Messages les plus consultés

vendredi 25 mars 2011

Libye. Lubie. Alibi

Le subit engagement de la France, le 11 mars 2011, en faveur de la « révolution » libyenne a eu toutes les allures d’une lubie et se veut par ailleurs un alibi, ce qui confirme, que, comme le disait Mallarmé, il faut « laisser l’initiative aux mots ». Libye, lubie, alibi...

Libye. Lubie ?
Le 11 mars 2011, le soudain choix présidentiel, sans la moindre concertation avec l’Europe, en faveur de la « révolution » libyenne était inattendu, ce qui est le propre, banal, de toute lubie. Le mouvement politique en cause, est d’ailleurs plus celui de la Cyrénaïque que de la Libye dans son ensemble, puisque cet Etat regroupe, en fait, dans un agrégat colonial classique, la Tripolitaine, la Cyrénaïque et le Fezzan, ce qu’on tend un peu trop à oublier.

Inspirée ou non par Bernard-Henri Levy, comme certains l’ont laissé entendre, cette option soudaine n’a pas manqué de surprendre et d’étonner, et sans doute au premier chef, le ministre des affaires étrangères. Souvenons-nous qu’Emile Littré que son épouse, rentrée inopinément, venait de trouver au lit avec la bonne et qui lui disait combien elle était surprise, lui fit observer du fond de la couche adultère, non sans bon sens et sang-froid : « Non, Madame, vous êtes étonnée ; c’est nous qui sommes surpris ! ».

Sans être étonné sans doute, Alain Juppé a dû néanmoins être surpris par la soudaineté et l’étrangeté de la décision présidentielle ; lui-même, trois jours avant, dans une revue officielle de la situation politique globale, s’il évoquait l’Afghanistan, la Côte d’Ivoire et quelques autres lieux « chauds » du monde, n’avait pas eu un mot sur la Libye. Il lui a donc fallu, au plus vite, ravaler son amertume pour préparer son vol et son discours pour New-York !

Ah Libye ! Alibi !
A la veille de cantonales difficiles et au lendemain de deux insuccès majeurs et voisins en Tunisie et en Egypte, il fallait bien tenter de reprendre un peu la main par un coup d’éclat. Tout cela a dû être déjà dit cent fois partout et je ne vois guère l’intérêt d’y revenir, sinon que l’affaire prend un tour pire encore que tout ce que l’on pouvait imaginer, vu que la hâte de se retirer succède chez Obama à l’enthousisasme plus que mesuré du début. Les Chinois et les Russes, dont l’abstention initiale, un peu inattendue, résultait, sait-on désormais, de divergences internes, ont , dès le jour des premières frappes, manifesté leur désapprobation, suivis en cela par les Allemands ! La discussion finale à Bruxelles sur les rôles respectifs de la « coalition » et de l’OTAN est une tentative pitoyable de la France pour sauver des apparences depuis longtemps évanouies. Tout cela n’interesse personne sauf Kadhafi qui, dans son bunker et devant la télé, à dû se faire attacher sur sa chaise pour éviter d’en tomber ...mort de rire !

Devant l’évidence du fiasco (il suffir de voir les troupes de cette révolution d’opérette !) et l’indifférence, narquoise ou ironique, des mondes arabe et africain, dont les dictateurs ne sont pas assez fous pour aider à scier la branche sur laquelle ils sont, pour la plupart, assis, on va pousser en avant les diplomates après l’échec patent des militaires !

Très bon moment de rigolade télévisuelle sur le sujet dans « C dans l’air » chez Calvi, jeudi 24 mars 2011. Allez voir ça en podcast ça vaut le détour. La vedette était un diplomate Nassif Hitti, ambassadeur de la Ligue arabe, qui s’opposa fermement à Frédéric Pons qui avait le mauvais goût de souligner l’absence des Etats africains et arabes dans la coalition contre la Libye. Il n’en a rien été, selon le Monsieur de Norpois arabe, et d’ailleurs, il a rappelé que, durant l’interview du représentant de la Ligue arabe, ce dernier, à plusieurs reprises, avait froncé le sourcil gauche en signe de violent désaccord intérieur (attention, Votre Excellence, pas de procès, je blague !).

Plus sérieusement, à huis-clos ce vendredi 25 mars 2011, à la réunion de l’Union Africaine, à Addis-Abeba (où les "révolutionnaires libyens", pas fous, ont préféré ne pas venir) des négociations de sortie de crise se sont engagées avec une importante délégation gouvernementale libyenne, conduite par Mohamed Abou el-Kassim Zouaï, accompagné de quatre ministres. On y a confirmé l'opposition à "l'intervention militaire extérieure"! Et pendant ce temps, les modernes Godefroi de Bouillon se disputent sur le commandement d’une action qu’on va sans doute les prier gentiment sous peu d’interrompre, même si nos médias ignorent superbement la réunion africaine d'Addis-Abeba au profit de celles, européennes, de Bruxelles (passée) et de Londres (à venir) !

PS : Pour information rappelons que La Libye est l'un des principaux bailleurs de fonds de l'Union africaine qui a été créée dans son principe en 1999 par la "déclaration de Syrte", ville natale de Kadhafi. L'Union africaine, dans l'article quatrième de sa charte, interdit les coups d'État au sein des gouvernements de ses Etats membres. Suis-je assez clair?

Aucun commentaire: