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mardi 29 mars 2011

Libye. Lubie. Alibi. N°4.

Avec la conférence de Londres qui s'est ouverte aujourd'hui, mardi 29 mars 2011, en début d'après-midi, on pouvait espérer voir les choses se clarifier un peu et surtout l'information gagner en cohérence et en fiabilité.

Il n'en est rien ; au poker diplomatique menteur, à la guerre psychologique fondée sur les rumeurs et les fausses nouvelles volontaires, aux reportages de terrain que les envoyés spéciaux, prudents, font à 50 km du théâtre des opérations (c’est mieux qu’au Japon où ils se tiennent à 200 km de Fukushima) s'ajoutent désormais les présentations nationales fallacieuses qui visent, pour toutes sortes de raisons, à favoriser les points de vue des uns ou des autres.

Ainsi sur Europe 1, ce matin, a-t-on pu entendre Pascal Boniface, spécialiste de géopolitique et de football, tenir des propos un peu insolites comme « Ce qui est important, c'est de montrer qu'il y a une option politique [sic] et qu'il y a une vaste coalition [resic] qui soutient un projet global, que ça n'est pas une guerre occidentale contre un pays arabe [re-re-sic] ». Comment a-t-il pu échapper à P. Boniface que, dans un choc fratricide entre équipes musulmanes, la Lybie vient de battre les Comores 3-0, dans le cadre de la Coupe d’Afrique des Nations, au cours d’un match délocalisé au Mali. On apprend que le nom de Kadhafi a été scandé avec enthousiasme dans les tribunes par le public malien ! On espère qu’avec « l’exclusion aérienne », les footballeurs libyens n’ont pas dû faire à pied le trajet Tripoli-Bamako !

Pour laisser ce sujet sérieux , on se demande comment peuvent s'accorder Obama qui, aux Etats-Unis, dans une déclaration télévisée, déclarait hier que « Les Etats-Unis ne peuvent pas se permettre de refaire les erreurs de la guerre d’Irak en essayant de renverser militairement le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi » et Hillary Clinton qui, à Londres, s'entretient avec l'émissaire de la rébellion Mahmoud Jibril. Il est à craindre qu’elle ne lui tienne des propos un peu différents de ceux de son président ; on voit en cela la grande sagesse d’Obama qui l’a envoyée à sa place à Londres.

Comment peut-on raisonnablement discuter à Londres du départ de Kadhafi et du sort de la Lybie ou faire croire qu'on en discute ou en discuter en feignant de parler d'autre chose, alors que la résolution 1973 de l'ONU, leur bible à tous, n'évoquait en rien ce problème? Le porte-parole du gouvernement français François Baroin est bien le seul à juger qu’on « ne s'éloigne en aucune façon de la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies".

Si vous voulez, sinon comprendre quelque chose à tout cela, du moins être un peu objectivement informé, ne comptez pas sur la presse française, une fois de plus aux ordres du pouvoir, même quand ce dernier ne lui demande rien. Mieux vaut donc, ce qui est facile grâce à Internet, aller lire le Devoir de Montréal, le Washington Post ou , plus près de nous, la Tribune de Genève.

La révolution libyenne avait pris, nous disait-on il y a quelques jours, la ville de Syrte, patrie et bastion de Khadafi, mais voilà qu'hier on nous montre des images et on nous fait des récits de la tournée dans Syrte organisée par le pouvoir de Tripoli pour la presse étrangère. Il y a quelques jours, on avait fait grand cas aussi de la mort du plus redouté des fils du colonel, Khamis, chef du groupe le plus féroce de la garde du Colonel ; on le prétendait tué par l'une de nos frappes aériennes. Or Khamis est apparu en public lundi soir, à la télévision nationale libyenne, filmé à Bab el-Aziziya à Tripoli, « en direct, en live et en uniforme ».

On se demande comment cette télévision libyenne, cible première et facile, peut continuer à fonctionner, comme si de rien n'était, après les frappes aériennes dont on ne cesse de louer la précision et l’efficacité.

La coalition gagnerait en cohérence et en étendue, nous dit-on, du côté français surtout, mais force est de constater que, seuls des 190 Etats du monde, la France et le Qatar ont, à ce jour, reconnu le Conseil révolutionnaire. On sait naturellement que, dans les conflits, ce qui se trame en coulisses est souvent plus important que ce qui est montré sur le devant de la scène et on ne peut que constater la singulière convergence, dont nul ne parle, entre les propositions qui semblent s'être fait jour durant le week-end à Addis-Abeba au sein de l'Union Africaine et les perspectives qui paraissent s’ouvrir dans le cadre de la conférence de Londres où se trouve précisément aussi, par le plus grand hasard, le président de la commission de l'Union Africaine.

Tout cela n'est toutefois pas non plus sans rapport avec ce qui se passe en Libye même et l'offensive manifestement lancée à nouveau par Kadhafi n'a probablement pas d'autre but que de renforcer sa position dans les négociations qui ont lieu en ce moment.

Dernière minute. Les espoirs évoqués ci-dessus reculent. Les "révolutionnaires libyens", quoique invités et présents à Londres, n'ont pas pris part aux séances et l'Union Africaine, invitée et présente, n'a pas été intégrée au "groupe de contact" mis en place en cette occasion. Tout cela n'a guère de cohérence et reflète, en fait, les désccords de fond entre les principaux protagonistes. On le savait déjà!

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