeba au profit de celles, européennes, de Bruxelles (passée) et de Londres (à venir) !

PS : Pour information rappelons que La Libye est l'un des principaux bailleurs de fonds de l'Union africaine qui a été créée dans son principe en 1999 par la "déclaration de Syrte", ville natale de Kadhafi. L'Union africaine, dans l'article quatrième de sa charte, interdit les coups d'État au sein des gouvernements de ses Etats membres. Suis-je assez clair?

Football et politique

Je sens que, si j'aborde encore dans mon post d'aujourd'hui un sujet sérieux du type de ceux que j'ai traités dans les jours qui ont précédé, je vais sombrer dans la plus totale déprime. Essayons donc de distinguer, ici ou là, quelque coin de ciel bleu dans le sinistre horizon qui s'offre à nous.

Contre toute attente les seuls discours qui m'ont amusé un peu dans les derniers jours sont ceux ... (Je vous le donne en dix et même en cent)...des footballeurs Ils ne sont pourtant pas très causants, en général, les joueur de foot (sauf l’ineffable Luis Fernandez dans son « Luis attaque » !), mais là, à la veille d'une rencontre capitale pour notre pays et à l'occasion du retour dans la sélection nationale de deux de ses figures emblématiques, ils ont eu, légitimement et abondamment, les honneurs de la radio comme de la télévision ; leurs propos ont été si indéfiniment répétés que je n'ai pas beaucoup de mérite à m'en souvenir, même en ne leur ayant apporté que peu d’attention.

Pour les lecteurs qui ne sont peut-être pas tous au courant de l'actualité sportive nationale, la France rencontre ce soir en football un adversaire de taille. Ce n'est pas l'Espagne, ce n’est pas le Brésil, ce n’est pas l’Argentine, mais... le Luxembourg dont la dernière vitoire sur la France remonte à 1914 ! Il n'empêche que nos spécialistes ont créé, dans les médias, un climat d'angoisse insupportable, le thème japonais commençant à dater. C’est logique car, sur le plan sportif comme sur le plan bancaire, ce petit État a des ressources insoupçonnées ! En outre, comme le dit Laurent Blanc, l’intello du foot français puisqu’il porte lunettes, sur le terrain, on doit craindre « les embouteillages » (sic et authentique), à croire qu’au Luxembourg, la taille des terrains de football est proportionnelle à la surface du Grand Duché. C'est pourquoi, en dernier ressort, nous avons dû faire appel à deux de nos vedettes que de regrettables incidents avaient, jusqu'à présent, écartées de l'équipe de France.

Le premier est Patrice Evra. Naturellement, comme la plupart des joueurs français qui savent à peu près taper dans un ballon, il joue à l'étranger. En ce qui le concerne, il joue en Angleterre, à Manchester United pour être plus précis. Comme joueur Patrice Evra est un robuste et honnête tâcheron, défenseur sur le côté gauche si je me souviens bien, dont le talent le plus clair est de faire des croche-pieds aux attaquants adverses qu'il n'a pas réussi auparavant à pousser en touche ou à accrocher par le maillot. Son vrai talent est ailleurs, car il y a la un orateur qui s'ignore et dont le maniement de la langue française peut susciter plus d'étonnement que ses pratiques footballistiques.

Un seul exemple car je ne suis que d’assez loin les discours de Patrice Evra. Durant un stage de l'équipe de France tenu « à la neige », avant je ne sais quelle compétition, Evra, « porte-parole » de l’équipe, avait expliqué qu'ils étaient allés en forêt, dans la neige, « faire de la raclette ». Après tout, peu familier de ces réalités alpestres, peut-être Evra s'était-il muni d’un réchaud à alcool et de fromage plutôt que de raquettes, ayant pensé qu’il s’agissait d’un pique-nique. La chose a, en tout cas, alimenté tous les zappings !

Evra est toutefois infiniment moins pittoresque que son rival médiatique actuel, Franck Ribery. Celui-ci se caractérise surtout par une physionomie quelque peu frankensteinnienne, due à un accident de voiture survenu dans sa jeunesse et au cours duquel il est passé à travers un pare-brise. Cette triste circonstance ne l'a pas empêché toutefois de réussir dans la vie et de séduire d’opulentes mineures en émargeant au Bayern de Munich pour 400 ou 500.000 € par mois. Il peut ainsi s'offrir de coûteuses fantaisies érotiques dont la presse s'est abondamment fait l'écho et que je vous épargnerai donc ici.

Si cet accident de son enfance lui a laissé des cicatrices, il l’a apparemment privé aussi de quelques neurones car les prestations verbales de ce joueur sont des plus curieuses. Par chance ou par malheur, il a renoncé à sa résolution de ne plus s’exprimer qu’en allemand dans les médias, pour punir la France de ses mauvaises manières à son endroit ! Quoiqu’il soit revenu au français, on avait sans doute mis à son retour en équipe de France quelques conditions autres conditions dont l’une était sans doute qu'il vienne s'expliquer et présenter des excuses. Par prudence, on avait eu soin, à cette fin, de lui rédiger un texte qu'il a péniblement ânonné devant micros et caméras, en témoignant de la façon la plus claire le peu d'adhésion qu'il apportait à ce qu'on lui faisait dire. Les improvisations vaseuses qu'il a cru bon d'ajouter au texte ont assez largement démenti le message délivré. On espère qu’il sera meilleur devant les terribles Luxembourgeois.

Il nous reste fort heureusement les politiques et le sujet du jour est constitué par des analyses psycho-lexicographiques du mot « croisade » qui est au centre des débats pour avoir été récemment employé, d'une façon que d'aucuns jugent inopportune, par notre ministre de l'intérieur que le professeur Bayrou n’a pas manqué d’admonester pour son ignorance de l’histoire. La défense présentée par notre Premier Ministre, alléguant que le français « a évolué depuis le douzième siècle », est un peu discutable (je suis prudent dans l’espoir d’éviter la diffamation !), tant sur le plan de l’histoire elle-même (les neuf croisades ont duré deux siècles, du XIe au XIIe) que sur celui de la lexicologie (car si l’on peut aujourd’hui parler, par exemple, d’une « croisade » en faveur de l’éducation minimale des footballeurs, quand on voit s’opposer l’Occident chrétien à un Sud musulman, même s’il n’est plus sarrazin, le mot « croisade » voit, inévitablement converger sa dénotation avec cette connotation. Mais voilà que je fais le cuistre au lieu de voler au secours du pouvoir, ce qui, pour moi, est la prudence la plus élémentaire dans notre beau pays.

Je crois que Monsieur Fillon aurait pu alléguer, pour défendre son ministre, qu’on lui fait un mauvais procès. En effet, me semble-t-il, le premier à employer le mot « croisades » a été le Premier Ministre de la Russie, V. Poutine. Il a d'ailleurs eu, sur cette affaire, un léger différend avec son Président, prédécesseur et futur successeur Medvedev, puisque ces deux hommes politiques russes semblent s'être engagés dans un amusant jeu d’échange de séné et de rhubarbe fonctionnels. Comme ce blog à, en Russie, un inattendu potentiel de lecteurs (pas moins de 11 hier, grâce, je pense, à Expat) et que je sais que quelques-uns d'entre eux sont de parfaits connaisseurs de la langue russe, il faudrait savoir comment on dit « croisade » en russe et les sens exacts de ce terme. Cela permettrait peut-être à nos ministres de trouver une sortie honorable à ce que certains regardent comme une erreur de langage, sans être contraint d’avoir recours comme eux, en dernière analyse, au Petit Larousse qui peut sembler une référence linguistique un peu légère. Je les invite donc à faire, ce que je ne ferai pas ici faute de temps, c’est-à-dire à consulter mon cher Trésor de la langue française (dans sa version électronique si commode) où ils pourront trouver une information sinon plus sûre ou du moins plus étendue. Quelle qu'elle soit, il me semble que, dans le contexte actuel, les références à Godefroi de Bouillon et Saint Louis risquent de s'imposer, même si l’on peut plaider l'innocence ministérielle en la matière.

jeudi 24 mars 2011

Haïti : Second tour. « Il fallait un calculateur. Ce fut un danseur qui l'obtint ».

Beaumarchais est décidément d’actualité. J’ai failli mettre mon post d’hier sur notre belle démocratie française, gardienne si scrupuleuse et si vigilante de la liberté d’expression, sous le signe de la fameuse formule de Figaro dans son monologue : « Pourvu que je ne parle en mes écrits ni de l'autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l'Opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l'inspection de deux ou trois censeurs. ». En dépit de la pertinence accrue de cette jolie formule, je me suis toujours détourné de la citer pour la voir citée, contre toute attente, en tête d’un journal qui porte, de façon incongrue désormais, le nom même du barbier de Séville !

« Il fallait un calculateur, ce fut un danseur qui l’obtint » lit-on aussi dans le Mariage de Figaro. S'il est sûr qu'en Haïti ce n'est pas un danseur qui obtiendra la présidence de la République, il y a quelques chances, de plus en plus selon les rumeurs, que ce soit un chanteur.

