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mardi 4 juin 2013

La poussière sous le Tapie

Une des grandes questions du moment est "Mais qui a décidé de la procédure d'arbitrage dans l'affaire entre le CDR et Bernard Tapie qui durait depuis des années?" Elle n'a pas été clairement résolue dans l'émission "Mots croisés" d'Yves Calvi qui, pour une fois, avait congédié ses sempiternels et insipides invités. Ce débat a valu surtout par la présence de Laurent Mauduit (dont le nom dans le générique initial était orné d'une faute d'orthographe !), le seul participant à connaître à fond le dossier et les pièces et par sa confrontation avec la plume de Sarkozy, Henri Guaino, qui s'en est prudemment tenu à des discours aussi vagues que lénifiants et qui avait dû prendre un calmant car nous n'avons pas eu son numéro de clignements d'yeux qui m'avait autrefois conduit à le surnommer, dans mon blog, "codes-phares" !

Comment savoir ? Il est infiniment probable que les hauts responsables politiques ne signent pas de reçus, lorsqu'on leur fait discrètement parvenir pour leurs bonnes oeuvres électorales ou à toute autre fin une mallette de billets de 500 €, pas plus qu'ils ne signent d'ordres écrits pour demander qu'on fasse sauter le Rainbow-Warrior, qu'on suicide Robert Boulin ou qu'on maquille les listes des bénéficiaires de comptes planqués dans l'affaire Clearstream (au fait ce matin même on apprend la mort peut-être "opportune", elle aussi d'Yves Bertrand, détenteur, dit-on, de nombre de secrets de la République).

Il devrait toutefois en être tout autrement dans notre haute administration.

Prenons l'affaire actuelle de l'arbitrage CDR-Tapie. Il doit bien y avoir, dans notre beau pays si soucieux de la rigueur administrative, un responsable politique de très  haut niveau qui a signé un jour, quelque part, l'ordre de mettre en place cette fameuse procédure d'arbitrage dans l'affaire Tapie qui durait depuis des années et qui était récusée de façon quasi unanime, en particulier à Bercy.

Nous sommes désormais clairement en présence, depuis quelques jours, d'une forme nouvelle du jeu du furet dont vous connaissez sûrement la chanson que j'adapte à peine (je ne touche pas à la contrepèterie que je laisse au spécialiste maison le soin de vous expliquer):

Il court, il court, le furet
Le furet du bois, Mesdames,
Il court, il court, le furet,
Le furet du bois Tapie.


Il est passé par ici,
Il repassera par là.


Etc.

Le jeu consiste à découvrir où se trouve l'objet dit "furet", en l'occurrence "Qui a pris la décision d'interrompre la procédure en cours après la décision de la Cour de cassation du 9/10/06 cassant l'arrêt de la Cour d 'appel du 30/9/05" et précisant qu'"aucune faute n’est en l’état caractérisée à l’encontre de la SDBO et du Crédit lyonnais". Dans ce jeu, on fait tourner le furet entre les joueurs, chacun d'entre eux le dissimulant quand il le passe à son voisin. Dans le présent cas les joueurs sont cinq autour de la table, sans compter ceux qui sont dessous (Sarkozy et Guéant ?) et qu'on ne voit pas, même si c'est d'eux que dépend la décision.

Examinons les divers cas : les ministres  des finances : Thierry Breton (mai 2005-mai 2007) ; Jean Louis Borloo (18 mai 2007 - 19 juin 2007) ; Christine Lagarde (2007-2010) ; les deuxièmes couteaux : J.F. Rocchi, Président du CDR, qui disparaît en 2006 avec une perte de 16 milliards mais se survit néanmoins à lui même ( 2007 - avril 2013) ; Stéphane Richard, Directeur de cabinet de J.L. Borloo, puis de C. Lagarde (2007-2009).

