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vendredi 4 mars 2011

Haïti : le diable et le bon Dieu (première partie)



Sur les conseils d'une amie qui l’avait regardé la veille, je viens de voir un film sur Haïti intitulé « Bondye bon » (= « Dieu est bon », formule qui est un peu inattendue après un séisme qui a détruit la capitale, une partie du pays et fait 230.000 morts).

Ce documentaire est passé hier sur FranceO car il s’agit d’une coproduction entre FranceO et la télévision suisse. Il présente la situation d'Haïti durant l'année qui a suivi le séisme du 12 janvier 2010, essentiellement sous l'angle d'un affrontement entre trois religions : le catholicisme (traditionnel), le protestantisme (venu des Etats-Unis) et le vaudou (religion locale censée avoir été apportée d’Afrique par les esclaves).

Ce conflit est présenté dans le cadre général de la situation actuelle d'Haïti qui est, chacun le sait, catastrophique étant donné que la « reconstruction » promise n'a guère commencé, pour le moment du moins, si l'on met à part des actions ponctuelles comme la reconstruction du « Marché en fer » de Port-au-Prince par la société Digicel (téléphonie) qui continue à être très active (dans un pays où le téléphone par fil a quasiment disparu), dans le cadre d’une politique de promotion commerciale très intense qui va de telles opérations au financement du Carnaval !

Le genre que je pratique ici est une forme brève ; il ne permet donc pas de rendre compte de l'ensemble de ce film ce que son intérêt et sa qualité justifieraient. Je couperai donc en trois l'ensemble de mon propos.

Le film est, à juste titre, centré essentiellement sur le protestantisme et le vaudou ; la religion catholique n'y a qu'une place relativement réduite, essentiellement par la présentation d'une école religieuse pour les filles (on y est guidé par Soeur Elsa, dans un français parfait, même si, en classe, elle n'hésite pas devant une certaine régionalisation de cette langue, de toute évidence parfaitement tenue et en excellent état de fonctionnement, puis par celle d'un office religieux dans une église de fortune.

Ce sont donc en fait le vaudou local et le protestantisme d'importation américaine qui tiennent la plus grande place dans ce film et c'est donc à ces deux aspects que je me limiterai, car, pour le reste, si l'image d'Haïti est très fidèlement restituée (photos des ruines, camps de sinistrés, scènes de rues, « tap-taps », etc..), tout cela est sans doute assez bien connu par d'autres témoignages de natures diverses pour que je puisse en faire l’économie.

À vrai dire, la partie concernant le vaudou ne m'a pas appris grand-chose à la fois dans la mesure où je connais un peu cette religion populaire haïtienne et où je sais d'avance que tout ce qu'on nous montre n'est pas très différent, au fond, des « spectacles vaudou » qui, dans le passé, étaient proposés, moyennant finance, aux clients des hôtels. On y voit une séance, somme toute banale, avec le « poto-mitan » et les rites habituels ; le « houngan », prêtre vaudou, est entouré de fidèles, danseurs et danseuses. Le rouge domine; rien à dire donc de tout cela. La garantie savante est apportée à ce témoignage par Laënnec Hurbon, anthropologue-sociologue haïtien qui a fait toute sa carrière comme directeur de recherche au CNRS français. Le point de vue proprement haïtien est fourni par Max Beauvoir qu'on nous présente comme une sorte de pape du vaudou. Il est, en fait, « Ati national », ordonné dans cette fonction par la Confédération nationale des vodouisants haïtiens (CNVH). Ce titre est à la fois récent (2008) et peut-être un peu discutable. Mais passons...

Le plus frappant et même le plus étonnant (au sens quasi étymologique du mot), dans ce film, m'a paru l'action, très longuement présentée, des missionnaires protestants arrivés en force des États-Unis. Ils mettent en oeuvre sur place, en effet, toutes les méthodes qu'ils utilisent depuis bien longtemps dans le cadre des émissions de télé-évangélisme qu'on peut voir aux États-Unis sur les chaînes spécialisées. Comme bien entendu aucun de ces missionnaires ne parle créole, tout leur discours, parfaitement rodé, est aussitôt traduit, au fur et à mesure, en créole haïtien par les interprètes dont ils sont sans cesse flanqués.

L’un des points les plus frappants dans ces mises en scène religieuses est que ces missionnaires, tous des blancs naturellement, sont dûment costumés et cravatés, style Témoins de Jéhovah, ainsi d'ailleurs que les Haïtiens qui leur servent de truchements. Pour le reste, les méthodes sont exactement celles qu'on peut voir à la télévision américaine dans les shows de mêmes nature et finalité des mêmes évangélistes, y compris les soins administrés, en séance, aux malades ou à ceux qu'on choisit dans la foule pour jouer ce rôle. Imposition des mains de rigueur à tout propos! Toutefois, à la différence de ce qu’on peut voir dans ces émissions aux États-Unis, on ne nous a pas régalés, dans ce film, du spectacle d'un miracle en direct et « en live » ! Tout y est néanmoins parfaitement réglé, y compris les transes et les catalepsies pour lesquelles les habitudes et la culture du vaudou local constituent un terrain particulièrement favorable car le vaudou en est lui-même coutumier.
(La suite demain)

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