Jean Wyclef, chanteur hip-hop haïtiano-américain, qui n'avait pas pu se porter candidat à l'occasion du premier tour de l'élection présidentielle, est revenu sur le devant de la scène à l'occasion du second. Non plus comme candidat mais supporter de Michael Martelly puis désormais comme victime, puisqu’il aurait été blessé par balle(s), samedi 19 mars 2011 au soir, la veille même du vote. Rassurez-vous, il ne s'agit que d'une éraflure à la main, « consécutive à un tir » comme il le précise lui-même, même si les faits ne sont pas très exactement établis selon la police. La blessure, d’après les premiers constats, résulterait plutôt d'une coupure par du verre. Si l'on ajoute que la voiture du chanteur est blindée et qu'aucun des autres occupants n'a été blessé, on voit que les faits sont des plus incertains ; on ne dispose ni de témoignages ni d’indices matériels (pas douilles ni d’impacts sur le véhicule). On n'en saura sans doute pas davantage sur cet incident que l'on pourrait porter au compte de la tension politique dans la mesure où le chanteur s'était déclaré un très ferme soutien de Michel Martelly. Il a en tout cas quitté Haïti dès le lendemain du vote, le 21 mars 2011.

L'opération électorale est certes d'importance puisqu'on ne compte pas moins de 11.186 bureaux de vote pour 4,7 millions d’électeurs dans un pays où les communications de toutes natures ne sont pas faciles. Les choses sont d'autant plus compliquées que l'élection présidentielle se double d'élections législatives (députés et sénateurs). Leur caractère régional fait que les candidats s'y affrontent de façon relativement différente et souvent avec plus de violence. En effet, si les deux candidats à la présidence Mirlande Manigat et Michel Martelly, débattent surtout par communiqués et déclarations, en partie désormais relayés par les « réseaux sociaux » (Facebook et Twitter), les partisans des candidats à la députation ou au Sénat usent le plus souvent, dans leurs différends, de moyens plus traditionnels et plus rustiques qui vont des galets aux machettes en passant parfois par les fusils.

Dans de telles conditions de tensions où les rumeurs vont bon train, on comprend que différer au 30 mars 2011, au minimum, et peut-être même au 16 avril, la proclamation des résultats définitifs augmente considérablement les risques de violences qui, pour le moment, se sont limitées à deux ou trois morts et à quelques incidents ou rixes dans les bureaux de vote.

La modernisation des techniques de comptage et d'enregistrement (scanners, ordinateurs, etc.) et l’établissements d'un « manuel de procédure » ne sont pas des garanties absolues de la sécurité et de la régularité des opérations électorales. On a pu lire dans le Nouvelliste (la meilleure source d'information sur les réalités haïtiennes) des récits pittoresques sur les dépouillements du dimanche 20 mars au soir, à Port-au-Prince même et non pas dans les mornes ! Les caprices de l'alimentation en électricité dans les bureaux de vote (quand il y en avait), ont fait que, tour à tour et selon les lieux, on a dépouillé à la lumière électrique, dans le noir ou à la bougie, ce qui ne facilitait sans doute pas le bon déroulement de ce genre d'activité ; ces incidents ont, en effet, entraîné, en outre, le ralentissement des procédures et, par conséquent, le départ d'un certain nombre de scrutateurs ou d'observateurs pressés d'aller se coucher !

On doit rappeler aussi que le déroulement même du premier tour n'a guère contribué à créer un climat de confiance. Alors que les premiers résultats (fin novembre 2010) avaient donné comme vainqueurs Mirlande Manigat (avec en gros 10 % d'avance) et Célestin Jude, ces résultats ont été, dans la suite, invalidés. Les nouveaux comptages, dont les détails demeurent obscurs, ont conduit à écarter Jude Célestin au profit de Michel Martelly dont les partisans avaient protesté, dans les rues, lors des premiers résultats, avec beaucoup de violence. Après de longues semaines de tergiversations, « Tèt kale » a été déclaré candidat pour le deuxième tour, sans toutefois qu'on donne les résultats définitifs, effectivement établis pour l'un et l'autre des deux candidats admis à se présenter à l'élection définitive. Tout cela ne contribue naturellement pas à créer un climat de confiance, même si Rosny Desroches (leader du mouvement de la « Société civile ») se déclare globalement satisfait du contrôle et du mode de décision sur les procès-verbaux qui poseraient problème.

L'analyse la plus sereine et la plus lucide me semble celle que fait Frantz Duval, rédacteur en chef du Nouvelliste.
« Allons-nous avoir recours encore une fois à l'Organisation des Etats Américains pour désigner le gagnant de la présidentielle du 20 mars ? [...] La dernière fois que l'OEA est intervenue dans le processus, il n’a fallu qu'une poignée de ces précieux procès-verbaux pour changer le cours de l'histoire. La fraude massive des principaux candidats, la désorganisation totale du CEP, le manque de confiance dans les conseillers et l'ombre du pouvoir de René Préval ont pesé lourd dans la balance, mais, au final, il a fallu peu pour décider qui irait au second tour. Aujourd'hui encore, s'il faut corriger une erreur dans le cours des élections, il suffira d'un ordre. Les millions dépensés et les énergies mobilisées ne changeront rien à l'affaire. Et tirant leçon du premier tour, le candidat déclaré perdant ne pourra que s'incliner avec élégance.Le piège du premier tour était à double action ».

On pourrait compléter cette conclusion de Frantz Duval par la formule antique « Quis custodem custodiet » (= Qui gardera le gardien ? ») ou plutôt, dans le contexte électoral haïtien « Qui observera l’observateur ? ».

mercredi 23 mars 2011

De la démocratie

Je ne parle plus guère de politique française car la chose est devenue bien trop dangereuse ; on risque le procès à la moindre plaisanterie, même si on s’exprime en un lieu qui s’intitule « Nouvelles persaneries », ce que risquent de ne pas comprendre des gens qui pensent que Montesquieu n’est que le nom de l’un de nos gros billets, à l’époque heureuse où nous avions encore le franc. Au XVIIIe siècle, la forme la plus aboutie du discours politique était celle qui permettait à son auteur de dire ce qu’il pensait sans être mis à la Bastille. Nous sommes sur le chemin du retour à cet état ou pire encore. A quand l’interdiction du Canard enchaîné (que le Général de Gaulle avait défendu d’attaquer) dont je ne comprends pas comment il continue à paraître, surtout depuis qu’il ne peut plus compter sur les services de Maître Roland Dumas, comme au bon vieux temps ? Bien entendu, toute caricature sera bientôt totalement interdite en France, sauf celles de Mahomet, ce qui sera un juste retour des choses. Une caricature, en effet, porte inévitablement atteinte à la personne, donc constitue une diffamation, même si le sens de ce mot m’échappe de plus en plus. Je vais donc essayer de dire ce que je vois et ce que j’en conclus, sans prendre le moindre risque, même si c’est déjà ce que je fais depuis plus de cinq ans dans mes blogs.

Nos révolutionnaires, sans le savoir ni le vouloir, nous ont assuré, pour les siècles à venir, le droit de donner au monde des leçons de démocratie puisque nous aimons à nous présenter comme « le pays des droits de l’homme ». Des esprits, tatillons et un peu informés, pourraient sans doute faire observer qu’une telle revendication fait sans doute un peu trop bon marché de périodes et de sociétés antérieures, de la Grèce de Périclès à l’Angleterre du XVIIIème siècle, où nos philosophes puisèrent une bonne partie de leurs idées, en ayant même dû parfois y trouver eux-mêmes refuge.

Mais revenons, avec prudence et sur la pointe des pieds, au propos envisagé.

J’ai publié, il y a une dizaine de jours, un post intitulé « Chéri fais-moi peur ! », après les premiers sondages qui plaçaient Marine Le Pen, sinon en tête du moins sur les podiums des candidats. Je ne rappellerai pas ici la fiabilité habituelle de ces sondages qui prévoyaient alors une abstention de 35%, ce qui ne fait après tout que 20% d’erreur ! En fait, comme je l’ai écrit (vous pouvez relire ce texte sans problème), le score prêté au Front National, arrangeait plutôt la droite comme la gauche, puisque les Français (et les cantonales l’ont démontré avec fracas) sont las de ce théâtre d’ombres politiques avec la floraison des conflits d’intérêt, la valse des privilèges, les tricheries avérées des élections au PS, le procès Chirac, les « je t’aime moi non plus » avec Kadhafi et tout le reste. L’UMP comme le PS savent très bien, en dépit de leurs mines ostensiblement effrayées, qu’au second tour de la présidentielle, Marine ne passera jamais en tête (elle le sait d’ailleurs bien elle-même et doit, au fond, s’en satisfaire).

Une démocratie devrait toutefois avoir, au moins, un devoir d’honnêteté. Les tripatouillages de chiffres, pour le chômager comme lors des récentes cantonales, sont-ils à l’honneur de la démocratie que nous prétendons être ? Nos politiques (je ne cite personne !) partent d’un triple principe.

Premier principe : les Français qui, on le sait, ne connaissent pas la géographie, ignorent également l’histoire (et en particulier la leur),

Deuxième principe : les Français ne savent pas compter (la faute en est désormais aux calculettes),

Troisième principe : les Français sont des imbéciles qu’on peut manipuler à sa guise.

Quelques éclaircissements sur ces points.