Dans la présente et nouvelle version du jeu, on doit découvrir, non pas qui a sous la main le furet qui circule dans le cercle des partenaires, mais celui ou celle (probablement un ministre des finances, plus ou moins contraint ou pas) qui a mis en place l'arbitrage. Le problème est qu'il y a eu trois ministres en 2007 et que les deux autres principaux joueurs étaient aussi dans le coup !

Petite revue de détail. Thierry Breton n'a cessé de manifesté son désaccord avec la procédure d'arbitrage, accumulant les rapports, internes et externes, tous défavorables. Il affirme avoir quitté le ministère sans avoir pris de décision à ce propos ce qui semble très probable. On comprend cette prudence et ce choix de laisser à son successeur un bébé aussi encombrant. Madame Lagarde qui succède à Monsieur Borloo, ministre durant un mois, avec le même directeur de cabinet, Stéphane Richard, prétend que les choses étaient déjà engagées quand elle est arrivée à Bercy.

Tout dont tout semble donc désigner Jean-Louis Borloo qui, par malheur pour lui, est un vieil ami et un fidèle de Bernard Tapie dont l'arbitrage est alors le seul espoir vu l'arrêt de la Cour de Cassation. Il nie pourtant tout rôle dans ce choix et nous y reviendrons ici même.

Les deux autres personnages mis en cause et qui s'accusent mutuellement désormais, sont certes de hauts fonctionnaires, mais ils n'ont pu, sous leur seule responsabilité et sans un ordre politique, engager une affaire si importante. Monsieur Rocchi, président du CDR, peut certes demander l'arbitrage (ce qui n'est pas son intérêt) mais il n'est pas en mesure d'en décider. Dans un système comme le nôtre, seul le ministre compétent peut prendre pareille décision. Stéphane Richard est certes en place sous les deux ministres successifs, Monsieur Borloo et Madame Lagarde, mais on ne voit guère un directeur de cabinet prendre pareille décision sans en référer au ministre et surtout sans avoir son accord formel.

Reste donc Jean-Louis Borloo qui, de loin et sans preuve évidente, paraît tout désigné pour prendre pareille décision, d'autant plus que son séjour à Bercy fut des plus brefs et clairement transitoire. Ses liens d'amitié personnelle, professionnelle et politique (MRG) ne plaident pas en faveur de ses déclarations sur son refus d'accepter la responsabilité de cette affaire.

Il s'est prononcé de façon tout à fait officielle et publique sur cette affaire lors d'une toute récente interview sur RTL qui est fort intéressante, non pas dans le contenu même de sa déclaration, car il se borne à y déclarer liminairement que "tout est faux" mais dans les images des quelques secondes qui précèdent l'interview elle-même et que la technique a filmées et surtout retenues. On y voit un Jean-Louis Borloo qui me fait furieusement penser à Rafael Nadal se préparant à servir dans un match de tennis (on pourrait aussi tenter une comparaison avec un néophyte qui se prépare à sauter à l'élastique d'un viaduc de 250 mètres) ; clairement nerveux, Borloo y accumule, en effet, les mimiques, les gestes inutiles et les grimaces, comme lorsque le tennisman espagnol ou l'apprenti sauteur vont affronter une épreuve importante. C'est le signe à la fois d'une grande nervosité et l'indice de formes de rituels rassurants.

Comme il y a tout de même des documents et des archives à Bercy, à moins qu'ils n'aient été volés ou perdus au ministère des finances, il y a forcément des traces de la prise d'une pareille décision ; la police pourra donc très facilement établir et identifier par son faux témoignage le premier coupable dans cette affaire, même si ce choix a été inspiré ou imposé par les joueurs planqués sous la table ! A cet égard, quoiqu'en dise H. Guaino qui juge le fait sans intérêt ni signification, la vingtaine de contacts entre B. Tapie et N. Sarkozy relevée dans les agendas du second, en pleine période électorale 2007 et que signale L. Mauduit peuvent éclairer d'un jour nouveau et peut-être expliquer cette étrange décision d'arbitrage que personne ne semble avoir prise .

 

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