Comparaison n'est pas raison et il est évident que, mise à part l'identité du belliqueux couple franco-britannique, les situations sont tout à fait différentes de celles de 1956, car, dans l'affaire de Suez à cette époque, il y avait en outre, face à l’Egypte, un troisième partenaire (et non le moindre) qui était Israël.
On doit toutefois se souvenir que ces « événements de Suez » ( « l’opération Kadesch » selon la terminologie militaire israëlienne), surviennent, en 1956 moins de dix ans après la création de l'État d'Israël (1948) et peu après la rupture entre Israël et l’URSS (1953). Or les conditions exactes de la création de l’Etat d’Israël et surtout le rôle de Staline, aussi capital qu’inattendu, sont peu connus quand ils ne sont pas oubliés ou ignorés de la plupart des commentateurs.
On doit garder à l’esprit qu’en 1956, on est en pleine guerre froide et que cette même année est particulièrement agitée dans la zone moyen-orientale. En effet, durant cette année, la tension s'accroît entre Israël et l'Égypte suite aux raids menés par les fedayins palestiniens sur le territoire israélien. Nasser, qui a succédé à Neguib, décide de fermer le canal de Suez aux navires israéliens ; il reconnaît alors la Chine et, de ce fait, entre en conflit ouvert avec les Etats-Unis qui mettent un terme à leur aide financière à l'Égypte. Nasser, unilatéralement, nationalise le canal de Suez, dont 44% appartiennent à un consortium franco-britannique. La compagnie du canal retire aussitôt, en représailles, ses techniciens, qui seront remplacés par des agents issus d’Etats « non-alignés ».
La tension s’accroît au point qu’après la destruction au sol par les Franco-Britanniques de l’aviation égyptienne et les attaques conjuguées des troupes israéliennes dans le Sinaï et des forces françaises et anglaises, parachutées et/ou débarquées, l’URSS ira jusqu’à menacer la France, le Royaume-Uni et Israël d'une guerre nucléaire. Ce bluff contraint alors l’OTAN à rappeller qu'elle ripostera, le cas échéant, par les mêmes armes. Les Etats-Unis, qui naturellement n’ont pas les mêmes intérêts politiques et économiques dans l’accès au canal de Suez que les nations européennes et, a fortiori, qu’Israël, doivent finir par sortir de leur attentisme. Ils exigent donc le retrait des forces franco-britanniques et israëliennes victorieuses ; ils font même pression à la fois sur le plan militaire, en perturbant, par l’arrivée de leurs propres forces navales, le dispositif franco-britannique, et, sur le plan monétaire, en attaquant sur ce terrain la livre sterling.
On ne saura sans doute jamais toute la réalité du dessous des cartes diplomatiques du moment et il y a fort bien pu y avoir là un « échange de bons procédés » secret entre les deux super-puissances sur le dos franco-britannique. Ce sont clairement, en tout cas, les EU et l’URSS et non pas l’ONU, qui ne retirera de l’affaire que l’avènement des « casques bleus », qui ont imposé, de façon presque violente, l'arrêt du conflit en forçant à rentrer chez elles les forces françaises, britanniques ... et israëliennes victorieuses sur le terrain.
On ne sait généralement pas que la position du président Truman sur la création de l’Etat d’Israël avait été très loin d’être claire et que l’URSS avait été le PREMIER Etat à reconnaître de jure Israël. En outre, dès le 15 mai 1948, l’URSS a CONDAMNE l’intervention des armées arabes en prenant la défense d’Israël. Sans intervenir directement dans les livraisons d’armes aux Israéliens, Staline a eu, là aussi, un rôle décisif puisque dès 1947, il les avait « autorisées », ce qui, de la part du « Petit Père des Peuples », revenait naturellement à les ordonner aux Etats de l’Est ! Ce sont les Tchèques surtout qui ont livré les armes qui faisaient si cruellement défaut aux Israéliens attaqués et sans lesquelles l’Etat d’Israël n’aurait assurément jamais pu survivre.
L’URSS pensait ainsi contrarier les USA qui étaient loin de soutenir fermement Israël. Staline espérait sans doute plus de reconnaissance politique de la part du nouvel Etat ; il avait sans doute probablement sous-estimé le poids financier et le rôle de la communauté juive des Etats-Unis, d’autant que l’antisémitisme continuait à régner en URSS, où l’on interdisait toute émigration vers Israël. C’est donc assez logiquement qu’en février 1953, juste avant la mort de Staline, Moscou rompt ses relations diplomatiques avec Tel Aviv. Le rapprochement avec l’Egypte devient alors des plus logiques.
On comprend aussi aisément par là que la gauche française et surtout le PCF, qui en est encore, à cette époque, la composante majeure vont aussitôt changer de sentiment à l’égard de l’Etat « sioniste » que la protection de Staline avait auparavant mis à l’abri de toute critique !
En 1947-1949 dans le cas de la création d’Israël, comme en 1956 pour le conflit de Suez, et sans doute, comme aujourd’hui, dans l’affaire de Libye, on nous ment et il y a quelque distance pour le moins entre les motifs et les intentions qu’affichent les uns et les autres et la réalité des raisons et des mobiles qui les animent. Les palinodies de la Chine comme de la Russie, les atermoiements de la Ligue arabe, le silence assourdissant des Etats africains sont des signes politiques qu’on ne saurait ignorer. Tout donne donc à penser que les Français et les Britanniques, qui furent en 1956 les dindons de la farce, le seront à nouveau.
Peut-être la France peut-elle au moins se consoler en se disant que la démonstration de l’efficacité de ses armes (et en particulier de nos chers Rafales) pourra conduire la Lybie (sous Kadhafi ou sous un autre) à nous conserver ou à nous apporter dans ce domaine sa pratique !
PS. Je suis traîné en justice par un puissant que j’ai eu l’outrecuidance de railler dans mes « persaneries », mais là, pour le coup, je risque, pour le moins, douze balles dans la peau, pour haute trahison ! Vive la démocratie que nous exportons mieux que nos avions mais grâce à eux, puisque nous les utilisons, de façon inattendue, à cette fin.
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2 commentaires:
un ou des nom sur les cons qui vous trainent en justice......
Un "petit" détail omis, cher Usbek. C'est le retrait des forces de l'ONU du Sinaï et le blocus du détroit de Tiran qui sont les principaux facteurs déclencheurs du côté israélien ...
Quand au reste, pareil ...
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