1). A travers le « ni-ni » présidentiel (au second tour des cantonales, ne pas choisir entre le FN et le PS dans 204 cantons où ils se font face, alors que dans 89 seulement on aura un choix FN-UMP), on voit que le calcul est bon et la visée claire. La gauche se donne pour plus radicalement hostile au FN que la droite (je reviendrai sur ce point). Là encore, je tombe de ma chaise de rire ! Suis-je le seul Français à me souvenir que François Mitterrand est l’inventeur du Front national. Je me souviens encore d’une interview de Louis Mermaz expliquant, dans son détail, cette manoeuvre électorale stratégique ! Invoquer ici le « front républicain » est donc une véritable injure à la mémoire de Pierre Mendès-France (ce qui doit bien faire rire dans sa tombe ce cher Tonton).

2) Le Front National est crédité de 15,18 % des voix. Autrefois, dans un problème d’arithmétique de feu l’examen d’entrée en 6ème, un tel calcul vous aurait fait recaler sans le moindre doute. En effet, on a voté dans 2023 cantons (qui forment donc l’ensemble du corps électoral) alors que le FN ne présentait des candidats que dans 1450 cantons (les seuls où les électeurs du FN ont donc pu s’exprimer). Or, naturellement ce pourcentage de 15,18% a été calculé sur le total des votants de 2023 cantons, alors qu’il monte à près de 20% (19,3 % pour être précis) si l’on prend en compte le total, le seul athmétiquement correct, des 1450 cantons où l’on pouvait voter pour le FN. Je me réfère sur ce point à une remarque de ce genre que j’ai entendue, sur France-Infos je crois, de la bouche autorisée de Pascal Perrineau qui ne me semble pas être un agent du FN.

3) J’entends que le « ni-ni » du Président est combattu par Fillon qui cause « front républicain » (une bouffée de seguinisme), par Borloo (j’ai failli faire une petite chansonnette « Nini Peau de Borloo » (peau que notre président rêve d’avoir, nous dit-on), sur l’air éternel de « Nini Peau de chien », mais je vais finir à la Bastille !) et même par Xavier Bertrand qui conseille, contre toute attente, de voter « blanc » (notre ministre a dû oublier que ce n’est pas là un suffrage exprimé », mais peut-être, rusé, veut-il par là prétendre récupérer pour l’UMP quelques centaines de milliers de votes « blanc » qu’on pourrait dire issus de ses conseils). En fait, la stratégie présidentielle est assez fine, quoique, au moins en apparence, elle soit mal comprise par les autres membres de son parti, ce dont je doute fort (« comediante ! ». Elle vise surtout, en fait, à ménager l’avenir présidentiel de Nicolas Sarkozy. Tout en sachant que ceux des électeurs UMP qui iront voter au deuxième tour des cantonales, le feront sans doute pour le FN (sans qu’on ait à le leur dire et surtout avec une telle consigne), on prépare le second tour DE LA PRESIDENTIELLE, surtout si le FN arrive, dimanche prochain, à décrocher un ou deux postes de conseiller général. Retour d’ascenseur souhaité !

mardi 22 mars 2011

Libye : « Aube de l’odyssée » (N°2)

Comparaison n'est pas raison et il est évident que, mise à part l'identité du belliqueux couple franco-britannique, les situations sont tout à fait différentes de celles de 1956, car, dans l'affaire de Suez à cette époque, il y avait en outre, face à l’Egypte, un troisième partenaire (et non le moindre) qui était Israël.

On doit toutefois se souvenir que ces « événements de Suez » ( « l’opération Kadesch » selon la terminologie militaire israëlienne), surviennent, en 1956 moins de dix ans après la création de l'État d'Israël (1948) et peu après la rupture entre Israël et l’URSS (1953). Or les conditions exactes de la création de l’Etat d’Israël et surtout le rôle de Staline, aussi capital qu’inattendu, sont peu connus quand ils ne sont pas oubliés ou ignorés de la plupart des commentateurs.
On doit garder à l’esprit qu’en 1956, on est en pleine guerre froide et que cette même année est particulièrement agitée dans la zone moyen-orientale. En effet, durant cette année, la tension s'accroît entre Israël et l'Égypte suite aux raids menés par les fedayins palestiniens sur le territoire israélien. Nasser, qui a succédé à Neguib, décide de fermer le canal de Suez aux navires israéliens ; il reconnaît alors la Chine et, de ce fait, entre en conflit ouvert avec les Etats-Unis qui mettent un terme à leur aide financière à l'Égypte. Nasser, unilatéralement, nationalise le canal de Suez, dont 44% appartiennent à un consortium franco-britannique. La compagnie du canal retire aussitôt, en représailles, ses techniciens, qui seront remplacés par des agents issus d’Etats « non-alignés ».
La tension s’accroît au point qu’après la destruction au sol par les Franco-Britanniques de l’aviation égyptienne et les attaques conjuguées des troupes israéliennes dans le Sinaï et des forces françaises et anglaises, parachutées et/ou débarquées, l’URSS ira jusqu’à menacer la France, le Royaume-Uni et Israël d'une guerre nucléaire. Ce bluff contraint alors l’OTAN à rappeller qu'elle ripostera, le cas échéant, par les mêmes armes. Les Etats-Unis, qui naturellement n’ont pas les mêmes intérêts politiques et économiques dans l’accès au canal de Suez que les nations européennes et, a fortiori, qu’Israël, doivent finir par sortir de leur attentisme. Ils exigent donc le retrait des forces franco-britanniques et israëliennes victorieuses ; ils font même pression à la fois sur le plan militaire, en perturbant, par l’arrivée de leurs propres forces navales, le dispositif franco-britannique, et, sur le plan monétaire, en attaquant sur ce terrain la livre sterling.

On ne saura sans doute jamais toute la réalité du dessous des cartes diplomatiques du moment et il y a fort bien pu y avoir là un « échange de bons procédés » secret entre les deux super-puissances sur le dos franco-britannique. Ce sont clairement, en tout cas, les EU et l’URSS et non pas l’ONU, qui ne retirera de l’affaire que l’avènement des « casques bleus », qui ont imposé, de façon presque violente, l'arrêt du conflit en forçant à rentrer chez elles les forces françaises, britanniques ... et israëliennes victorieuses sur le terrain.

On ne sait généralement pas que la position du président Truman sur la création de l’Etat d’Israël avait été très loin d’être claire et que l’URSS avait été le PREMIER Etat à reconnaître de jure Israël. En outre, dès le 15 mai 1948, l’URSS a CONDAMNE l’intervention des armées arabes en prenant la défense d’Israël. Sans intervenir directement dans les livraisons d’armes aux Israéliens, Staline a eu, là aussi, un rôle décisif puisque dès 1947, il les avait « autorisées », ce qui, de la part du « Petit Père des Peuples », revenait naturellement à les ordonner aux Etats de l’Est ! Ce sont les Tchèques surtout qui ont livré les armes qui faisaient si cruellement défaut aux Israéliens attaqués et sans lesquelles l’Etat d’Israël n’aurait assurément jamais pu survivre.

L’URSS pensait ainsi contrarier les USA qui étaient loin de soutenir fermement Israël. Staline espérait sans doute plus de reconnaissance politique de la part du nouvel Etat ; il avait sans doute probablement sous-estimé le poids financier et le rôle de la communauté juive des Etats-Unis, d’autant que l’antisémitisme continuait à régner en URSS, où l’on interdisait toute émigration vers Israël. C’est donc assez logiquement qu’en février 1953, juste avant la mort de Staline, Moscou rompt ses relations diplomatiques avec Tel Aviv. Le rapprochement avec l’Egypte devient alors des plus logiques.

On comprend aussi aisément par là que la gauche française et surtout le PCF, qui en est encore, à cette époque, la composante majeure vont aussitôt changer de sentiment à l’égard de l’Etat « sioniste » que la protection de Staline avait auparavant mis à l’abri de toute critique !

En 1947-1949 dans le cas de la création d’Israël, comme en 1956 pour le conflit de Suez, et sans doute, comme aujourd’hui, dans l’affaire de Libye, on nous ment et il y a quelque distance pour le moins entre les motifs et les intentions qu’affichent les uns et les autres et la réalité des raisons et des mobiles qui les animent. Les palinodies de la Chine comme de la Russie, les atermoiements de la Ligue arabe, le silence assourdissant des Etats africains sont des signes politiques qu’on ne saurait ignorer. Tout donne donc à penser que les Français et les Britanniques, qui furent en 1956 les dindons de la farce, le seront à nouveau.

Peut-être la France peut-elle au moins se consoler en se disant que la démonstration de l’efficacité de ses armes (et en particulier de nos chers Rafales) pourra conduire la Lybie (sous Kadhafi ou sous un autre) à nous conserver ou à nous apporter dans ce domaine sa pratique !

PS. Je suis traîné en justice par un puissant que j’ai eu l’outrecuidance de railler dans mes « persaneries », mais là, pour le coup, je risque, pour le moins, douze balles dans la peau, pour haute trahison ! Vive la démocratie que nous exportons mieux que nos avions mais grâce à eux, puisque nous les utilisons, de façon inattendue, à cette fin.

lundi 21 mars 2011

Lybie : « Aube de l’odyssée » (N°1).

Les états-majors sont décidément, dans nos sociétés modernes, le dernier refuge des poètes.

