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lundi 1 avril 2013

Armée française : la deuxième section


Oyez ! Oyez! Bonnes gens ! Oyez ! Ceci n'est point un conte ! C'est une histoire véritable, celle de la deuxième section des généraux de la France.

Petite correction liminaire, d'ordre linguistique ; il ne s'agit fort heureusement pas d'une "deuxième" section, car on aurait tout lieu de craindre alors qu'il n'en existe une troisième, voire une quatrième ; c'est, en fait, la "seconde" section, puisque la série des sections s'arrête après elle

Si la MIRVOG dont je parlais hier est de création très récente (2005), la deuxième section, unique en Europe et dans le monde, a le mérite de l'antiquité puisqu'elle a été créé sous Louis-Philippe, en 1839,  a une époque où les guerres consommaient plus de généraux que nos conflits modernes. Quel est le dernier général français mort au champ d'honneur ? Elle a été conçue, à l'origine, comme une sorte de vivier de généraux où, en temps de guerre, on pouvait puiser si besoin était. Nous n'en sommes fort heureusement plus là (surtout pour les généraux !).
 
La deuxième section se définissant naturellement, comme on l'imagine, par une différenciation d'avec la première, il est nécessaire de s'attarder un peu sur la condition de général qui, dans l'armée française, n'est pas exactement celle que l'on croit et demeure, en outre, assez mystérieuse car la Grande Muette est aussi fort discrète sur elle-même dans certains cas.

Comme le rappelait hier Expat, expert en la matière, "en devenant général, on entre paradoxalement dans un statut précaire, à savoir que la nomination au grade de général s'accompagne d'une durée de service maximal, dès lors qu'on n'est pas passé grade supérieur [...].Ce qui fait qu'avant 55 ans pour certains, on peut se retrouver placé d'office en deuxième section et dans une situation personnelle telle que la « retraite » puisse ne pas suffire pour l'assumer de façon correcte, tout en étant relatif bien entendu.". Ne sortez pas trop vite vos mouchoirs !

Pour les détails qui suivent, comme pour la description générale de la deuxième section des généraux, je me réfère aux travaux de l'ADEFDROMIL "qui défend les droits des militaires et s'est longuement penchée sur le sort et la condition de l'armée française", en notant d'ailleurs (et je la cite) que « la France dispose d'une armée professionnelle de plus en plus petite mais proportionnellement de plus en plus encadrée par des officiers. ».

Combien avons-nous de généraux ?

Selon une étude parue dans le Point en juin 2008 « le nombre des officiers généraux en activité (ce que les militaires appellent la "première section") était, fin 2007, de 633 ». Ce nombre est stable depuis une trentaine d'années puisqu'ils étaient 612 en 1975. On observera qu'il s'agit là de postes "budgétaires" et que, par conséquent, il est possible de nommer deux officiers sur un seul de ces postes, pour six mois chacun, pour leur permettre par exemple, de partir à la retraite avec un échelon supérieur.
 
Combien gagne un général ?

Là aussi règne le mystère qu'évoque Expat. Selon un article de Jean-Dominique Merchet, spécialiste des questions militaires, paru dans Libération en mai 2008 "la solde moyenne d'un officier général serait de 5850 €, moyenne d'une fourchette comprise entre 5200 et 6600 €.". Toutefois ce chiffre ne correspond, en fait, qu'à un peu plus de 50 % de la solde réellement perçue, puisqu'il ne s'agit là que de la solde de base brute mensuelle de général de division. En fait, la rémunération nette est bien plus élevée, de 46 à 60 %, en raison de l'existence de primes, comme dans toute la haute fonction publique, ce qui permet de majorer  les salaires, sans toucher à la fameuse grille de rémunération des fonctionnaires. ( Les records sont détenus, dit-on, par Bercy!).

Venons-en maintenant à la fameuse "deuxième section" créée en 1839 ! Fin 2007, elle comptait 5571 généraux, ce qui en théorie, selon les experts, permettrait d'alimenter en officiers généraux six armées des États-Unis !

Les avantages de l'inscription dans cette deuxième section sont considérables : tarif militaire SNCF, le fameux quart de place des amiraux et des généraux, soldes de réserve militaire avec maintien de abattement de 10 % pour frais professionnels que n'ont pas les retraités ordinaires ; un détail : les indemnités SNCF en 2008 se sont élevées à 3,1 millions d'euros pour les effectifs de la deuxième section. Quant à l'utilisation éventuelle de ces généraux de deuxième section, il est des plus réduits puisqu'en moyenne seuls cent généraux sur plus de 5500 sont rappelés chaque année!

