Comme souvent, je vais céder à ma fâcheuse manie de parler de choses que je ne connais pas bien. Vous observerez toutefois que j'ai la prudence d'intituler ce post "impressions de Turquie" car ce sont véritablement des impressions que je vais livrer ici et qui, en outre, reposent non pas sur des observations récentes et prolongées, mais sur la comparaison de souvenirs que j'ai de la Turquie d'il y a dix ou quinze ans avec les images que nous en donnent quotidiennement les télévisions, suite aux événements qui s'y déroulent.
Je suis bien loin d'être un spécialiste de la Turquie, mais je m'y suis rendu, à la fois professionnellement et en touriste, à diverses reprises entre la fin des années 1990 et le début des années 2000. Je ne suis allé en fait qu'à Istanboul surtout et à Izmir (mais les télés ne nous montrent rien d'autre que ces villes) et naturellement j'ai fait, en la circonstance, toutes les promenades classiques sur le Bosphore et les visites des monuments que fréquentent tous les touristes. Néanmoins comme j'y ai séjourné quelques jours chaque fois, sans contraintes particulières, j'ai eu l'occasion de me promener pas mal dans les rues de ces villes (surtout à Istanboul).
Je ne puis qu'être frappé et interrogé à la fois en comparant les souvenirs que j'en ai gardés (assez forts car c'était pour moi une expérience nouvelle et intéressante) avec les images actuelles qu'on nous en présente et qui sont fort éloignées de mes propres souvenirs.
Je ne suis pas assez naïf pour penser que les quelques séjours que j'ai pu lui faire là-bas m'ont permis de connaître la Turquie, mais, néanmoins, je ne vois pas pourquoi je mettrais en doute des souvenirs précis que j'en ai, d'autant que les événements qui se sont déroulés depuis une douzaine d'années me paraissent confirmer et, pour partie, expliquer, l'impression que me donne la comparaison de mes souvenirs avec les images actuelles.
Je pense ici surtout à Istanboul mais les impressions que j'ai eues à Izmir vont tout à fait dans le même sens. Je ne fais ici en rien référence aux visites des monuments ou des bazars, largement peuplés de touristes, mais surtout à mes déambulations dans les rues où je vois encore la foule animée qu'on y rencontrait, avec des femmes dont beaucoup étaient blondes (naturellement par des décolorations) et portaient des tenues tout à fait comparables à celles qu'on trouvait alors dans nos villes de France avec des minijupes et des hauts décolletés et colorés. Toute cette foule était bigarrée et apparemment joyeuse ; la Turquie donnait l'impression d'un pays moderne, qui était engagé, très fortement et très résolument, dans l'occidentalisation comme dans le développement économique.
C'est pourquoi, tout en ayant suivi les événements qui se sont déroulés depuis une douzaine d'années sous le gouvernement Erdogan, j'ai été extrêmement étonné, (c'est même là l'origine précise de ce post) lorsque depuis quelques mois, on a commencé à nous donner, de plus en plus fréquemment, des vues de la rue turque, prises essentiellement à Istanboul.
Aux images en technicolor que j'avais conservées dans mes souvenirs (je m'étais pas mal déplacé à pied dans le centre-ville puisque je logeais près de Taksim) s'étaient substituées maintenant des images, essentiellement en noir et blanc, de foules urbaines où l'on voyait plus aucune de ces femmes blondes autrefois si nombreuses ; en revanche, beaucoup de foulards et de voiles islamiques naguère rares ; la population me paraissait aussi infiniment moins joyeuse que dans mes souvenirs, même lorsqu'il s'agissait pourtant de foules, jeunes et contestataires, comme celles qui occupaient Taksim ces jours derniers.
Cette évolution de la Turquie a sans doute fortement tenu aux choix politiques et idéologiques du gouvernement Erdogan mais aussi, me semble-t-il, aux comportements de l'Union Européenne face au souhait de l'État turc, maintes fois exprimé, d'entrer dans cette communauté. Il y a une douzaine d'années, une majorité de Turcs était extrêmement favorable à l'entrée de leur pays dans la Communauté européenne et croyait en cette possibilité. Ce sont les réticences, voire les refus, de moins en moins voilés, de nombreux pays d'Europe qui ont peu à peu ruiné ces espoirs au sein de la population turque. Cette déception a sans doute facilité largement l'évolution du gouvernement national qui s'est détourné d'une certaine façon de l'Europe en direction du Moyen-Orient, après avoir compris que ses chances d'y entrer étaient des plus minces, car même s'il satisfaisait aux exigences prétendument démocratiques de l'UE, on ne manquerait pas de trouver d'autres motifs pour s'opposer à son entrée dans cette communauté.
Tout cela est naturellement trivial mais ce qui me paraît le plus curieux dans toute cette affaire, c'est que (mais peut-être suis-je mal informé ?) le gouvernement turc, au lieu de chercher à se faire une place dans une zone instable et dangereuse, comme le montrent les événements actuels, n'ait pas choisi de se rapprocher davantage des Républiques musulmanes de l'ancienne Union soviétique. Non seulement en effet, ce sont là des pays économiquement fort intéressants par leurs grandes richesses naturelles, mais, ce que l'on sait moins, (ce qui évite de l'oublier), leurs langues et leurs cultures sont apparentées à celles de la Turquie ! Tout cela ne serait-il pas à prendre en compte, d'autant que de telles relations ne seraient pas pour déplaire à l'indéfectible allié américain qui ne saurait se fâcher de petites misères faites à Poutine ?
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