Ainsi comme vous l'avez sans doute constaté, le plus difficile dans toute opération militaire est le choix, premier et indispensable, du nom de code qui servira à la désigner. Nous avons ainsi eu la « tempête du désert » d’Irak puis le « plomb durci » de Gaza ; voici qu’en Lybie se lève, sans qu'on sache si elle est « aux doigts de roses », comme celle du bon Homère, « l’aube de l'Odyssée ». La formule est jolie mais des plus inattendues, ce qui me donne à penser que les militaires qui l'ont choisie, ignorent ou ont oublié que l'Odyssée a duré dix ans, ce qui n’est pas de très bon augure. J'ose toutefois espérer qu'ils n'ont pas prévu la même durée pour l'opération qu'ils ont entamée en Libye.

Cela dit, dans la dénomination des opérations à venir, il sera assurément, pour ce qui est de l'inopportunité, voire de l’indécence, du nom choisi, de dépasser ce que l'on avait obtenu, en 1999, en baptisant « Dresde » les actions de bombardements programmées sur la Serbie. Certes, le nom se justifiait en ce sens qu’on visait à une destruction aussi complète que possible des capacités de défense de la Yougoslavie. Cette action fut dès lors désignée par certains diplomates du nom d’« opération Dresde » par une fine allusion aux fameux bombardements massifs de cette ville allemande en 1945 : 3900 tonnes de bombes incendiaires sur une ville de l’Allemagne quasi vaincue l’anéantirent totalement, y faisant plus de 100.000 victimes.

On a pu constater, dans les derniers jours, les mêmes petits jeux politiques qui caractérisent toujours les relations internationales. La France, dont la diplomatie n'avait brillé ni en Tunisie et en Égypte et qui voulait se refaire une santé, voire une virginité, a cru trouver dans l'affaire de Libye une occasion de redorer son blason, même si la neutralisation de l'espace aérien libyen était, à l'origine, me semble-t-il, une idée de l'assemblée européenne, restée vaine, comme la plupart de ses idées lorsque, par hasard, elle en a.

Le principal événement de l'affaire est qu'on a cru un moment, chez nous, que Bernard-Henri Lévy avait soudain succédé à Alain Juppé au Quai d'Orsay ; seul le départ inopiné de ce dernier pour participer au Conseil de sécurité de l'ONU à New York a pu rassurer à cet égard le bon peuple de France.

Cette réunion a été elle-même un monument d'hypocrisie puisque la moitié de l'humanité (en la circonstance la Russie, la Chine, l'Inde, le Brésil et... L'Allemagne) a eu le courage exceptionnel de s'abstenir, les deux premiers manifestant quasi immédiatement leur opposition aux premières mesures prises, même si elles étaient conduites dans le strict respect de la décision du Conseil de sécurité de l'ONU auquel ces deux nations assistaient. La Ligue arabe, qui était venue à Paris samedi 19 mars 2011 à la réunion tripartite sans enthousiasme excessif (seul le Qatar, formidable puissance militaire comme on sait, étant censé s’engager réellement dans l’affaire), a aussitôt saisi l’occasion d’emboîter le pas à la Russie et à la Chine en désapprouvant dès dimanche 20 mars des actions approuvées la veille.

Lees militaires Américains ne faisant pas mystère de leurs réserves (l’Afghanistan, l’Irak, l’Iran voire le Pakistan suffisant à les occuper), Obama comme Hillary Clinton nous ont gentiment proposé, tout aussi courageusement, le « siège arrière » du char de guerre, en pressant les deux gogos que sont la France et la Grande-Bretagne de foncer dans le brouillard.

Engagés du bout de lèvres, les Américains désengagent déjà leur centre de commandement de Stuttgart, d’abord proposé pour la coordination des opérations vers la Lybie. Pas fous !

Ayant vaguement parcouru, écouté ou vu la plupart des informations sur le sujet, je suis stupéfait de constater que nul n’a songé, en la circonstance, a évoquer, à propos de ce couple de va- t-en-guerre franco-anglais, belliqueux mais comique et bientôt isolé, et de son intervention dans le monde arabe, la fameuse expédition de 1956.

Petit mais indispensable rappel. Pour prendre ma remarque liminaire, le nom exotique d’« opération Kadesh » fut donné par Israël, en 1956, aux opérations militaires dans le Sinaï contre l'Egypte. Ce nom était celui de plusieurs toponymes dont celui d’un lieu où s’était déroulée une célèbre bataille du XIIIème siècle av. J.-C. Nous-autres nommons plutôt cet événement la « guerre de Suez » ou plutôt la « campagne de Suez » car le terme de « guerre » paraît un peu excessif, vu le caractère et la brièveté (moins de deux semaines) des opérations en cause.

Le conflit éclate en octobre 1956 ; il oppose l'Égypte et les signataires du protocole de Sèvres qui unit Israël, la France et la Grande Bretagne à la suite de la nationalisation du canal de Suez. Dans un jeu très complexe de bluff et de poker menteur, en pleine guerre froide, l’URSS et les Etats-Unis imposeront l'arrêt du conflit (A. Eden et G. Mollet devront manger leur chapeau, la chose étant plus rude pour l'élégant Antony, coutumier du port du huit-reflets) et obligeront les troupes d’élite françaises et britanniques victorieuses à mettre l'arme au pied avant de rentrer au pays l’oreille basse en novembre 1956.

On me dira naturellement, ce que je sais parfaitement, que la situation était très différente puisque ce sont alors précisément la Russie surtout et les États-Unis, à un degré moindre, qui ont arrêté les velléités belliqueuses de la France et de la Grande-Bretagne en octobre-novembre 1956, alors qu’elles les suscitent ou les tolèrent aujourd’hui. Dans le cas présent, la France et la Grande-Bretagne ne semblent nullement isolées (mais pour combien de temps ?) puisque s’engagent à leurs côtés des alliés considérables, dont en particulier le Canada, la Belgique et le Danemark. Voilà qui doit faire trembler Kadhafi !

Combien de temps durera cette belle unanimité qui n’aura même pas survécu aux 48 premières heures? A votre avis quels seront les dindons de la farce ?

samedi 19 mars 2011

Haïti : vers un tsunami électoral ?

Dans quelques heures (j’écris cette note le vendredi 18 mars 2011 à 10 heures du matin, à l’heure française, donc au moment même où, à l’heure d’Haïti (donc avec six heures de décalage) l’avion qui ramène dans son pays Jean-Bertrand Aristide (localement surnommé Titid), ancien président de la la République haïtienne est en plein vol, quelque part au-dessus de l’Atlantique. Je ne donne cette précision qu’après avoir appris que Cécile Duflot, titulaire, à ce que je lis, d’un DEA de géographie, a, dans une interview sur BFMTV, situé le Japon dans l’hémisphère sud !

"Titid est arrivé" va peut-être chanter "Tèt kale", en parodiant la rengaine de Zorro! Un mot de présentation du personnage pour celles et ceux qui ne sont pas familiers des réalités haïtiennes.

Avant d’être un « ex-président », Aristide a été un ex-prêtre, ce premier état étant à l’origine de sa carrière et la seconde mutation ayant succédé à sa montée au firmament politique local.

La carrière politique de Titid s’inscrit au départ dans la « théologie de la libération », venue d’Amérique latine et symbolisée par la figure d’Helder Camara. Titid et sa « bourrique » (il n’en était pas encore aux Cadillacs) ont été une figure marquant de la chute du duvaliérisme en 1986. Aristide échappera de justesse en 1988 à un massacre dont on attribue la responsabilité à d’anciens « macoutes » du précédent régime.

Son rôle dans le « déchoucage » des Duvalier et son charisme font qu’en 1990, il est choisi comme candidat à la présidence par le FNCD (Front National pour le Changement et la Démocratie ; ce qui ne constitue pas un programmé électoral particulièrement original !). Il est élu, avec plus de 67% des voix contre Marc Bazin, qui passe pour le candidat des Etats-Unis. Son mandat durera moins d’un an car le coup d’Etat est, avec la « borlette », une spécialité haïtienne ! Il doit alors s’exiler et est remplacé par un militaire, le général Cédras.

Il s’en suit une période de plus de trois ans de troubles politiques, de misère encore accrue par un embargo et qui suscite le départ d’une foule de boat-peoples. Aristide est revenu en faveur auprès des Etats-Unis qui, empétrés qu’ils sont dans les affaires somaliennes, veulent calmer le jeu en Haïti et faire cesser les afflux de réfugiés. Fin 1994, Cedras s’exile à son tour, tandis qu’après le débarquement d’une force américano-internationale sans trop de casse (10 morts à Cap-Haïtien) Aristide revient au pouvoir en reprenant son mandat !

Fin novembre 1995, lors de la campagne des nouvelles élections présidentielles, Aristide, qui, selon la constitution, ne peut exercer deux mandats consécutifs, annonce, deux jours avant le vote, son soutien à la candidature de René Préval qui est élu en février 1996. En janvier 1997, Titid crée un nouveau parti politique, « Fanmi lavalas » ( = famille l'avalasse ; « lavalas » est, en créole comme en français, une « avalasse », une pluie torrentielle qui emporte tout). Il entend ainsi damer le pion à l'« Organisation politique lavalas » qui soutient René Préval. En décembre 2000, Aristide qui « a remis le compteur à zéro » est donc , à nouveau, élu président de la République par 93% des voix, mais une participation de 5% !

