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jeudi 17 mars 2011

« Nous sommes tous des Japonais »

« Nous sommes tous des Japonais ».

Bernard Kouchner, hier chez Elkabach sur Europe 1 à 8 heures et quart, n’était pas peu fier de sa formule, même s’il ne peut pas ignorer qu’elle a déjà beaucoup servi et que, dans l’année précédente, un clou chassant l’autre, nous étions déjà tous des Haïtiens après les 230.000 morts du séisme de Port-au-Prince, en janvier 2012, car si les Haïiens n’ont pas eu de menaces nucléaires, un ou deux cyclones sans compter une épidémie de choléra ne les ont pas empêchés de sombrer dans l’oubli. Sur le registre plus personnel mais dans le même esprit, J.F. Kennedy avait déjà manifesté sa solidarité avec les Berlinois lors du blocus soviétique de la ville par son fameux « Ich bin ein Berliner !).

A ma connaissance, le plus ancien usage d’une telle formule se trouve dans la tradition orale française, reprise dans le monde créole. Dans l’océan Indien, dans la série des contes de « Petit Jean » (localement « Ti zan ») se trouve un récit qui illustre déjà cette formule. Le récit est quelque peu mâtiné de Petit Poucet, puisque Petit Jean y a huit frères, de telles osmoses étant courantes dans les récits oraux créoles. Poursuivi par un méchant ogre qui veut le dévorer, ce dernier persuade leur hôtesse de faire porter à Petit Jean un « langouti » (vêtement indien) rouge pour qu’il puisse le distinguer des autres avant de le manger. Petit Jean, le « trickster » rusé et méfiant, coupe en dix le langouti rouge et en donne un morceau à chacun des frères. L’ogre venant le lendemain dévorer sa victime désignée et cherchant « Ti zan langouti rouz » voit tous les enfants porteurs du même langouti rouge et s’entend alors répondre, « Nou tous Ti Zan langouti rouz ! » (= nous sommes tous Petit Jean au langouti rouge).

Impatiente lectrice et impétueux lecteur, je vous entends déjà maugréer en vous demandant où je veux en venir en sautant ainsi de Bernard Kouchner à Petit Jean (sans faire, je le jure, la moindre allusion à la taille de ces deux héros).

Je veux simplement en venir au sujet du jour, l’état de la centrale nucléaire japonaise et les conséquences imprévisibles du séisme et du tsunami.

Comme toujours, on nous abreuve d’images repassées en boucle et souvent données comme originales après une bonne demi-douzaine de (re-)diffusions. J’entendais récemment regretter par un/une de nos journalistes, l’absence de vues des cadavres (je vous jure que c’est vrai !). Ce sont des images que s’interdisent, paraît-il, (hélas pour nous) les Japonais. Nous ne sommes donc pas tout à fait des Japonais, car nos télés, en revanche, sont très friandes de tels spectacles, même si elles nous préviennent toujours de leur horreur, avant de les diffuser, comme toutes les publicités, obsédantes et racoleuses, pour les aliments gras ou sucrés, l’alcool et les jeux, ne manquent jamais de nous prévenir des graves dangers de la consommation de ces produits dont elles font néanmoins, sans états d’âme ni remords, la « réclame » !

Le plus clair est que l’on entend guère, dans nos médias, que des journalistes, totalement ignorants des questions en cause, ou des responsables administratifs ou commerciaux (secrètement ravis, en fait, d’une catastrophe lointaine qui devrait gravement compromettre la production japonaise sur le marché très concurrentiel du nucléaire), mais très rarement de vrais spécialistes qui pourraient nous apporter des informations intéressantes qui souvent d’ailleurs ne sont pas communiquées par les autorités japonaises.

Je me limiterai donc à un seul point, indéfiniment ressassé et qui est la comparaison entre Tchernobyl et Fukushima, comparaison à propos de laquelle je serai ravi d’ouvrir mon espace éditorial à Olivier s’il veut bien faire ici un effort.

A propos du fameux « nuage », dont on nous menace pour la suite, et qui avait circulé, après Tchernobyl au-dessus de l’Europe (en évitant toutefois la France grâce à la vigilance de nos autorités de l’époque et à l’anticyclone des Açores) j’ai entendu un vrai savant dire que les deux catastophes était très différentes, ce qui rendait leurs conséquences très différentes aussi à cet égard.