Certes on peut admettre que le coût de cette deuxième section ne représente pas grand-chose dans le budget total de la Défense, mais la très faible utilisation de cette section et même, fait significatif, son omission dans la description de l'encadrement stratégique des Livres blancs comme dans les Lois de programmation militaire montre l'étrangeté de cette institution.

Peut-être, en revanche, faut-il prendre en compte la force de dissuasion morale qu'ajoute la deuxième section des généraux dans l'image de l'armée française comme dans le poids stratégique de notre nation dans le monde. En effet quel Etat serait assez fou pour s'attaquer à une armée comme la nôtre qui dispose de 6.204 généraux ?

3 commentaires:

Marc a dit…

Sans oublier les accès au mess des officiers, Madame ex accompagnant Monsieur ex.

J'ai fréquenté plusieurs fois le mess des officiers de Brest, à l'époque où je sévissais pour le compte de la Royale. Une majorité d'anciens parmi les dîneurs et le lieutenant de vaisseau qui me chapeautait m'avouait éviter de fréquenter ce lieu peuplé de vieilles gloires ...

Ce qui n'est pas le cas de l'armée de l'air où les officiers supérieurs sortent des écrans radars dès leur retraite.

J'ai le sentiment diffus que la deuxième section est une astuce "sociale" permettant de conserver un "certain" niveau de vie à nos gégènes et amiraux, le rappel d'officiers pouvant se faire par appel au cadre de réserve, à moins que je ne me trompe ?

Expat a dit…

L'accès aux mess!!!
Les mess ont fermé en rafale avec la professionnalisation, et dans ceux qui sont restés, sauf exception, les service est digne d'une cantine.
Par exemple, s'agissant de la royale, j'ai connu le mess de Lorient avant et après; Avant on pouvait y manger à tous les repas, ensuite, on pouvait juste y dormir et bénéficier d'un petit-déjeuner basique, avec les pots de confiture en plastique.
Il serait dommage de croire que les armées ont conservé certains attributs corrélés peut-être à une certaine ancienne position sociale des officiers, mais qui n'existait déjà plus quand j'étais en service, et qui, restons sérieux, n'avaient rien à voir avec les prestations offertes par certains CE.

S'agissant de la deuxième section, les informations que j'ai est que son aménagement est à l'étude pour qu'effectivement à partir d'un certain âge, les généraux soient placés d'office en position de retraite.

S'agissant des propos d'Usbek, deux choses:
d'abord une anecdote : il y a une bonne quinzaine d'années, comme quoi le problème d'affichage était déjà perçu, un chef d'état-major de l'armée de terre a pondu une directive interdisant les généraux deuxième section de porter leur uniforme lors des cérémonies militaires, justement à cause de l'effet "armée mexicaine". Ce qui au poste que j'occupais à l'époque m'a valu quelques avoinées de la part de quelques généraux dans cette position, en fait surtout ceux qui étaient passé "quart de place" comme on dit pour désigner ceux qu'on nomme directement en deuxième section à partir du grade de colonel et qui donc n'ont jamais eu 'occasion de sortir leur képi orné de feuilles de chêne.
La seconde est qu'il faut parfois se méfier de l'ADEFDROMIL. Pour cela il fait comprendre la génèse de la création de cette association. Elle est le fait d'un capitaine, vieux routier de la GRH dans les armées, et qui n'a pas pu bénéficier d'un réel avantage qui existait à une époque et qu'on appelait le double jump, à savoir une nomination au grade supérieur au départ à la retraite et la retraite du grade encore supérieur. C'était une incitation généreuse au départ qui avait été détournée souvent par ceux qui pouvaient au moins initier son attribution.Donc n'ayant pu pour une raison que j'ignore en profiter le capitaine en question est parti à la retraite en état de rébellion avec les armées. Tout ça pour dire que les motivations de certains des membres de l'association sont un peu douteuses. En tout cas, ils ont réussi à faire supprimer le double jump, en tant qu'outil de gestion des personnels, en conseil d'Etat, faute d'avoir pu l'obtenir.

Marc a dit…

J'ai fréquenté la cantines de la royale et celles de l'air entre 1995 et 2000.
Si la situation a évolué compte tenu de la professionnalisation des armées, dont acte.