En 2003, une rébellion débute à la suite de l'assassinat par le pouvoir en place, près de Gonaïves, d'un leader de l’opposition. Le mouvement gagne du terrain et une opposition armée se regroupe dans une nouvelle coalition, le « Front pour la Libération et la Reconstruction Nationales ». Le 29 février 2004, le président Aristide quitte Haïti à bord d'un avion américain, accompagné (ou « enlevé ») par le personnel de sécurité de l'armée américaine.

En février 2006, René Préval est candidat pour un second mandat ; il l’emporte dès le premier tour avec 51,15 % et est proclamé vainqueur après accord entre le gouvernement intérimaire et la commission électorale. Investi le 14 mai 2006, il est toujours en fonction aujourd’hui, en principe jusqu’au 14 mai 2011. Titid, lui, s’est réfugié en Afrique du Sud et il est employé depuis à l’université de Prétoria et s'est initié au zoulou.

Parti, jeudi 17 mars au soir de l’aéroport de Lanseria , près de Johannesburg, Titid est arrivé, ce vendredi 18 mars à dix heures locales ; son parti « Fanmi lavalas » a invité à un grand rassemblement à l’aéroport de Port-au-Prince. Un tract, en créole annonce : "Enfin, les carottes sont cuites, demain (vendredi) 8 heures. Dites-le à tout le monde, à l'aéroport nous allons attendre le président Titid dans la solidarité". Les choses se sont passées calmement.

Les Etats-Unis et la France ayant tenté de retarder cette arrivée (prévue pour l’avant-veille du second tout de l’élection présidentielle, le 20 mars). Titid n’est pas arrivé par un vol régulier mais « en avion privé » (celui d’un ami peut-être), comme l’avait annoncé Maryse Narcisse son porte-parole.

Même si ses partisans officiels s’emploient à tenter d’ôter à son retour des visées politiques en affirmant : « Il a clairement fait savoir que son but est de s'impliquer dans le secteur éducatif ». L’avenir éducatif des jeunes Haïtiens est donc assuré car ce point figure aussi dans le programme des deux candidats. Ces derniers, tout en se gardant de conteste la légitimité de son retour, ont néanmoins clairement fait savoir qu’ils auraient préfére que ce retour ait lieu après l’élection.

On peut en effet redouter que ce second tour, quel qu’en soit l’issue, ne donne lieu à nouveau à des violences. Le chanteur hip-hop Wyclef Jean, qui vit aux Etats-Unis et qui avait tenté d’être candidat lors du premier tour, dit craindre « des fraudes aux dépens du chanteur populaire Michel Martelly », ce qui peut aider à les susciter, à défaut de les prévenir. Il a ajouté : « Haïti est la terre des surprises et, soyons clairs, l'endroit le plus corrompu au monde. Ils sont en train de planifier le vol de l'élection de Martelly, c'est évident ».

Il y a en Haïti près de 4,7 millions d’électeurs mais le vote aura lieu, dans des conditions que les destructions et les 230.000 morts du séisme du 12 janvier 2010, rendent pour le moins incertaines. Les résultats du premier tour n’ont jamais été donnés, puisqu’on s’est borné, après le déclassement de Jude Célestin, annoncé d’abord comme second, à admettre pour le deuxième tour Mirlande Manigat (une juriste constitutionnaliste) et Michel Martelly (« Sweet Micky » dit aussi en créole « tèt kale » à cause de son crâne rasé). Un sondage publié début mars par un institut haïtien a placé Michel Martelly en tête des intentions de vote avec 50,8% contre 45,2% à sa rivale, alors qu’au premier tour elle semblait avoir, en gros, 10% d’avance sur Martelly, le pourcentage de la participation demeurant inconnu.

Dans la mesure où les résultats ne seront donnés que le 16 avril 2011, soit près d’un mois après le vote, on a tout lieu de craindre des flambées de violences voire un tsunami social!

Post scriptum ; le point le plus récent :

Extraits de l’article de Valéry Daudier dans le Nouvelliste du 18 mars 2011

"Malgré ses sept ans d'exil en Afrique du Sud, le leader de Lavalas, Jean-Bertrand Aristide, a confirmé sa popularité dans le pays. Son retour sur le sol natal, ce vendredi, l'a bien prouvé. Très tôt, plusieurs dizaines de ses partisans s'étaient déjà massés devant l'aéroport Toussaint Louverture à Port-au-Prince où allait atterrir le jet privé qui le transporte lui et sa famille. Banderoles de « Bienvenue » à l'ancien président étaient remarquées un peu partout. Annoncé pour 10H00 (heure locale), l'avion a cependant atteri avec près d'une heure d'avance, soit à 9h07 locales (14h07 GMT). Les journalistes étaient déjà sur place, mais cette avance a visiblement pris de court la majorité des partisans de « Titide » qui se préparaient à venir accueillir leur leader.

[ ...]

« Pa pale nou de Tèt kale (en référence au candidat à la présidence Michel Martely), papa nou vini kounye a », (Ne nous parlez plus de « Tèt kale », notre père est revenu », lance un jeune homme, dans la vingtaine, portant un t-shirt frappé à l'effigie de Jean-Bertrand Aristide et brandissant aussi des photos du leader en toge, prise lors de sa graduation comme docteur.

[...]

Les mini-restaurants situés dans les parages de l'aéroport se transforment en salles de cinéma pour les supporteurs de l'ancien prêtre catholique. Un public de tout âge se presse pour voir Aristide parler en direct à la télévision. Ceux qui ne peuvent rien voir se contentent d'écouter le discours de l'ancien président à la radio. Autant le discours les pénètre, autant ils lancent des propos témoignant leur divorce d'avec les deux candidats à la présidence qui s'affronteront au second tour le dimanche 20 mars. « Tèt kale pouse cheve jodi a » (Le crâne n'est plus rasé aujourd'hui), ironise un groupe de jeunes dans la foule.

« Michel Martelly a contribué au départ d'Aristide; pas question d'appuyer sa candidature à la présidence. Nous avons vécu sept ans de misère. Pas de Martelly ni de Manigat. Ban nou Titid », enchaîne un homme, portant des photos d'Aristide accrochés à ses habits.

Après une quinzaine de minutes, l'ancien président termine son discours et s'apprête à se rendre chez lui à Tabarre.

[...]

Un embouteillage monstre règne entre le boulevard Toussaint Louverture et le boulevard 15 octobre où se trouve la résidence privée de l'ancien président revenu d'exil du pays de Nelson Mandela. Une foule en liesse poursuit le cortège. Les gens dansent, crient, fument...Une fois arrivée devant la maison de l'ancien président, la police nationale a dû faire usage de gaz lacrymogène, à plusieurs reprises pour frayer un passage au cortège. Le président rentre enfin chez lui, mais la foule le suit. Des centaines de personnes arrivent à entrer avant qu'on parvienne à fermer la barrière principale. La barrière fermée, la passion ne s'estompe pas pour autant. Les gens grimpent sur les murs d'enceinte et se jettent dans la cour. Ils arrivent même à monter sur le toit de la maison. Certains d'entre eux cueillent des mangues...Le phénomène Aristide est reparti! ».

vendredi 18 mars 2011

Enfin un témoin compétent sur Fukushima

Extrait du blog d’Olivier dans nouvelobs.com

"Fukushima /explosions multiples - mercredi 16 mars 2011, 20 h 12

Les nouvelles de ce soir ne sont pas meilleures que celles de ce matin .

L' exploitant montre ses efforts mais ne réussit pas à enrayer la progression des destructions. C' est peut-être par les moyens de l'armée américaine qu'on arrivera a éviter le dénoyage des assemblages dans les piscines : amener de l'eau par tous moyens intelligents et possibles ….et essayer de l'introduire à l'intérieur par les brèches des bâtiments-piscines sans irradier « trop » les intervenants ….J’aimerais aussi que la puissance des moyens des USA se montre dans la gestion de refroidissement des cuves par injection tous azimuts d’eau de mer pour éviter leur percement par le corium.

TEPCO cherche apparemment à éviter qu'il y ait des morts par sacrifice héroïque (à la kamikaze) parmi le personnel. Les prochaines 24 heures montreront si le martyre de cette région va continuer et même s’amplifier.

Il est bon quelquefois de savoir reconnaître ses dettes intellectuelles : si ce que je vous ai raconté vous a intéressé : c’est à mon collègue Mr Bernard Sautiez , ancien chef du réacteur OSIRIS à Saclay puis d'OSIRAK et à tous les conseils qu' il m’a prodigués lors de nos inspections des centrales françaises que je dois mes compétences. Il était plus âgé que moi. Je ne sais s'il est encore en vie mais je le remercie de tout cœur pour tout ce qu il m’a appris et qui me sert aujourd’hui.


Ce soir à 23 heures 30, certains points vont dans le sens que j’espérais sur le développement des moyens. Toutefois, je viens d'apprendre que (copier-coller) « l'Agence internationale de l'énergie atomique vient de donner les températures des bassins de refroidissement pour le 16 mars. La piscine du réacteur 4 est à 84 °C (données datant du 15 mars), celle du réacteur 5 à 62,7 °C, et celle du réacteur 6 à 60 °C. En temps normal, elles ne devraient pas dépasser 25°C. L'Agence annonce aussi que ces températures augmentent régulièrement. »"

Ecrit par : Olivier | 17.03.2011

"Les réacteurs étaient privés de courant et donc dans le noir la nuit ! mais la situation va changer : (copier-coller) « Mercredi 0h16 : TEPCO annonce qu'une ligne électrique de remplacement est sur le point d'être achevée à Fukushima 1. Elle permettrait de réactiver les systèmes de refroidissement des réacteurs. L'électricité est coupée depuis le tsunami ». Il y a encore des choses a sauver .

