J'avais
parcouru, ici même, il y a quelques jours, le 24 juin 2013 sauf erreur de ma
part, l'article de Dejan Dimitrijevic (Université Nice Sophia Antipolis) qui
concernait l'éventuelle disparition de la mention de licence « ethnologie
anthropologie ».
Ce billet
n'avait rappelé le débat passionné qui avait eu lieu, il y a bien des années, précisément
au moment du choix du nom et de la mise au point de la maquette de cette
licence par le groupe d'études techniques (le GET 70) du ministère de l'enseignement
supérieur et la recherche dont je faisais alors partie. Le débat avait été très
vif entre les partisans de la mention "anthropologie" et ceux de la
mention "ethnologie" (cette dernière étant assez clairement une
spécificité française) ; on avait pu y mettre un terme qu'en adoptant la
mention "ethnologie-anthropologie" (alors que la mention "anthropologie-ethnologie"
eût été plus conforme à l'ordre alphabétique habituel en pareils cas).
Fort de cette
expérience, je me serais bien gardé d'intervenir dans un débat si important et
si éloigné de mes propres compétences, si je n'avais entendu sur France Culture
la présentation de l'exposition sur l'ethnologie qui doit se tenir, durant le
présent week-end, au Musée du quai Branly. Le pittoresque de la chose était que
cette présentation avait été confiée, assez logiquement, au directeur de ce
musée qui sans doute, moins par ignorance que par prudence, avait invité un
ethnologue, S. Rennesson, chargé de recherches au CNRS, à venir faire la
présentation de cette exposition et surtout de l'ethnologie elle-même, ce terme
pouvant paraître un peu mystérieux, même aussi des auditeurs de France Culture.
L'invité S. Rennesson (membre du Laboratoire d'anthropologie urbaine, ce qui,
on va le voir, ne manque pas de sel) a donc exposé, avec un peu difficulté et
sans faire mention de son appartenance au dit LA, les finalités de l'ethnologie,
tout en nous parlant surtout de ses propres recherches qui portent sur les
combats de scarabées en Thaïlande et de grillons en Chine dont il est
spécialiste (après avoir renoncé à ses études sur la boxe thaïlandaise).
Je ne reprendrai
pas ici ses propos, mais j'ai constaté (et la chose m'a amusé au souvenir des
débats passionnés de la commission compétente autour de ces deux termes) que
cet ethnologue n'a guère employé, pour désigner sa discipline, que le mot "anthropologie",
ce qui est significatif et en tout cas curieux dans la bouche d'un spécialiste
des combats asiatiques entre insectes, surtout si l'on se réfère à l'étymologie
même du nom de cette discipline.
Il s'est efforcé,
non sans passion à défaut de succès, de nous démontrer combien grillons chinois
et scarabées thaïlandais, dans leurs joutes, peuvent nous apporter de
révélations majeures sur la connaissance de l'âme, de l'esprit et des comportements
humains.
La distinction
entre les deux termes (anthropologie et ethnologie) me laisse personnellement
assez indifférent et je ne vois aucun inconvénient, à la différence des
spécialistes de ces disciplines à utiliser l'un et/ou l'autre. Je suis en
revanche très frappé, par une spécialité bien française dans ces domaines, qui
tient à ce que souvent les anthropo-ethnologues ignorent tout des langues des
populations qu'ils prétendent étudier alors qu'aux Etats-Unis, par exemple, la
linguistique figure très souvent dans les départements d'anthropologie. Les
études sur les grillons ou les scarabées ont le grand avantage d'éviter ce
problème !
Faut-il
considérer que (et je cite ici le billet) que « la volonté de faire disparaître
ce fleuron de la connaissance moderne [entendre
ethnologie et anthropologie] ne s'explique" que par la "défiance
politique envers tout espace où peut se développer une pensée libre et une
conception universelle de l'égalité des individus et des groupes humains"
? Je n'en sais rien et, à vrai dire, j'ai omis, sans doute par paresse, de me
poser la question que ne connaissent sans doute que les promoteurs d'une telle
mesure.
En revanche,
alors qu'on se plaint de la surabondance de disciplines et de la lourdeur des programme
dans l'enseignement, je me tapote discrètement le menton (bien entendu à l'insu
des ethnologues et des anthropologues) lorsque je lis, dans le billet en
question, qu' "une sensibilisation au savoir ethnologique et
anthropologique devrait commencer dès l'école primaire" et que "son
enseignement devrait s'épanouir progressivement au collège et au lycée".
Le souci corporatiste
de trouver des débouchés pour les étudiants de ces disciplines me paraît logique, mais je reste un peu sceptique sur
la solution proposée vu la multiplication et l'encombrement des programmes. La menace
sur l'anthropologie-ethnologie ne tiendrait-elle pas seulement ou davantage au
manque de débouchés réels et surtout à la nécessité impérieuse de faire des
économies au sein du système universitaire.
L'exposition du
Quai Branly m'a ramené à l'article que j'avais parcouru distraitement et qui est
appuyé par une douzaine d'ethnologues (dont certains sont de mes amis) ; il fait
connaître la volonté de "promouvoir cette discipline auprès d'un auditoire
beaucoup plus large que son espace d'enseignement académique habituel". Naturellement,
on y appelait à la rescousse Marcel Mauss et Claude Lévi-Strauss dont j'avoue
que je ne connais personnellement pas les travaux sur les scarabées, mais que
j'aurais certainement grand profit à lire, si je parviens à les découvrir.
1 commentaire:
J'ai toujours été étonné, et même scandalisé, par ces travaux des socio-biologistes (je ne suis même plus sûr du nom) qui nous expliquent le fonctionnement social humain à partir des scarabées ou des rats (Mon oncle d'Amérique de Laborit).
On est là, à mon avis, dans un charlatanisme à bon marché. Donnez-moi quatre mouches et douze fourmis et je vous explique le fonctionnement du monde.
Sinon sur le métier d'anthropologue et histoire de bien en rire, je ne saurais que vous conseiller la lecture de Nigel Barley avec notamment "un anthropologue en déroute" et ses suites.
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