Comment savoir ?
Il est infiniment probable que les hauts responsables politiques ne signent pas
de reçus, lorsqu'on leur fait discrètement parvenir pour leurs bonnes oeuvres
électorales ou à toute autre fin une mallette de billets de 500 €, pas plus
qu'ils ne signent d'ordres écrits pour demander qu'on fasse sauter le Rainbow-Warrior,
qu'on suicide Robert Boulin ou qu'on maquille les listes des bénéficiaires de
comptes planqués dans l'affaire Clearstream (au fait ce matin même on apprend
la mort peut-être "opportune", elle aussi d'Yves Bertrand, détenteur,
dit-on, de nombre de secrets de la République).
Il devrait
toutefois en être tout autrement dans notre haute administration.
Prenons
l'affaire actuelle de l'arbitrage CDR-Tapie. Il doit bien y avoir, dans notre
beau pays si soucieux de la rigueur administrative, un responsable politique de
très haut niveau qui a signé un jour,
quelque part, l'ordre de mettre en place cette fameuse procédure d'arbitrage
dans l'affaire Tapie qui durait depuis des années et qui était récusée de façon
quasi unanime, en particulier à Bercy.
Nous sommes
désormais clairement en présence, depuis quelques jours, d'une forme nouvelle
du jeu du furet dont vous connaissez sûrement la chanson que j'adapte à peine
(je ne touche pas à la contrepèterie que je laisse au spécialiste maison le
soin de vous expliquer):
Il court, il court, le furet
Le furet du bois, Mesdames,
Il court, il court, le furet,
Le furet du bois Tapie.
Il est passé par ici,
Il repassera par là.
Etc.
Le jeu consiste
à découvrir où se trouve l'objet dit "furet", en l'occurrence "Qui
a pris la décision d'interrompre la procédure en cours après la décision de la
Cour de cassation du 9/10/06 cassant l'arrêt de la Cour d 'appel du 30/9/05"
et précisant qu'"aucune faute n’est en
l’état caractérisée à l’encontre de la SDBO et du Crédit lyonnais". Dans
ce jeu, on fait tourner le furet entre les joueurs, chacun d'entre eux le
dissimulant quand il le passe à son voisin. Dans le présent cas les joueurs
sont cinq autour de la table, sans compter ceux qui sont dessous (Sarkozy
et Guéant ?) et qu'on ne voit pas, même si c'est d'eux que dépend la décision.
Examinons les
divers cas : les ministres des finances
: Thierry Breton (mai 2005-mai 2007) ; Jean Louis Borloo (18 mai 2007 - 19 juin
2007) ; Christine Lagarde (2007-2010) ; les deuxièmes couteaux : J.F. Rocchi,
Président du CDR, qui disparaît en 2006 avec une perte de 16 milliards mais se
survit néanmoins à lui même ( 2007 - avril 2013) ; Stéphane Richard, Directeur
de cabinet de J.L. Borloo, puis de C. Lagarde (2007-2009).
Dans la présente
et nouvelle version du jeu, on doit découvrir, non pas qui a sous la main le
furet qui circule dans le cercle des partenaires, mais celui ou celle (probablement
un ministre des finances, plus ou moins contraint ou pas) qui a mis en place
l'arbitrage. Le problème est qu'il y a eu trois ministres en 2007 et que les
deux autres principaux joueurs étaient aussi dans le coup !
Petite revue de
détail. Thierry Breton n'a cessé de manifesté son désaccord avec la procédure
d'arbitrage, accumulant les rapports, internes et externes, tous défavorables.
Il affirme avoir quitté le ministère sans avoir pris de décision à ce propos ce
qui semble très probable. On comprend cette prudence et ce choix de laisser à
son successeur un bébé aussi encombrant. Madame Lagarde qui succède à Monsieur
Borloo, ministre durant un mois, avec le même directeur de cabinet, Stéphane
Richard, prétend que les choses étaient déjà engagées quand elle est arrivée à
Bercy.
Tout dont tout
semble donc désigner Jean-Louis Borloo qui, par malheur pour lui, est un vieil
ami et un fidèle de Bernard Tapie dont l'arbitrage est alors le seul espoir vu
l'arrêt de la Cour de Cassation. Il nie pourtant tout rôle dans ce choix et nous y
reviendrons ici même.
Les deux autres
personnages mis en cause et qui s'accusent mutuellement désormais, sont certes
de hauts fonctionnaires, mais ils n'ont pu, sous leur seule responsabilité et sans
un ordre politique, engager une affaire si importante. Monsieur Rocchi, président
du CDR, peut certes demander l'arbitrage (ce qui n'est pas son intérêt) mais il n'est
pas en mesure d'en décider. Dans un système comme le nôtre, seul le ministre compétent
peut prendre pareille décision. Stéphane Richard est certes en place sous les
deux ministres successifs, Monsieur Borloo et Madame Lagarde, mais on ne voit
guère un directeur de cabinet prendre pareille décision sans en référer au
ministre et surtout sans avoir son accord formel.
Reste donc
Jean-Louis Borloo qui, de loin et sans preuve évidente, paraît tout désigné
pour prendre pareille décision, d'autant plus que son séjour à Bercy fut des
plus brefs et clairement transitoire. Ses liens d'amitié personnelle,
professionnelle et politique (MRG) ne plaident pas en faveur de ses
déclarations sur son refus d'accepter la
responsabilité de cette affaire.
Il s'est
prononcé de façon tout à fait officielle et publique sur cette affaire lors
d'une toute récente interview sur RTL qui est fort intéressante, non pas dans
le contenu même de sa déclaration, car il se borne à y déclarer liminairement que
"tout est faux" mais dans les images des quelques secondes qui
précèdent l'interview elle-même et que la technique a filmées et surtout retenues. On y
voit un Jean-Louis Borloo qui me fait furieusement penser à Rafael Nadal se
préparant à servir dans un match de tennis (on pourrait aussi tenter une
comparaison avec un néophyte qui se prépare à sauter à l'élastique d'un viaduc
de 250 mètres) ; clairement nerveux, Borloo y accumule, en effet, les mimiques, les gestes inutiles
et les grimaces, comme lorsque le tennisman espagnol ou l'apprenti sauteur vont
affronter une épreuve importante. C'est le signe à la fois d'une grande
nervosité et l'indice de formes de rituels rassurants.
Comme il y a
tout de même des documents et des archives à Bercy, à moins qu'ils n'aient été
volés ou perdus au ministère des finances, il y a forcément des traces de la prise
d'une pareille décision ; la police pourra donc très facilement établir et
identifier par son faux témoignage le premier coupable dans cette affaire, même
si ce choix a été inspiré ou imposé par les joueurs planqués sous la table ! A
cet égard, quoiqu'en dise H. Guaino qui juge le fait sans intérêt ni
signification, la vingtaine de contacts entre B. Tapie et N. Sarkozy relevée
dans les agendas du second, en pleine période électorale 2007 et que signale L.
Mauduit peuvent éclairer d'un jour nouveau et peut-être expliquer cette étrange
décision d'arbitrage que personne ne semble avoir prise .
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