Ecrit par : XYZ [un commentateur du blog d'Olivier] | 17.03.2011

« Je suis allé lire votre C.V [celui d’Olivier Harmenschenne] sur le site indiqué .
On pourrait vous reprocher que votre carrière au CEA vous rende juge et partie, si vous n’aviez pas aussi été ensuite membre de l’IRSN et de l’inspection nucléaire.
Je lis vos bulletins ou commentaires, mais vous restez plus ingénieur que journaliste : ce n est pas toujours très facile de suivre bien que rédigé sobrement et sans effet de manches!
Je me risque à vous poser une interrogation pour laquelle vous allez encore me traiter de « redoutable questionneur » :
comment cela va-t-il finir ? »


Le sort de Fukushima ? Réponse d’Olivier à ce lecteur curieux (XYZ)[cette réponse éclaire sur la carrière et les compétences d'Olivier]

"Aujourd’hui votre question n’est pas seulement redoutable mais elle est aussi embarrassante !

Lorsque j'ai voulu quitter la Division de Chimie que Claude Fréjacques quittait lui-même pour la présidence du CNRS et l’Académie des Sciences, je suis allé lui demander s'il pouvait me faire entrer à l'Institut de protection et de sûreté nucléaire à Fontenay aux Roses. Il m'a répondu que certes cet Institut avait intérêt a prendre de vieux briscards, mais qu il avait encore besoin de moi pour le suivi du démarrage d EURODIF. Ce n’ est donc que quatre ans plus tard, quand les gros soucis ont été réglés, que j’ai rejoint l’IPSN que Tanguy puis Cogne dirigeaient.

A l’époque, l’IPSN dépendait du CEA et du ministère de l’industrie et ce n’est qu’après mon départ que les ministères de tutelle ont changé et qu’il est devenu l’ IRSN …..Votre question sur le fait d’être "juge et partie" était donc valide avant la transformation de l’IPSN en IRSN car le CEA se jugeait en effet lui-même ! Ceci étant, la remarque de Frejacques sur la nécessité de connaître à fond le nucléaire avant d’en être l’inspecteur, impartial mais lucide, se justifiait totalement.

Pour répondre à la suite de votre commentaire je vais devoir vous expliquer que les piscines de désactivation, bien que n’étant pas en géométrie nucléaire critique, doivent être refroidies pour évacuer leur potentiel calorifique. A ce propos, je vous signale que vous pourriez avoir des informations complémentaires aux miennes ici même, à partir de l’excellent blog de Mme Dominique Leglu qui est redac-chef de Sciences et Avenir ( « sciences pour vous et moi").

Comme elle l’explique fort bien, ces piscines sont dans des bâtiments de structure confinée mais légère, et le dénoyage des éléments combustibles serait extrêmement lourd de conséquences en particulier radiologiques ( croyez-moi, j ai souvent visité ces piscines et l’aspect brûlé et noirâtre des assemblages fait peur ) ; Remettre ces éléments dans l’eau au bon niveau est une nécessité absolue car les piscines peuvent contenir plusieurs cœurs usagés.

Vont-ils y parvenir ? Avec divers moyens et peut-être en sacrifiant des opérateurs, il me semble que ce serait possible. Quant aux problèmes des cuves réacteurs elles-mêmes, je vous ai déjà répondu : on n'a pas d’expérience de fusion d'assemblages REB puis corrosion par du corium MOX ….Mais je juge improbable le passage du corium à travers les divers niveaux et l’épaisseur du ravier jusqu' au sol : le « syndrome chinois « est un résidu du film de 1979 et j'espère que la remise du courant sur les tranches pourra rendre la possibilité d’un refroidissement des cuves plus efficace.

Je ne peux savoir directement de quelle ampleur de moyens dispose TEPCO et je ne veux pas harceler de questions l'IRSN / ils ont d autres chats à fouetter qu'à répondre à un vieux Papy retraité de 80 berges !"

Ma propre conclusion : Que ne confie-t-on à ce « papy de 80 berges » le soin de nous informer, de façon compétente et intéressante, au lieu de nous faire débiter des niaiseries par des « journalistes professionnels » ? Ce papy, les Américains l'invitent encore à Princeton comme un Michel Serres, un Luc Montagnier et bien d'autres que la France préfère mettre au rencart et qui doivent aller continuer leurs travaux aux Etats-Unis ou en Chine!

jeudi 17 mars 2011

« Nous sommes tous des Japonais »

« Nous sommes tous des Japonais ».

Bernard Kouchner, hier chez Elkabach sur Europe 1 à 8 heures et quart, n’était pas peu fier de sa formule, même s’il ne peut pas ignorer qu’elle a déjà beaucoup servi et que, dans l’année précédente, un clou chassant l’autre, nous étions déjà tous des Haïtiens après les 230.000 morts du séisme de Port-au-Prince, en janvier 2012, car si les Haïiens n’ont pas eu de menaces nucléaires, un ou deux cyclones sans compter une épidémie de choléra ne les ont pas empêchés de sombrer dans l’oubli. Sur le registre plus personnel mais dans le même esprit, J.F. Kennedy avait déjà manifesté sa solidarité avec les Berlinois lors du blocus soviétique de la ville par son fameux « Ich bin ein Berliner !).

A ma connaissance, le plus ancien usage d’une telle formule se trouve dans la tradition orale française, reprise dans le monde créole. Dans l’océan Indien, dans la série des contes de « Petit Jean » (localement « Ti zan ») se trouve un récit qui illustre déjà cette formule. Le récit est quelque peu mâtiné de Petit Poucet, puisque Petit Jean y a huit frères, de telles osmoses étant courantes dans les récits oraux créoles. Poursuivi par un méchant ogre qui veut le dévorer, ce dernier persuade leur hôtesse de faire porter à Petit Jean un « langouti » (vêtement indien) rouge pour qu’il puisse le distinguer des autres avant de le manger. Petit Jean, le « trickster » rusé et méfiant, coupe en dix le langouti rouge et en donne un morceau à chacun des frères. L’ogre venant le lendemain dévorer sa victime désignée et cherchant « Ti zan langouti rouz » voit tous les enfants porteurs du même langouti rouge et s’entend alors répondre, « Nou tous Ti Zan langouti rouz ! » (= nous sommes tous Petit Jean au langouti rouge).

Impatiente lectrice et impétueux lecteur, je vous entends déjà maugréer en vous demandant où je veux en venir en sautant ainsi de Bernard Kouchner à Petit Jean (sans faire, je le jure, la moindre allusion à la taille de ces deux héros).

Je veux simplement en venir au sujet du jour, l’état de la centrale nucléaire japonaise et les conséquences imprévisibles du séisme et du tsunami.

Comme toujours, on nous abreuve d’images repassées en boucle et souvent données comme originales après une bonne demi-douzaine de (re-)diffusions. J’entendais récemment regretter par un/une de nos journalistes, l’absence de vues des cadavres (je vous jure que c’est vrai !). Ce sont des images que s’interdisent, paraît-il, (hélas pour nous) les Japonais. Nous ne sommes donc pas tout à fait des Japonais, car nos télés, en revanche, sont très friandes de tels spectacles, même si elles nous préviennent toujours de leur horreur, avant de les diffuser, comme toutes les publicités, obsédantes et racoleuses, pour les aliments gras ou sucrés, l’alcool et les jeux, ne manquent jamais de nous prévenir des graves dangers de la consommation de ces produits dont elles font néanmoins, sans états d’âme ni remords, la « réclame » !

Le plus clair est que l’on entend guère, dans nos médias, que des journalistes, totalement ignorants des questions en cause, ou des responsables administratifs ou commerciaux (secrètement ravis, en fait, d’une catastrophe lointaine qui devrait gravement compromettre la production japonaise sur le marché très concurrentiel du nucléaire), mais très rarement de vrais spécialistes qui pourraient nous apporter des informations intéressantes qui souvent d’ailleurs ne sont pas communiquées par les autorités japonaises.

Je me limiterai donc à un seul point, indéfiniment ressassé et qui est la comparaison entre Tchernobyl et Fukushima, comparaison à propos de laquelle je serai ravi d’ouvrir mon espace éditorial à Olivier s’il veut bien faire ici un effort.

A propos du fameux « nuage », dont on nous menace pour la suite, et qui avait circulé, après Tchernobyl au-dessus de l’Europe (en évitant toutefois la France grâce à la vigilance de nos autorités de l’époque et à l’anticyclone des Açores) j’ai entendu un vrai savant dire que les deux catastophes était très différentes, ce qui rendait leurs conséquences très différentes aussi à cet égard.