Dans le cas de Tchernobyl (26 avril 1986), le programme soviétique mis en place là-bas relevait de la filière de réacteurs RBMK-1000, réacteurs à eau ordinaire modérés par du graphite ; ce modèle, dont l’usage remontait aux années 70, était utilisé exclusivement dans les républiques de l'ex-URSS (Tchernobyl, rappelons-le, est en Ukraine, au Nord de Kiev). Le fameux « nuage » de Tchernobyl, si j’ai bien compris (mais l’avis d’Olivier serait précieux), était formé surtout de particules de graphite radioactives, suceptibles d’une durée de vie et d’action très supérieures à celle des particules d’eau qui forment les « nuages » de Fukushima.

On parle de « nuages » dans tous les cas, mais on doit sans doute distinguer ceux qui sont formés d’eau de ceux qui, comme dans le cas de Tchernobyl, sont constitués de particules solides, du graphite dans ce cas ou de particules volcaniques (sans danger pour le coup même si ces nuages sont fort gênants) dans le cas de l’éruption du volcan islandais qui a mis en émoi naguère le ciel européen.

Ne pourrait-on nous traiter comme des adultes au lieu de ne nous offrir que de scoops éculés et des interviews insipides de voyageurs qui n’ont rien d’autre à nous dire que leurs préoccupations personnelles ?

4 commentaires:

Anonyme a dit…

vous presentez trés correctement le problème cher ami/LES JAPONAIS parlent trés peu et les journalistes n ont pas la formation scientifique spécialisée pour suivre les pérpéties .....
je vous invite ainsi que vos lecteurs a remettre un peu les yeux sur le nouvel obs bloggs , et en particulier celui DE MES ARTICLES aujourd hui et d hier ou un lecteur m a posé des questions redoutables
bien sincerement
olivier

Anonyme a dit…

J'aimerais d'autre part que l'on se consacre à ce qui reste de potentialités pour espérer que ce pays reparte, une espérance plutôt que le zoom perpétuel sur la zone dévastée
Car les japonais ont plus besoin de visualiser ce qui reste debout dans leur pays, et d'une information exacte sur la menace nucléaire et les mesures conservatoires

Sur ces deux éléments reposent leur intégrité, leur place maintenue dans le destin planétaire autre que celle d'une dévastation dont on aimerait aussi connaître en même temps qu'eux les plans à court moyen et long terme de la structure sociétale du Japon
ce pays se trouve dans un schéma avec d'un côté ceux qui fuient vers le sud, de l'autre ceux qui restent par terre

Me direz vous, en Haiti tout le monde est resté par terre et y est encore
mes propos à pondérer par une explosion gigantesque ou un big one....mais là...........

Anonyme a dit…

J'espère que les actions d'Areva et de Suez ont bondi!

Marc a dit…

J'ai passé 2 semaines à Tokyo et Kyoto il y a un an. Il est difficile d'imaginer que le quartier de Shinzuku est de la taille de Paris. Lorsque l'on est en haut de la tour de la mairie, l’agglomération de Tokyo dépasse la ligne d'horizon ... La famille de ma belle-fille vit au nord de Tokyo et n'envisage absolument pas de quitter leur fille et petite-fille pour venir à Paris. Il nous a fallu plus de 24h pour avoir de leur nouvelle après le tremblement de terre. La maison, en dur, a tenu le choc et à part la vaisselle .... Sauf contamination de Tokyo, la situation risque d'être pénible à vivre entre rétablissement des moyens de transport, rétablissement de l'énergie et des télécoms mais surtout des risques de pénurie alimentaire. L'incroyable discipline nippone va en prendre un sérieux coup ainsi que la croyance dans les vertus de l'entreprise. J'avais senti un frémissement et un début de fracture entre le monde traditionnel et le monde moderne. On voit de plus en plus de femmes qui ne se marient plus ou très tard, refusant le modèle traditionnel de la femme au foyer.
Difficile de parler d'économie et de retour à la normale dans moins de deux ans, ce que je crois compte tenu que le tsunami a peu impacté les sites de production ...
La peur de l'atome est ancrée en nous et je me souviens d'un déplacement entre Valence et Avignon où je longeais la centrale du Tricastin, implantée à proximité de l'autoroute. Des fuites s'étaient produites et j'ai vu avec surprise que mon compteur annonçait 180 km/H pendant que j'appuyais inconsciemment sur l'accélérateur pour dégager au plus vite ....
J'avoue avoir la trouille pour Myako et son mari en pré-retraite.