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vendredi 28 juin 2013

Le baccalauréat : sabotage ou sabordage ?

A mi-chemin entre les épreuves écrites du baccalauréat et la publication de ses résultats, le 5 juillet 2013 (qu'on imagine déjà assez facilement glorieux ), une information un peu sérieuse sur cet examen national me semble indispensable, à la lecture du grand nombre d'inexactitudes voire de sottises qui sont produites à ce propos dans nos médias.

Un point essentiel et qui est, le plus souvent ignoré alors qu'il explique la situation de notre enseignement supérieur, est que le baccalauréat, quoi qu'il marque et sanctionne la fin de l'enseignement secondaire, est le premier grade de l'enseignement supérieur. C'est pourquoi, même si on ne le dit jamais, il donne un accès direct et sans sélection ni contrôle, à l'université, sauf dans un certain nombre de filières qui ont, souvent subrepticement et toujours illégalement, mis en place des formes diverses de sélection. Le cas des classes préparatoires n'a rien à voir ici puisqu'elles ne relèvent en rien de l'université, comme le montre d'ailleurs actuellement la question des droits que la Loi Fioraso veut imposer à leurs élèves.

Il est donc absurde de prétendre, comme je l'ai lu, que les professeurs d'université devraient « s'investir davantage dans les jurys ». En effet tous les jurys de baccalauréat sont, selon la loi, toujours présidés par des enseignants du supérieur, même si beaucoup d'entre eux ne s'acquittent pas de ce devoir avec l'allégresse qu'ils devraient montrer puisque cette fonction fait partie de leurs obligations statutaires. Ils sont d'autant moins enclins à le faire que, s'ils doivent présider les jurys, ils ne sont en rien concernés ni par les contenus ni par les modalités de cet examen.

Un autre mystère du baccalauréat (mais il y en a tant dans l'administration française) est son coût exact et réel, surtout rapporté à son utilité, puisque on dépasse en général largement les 80 % de réussite et davantage encore, si on prend en compte les redoublements. Récemment le Syndicat des personnels de direction de l'éducation nationale (SNDPEN) a présenté une facture énorme, avançant, dans le Figaro du 10 juin 2013, que le baccalauréat coûtait, chaque année, 1,5 milliard d'euros, alors que la rue de Grenelle ne parle que de 57 millions. L'augmentation de la facture tient au mode de calcul. Le SNDPEN a tenu compte, dans son évaluation, de l'annulation de trois semaines de cours en juin et du salaire des enseignants, le coût de fonctionnement de ces trois semaines (200.000 heures) restant le même, que les cours aient lieu ou non. On atteint donc ainsi le milliard et demi d'euros en ajoutant le montant de ces cours (1.434.548.000 d'euros), financé de toute façon, aux 57 millions d'euros que le ministère de l'éducation nationale annonce, pour 2012, pour la seule organisation des épreuves.

Ce doit être même davantage car, en tout état de cause, il est évident que, si l'année officielle, pour le ministère, se termine le 4 juillet, dans les faits, le fonctionnement normal des établissements scolaires s'achève généralement à la mi-juin ; comme les élèves se jugent en vacances à partir du moment où les conseils de classe ont eu lieu, c'est plus vraisemblablement au début du mois de juin qu'il faut placer la fin de l'année scolaire. Le SNDPEN ne pousse toutefois pas le bouchon trop loin, peut-être pour éviter que le MEN ne songe, de ce fait, à réduire les primes de ces personnels !

Comme, en fait, seuls quelques dizaines de milliers de candidats n'obtiennent pas le bac, ce milliard et demi d'euros, qui conduit surtout à refuser l'accès de l'université à ces médiocres élèves, représente une dépense considérable (25.000 euros par candidat recalé!). Elle est d'autant plus considérable et même vaine que le non-bachelier peut tout à fait, au bout d'un certain temps, passé l'Examen spécial d'entrée à l'université (bien plus facile encore) qui lui permettra d'oublier qu'il a été dans les rares élèves qui n'ont pas réussi à avoir le baccalauréat.

Il y a bien longtemps que je pense qu'on aurait dû supprimer le baccalauréat, mais loin d'envisager de le faire, on est même en train, toujours subrepticement (et selon le principe bien français qui fait toujours apparaître la nécessité de remettre en place ce qu'on avait auparavant supprimé), d'en rétablir "la première partie" que l'on avait supprimée en 1963. Si l'on voyait un peu plus loin que le bout de son nez au 110 de la rue de Grenelle (jusqu'à la rue de Bellechasse au moins !), on aurait pu, en 2008, quand on a célébré le bicentenaire du baccalauréat, fêter, en même temps, le retour au baccalauréat en deux parties, puisque le bac de français, placé en fin de première, s'est désormais enrichi d'autres épreuves, ce qui marque un retour incontestable vers le vieux bac en deux parties.

Toutefois, ce sont plutôt les incidents qui ont marqué la session de juin du baccalauréat 2013 et qui justifient le titre de ce billet "Le baccalauréat : sabordage ou sabotage" qui m'ont conduit à l'écrire.

Quand on connaît le luxe extravagant de précautions qui entoure la préparation des épreuves et leur déroulement (j'ai personnellement été confronté à tout cela en temps que président de jury et chef de centre à diverses reprises), on se demande comment, par exemple, on peut se tromper de sujets au bac en donnant une épreuve de mathématiques lors de l'épreuve d'économie (j'ai un peu oublié le détail qui est sans importance ici), alors que la préparation des sujets, leur transport, leur conservation et leur distribution sont entourées d'un luxe de précautions qu'on pourrait même juger excessif. Faute d'oser supprimer le baccalauréat, ce qui serait parfaitement défendable avec des arguments très forts, n'essayerait-on pas de faire mettre en cause son maintien par le public lui-même, en multipliant les incidents autour de son déroulement ?
Ne parlons même pas de l'atmosphère délétère créée autour du baccalauréat, avec les bruits de l'incitation des correcteurs à noter sur 24 et non pas sur 20 ! Cela dit, les instructions rectorales données aux jurys et à leurs présidents pour susciter ou ordonner leur indulgence sont depuis longtemps de tradition. Laissons aussi de côté la mascarade qui fait que les mentions "très bien", naguère encore une rareté, se sont multipliées ; chaque année, on classe, à travers la France, les élèves qui ont obtenu 21 sur 20 de moyenne à l'ensemble des épreuves !

Quand se décidera-t-on enfin, en renonçant à ces pitreries, à prendre la décision raisonnable et à supprimer ce baccalauréat aussi coûteux qu'inutile ?

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