Dans le cas de Tchernobyl (26 avril 1986), le programme soviétique mis en place là-bas relevait de la filière de réacteurs RBMK-1000, réacteurs à eau ordinaire modérés par du graphite ; ce modèle, dont l’usage remontait aux années 70, était utilisé exclusivement dans les républiques de l'ex-URSS (Tchernobyl, rappelons-le, est en Ukraine, au Nord de Kiev). Le fameux « nuage » de Tchernobyl, si j’ai bien compris (mais l’avis d’Olivier serait précieux), était formé surtout de particules de graphite radioactives, suceptibles d’une durée de vie et d’action très supérieures à celle des particules d’eau qui forment les « nuages » de Fukushima.

On parle de « nuages » dans tous les cas, mais on doit sans doute distinguer ceux qui sont formés d’eau de ceux qui, comme dans le cas de Tchernobyl, sont constitués de particules solides, du graphite dans ce cas ou de particules volcaniques (sans danger pour le coup même si ces nuages sont fort gênants) dans le cas de l’éruption du volcan islandais qui a mis en émoi naguère le ciel européen.

Ne pourrait-on nous traiter comme des adultes au lieu de ne nous offrir que de scoops éculés et des interviews insipides de voyageurs qui n’ont rien d’autre à nous dire que leurs préoccupations personnelles ?

vendredi 11 mars 2011

La Marine Nationale et Mémé Lenchon



Les face-à-face entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon sont devenus le must de nos médias. On photographie (il ne s'agit naturellement que de montages !) leur couple « improbable » (pour user de l'adjectif autrefois inévitable dans tout discours de notre Fredo, désormais lui-même « improbable » ministre de la culture) en couverture des hebdomadaires et on les oppose dans des débats qui font autant recette qu’un joli match de poids welters à la salle Wagram.

Je me suis permis de vous offrir, en ouverture de ce post, un logo que, non sans esprit, le Front National s'est approprié pour mettre en scène Marine Le Pen, en empruntant cette jolie image à notre marine nationale (avec un m minuscule) pour symboliser notre « Marine Nationale » – avec majuscules -, du prénom de notre nouvelle héroïne doublement nationale, aux deux sens du terme. Je ne sais pas exactement ce qui a conduit notre Jean-Marie (également national) a nommer avec tant de prescience sa fille « Marine » qui n’était sans doute pour lui que le féminin du prénom « Marin ». Il faudrait consulter sur ce point les hagiographes habituels du FN mais il faut reconnaître que ce choix a été heureux ne serait-ce que pour permettre de reprendre le joli symbole que j'ai reproduit ci-dessus. Il est certes celui de notre « marine nationale » mais il représente aussi joliment, toutes voiles dehors, le vaisseau amiral qui, pour le moment, cingle en tête de la misérable flottille des candidats potentiels à l'élection présidentielle.

Il est de bon ton de qualifier le choc entre Marine et Jean-Luc de rivalité populiste. Le sont-ils tellement plus que les autres ? Je ne saurais le dire car il me semble que le populisme est le caractère premier de tout discours politicien ; j’use, à dessein, de ce terme pour ne pas salir le beau mot « politique » qui me paraît digne d'un tout autre usage, mais je crains qu'on ne juge un tel choix « populiste » !

Mélenchon pose plus de problèmes et suscite plus d’interrogations que Marine Nationale qui, au fond, n'a fait que policer quelque peu le discours paternel. J'ai écrit, il y a deux mois me semble-t-il, un post que j'avais intitulé, d'une façon un peu sibylline, « Mélenchon ou Melanchthon ? ». Que celles et ceux qui l’ont lu et qui s’en souviendraient par hasard me pardonnent d’en reprendre ici quelques mots.

Un mot sur Mélenchon d'abord, en particulier pour expliquer ce titre inattendu. Je ne sais pas quelle est l'origine du patronyme Mélenchon, mais il m’a toujours fait irrésistiblement penser, à celui du grand théologien du protestantisme Melanchthon, grand érudit qui avait hellénisé son nom allemand tout en lui conservant son sens de « terre noire ». Il faut dire que l'évolution actuelle de notre Jean-Luc n'est pas faite pour écarter ce rapprochement un peu douteux.

En effet, de même que Melanchthon (1497-1560), auteur de la Convention d’Augsbourg (1530) se considérait comme le dépositaire de la pensée théologique luthérienne, de même notre Mélenchon est devenu l’augure et l'utilisateur exclusif de la pensée de gauche française. Il faut dire que le bougre a de la verve et que son succès médiatique fait qu'il en use de plus en plus, non sans quelque talent en particulier contre les journalistes qui se risquent à l'interroger.

Il faut reconnaître aussi qu'il a fait des progrès sur le plan de l’information et que ses propos ne sont pas toujours dépourvus de fondements politiques et économiques, depuis qu'il a abandonné la pure et simple vocifération qui fondait ses premiers succès.

Autre flèche que vous fournit gratuitement Usbek Consulting and Co, cher Jean-Luc : si la mère porteuse des 35 heures a bien été Martine Aubry, le géniteur qui a fourni le sperme (dont, dit-on, il n’est pas avare) était Dominique Strauss-Kahn !

Comme j'ai opposé, en titre, la Marine Nationale à Mémé Lenchon, il faut bien que je m'explique sur la seconde partie de ce curieux diptyque. Les « Guignols de l'Info » qui, moins toutefois qu’à l’époque du regretté Bruno Gaccio, demeurent néanmoins parmi les meilleurs analystes politiques de nos médias, ont créé pour Jean-Luc Mélenchon la marionnette de « Mémé Lenchon ». Jean-Luc apparaît sous la forme d'une vieille femme acariâtre et grincheuse, fort occupée par un tricot qui s'apparente au gilet qu'Anémone tricotait pour Thierry Lhermitte dans « le Père Noël est une ordure ». On sent toutefois à entendre et à voir Mémé Lenchon qu'elle préférerait utiliser ses aiguilles à tricoter à d'autres fins que celles de la confection de ce tricot ; elle me fait irrésistiblement penser aux tricoteuses de la Révolution, familières du spectacle de la guillotine.

La Marine Nationale caracole en tête des sondages, ce qui n'est pas pour le moment le cas de Mémé Lenchon qui reste assez loin dans le second peloton mais qui, je pense, n’a pas dit son derrnier mot et aura sans doute à terme un score plus favorable. En revanche, de toute évidence, Mémé Lenchon « cartonne » dans les médias et a même réussi à faire sortir de ses gonds Michel Denisot ce qui est un fait unique dans les annales du PAF ! Tout cela prouve simplement la désaffection des Français, bien compréhensible, pour la classe politique, dont ils ont déjà témoigné lors de la précédente élection présidentielle. Le succès du vote blanc le prouve et notre démocratie ferait bien d’y réfléchir au lieu de mettre à la poubelle électorale les bulletins d’électeurs qui se sont déplacés et dérangés pour venir voter. En effet, ne pas considérer le vote blanc comme un suffrage exprimé est véritablement une honte pour le « pays des droits de l'homme », comme on dit un peu partout avec le moins en moins de raisons de le faire.

jeudi 10 mars 2011

« Les bonnes recettes de Tatie Christine ».

Une fois de plus, ce vendredi matin 10 mars 2011, notre ministre Christine Lagarde (familièrement dite « Tatie Christine » selon l'usage de nos bons vieux livres de cuisine, depuis Tante Marie) a délaissé ses fourneaux économiques de Bercy pour nous livrer les secrets de sa cuisine d’économie d'énergie.

Elle semble pourtant avoir délaissé sa précédente recommandation de l'usage du vélocipède qu'elle conseillait naguère encore pour ménager le super et le gasoil, mais elle reprend néanmoins quelques-unes de ces bonnes vieilles recettes qui ont fait de notre cuisine la meilleure du monde comme l’UNESCO l’a enfin reconnu.

La première et la plus simple est celle de la mise en concurrence des fournisseurs de carburants. Naturellement, en ministre responsable et patriote ne saurait recommander d'aller faire le plein dans les pays étrangers limitrophes qui, Dieu seul sait comment, fournissent l'essence à de meilleurs prix. Si vous habitez Armentières, il vous est difficile de gagner l'Espagne, de même que si vous êtes à Bayonne, si avantageux que soient les tarifs du carburant en Belgique ou au Luxembourg, mieux vaut n’y pas trop songer.

En revanche dans l'espace hexagonal il faut absolument vous renseigner et ne pas acheter, aveuglément et sottement, votre essence dans les stations proches de votre domicile ; la chose est évidemment commode mais elle peut se révéler économiquement malheureuse. Fort heureusement, vous disposez désormais d'un site où le gouvernement vous donne tous les renseignements indispensables.

Il s’agit de prix-carburants.gouv.fr où, à 9 heures 30 ce jour, je suis allé, par curiosité, faire un tour pour y découvrir que son usage est fort incommode (avec des rubriques inaccessibles remplies de mentions « erreur » ou mieux encore « warning », alors que je croyais l’usage de l’anglais interdit dans les textes administratifs français).

