À écouter ce matin Monsieur Sapin,
en charge de nos finances, qui nous expliquait comment il allait faire des
économies pour trouver les 50 milliards escomptés, je songeais que je venais
d'écouter, juste avant, Monsieur Morandini qui nous avait livré, comme
d'habitude, une information aussi essentielle qu’« exclusive ». J’en
ai oublié d’étonnement le sujet que je voulais aborder ce matin !
N'ayant pas retrouvé cette
nouvelle dans les infos du matin sur Google, je me demande s'il ne s'agit pas d'un
canular, mais en tout état de cause, je vous la livre néanmoins sous ces
réserves car le problème est ailleurs.
Monsieur Morandini en effet nous a
informé que Ségolène Royal avait diffusé, dans son ministère de l'écologie et de
je ne sais plus trop quoi, une circulaire interne invitant le personnel féminin
dudit ministère à venir au bureau dans une tenue décente ; elle ajoutait à
cette injonction que désormais les tournées (sans doute d'inspection de la
longueur des jupes et de la profondeur des décolletés) de Madame la Ministre y seraient
annoncées par un huissier, chargé d'aviser le petit peuple de l'arrivée de
Madame Royal(e).
Je ne doute pas que Ségolène s'est
inspirée sur ce point de ses souvenirs de la faculté de droit, puisque ces
établissements universitaires sont les seuls dans lesquels les professeurs sont
encore précédés eux-mêmes d'un « appariteur » chargé d'annoncer aux
étudiants l'arrivée du maître.
Cette annonce m’a fait me souvenir
alors d’une photo que j'avais vue la veille, sur laquelle on voyait
Aquilino Morelle sortir de l'Élysée, accompagné d'un jeune huissier (dont la
tenue traditionnelle indiquait la qualité) qui, les bras ballants, se tenait
sur le pas de la porte, tandis que le conseiller spécial portait avec sa main
gauche une petite serviette. Je n'ai pas compris comment un homme qui se fait
cirer ses chaussures à grands frais (… de l'État sans doute : 35 € la paire !),
dans un salon spécial, sous des lambris dorés, peut voisiner avec un huissier chargé de l'accompagner
et porter lui-même sa serviette ! Laissons ce mystère.
Ces deux faits mettent en évidence
néanmoins un problème que je me suis souvent posé à voir les représentations
données pour la télévision à l'Assemblée nationale et au Sénat et qui est la
suivante : « À quoi peuvent donc bien servir actuellement les huissiers de ces
assemblées ? ».
La seule utilité que je leur voie
est de perpétuer une tradition et sans doute, pour ceux de certains ministères,
d’offrir un bassin d'emploi. Pendant longtemps (je reste dans le vague pour ne
plus fréquenter ces établissements), les huissiers y étaient souvent des
Pondichériens. Cette tradition s'est peut-être arrêtée, mais elle s’est
prolongée bien au-delà du moment où nous avons perdu nos comptoirs de l’Inde. Il
y avait là, en tout cas, une touche exotique qui s'ajoutait à l'élégance de la
tenue, puisque ces huissiers de la République arborent tous le frac avec
chemise et nœud papillon blancs, sans parler de la chaîne dorée, insigne de
leurs fonctions, qu’ils portent toujours si joliment.
Le problème est qu'on se demande à
quoi ils servent quand ils ne sont pas dans les couloirs et les antichambres
pour guider les visiteurs, ce qui n'est évidemment pas le cas de ceux
l'Assemblée nationale et du Sénat. Ces derniers servaient essentiellement
autrefois à apporter, en séance et sur la pointe des pieds, les petits billets
que les sénateurs et députés échangeaient entre eux pour se distraire de
l'éternel ennui de leurs séances. Il n'en est éventuellement plus rien
désormais puisque ces représentants de la nation française passent leur temps
sur leur téléphone portable et leur iPhone à échanger des SMS ou à faire leur
courrier de cette nature. Les pauvres huissiers, oisifs, sont donc assis ici ou
là et traînent un mortel ennui dont ils sont rarement distraits par quelque
député ou sénateur rétrograde.
Vu les conditions de traitement qui sont les leurs (un
huissier gagne certainement bien plus de 3000 € par mois), on pourrait aisément
en réduire le nombre et surtout les convertir à des tâches plus utiles et au
moins réelles, car il ne leur en reste guère à accomplir dans l'exercice
traditionnel de leur fonction.
Pensez-y Monsieur Sapin, même s’il faut au moins sur
cette question une commission parlementaire mixte et un groupe de réflexion,
sans parler du syndicat des huissiers et du lobby des fabricants de chaînes
d’huissiers et de nœuds-papillons blancs!
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