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dimanche 16 juin 2013

Le collabo, le juif et le nègre

De grâce, ne vous précipitez pas, à la seule lecture de ce titre, vers le site de la LICRA ou vers l'alerte de Mediapart pour signaler cet écrit et me dénoncer ! Laissez-moi au moins le temps d'expliquer que le vrai sujet est ici Alain Minc qui, à nouveau, se trouve aux prises avec une accusation de plagiat de la part de Madame Pascale Froment, auteur d'un livre sur René Bousquet paru chez Stock en 1994, dont serait largement inspiré, à ses yeux, l'ouvrage d'Alain Minc sur Jean Moulin et René Bousquet publié chez Grasset en mars 2013.

L'explication du titre provocateur de son ouvrage, rapprochant en une alliance audacieuse, un "collabo" et l'un des héros majeurs de la Résistance, tient sans doute à ce qu'il a été jugé propre à faire le buzz et à stimuler les ventes, même si, à regarder les choses de loin, ces deux préfets ont, l'un et l'autre, connu une fin tragique, après avoir fait des choix rigoureusement opposés sous l'occupation.

Le "juif", lui, n'était assurément pas au Vel d'Hiv du fait de Bousquet, car il s'agit ici de Spinoza ; il avait attiré les précédentes accusations de plagiat contre Alain Minc, à propos du livre de Patrick Rödel, Spinoza le masque de la sagesse (1997), qu'il avait, sans le dire, suivi d'un peu trop près ; A. Minc l'a d'ailleurs lui-même reconnu dans la suite, en y voyant une "faute de jeunesse" alors qu'il avait tout de même cinquante ans au moment de la parution de son Spinoza : un roman juif. Mais peut-être est-ce la rançon de l' éternelle jeunesse de cet auteur !

Quand au "nègre", c'est celui qu'Alain Minc nomme pudiquement son "documentaliste" et que je qualifie ici de "nègre", selon l'usage commun et sans qu'il soit pour autant mélanoderme. Comme cela se produit souvent en pareil cas, le collaborateur recruté dans cet emploi, s'est inspiré d'un peu trop près de sources écrites sur le sujet. C'est humain. Ce fut le cas, autrefois, du pauvre Thierry Ardisson, plagiaire sans le savoir, pour un livre sur l'Inde. Ces nègres sont, en général, fort discrets sur leurs sources, surtout à l'égard de leurs commanditaires.

C'est un homme singulier qu'Alain Minc et il suffit de lire sa notice dans le Who's Who pour s'en persuader ; je donne, quant à moi cette indication sur la principale de mes sources, pour ne pas dire la seule, afin de prévenir toute plainte en diffamation, puisque chacun sait que ces notices sont toujours rédigées par ceux-là mêmes qui en sont l'objet.

Venons-en donc au bel Alain et à son parcours que je me bornerai ici à résumer en quelques traits. Il est inspecteur des finances de troisième classe (Fii donc ...!), mais en disponibilité depuis 1977 ; on constate que, dans son parcours professionnel, il ne reste que peu de temps dans une fonction de présidence de société, car le métier qu'il affichait en 1990, à la belle époque de CERUS, était « président de société » (peu importe laquelle, mais au singulier). Le curieux de l'affaire est que, selon un rythme en gros identique à la durée de ses fonctions, c'est-à-dire tous les deux ans ou même tous les ans, il publie un livre. Du coup, on se demande si on le vire parce qu'il a passé ce temps à écrire un livre au lieu de diriger les affaires de la société ou s'il publie un livre pour se trouver une nouvelle présidence après avoir été viré de la présidence de la précédente. Va savoir….

En 1986, il commence à s'occuper, en France, des affaires de Carlo de Benedetti qui se déclare aussi "président de sociétés" (mais au pluriel lui !). Il est placé alors par ce grand ami de la gauche européenne à la tête de CERUS où il restera assez de temps pour que CERUS tombe en quenouille. On se demande si A. Minc n'est pas de la lignée de nos grands et géniaux capitaines d'industrie comme Michel Bon Jean-Marie Messier et quelques autres que le monde nous envie.