Dès lors, et si plus malin que moi, vous arrivez à vous informer, vous pouvez envisager de vous rendre dans des stations où vous trouverez le super 95 où le gasoil à des prix inférieurs de plusieurs centimes dans certains cas. Si vous prenez en compte l'aspect touristique de votre déplacement et même éventuellement, si vous ne consommez pas trop d'essence, la possibilité de faire ce plein si économique pendant vos vacances, vous pouvez très bien aller passer vos congés tout près de cette si attrayante et économique station-service, en Charente-Maritime, où se trouve, me semble-t-il, la station de France qui vend le moins cher le super 95. Le risque est évidemment que ce plein si économique que vous aurez fait en ce lieu charentais béni soit épuisé par votre trajet de retour chez vous. Cela vous obligera donc inévitablement à faire, derechef, le parcours inverse pour refaire un plein que votre retour épuisera à nouveau, inévitablement, de la même façon. C'est là une sorte de version moderne et automobile du mythe de Sisyphe. Néanmoins vous aurez la satisfaction de vous être inscrit dans la formule favorite de Tatie Christine qui est : « Acheter le plus malin possible ! ».

Il m'a semblé déceler dans les recettes de Tatie Christine une faille épistémologique que j'hésite à qualifier de contradiction interne voire de « double bind ». Elle nous a affirmé en effet, confirmant la question de la journaliste, que le prix de l'essence est libre en France. Toutefois, dans le même mouvement, la ministre nous a précisé que des meutes de contrôleurs étaient lancées sur la piste des pompistes indélicats qui pratiquent des prix trop élevés. J'avoue ne pas bien comprendre comment on peut sanctionner des prix dans la mesure où ces prix sont réputés libres. Va comprendre Charles! Mais enfin tout s grand chef de cuisine a, comme elle, ses petits secrets qu'il se (la)garde de nous révéler.

Il y a une solution très simple et immédiate mais Tatie Lagarde l'a écartée d'emblée. Elle serait de baisser les taxes que sont la TIPP (25 milliards annuels de recette) mais aussi la TVA puisqu'elles forment de très loin, à elles deux, la majeure partie du prix de l'essence à la pompe. Je reviendrai sur cette question pour avoir entendu hier des spécialistes des questions pétrolières affirmer que l'essence devrait être en gros vendue aux alentours d'un euro le litre et non pas, comme on constate chaque jour, à 1,50 € ou davantage, alors qu’elle coûte, en gros, deux fois moins aux Etats-Unis par exemple.

Tatie Lagarde, parodiant Guillaume d’Orange après Tante Marie, nous a sorti la fameuse formule « Je maintiendrai ». Il me semblait pourtant que cette taxe est perçue sur les volumes, et non sur le prix de vente du produit. C'est le super qui supporte la TIPP la plus élevée : 0,6069 euro pour un litre de sans plomb en 2008. Or, on avait créé la TCP/IP précisément pour maintenir les prix des carburants à des niveaux raisonnables en cas d'augmentation du prix du pétrole.

Mais je m'écarte des bonnes recettes de Tatie Christine. Proche de la France d'en bas en dépit des apparences et soucieuse du moindre détail, Tatie Christine nous livre quelques recettes d'une grande simplicité et l'application facile auquel on ne songe pas nécessairement toujours. Ainsi conseille-t-elle au bon peuple des automobilistes français de gonfler davantage leurs pneus, d’éviter de conduire de « manière saccadée » (j’avoue ne pas avoir compris en quoi consiste ce mode de conduite), de rouler plus lentement (ça j’y avais pensé) et surtout de couper le moteur longtemps avant de s'arrêter ! Quoique Tatie Christine se soit limitée à ces quatre conseils, on serait tenté d'en rajouter quelques-uns, parfois un peu difficiles à mettre en oeuvre, comme, par exemple, d'installer des voiles sur le toit de sa voiture ou, plus simple et plus radical encore, de laisser sa voiture au garage et de rester chez soi.

Une piste plus intéressante et sans doute plus efficace, que Tatie Christine n’a fait qu’évoquer en conclusion et en passant (encore un des chers zeugmas). Christine Lagarde nous a appris, en effet, que le gouvernement va s'intéresser enfin à la manière dont les prix sont formés et aux marges qui sont celles de chacun des intervenants. La question est d'importance et on l’a gardée de ce fait pour la bonne bouche, car on pourrait s'étonner que Christine et notre gouvernement n'y aient pas songé plus tôt. Il est vrai que sans doute, comme pour toute question que l'on veut noyer, depuis Clémenceau, la démarche consistera à créer une commission. Or, dans les circonstances présentes, vu l'augmentation du prix de l'essence, les membres de cette commission auront la plus grande difficulté à se déplacer pour se réunir, d'autant que tous le font toujours dans de puissantes voitures, dont les pneus sont souvent mal gonflés et dont les chauffeurs, à la conduite rendue fatalement saccadée par la vitesse, ne songent guère à ralentir leurs véhicules puisqu'il leur faut bien suivre le train d’enfer des motards qui leur ouvrent la route.

On peut se référer à mon post d'hier pour voir qu’une fois encore, Tatie Christine s'est muée en fin de discours en Tatie Coué et nous a annoncé des lendemains qui chantent, même si, pour le moment, les accents du présent sont plutôt moroses.

mercredi 9 mars 2011

Les conseils et les exemples.

Le grand et perspicace La Rochefoucauld disait : « Les vieillards aiment à donner de bons conseils pour se consoler de ne plus pouvoir donner de mauvais exemples ».

En matière d'économie comme de politique, nous-autres Français, qui sommes, vous le savez comme moi, les meilleurs, nous nous entendons à donner à la fois de bons conseils et de mauvais exemples, ce qui montre notre immense supériorité sur les vieillards qu'évoquait La Rochefoucauld.

Il faut dire qu'on nous confie parfois des rôles, dans l’UE, au G8 ou au G20, qui nous encouragent dans cette voie et nous amènent à nous ériger en exemples dans des domaines où nous devrions, au contraire, chercher un trou de souris pour tenter de nous y cacher.

Ainsi sommes-nous amenés à nous citer en exemples en matière d'économie et j'entendais Mme Christine Lagarde le faire encore, sans rire, tout récemment en face de journalistes dont on ne sait pas s’ils sont ignorants ou complices, à moins qu’ils ne soient les deux.

Le problème est que la comparaison qu'elle établissait alors ne se faisait pas avec la Grèce ou l'Irlande, États auprès desquels nous pouvons faire encore, en apparence du moins, assez bonne figure, mais avec l'Allemagne qui est, en matière industrielle et économique, le must. Que ce soit pour le chômage (qui a baissé de 2 % en RFA, alors qu'il a plutôt augmenté chez nous), pour le commerce et l'industrie (l'excédent commercial allemand est colossal alors que notre déficit est gigantesque) ou encore pour les salaires. Sur ce dernier point, on constate en Allemagne une augmentation par des primes, de 3000 à 6000 euros dans l’automobile, alors que le docte JC Trichet affirme publiquement qu’augmenter les salaires serait « la pire des choses ». Ce propos va sans doute apporter soulagement et consolation aux smicards français ; Môssieu Trichet, directeur de la BCE, lui, est un exemple, pour eux comme pour nous. Est-ce qu’il se plaint lui avec ses pauvres 350.000 euros annuels auxquels s'ajoutent , à vrai dire et fort heureusement, des indemnités de logement et de représentation?

Tenter, comme notre Madame Lagarde, d'établir une comparaison entre la France et l'Allemagne est une démarche assurément hardie mais fondamentalement absurde, si elle n’est pas fallacieuse.

Mais laissons l'économie sur laquelle chacun d'entre nous sait que les gouvernements ne peuvent pas grand-chose, puisqu'ils ont les mains liées tant par les banques que par la spéculation. En revanche, pour la politique et tout particulièrement pour la morale politique, nous pensons être incontestablement les meilleurs du monde, au moins sur le plan des conseils à défaut de l'être sur celui des exemples, car notre démocratie apparaît de plus en plus branlante à bien des égards, le plus grand scandale étant celui de la liberté d’expression qui fut longtemps un privilège français.

Je ne reviendrai pas sur les événements du Maghreb qui sont très loin d'être achevés, on le voit chaque jour, et dont je ne suis pas sûr que nos politiques aient véritablement déterminé la nature (plusieurs ne la soupçonnaient guère au moment de leurs vacances d'hiver) et, moins encore, l'évolution ultérieure.

Au milieu du concert unanime d'applaudissements pour la marche de ces Etats vers la démocratie, aucun des experts qui entourent nos dirigeants ne semble avoir pressenti un instant que les Tunisiens, par exemple, au lieu de songer à se complaire enfin dans cette démocratie en marche, s'embarqueraient en masse dans des raffiots pour gagner Lampedusa, Vintimille et au-delà la France, sans songer un instant à jouir de la démocratie enfin instaurée sous leurs palmiers.

De la même façon, nous nous manquons pas de dénoncer dans la justice mexicaine des comportements scandaleux qui tiennent surtout à la condamnation d’une Française dont on déplore avec la plus grande vigueur le sort incontestablement malheureux, sans avoir pourtant la moindre certitude réelle en ce qui concerne son innocence. La justice mexicaine, selon nous, a le tort majeur de condamner à 60 ans de prison une innocente ! Que ne suit-elle notre bel exemple français, nous qui nous employons actuellement, dans un procès passablement ridicule qui occupe tous nos médias, à faire considérer comme « PRESUME innocent » un accusé qui, lui-même, a déjà, de toute évidence et publiquement, reconnu sa culpabilité, en acceptant de compenser ou de faire compenser les dommages subis du fait de ses agissements illégaux !

Les grands Etats comme la France peuvent donc, à la différence des vieillards de la Rochefoucauld, délivrer de bons conseils tout en donnant de mauvais exemples.