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jeudi 24 avril 2014

Lino et Ségo


À écouter ce matin Monsieur Sapin, en charge de nos finances, qui nous expliquait comment il allait faire des économies pour trouver les 50 milliards escomptés, je songeais que je venais d'écouter, juste avant, Monsieur Morandini qui nous avait livré, comme d'habitude, une information aussi essentielle qu’« exclusive ». J’en ai oublié d’étonnement le sujet que je voulais aborder ce matin !
N'ayant pas retrouvé cette nouvelle dans les infos du matin sur Google, je me demande s'il ne s'agit pas d'un canular, mais en tout état de cause, je vous la livre néanmoins sous ces réserves car le problème est ailleurs.
Monsieur Morandini en effet nous a informé que Ségolène Royal avait diffusé, dans son ministère de l'écologie et de je ne sais plus trop quoi, une circulaire interne invitant le personnel féminin dudit ministère à venir au bureau dans une tenue décente ; elle ajoutait à cette injonction que désormais les tournées (sans doute d'inspection de la longueur des jupes et de la profondeur des décolletés) de Madame la Ministre y seraient annoncées par un huissier, chargé d'aviser le petit peuple de l'arrivée de Madame Royal(e).
Je ne doute pas que Ségolène s'est inspirée sur ce point de ses souvenirs de la faculté de droit, puisque ces établissements universitaires sont les seuls dans lesquels les professeurs sont encore précédés eux-mêmes d'un « appariteur » chargé d'annoncer aux étudiants l'arrivée du maître.
Cette annonce m’a fait me souvenir alors d’une photo que j'avais vue la veille, sur laquelle on voyait Aquilino Morelle sortir de l'Élysée, accompagné d'un jeune huissier (dont la tenue traditionnelle indiquait la qualité) qui, les bras ballants, se tenait sur le pas de la porte, tandis que le conseiller spécial portait avec sa main gauche une petite serviette. Je n'ai pas compris comment un homme qui se fait cirer ses chaussures à grands frais (… de l'État sans doute : 35 € la paire !), dans un salon spécial, sous des lambris dorés,  peut voisiner avec un huissier chargé de l'accompagner et porter lui-même sa serviette ! Laissons ce mystère.
Ces deux faits mettent en évidence néanmoins un problème que je me suis souvent posé à voir les représentations données pour la télévision à l'Assemblée nationale et au Sénat et qui est la suivante : « À quoi peuvent donc bien servir actuellement les huissiers de ces assemblées ? ».
La seule utilité que je leur voie est de perpétuer une tradition et sans doute, pour ceux de certains ministères, d’offrir un bassin d'emploi. Pendant longtemps (je reste dans le vague pour ne plus fréquenter ces établissements), les huissiers y étaient souvent des Pondichériens. Cette tradition s'est peut-être arrêtée, mais elle s’est prolongée bien au-delà du moment où nous avons perdu nos comptoirs de l’Inde. Il y avait là, en tout cas, une touche exotique qui s'ajoutait à l'élégance de la tenue, puisque ces huissiers de la République arborent tous le frac avec chemise et nœud papillon blancs, sans parler de la chaîne dorée, insigne de leurs fonctions, qu’ils portent toujours si joliment.
Le problème est qu'on se demande à quoi ils servent quand ils ne sont pas dans les couloirs et les antichambres pour guider les visiteurs, ce qui n'est évidemment pas le cas de ceux l'Assemblée nationale et du Sénat. Ces derniers servaient essentiellement autrefois à apporter, en séance et sur la pointe des pieds, les petits billets que les sénateurs et députés échangeaient entre eux pour se distraire de l'éternel ennui de leurs séances. Il n'en est éventuellement plus rien désormais puisque ces représentants de la nation française passent leur temps sur leur téléphone portable et leur iPhone à échanger des SMS ou à faire leur courrier de cette nature. Les pauvres huissiers, oisifs, sont donc assis ici ou là et traînent un mortel ennui dont ils sont rarement distraits par quelque député ou sénateur rétrograde.
Vu les conditions de traitement qui sont les leurs (un huissier gagne certainement bien plus de 3000 € par mois), on pourrait aisément en réduire le nombre et surtout les convertir à des tâches plus utiles et au moins réelles, car il ne leur en reste guère à accomplir dans l'exercice traditionnel de leur fonction.


Pensez-y Monsieur Sapin, même s’il faut au moins sur cette question une commission parlementaire mixte et un groupe de réflexion, sans parler du syndicat des huissiers et du lobby des fabricants de chaînes d’huissiers et de nœuds-papillons blancs!

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