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samedi 1 juin 2013

Affaires Tapie : Nanar et les Présidents

Marie Anne Kraft, dans un commentaire à mon post "Affaire Tapie : une coïncidence de plus", pose une question que je me suis posée comme beaucoup (et pas seulement les journalistes qui, en dehors de mediapart et surtout dans notre PAF, ne s'en posent guère et en posent moins encore). La voici dans la forme qu'elle lui a donnée :

"Les journalistes posent tous la question : "Mais qu'est-ce qui aurait motivé l'Elysée et les autres personnes impliquées dans une escroquerie en bande organisée pour faire une telle faveur à Bernard Tapie ?"

Sûrement pas un simple remerciement pour soutien de Bernard Tapie à Sarkozy en 2007, ni une relation d'amitié, mais plutôt un moyen de pression sur une chose très grave. Tapie a véritablement harcelé l'Elysée (Claude Guéant et Stéphane Richard en ont parlé d'ailleurs), il a rencontré 18 fois N.Sarkozy, il paraît que Tapie désignait N. Sarkozy par le pseudo "le petit", ce qui est quelque peu condescendant ... C'est le mystère".


Si Nanar surnomme Sarkozy "le petit" (comme le Chirac des "Guignols de l'Info" ne le nomme que "le nain"), tout porte à croire qu'il n'a pas dû le faire au cours de leurs dix-huit rencontres ! En fait le point de départ de mon interrogation sur Bernard Tapie n'est pas Sarkozy ... mais Mitterrand.

Lors de l'idylle Mitterrand-Tapie qui avait amené ce dernier au ministère de la ville, il y avait eu, sur ce thème, un excellent épisode des "Guignols de l'Info". C'était, il faut le préciser, à l'époque de Bruno Gaccio et la qualité de cette émission était bien meilleure pour ce qui touche à l'analyse politique. On y voyait François Mitterrand, dans son bureau de l'Élysée, recevant, en tête à tête, Bernard Tapie. L'amusant de la scène était que, si je me souviens bien, rien du dialogue supposé des personnages n'y figurait, mais on y entendait, en revanche, les réflexions qu'ils se faisaient, in petto, l'un sur l'autre. Je dois dire que j'en ai oublié le détail, le temps ayant passé, mais il y avait clairement une forme de fascination réciproque des deux personnages, celle de Mitterrand pour Nanar se mêlant, de toute évidence, à un profond mépris, tandis que l'attention de Tapie, si je me souviens bien, se fixait surtout sur les chaussures de Mitterrand (peut-être des Berlutti comme celles de son ami Dumas).

Ce souvenir, je dois le dire, est assez confus mais ce qui me paraît juste et bien vu, dans une si étrange relation, est qu'un Bernard Tapie, manifeste chevalier d'industrie, au passé douteux, sans culture ni talent et dont les prétendus succès économiques ont été ce que le Président de la République d'alors ne pouvait ignorer puisse exercer néanmoins une forme de fascination sur le petit bourgeois d'une droite catholique et provinciale qu'était resté au fond de lui François Mitterrand, en dépit de ses palinodies.

Je pense qu'il en est un peu de même chez Nicolas Sarkozy ; il est, au fond, resté ce qu'il était et ne change que "tel qu'en lui-même enfin…" : un petit bourgeois qui culmine à 1,59 mètre, se juche sur des talonnettes qui lui donnent cette démarche ridicule, fils d'un immigré hongrois de Neuilly qui n'a guère réussi dans ses études mais plutôt comme batteur d'estrade et politicien ; il ne peut donc qu'être fasciné par un Nanar dont l'aura et la gouaille populiste lui font défaut quand il s'y essaye. Le petit Nicolas ne devait pas régner sur les cours de récréation des écoles primaires et quand il défie un robuste travailleur de descendre l'affronter (lui-même étant "hardiment posté derrière ses gardes du corps" pour parodier Voltaire), il ne fait que susciter le sourire !

Le parallèle entre Mitterrand et Sarkozy me frappe, même si le second a, somme toute, avancé vers l'Élysée à force de successives trahisons dessin de ses protecteurs, les voiles de son esquif parisien gonflées par les soupirs de vieilles dames. Les temps ayant changé, à la différence du premier, il n'a pas eu à inventer des fables et à sauter les buissons dans les jardins de l'Observatoire.

Au fond, on peut se demander si ces hommes politiques n'admirent pas surtout ceux chez lesquels ils découvrent encore plus de culot et d'outrecuidance qu'en eux-mêmes, c'est-à-dire des individus du genre d'un Bernard Tapie, aussi à l'aise à pousser la chansonnette (Bernard Tapy) que derrière un bureau ministériel Louis XV !

Bien entendu, cela n'empêche en rien les hommes politiques de chercher à tirer profit, fût-ce aux frais de l'Etat, de ces histrions dans la conduite de leurs propres stratégies politique, comme Mitterrand vers 1993-1994 ou Sarkozy en 2007-2008.

Une anecdote aussi éclairante qu'authentique pour finir. Il se trouve qu'un de mes parents, séjournant un jour dans un hôtel voué à la thalassothérapie eut l'occasion, tout à fait imprévue, d'y rencontrer par hasard Bernard Tapie. Ce cousin, grand amateur de Ferrari, étant descendu au garage pour voir si sa voiture y était toujours et n'avait pas subi quelque dommage, s'est vu aborder alors qu'il la bichonnait, par Bernard Tapie qui séjournait également là. La conclusion de leur rencontre fortuite fut philosophiquement formulée par Nanar qui l'énonça en ces termes choisis : « Au fond, dans la vie, il n'y a que deux choses, les caisses et les gonzesses !".

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