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vendredi 14 juin 2013

Evasion ou optimisation fiscales : de l'Irlande au Luxembourg par Bercy !

Tous nos médias se font l'écho de la chasse aux agents racoleurs des banques helvétiques qui démarchent les riches Français soucieux d'échapper au fisc. Cette chasse a été naturellement ouverte par l'affaire Cahuzac, dont on découvre maintenant que les pauvres 526 000 € d'origine ne sont qu'une infime partie, la seule émergée à ce jour, de l'iceberg de ce qu'on nomme pudiquement, ici ou là, "l'optimisation fiscale", pour éviter de dire la "fraude ou l'évasion fiscale".

Or, on devrait savoir que cette affaire dure depuis un siècle et même peut-être davantage./ Une des formes les plus anciennes et les plus répandues tenait aux dépôts de brevets ; autrefois, il faut bien le dire (car cela explique le secret de ses origines) le seul journal à en parler alors, il y a fort longtemps déjà, était le Canard enchaîné dans lequel mon père m'a plus ou moins appris à lire avant que j'aille à l'école, ce qui, dans la suite, m'a fait virer, au bout d'une demi-journée, du cours préparatoire !

Un fait étrange, mais typiquement français, était et demeure la très faible quantité des brevets français déposés en France, alors qu'ils étaient et sont encore fort nombreux à l'être à l'étranger. Ce n'est donc pas l'inventivité des chercheurs français qui est seule en cause, mais un système, tout bête et parfaitement efficace depuis toujours. Il consiste à déposer un brevet, non pas en France mais en Suisse, en Autriche, en Islande, au Luxembourg (ou dans un Etat fiscalement attractif) de façon à ce que la société qui, en France, utilise ce brevet dans son activité de production, reverse à titre de droits, l'essentiel des bénéfices qu'on obtient grâce à lui, à une société étrangère, détentrice de ce brevet, mais qui n'est, évidemment, qu'un "faux-nez" de la société française. Autrefois, on appelait ça les "sociétés-taxis" ou les "taxis" et c'était déjà une magnifique application de l'actuelle optimisation fiscale.

Si l'on veut résumer très brièvement le principe de cette optimisation qui peut, ensuite, avoir des formes quasi innombrables de complications et de perfectionnement de ce montage. On peut dire que ce principe consiste à évacuer hors de France donc à faire échapper au fisc français, l'essentiel des bénéfices d'une société qui sont versées à une autre société (qui naturellement est en fait la même sous un autre nom et dans un autre lieu) sous la forme de paiement des droits attachés à un brevet, de royalties ou de frais de toute nature dont le seul but est d'échapper à l'impôt français pour retomber dans la même bourse. Tout cela, de loin, est légal et même juste !

Il n'y a donc rien de très nouveau sous le soleil ; le seul élément nouveau à lire les textes qui sont produits sur ce sujet consistent à complexifier, à partir de cette évasion initiale, les systèmes de circulation des sommes en cause pour parvenir à échapper même au fisc du pays initial dans lequel on a établi la société taxi.

Bien d'autres, à commencer par Antoine Peillon, Mediapart et Marianne, ont décrit dans son détail ce système et il me paraît inutile de m'y attacher davantage. Ce qui me paraît plus intéressant, en revanche, est le bruit qu'on fait autour de ces démarcheurs, en général suisses, qui, pour des banques helvétiques, viennent appâter, en France même, les riches Français (industriels fortunés mais aussi joueurs de foot ou artistes, etc.) qui sont désireux d'échapper à l'impôt français en ouvrant des comptes à l'étranger, en Suisse d'abord mais éventuellement ailleurs dans la mesure où la Suisse commence à être obligée de mollir sur le secret bancaire qui naguère encore était sa Bible ou son Coran.

On a vu récemment que des poursuites sont engagées contre de telles procédures et ceux qui les utilisent. Le drôle de la chose est toutefois que les limiers de Bercy qui se lancent à la poursuite de ces propositions qu'ils jugent malhonnêtes au plan fiscal pourraient fort bien, de leur bureau et sans se fatiguer, consulter simplement leur ordinateur !

Si vous avez la curiosité, toute bête, de taper dans Google les mots "Luxembourg, société", vous allez trouver une foule de publicités, classées naturellement, dans les premiers rangs du catalogue, qui vous offrent des propositions très alléchantes pour transférer au Luxembourg, votre société et, par la même, échapper à l'impôt français. Un exemple ci-dessous ; vous pourrez aisément vérifier la chose dans la seconde sur votre propre bécane. Je vous donne même l'adresse de la première des réclames (Fidomes.com) que vous rencontrerez et un bref extrait de son affriolant programme qui est sans mystère :
"Une société étrangère peut transférer le siège social ou établir à Luxembourg le siège de son principal établissement.
Cela permet en général à cette société de rompre tout lien avec son pays d’origine. Pour autant qu’un établissement stable n’y soit pas conservé elle n’y est donc plus taxable.
Pour autant que le siège social ou son principal établissement soit établi à Luxembourg, la Société devient une personne taxable sur l’ensemble de ses revenus mondiaux selon le droit fiscal Luxembourgeois."

Est-ce assez clair ?

A Bercy, on ne semble pas avoir repéré ces publicités, ni identifié d'où elles émanent et moins encore songé à les interdire. Ce serait sans doute parfaitement inutile mais symboliquement significatif. C'était comme toujours, de ma part, un conseil gratuit ; je ne monnaye pas mes avis et ne suis, en rien et de rien, "consultant", à la différence de nombre de "pensionnés" de notre haute fonction publique qui ne quittent guère nos médias, pour y vendre Dieu sait quoi. J'ai mis entre guillemets "pensionnés", pour informer nos savants journalistes, car je suis toujours étonné par le fait que l'on ne cesse de parler des fonctionnaires et de leur "retraite", alors que ceux-ci ne perçoivent en rien une "retraite" mais une "pension" dont le financement est radicalement autre.

Une remarque finale sur un nouvel aspect de l'affaire Cahuzac, dont on apprend qu'en tant que président de la commission des finances de l'Assemblée Nationale il a beaucoup fréquenté Bercy (ce qui est logique), surtout pour y consulter les fameuses données sur les fraudeurs/évadés fiscaux (ce qui l'est beaucoup moins). La morgue initiale de Cahuzac devant les premières accusations dont il a fait l'objet (alors que désormais tout le monde semblait savoir son addiction totale aux dessous de tables) ne viendrait-elle pas de la possession d'éléments qu'il avait pu trouver dans les dossiers consultés à Bercy et conserver pour s'en faire, dans la suite, une assurance-vie ?

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