Suis-je donc bête
! Après avoir écrit 1844 posts depuis que j'ai ouvert mon premier blog au
Nouvel Observateur, (j'ai fait le compte ce matin, après avoir discuté de ce
nombre hier avec une amie), je me suis aperçu, il y a deux jours seulement, que
la clé du mystère politique majeur que connaît la France actuellement réside
dans une simple particularité lexicale de notre langue.
Tout le monde
s'accorde en effet sur la nécessité de simplifier la structure et la vie
administratives de la France, ce qui ne peut qu'entraîner la réduction du
nombre des élus (près de 600.000 en tout) et, de ce fait, du nombre des mandats
et par voie de conséquence des opportunités de leur cumul. Mais, en même temps,
il est clair qu'une grande majorité de ces élus, quelle que soit le position théorique
qu'ils prennent sur ces questions, sont profondément hostiles à une telle
réforme du seul et simple fait que ce mot "mandat" à deux sens très différents
en français, sens que distingue très nettement ma bible en cette matière, le Trésor de la langue française.
Le premier sens est
le suivant :
"Charge
publique élective, notamment fonction de membre d'une assemblée d'élus; p.
méton. durée de cette fonction. Mandat de député; mandat législatif,
parlementaire; expiration du mandat; demander, solliciter le renouvellement de
son mandat. Mon mandat de sénateur, et d'anciennes camaraderies, m'ont permis
de pénétrer partout, de contrôler moi-même toutes mes informations (MARTIN
DU G., J. Barois, 1913, p. 367).'
Alors que le deuxième, sans grand
rapport évident avec le précédent est
"
Mandat de paiement
ou, absol., mandat. Titre par lequel une personne donne ordre de payer à
un tiers une certaine somme. Mandat sur le trésor. Il m'a donné un mandat
sur son notaire, sur son correspondant. Mandat
postal, mandat-poste ou, absol., mandat. Titre
délivré par un bureau de poste, contre paiement d'une taxe, constatant la
remise d'une somme d'argent avec ordre d'en faire le versement à une personne
déterminée; p. méton. la somme d'argent versée. Mandat international,
mandat de virement. Il m'expédie, par mandat télégraphique et avant livraison
du manuscrit, deux cents francs sur mes droits d'auteur (BLOY, Journal, 1896,
p. 235). "
La conséquence
de cet collision lexicale est d'une simplicité biblique : réduire le nombre des
mandats (au premier sens) et en empêcher le cumul a pour conséquence immédiate, directe
et majeure pour les élus, la réduction du nombre des mandats (au deuxième sens
du terme, même s'il s'agit plus aujourd'hui de virements bancaires que de
mandats postaux!).
Peut-on espérer,
dès lors, que des élus, quelles que soient les positions qu'ils
prennent sur le plan théorique et leurs arguments en faveur du cumul, acceptent
volontiers de voir réduire les émoluments que leur rapportent leurs divers
mandats (au premier sens).
Vu leur peu de familiarité avec le Trésor de la langue française, ils ne
savent sans doute pas, en outre, que la locution verbale « déposer son mandat »,
au figuré signifie "mourir"! Reprenons une fois encore le TLF : Loc. verb, au fig. Déposer son
mandat (vieilli,
fam.). Mourir. M. Mallet du Gard a déposé son mandat. C'est l'euphémisme
qu'on emploie à Versailles (Le Figaro, 10 déc. 1878 dans RIGAUD,
Dict. arg. mod., 1881, p. 238).
Une solution à
ce problème que nul n'évoque sous cet angle a été suggérée par Monsieur René
Dosière qui, pourtant, ne me semblait guére y croire ; elle consisterait à
permettre le cumul des "mandats" (charges publiques électives), mais
en réduisant le "mandat" dy paiement des indemnités afférentes à une seule de ces charges. En d'autres
termes, on pourrait avoir plusieurs "mandats", mais en ne touchant de
"mandat" que pour un seul de ces "mandats", les autres étant
exercés à titre gracieux c'est-à-dire sans "mandat" puisque le cumul
est, à soi seul, à les entendre, si riche d'enseignements pour celui qui en bénéficie.
Je doute fort
toutefois que nos élus acceptent cette solution et, plus encore, qu'ils en
votent le principe, puisqu'après tout, de telles décisions ne dépendent que
d'eux. Malheureusement, en effet, la France ne connaît pas une autre sorte de
mandat qui est le "mandat impératif" que le TLF définit en ces termes
:
"Mandat impératif. Mode
de représentation politique selon lequel l'élu doit se conformer aux directives
de ses électeurs qui peuvent le révoquer. En droit public français, le
mandat impératif est prohibé (CAP. 1936): Vous qui, en dépit des mandats
impératifs qui vous disoient de voter par ordre, avez cru néanmoins que des
circonstances impérieuses vous autorisoient à les oublier. ROBESP., Discours,
1789, p. 89."
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