En tout cas, plus avisé qu'eux ou moins enrichi, encore que ses conseils soient des plus coûteux, A. Minc est passée de la présidence de société au consulting en vertu du bon vieux et infaillible principe : « Ce qu'on sait faire on le fait. Ce qu'on ne sait pas faire on l'enseigne ou on le conseille ». Ainsi est il désormais décrit par Wikipedia comme "conseiller politique, économiste, essayiste et dirigeant d'entreprise français. Il est actuellement président d'AM conseil et de la SANEF, l'une des trois principales sociétés autoroutières françaises". A. Minc apprécie les voies rapides, dans les affaires comme dans l'écriture, et on ne saurait lui en faire grief.

Vous comprendrez que si l'on ajoute qu'à partir de 2007, il a rejoint le buisson élyséen, en se rêvant en Attali nocturne de Sarkozy (avec lequel il ne manque pas de points communs, c'est d'Attali et non de Sarkozy que je parle), ses activités multiples et ses nombreux conseils d'administration ne lui laissent guère de temps pour se consacrer à l'écriture, surtout lorsqu'il s'attaque à des ouvrages qui ne sont pas de simples romans policiers (comme c'était les innocentes manie de ce bon Edgar Faure-Sanday ou celle, plus actuelle, de Jean-Louis Debré auquel la présidence du Conseil constitutionnel laisse naturellement plus de loisirs), mais à des ouvrages à base plus ou moins historique qui nécessitent, de toute évidence, des recherches aussi fastidieuses que dévoreuses de temps.

Dès lors, pour tout homme très occupé, politique ou non (je pense ici à Nicolas Sarkozy dont l'inattendu George Mandel, un moine de la politique a paru, en 1994, bien proche du livre de Bertrand Favreau), qui rêve de gloire littéraire, le recours aux "nègres" est quasi incontournable ; cette corporation est donc fort bien représentée et active à Paris, même si le premier des mérites y est la discrétion. Comme on ne peut se fier à personne en ce bas monde et que les commanditaires ne veulent surtout pas lire les textes sur les sujets dont ils sont censés traiter, se contentant de leur nom sur la couverture, comment savoir si votre documentaliste/nègre ne vous a pas lui-même roulé dans la même farine que celle où vous roulerez vous-même vos lecteurs?

Il y a toutefois, pour le coup une justice et voilà, en tous cas, une profession encore florissante mais que menace gravement la numérisation actuelle des livres et le "copier-coller" informatique car les plagiaires n'ont désormais plus besoin de nègres !

 

3 commentaires:

Expat a dit…

La grande ironie de ces affaires de plagiats, c'est que les faux-écrivains sont obligés, pour en passer pour de vrais, d'assumer en leur nom les "indélicatesses" de leur nègre. C'est pour eux la double peine : la trahison du nègre et la nécessité d'assumer publiquement ce qu'ils n'ont pas écrit.

Anonyme a dit…

Très juste cher Expat ; je n'avais pas vu ça sous cet angle. Je suis envahi par les Américains je ne sais pourquoi ; cent visites par jour et des dizaines de commentaires stupides qui n'ont d'autre but que de tenter, en vain, de m'attirer dans leurs blogs ou sites. C'est devenu pénible ; êtes-vous aussi victime de ces hordes d'envahisseurs ? Usbek

Expat a dit…

Cher Usbek,
je reçois aussi régulièrement ce genre de commentaires, mais dans des proportions moindres, ce qui fait que c'est supportable encore.
J'ai lu que vous vous étiez déporté sur médiapart. Un blogueur de l'obs (uleski)se plaint de la censure qu'il a subie sur les blogs de ce site où il est désormais interdit de séjour(publications et commentaires). Suite, je crois, d'après ce que j'ai compris, à une analyse de l'affaire Méric peu amène vis-à-vis des groupuscules d'extrême-gauche.