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jeudi 27 juin 2013

Affaire Cahuzac : la farce du Palais Bourbon

Qu'on me permette de reprendre ici le début de mon post d'hier car l'audition de J. Cahuzac par la Commission ad hoc de l'Assemblée nationale, deux heures durant, ("Au théâtre cet après-midi" sur BFM-TV) est une parfaite illustration du point de vue que j'y ai exprimé.

On sait que parmi les records mondiaux, que la France peut se flatter de détenir, figure celui du nombre de lois et, plus sûrement encore, celui des lois qui ne sont pas appliquées, le plus souvent faute de décrets d'application, mais aussi parfois parce que ces textes, en eux-mêmes contradictoires, contiennent le mode de leur non-application.

Il en une autre spécialité française, apparentée d'ailleurs à la précédente, qui est le secret fiscal proprement dit (mais"proprement" est-il l'adverbe qui convient ici ?). Sa violation a, dans le passé, causé une ou deux affaires sensationnelles quand il s'agissait de la déclaration d'impôts de Monsieur Chaban-Delmas (dont on a découvert alors qu'il échappait à l'impôt sur le revenu comme naguère B. Tapie et plus récemment, le jeune Fabius) ou de Monsieur Jacques Calvet (PDG infiniment plus généreux pour ses propres augmentations de salaires que pour celles de ses ouvriers).

L'affaire Cahuzac fait, si je puis dire, "rebondir" le secret fiscal comme celui de l'instruction qu'invoque, à tort paraît-il, J. Cahuzac, ce qui est pittoresque quand on constate comment il est en permanence violé. J'ai appris, mercredi 27 juin 2013 sur France-Infos, à huit heures quinze, de la bouche de Ch. de Courson lui-même que la Commission de l'Assemblée nationale qu'il préside et qui, à 16 heures 30, et qui doit entendre les explications de Monsieur l'ex-député Cahuzac ne servira sans doute à rien. En effet J. Cahuzac aura le droit de ne pas répondre à des questions à propos de ses comptes bancaires à l'étranger sur lesquelles il jugera bon de ne pas s'exprimer.

Certes, il parlait sous serment cette fois, mais cela change-t-il quelque chose, sinon qu'on pourrait engager des poursuites que les déclarations mensongères "devant la représentation nationale" qu'il a déjà faites ne permettent pas. Monsieur Cahuzac, en effet, n'était pas tenu de répondre aux membres de la Commission de l'Assemblée nationale puisque le secret fiscal leur est "opposable"; le seul membre de cette commission échappant à cette restriction est en effet son rapporteur, sans doute pour permettre d'établir, de cette audition ridicule, un rapport, secret lui aussi !

Le Congrès américain, qui dispose de Commissions du même genre, procède tout autrement et il est impossible de n'y pas répondre, sauf à prendre illico le chemin de la prison. J'ai assisté une fois, à la télévision, à l'une de ces séances et je vous pris de croire qu'elles sont autrement musclées et que le président y répète la question jusqu' à obtenir une réponse au lieu de passer aussitôt à autre chose!

Cette restriction française (exception culturelle ?) est aussi comique qu'étrange, mais elle illustre parfaitement nos lois qui souvent contiennent, dans le même mouvement, une disposition qui arrête ou prévient l'effet d'une de leurs dispositions précédentes. En d'autres termes cette commission doit s'informer sur les situations fiscales (ou autres) de l'intéressé, mais ce dernier se voit autorisé (donc incité) à ne pas répondre aux questions qui lui sont posées, en opposant à ses interrogateurs le secret fiscal ou pire encore celui de l'instruction qui, me semble-t-il, ne concerne en rien les accusés eux-mêmes.
Admirable non ? Et vive le Père Ubu 

Je n'arrivais pas à y croire, même de la bouche de Monsieur de Courson. Toutefois, ou moment même où j'écris ces lignes ( mercredi 26 juin 2013 en début de soirée), j'ai déjà pu prendre connaissance, grâce à mediapart et à son excellent et immédiat compte rendu, minute par minute, de l'audition de Monsieur Cahuzac, de quelques épisodes qui vérifient absolument les propos de Monsieur de Courson sur France Infos le matin même.

Je ne veux pas vous infliger ici la lecture d'un texte qui peut être aisément consulté mais je n'en retiendrai que trois épisodes qui sont tout à fait significatifs et qui se sont reproduits à de multiples reprises dans la suite, comme je l'ai constaté par la retransmission faite sur BFM-TV..

"16h54 Monsieur Cahuzac refuse de répondre.
16h56 Monsieur Cahuzac refuse de répondre à 1
16h58 Pas de réponse de Monsieur Cahuzac."
 Et cela deux heures d'horloge durant !

Toutefois je regrette que ce compte rendu de mediapart, par ailleurs si précis et si complet, ne mentionne pas, et ce point est à mes yeux essentiel, que Monsieur Cahuzac avait parfaitement le DROIT (absurde mais incontestable) de ne pas répondre aux questions qui lui sont posées par la Commission. Dans ces conditions, quel peut bien être l'intérêt d'une telle mascarade, sauf à donner aux citoyens, une fois de plus, l'impression, bien entendu fausse, d'une démocratie scrupuleuse qui n'épargnerait pas les ministres escrocs qui n'ont pas hésité à mentir en public dans la même enceinte et qui, au cours de leur audition officielle sous serment, n'ont même plus besoin de mentir puisque on les dispense de répondre à toutes les questions qu'ils veulent?

J'ai expliqué ce point, après avoir entendu sur ce point Monsieur de Courson, dans mon post d'hier, sur mon blog, mais ce dernier, et je le comprends tout à fait, s'est perdu dans la masse des messages et on n'y a pas attaché la moindre importance, alors que ce point sur lequel je m'étais assez longuement arrêté, me paraît tout à fait capital et s'est trouvé largement vérifié, sans être pour autant signalé, au Palais Bourbon . Cette audition, quoique largement médiatisée, ne pouvait que servir à rien puisque J.Cahuzac n'était en rien tenté de mentir dans la mesure où, devant toute question gênante, il avait explicitement le droit de se taire

Bref, deux heures de farce au Palais Bourbon, retransmise en direct sur BFM-TV, Cahuzac n'a répondu à peu près à aucune question, même les plus anodines, sauf pour innocenter tout le gouvernement et le PS. Il a même, à certains moments, retrouvé, en dépit de ses efforts visibles, sa morgue naturelle, sans venir toutefois à bout de l'infinie patience des membres de la Commission (certains ont sagement choisi très vite de jouer avec leur téléphone) et surtout du président Charles de Courson, équanime et impassible jusqu'au bout !

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